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Politique Publié le mercredi 25 mai 2011 | Le Nouveau Réveil

Le président Mamadou Koulibaly (président par intérim Fpi) :“La libération de Laurent Gbagbo n`est pas ma priorité”

Invité de RFI, hier mardi 24 mai 2011, le professeur Mamadou Koulibaly, N°3 du Fpi et par ailleurs président de l'Assemblée nationale, a fait un tour d'horizon de l'actualité socio-politique du pays. Il a parlé notamment de la vie de son parti déchu.

Mamadou Koulibaly, pourquoi êtes-vous allé à l'investiture d'Alassane Ouattara, le samedi dernier ?

C'est par devoir républicain. La Côte d'Ivoire s'est donné un président de la République et en tant que président de l'assemblée nationale, je devrais y être.

Est-ce que cela veut dire que personnellement, vous reconnaissez Alassane Ouattara comme le président de la Côte d'Ivoire ?

Oui, ça ne date pas d'aujourd'hui. J'ai déjà signé pour le compte du Front populaire ivoirien une déclaration qui le disait.

A quel moment aviez-vous compris que Laurent Gbagbo avait perdu l'élection ?

Après la décision du panel. Le panel ayant conclu que le vainqueur était Ouattara. Il fallait que tous les partisans se rendent à l'évidence que Ouattara était président.

C'est après le sommet du 10 mars à Addis-Abeba que vous vous êtes dit : c'est terminé !
Je n'ai pas la date exacte en tête.

Au premier tour, Laurent Gbagbo est arrivé avec 6 points d'avance sur Alassane Ouattara. En ce moment-là, pouvait-il encore gagner, c'est ça?

Oui, il était encore possible si nous avions eu un discours plus rassembleur. Si nous ne nous étions pas focalisés sur des discours qui divisent, qui affaiblissent. C'était un moment-clé.

Et le Fpi n'a pas su obtenir le ralliement du Pdci d'Henri Konan Bédié ?

Pas du Pdci mais de l'électorat du Pdci, mauvaise stratégie.

Mamadou Koulibaly, l'échec du Fpi, n'est-ce pas l'échec d'une expérience du socialisme en Afrique de l'Ouest?

Est-ce qu'elle était vraiment socialiste ? Est-ce que nous avions vraiment appliqué notre programme de gouvernement ou est-ce que nous avons fait autre chose ? Je me pose des questions.

Ces dix dernières années, votre parti n'a pas fonctionné en double commande, c'est-à-dire en direction officielle. Disons un cabinet plus secret

Oui, nous sommes tombés dans le piège des partis qui accèdent au pouvoir et qui se laissent entrainer par l'ivresse du pouvoir. La personnalité de Laurent Gbagbo était telle, c'est vrai.

Le rôle de l'armée française dans la chute de Gbagbo Laurent, ça vous choque ?

C'était dans la logique des choses dans la mesure où nous avions signé l'accord politique de Ouaga. Il était évident que les choses allaient se terminer de cette façon-là.

Vous ne dites pas comme ça, en tant que partisan de Laurent Gbagbo, qu'on assiste à une recolonisation de la Côte d'Ivoire ?

Non. On assiste à une remise en ordre de la Côte d'Ivoire. Là où nous, Fpi, avions été incapables. On aurait eu notre gouvernement à nous, on aurait peut-être mieux géré la situation qu'il n'y aurait pas eu de rébellion et qu'on n'en serait pas là où nous sommes aujourd'hui. Mais dans le gouvernement mélangé, on a pensé que tout baignait dans l'huile.

Or, l'ennemi nous attendait au tournant. Et on a été victime de notre grande naïveté.

Le maintien d'une base militaire française à Abidjan, Port-Bouët, qu'est-ce que vous en pensez ?

De mon point de vue, il n'est pas admissible qu'aujourd'hui encore les choses se passent entre Paris et Abidjan comme elles se sont passées en 45-46 ou en 1960. L'assistance permanente de la France en matière monétaire, financière et politique est de nature à infantiliser ces Etats. Mais pour moi, ce n'est qu'une période passagère. Le moment viendra où les mêmes Etats responsables s'asseyeront à une même table pour renégocier et signer d'autres accords.

Quelle est la dernière fois que vous aviez parlé avec Laurent Gbagbo ?

Le lendemain du jour où Affi N'guessan est rentré d'Addis-Abeba avec les conclusions du panel. Nous nous sommes rencontré, on a parlé de ces conclusions.

Vous lui aviez conseillé en ce moment-là peut-être de renoncer et de reconnaître la victoire de son adversaire ?

Je garde ça pour moi.

Et depuis plus aucun contact ?

Par la suite, moi, je suis allé à Accra jusqu'au 11 avril.

Quand vous lui aviez dit cela, il n'a pas dû apprécier ?

Je lui ai dit quoi (rires). Je lui ai dit quoi ? Quand j'ai eu des démarches auprès des principaux responsables politiques qui me faisaient taper dessus, j'ai préféré m'installer à Accra, attendre la fin pour revenir lorsque l'accalmie sera arrivée ou lorsqu'ils auraient conclu leur jeu.

Est-ce que vous aviez été menacé par des durs du régime de Laurent Gbagbo ?

De part et d'autre, les durs des deux camps. Et ce n'est pas facile de se tenir au milieu avec des tirs croisés de part et d'autre.

Vous aviez tenté une médiation dans le courant du mois de mars ?

Même avant le mois de mars dans le tout début du mois de décembre. Nous étions encore à 10 ou 15 morts, justement après l'investiture du président Gbagbo. Je suggérais l'idée que les deux camps, comme en Afrique, c'est comme ça que ça se passe en général. Lorsqu'il y a une crise post-électorale et puis lorsqu'on est à 500, 600 morts, on utilise ces morts comme moyens de pression pour rapprocher les deux camps. Et puis aller à un gouvernement d'union. Et puis des amis à moi ont contacté des cadres autour de Ouattara.

Et Ouattara nous a reçus au Golf, des amis et moi. Nous y sommes allés nuitamment et secrètement. Et je lui ai demandé s'il ne serait pas bien que Gbagbo et lui se rencontrent secrètement pour éviter à la Côte d'Ivoire le chaos. On était dans un jeu de bras de fer.

Personne ne m'a vraiment écouté.

Que pensez-vous des camarades Fpi qui sont exilés aujourd'hui au Ghana et qui rêvent de revanche ?

J'en ai rencontré très peu qui rêvent de revanche. Je les ai vus arriver presque tous. Nous n'avons pas beaucoup de contacts physiques, mais nous nous parlons au téléphone. Tous ne rêvent que d'une chose : revenir rapidement en Côte d'Ivoire. Et ils ont la peur de se faire arrêter ou tuer. Ils sont désargentés avec leurs familles, des enfants qui ne vont pas à l'école, mais ils n'ont pas l'intention de revanche ou d'un coup d'Etat.

Avez-vous les nouvelles de Charles Blé Goudé ?

Non, aucune nouvelle.

Demain si Alassane Ouattara vous demande d'entrer dans un gouvernement d'union, qu'est-ce que vous lui répondrez ?

Si j'arrive à organiser, avec l'appui du Secrétaire général du Fpi, une réunion du comité central qui décide que nous devons répondre positivement à l'invitation du président de la République à entrer au gouvernement, j'aviserai. Mais ma position, c'est que l'Afrique n'a pas besoin de gouvernement d'union. Mais lorsque l'on va aux élections qu'un gagne, ma philosophie, c'est qu'il prenne l'entièreté du pouvoir, il l'assume complètement pendant la durée de son mandat.

Est-ce qu'exceptionnellement, vu la crise, la guerre qui s'est produite, il ne faut pas faire un geste de réconciliation et faire entrer dans un gouvernement les principaux partis du pays ?

C'est le raisonnement que nous avions tenu en 2000 quand Laurent Gbagbo a gagné les élections. Ça s'est terminé par la guerre. Aujourd'hui, si l'on veut aller à la réconciliation, le gouvernement d'union n'est pas forcément la solution. Il faut déjà renoncer à la vengeance judicaire et permettre que l'opposition s'organise et que l'opposition ait le droit d'exister. En étant dans l'opposition, nous pouvons contribuer à la réconciliation.

Il faut renoncer à la vengeance judiciaire. Est-ce que vous voulez dire qu'il faut libérer Laurent Gbagbo ?

Je pense qu'on peut lui reprocher tout ce qu'on veut, mais il faut reconnaître qu'il n'est pas le seul à avoir commis toutes les fautes commises. Je ne dis pas au président de la République Ouattara de ne pas faire la justice, mais je dis qu'un bon geste de réconciliation serait aussi de montrer qu'il est capable de pardonner à Gbagbo et à tous les militants de son parti qui sont en ce moment incarcérés à la Pergola, à Odiénné et à Korhogo.

Est-ce que c'est votre priorité la libération de Laurent Gbagbo et tous vos anciens camarades qui sont en résidence surveillée ?

Non, le Fpi n'est pas en mesure aujourd'hui de poser des préalables, ce n'est pas la priorité. Mais si vous ne pouvez pas juger tous les criminels alors, pourquoi ne pas renoncer à cette vengeance et établir un processus qui libérerait tout le monde mais en donnant quand même des leçons à tout le monde ou bien vous prenez tout le monde ou bien vous ne faites rien ?

Et si vous faites des choses à moitié, ce serait créer des injustices. Et ça peut être source de nouvelles haines, de nouvelles frustrations qui sont de moteurs très, très puissants d'instabilité politique, surtout en Afrique.

Est-ce que vous ne dites pas ça aussi parce qu'actuellement le Fpi est décapité et que vous n'êtes peut-être pas en mesure de réunir un comité central parce qu'il y a trop de monde en prison ?

Oui, c'est possible, décapité et surtout apeuré. Les cadres et les militants qui sont à l'étranger ne sont pas chauds pour revenir maintenant parce qu'ils ont peur. Ceux qui sont à Abidjan n'osent pas sortir. Et puis les cadres ne comprennent pas toujours pourquoi certaines personnes sont harcelées et d'autres pas. Quels sont les critères qui permettent d'arrêter un tel plutôt qu'un tel autre ? Et lorsque des réunions sont prévues, de nombreux cadres et militants promettent de venir mais aux heures de réunion, on ne les voit pas. Ils me disent tous : Mamadou est-ce que tu nous garantis la sécurité ? Je leur dis que je suis incapable puisque le ministre de l'Intérieur lui-même me dit que pour le moment, il doit avouer qu'il ne maîtrise complètement pas tous ceux qui ne sont pas en ville.

Est-ce que le Fpi est mort ou est-ce qu'il pourra revenir au pouvoir un jour ?

Le Fpi n'est pas mort, le Fpi est très affaibli.

Vous vous donnez combien de temps dans l'opposition, 5 ans, dix ans, peut-être plus ?

A court terme, 5 ans. C'est quasiment sûr que les législatives à venir vont être catastrophiques pour nous, mais je pense que dans cinq ans, le président Ouattara trouvera en face de lui un candidat Fpi de taille.

Vous êtes le président par intérim, êtes-vous prêt à devenir le président du nouveau Fpi ?

Le président du Fpi est pour le moment incarcéré et je me bats pour qu'il puissent retrouver la liberté. Et c'est le congrès qui décidera. Cela ne fait pas partie de mes plans à moyen et long termes pour le moment.

Si le prochain congrès du Fpi vous demande de prendre la présidence du parti, est-ce que vous irez ?

Oui, je l'accepterai. Si le congrès le demande et si je suis candidat mais ce n'est pas encore dans mes priorités. La priorité, c'est d'abord de reconstituer cette opposition républicaine face à Ouattara. Il n'est pas question que l'on retombe dans un régime de parti unique. Si dans cette dynamique, je réussissais, alors Ouattara pourrait avoir en face de lui une bonne opposition et ce serait ma contribution à la réconciliation. Mais si j'échouais sur ce terrain, que le Fpi disparaissait, alors M. Ouattara aurait en face des factions dispersées sur l'ensemble du territoire et organisées n'importe comment qui lui rendraient la vie très difficile.

Et ça, ce n'est pas souhaitable.

Qu'il y ait des velléités au sein du Rhdp, de pérenniser la structure Rhdp donc concrètement que le Rdr "rejoigne" la maison mère le Pdci. Donc est ce que vous ne craignez pas que votre pays, la Côte d'Ivoire, se retrouve en fait avec un Rhdp qui règne en maître ?

Le risque existe, on se retrouverait dans les partis uniques et les partis uniques vivent dans la peur.

Craignant un coup d'Etat, un assassinat, une instabilité et je ne pense pas qu'il en ait besoin. Par contre, s'ils arrivent à s'organiser pour reconstituer l'ancienne famille Pdci d' Houphouët et sans nous embastiller, sans bloquer nos comptes, sans nous tuer, qu'ils nous permettaient d'organiser nous aussi le Cnrd en face, en grand mouvement d'opposition, on irait vers un bipartisme en Côte d'Ivoire. Un grand parti au pouvoir et un grand parti d'opposition. C'est possible, c'est jouable et c'est dans ce sens-là que j'aimerais, avec quelques amis, le secrétaire général, pouvoir travailler. Créer en face du Rhdp un grand parti d'opposition.

Propos recueillis sur Rfi par Dieusmonde Tadé
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