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Société Publié le mercredi 25 mai 2011 | Le Patriote

Dossier / Hôpitaux publics - La gratuité des soins bute sur le manque de médicaments

© Le Patriote Par Kouamé Guy
Bataille d`Abidjan: le ministre Dosso Moussa rend visite aux blessés internés au CHU de Bouaké
Jeudi 14 avril 2011. Bouaké. Le ministre Dosso Moussa apporte le réconfort du chef de l`Etat et de son premier ministre aux combattants des FRCI blessés lors des combats d`Abidjan
Afin de soulager un temps soi peu la population, qui a subi de plein fouet la crise postélectoral, le Président de la République, Alassane Ouattara, a pris la décision de rendre gratuit les soins dans les hôpitaux publics. Si elle est effectivement entrée en vigueur, la mesure présidentielle a cependant du mal à être appliquée dans certains hôpitaux où on déplore une pénurie de médicaments.
Ce jeudi 5 mai 2011, à 9 heures passées, la cour de l`hôpital général de Koumassi grouille de monde. L`entrée des différents services (dispensaire, gynécologie, consultation post natale,) sont pris d`assaut par de nombreuses personnes. Devant le laboratoire, des femmes forment une longue file, attendant chacune son tour de passage. Dame K. A vient de sortir du laboratoire, l`air plutôt satisfaite. Venue pour un examen de sang, elle nous confie : « on ne paie rien, même pas le ticket d`entrée ». Elle n`est pas seule à savourer sa joie devant la gratuité des soins. Mme Koffi, éducatrice, affirme qu`elle n`a pas payé les 200 FCFA de la pesée de son bébé de 13 mois. Mais, bémol : elle a dû débourser la somme de 13 500FCFA pour faire un vaccin contre la polio, du nom d`Avascum 80. Vaccin qu`elle devra renouveler dans deux mois, cette fois au prix de 11350 FCFA. D`où ce mélange de perplexité et d`irritation : « pourquoi les vaccins ne sont-ils pas gratuits eux aussi ? Pourquoi sont-ils si chers, ce n`est pas normal », fulmine-t-elle.
Le dispensaire est lui aussi bondé de monde. M. Koffi vient de finir la consultation de son fils, qui a des teignes sur la tête. Il se réjouit de ne pas avoir eu à payer quelque chose. L`enfant étant assuré, il a préféré se procurer les médicaments prescrits par le médecin dans une pharmacie privée. Ce qui n`est pas le cas pour les nombreuses personnes en rang devant la pharmacie de l`hôpital, dont un bon nombre risque de ne pas obtenir les médicaments prescrits par le docteur. Comme beaucoup d`autres patients, elles devraient s`entendre à cette fâcheuse litanie de la part de la caissière : « Revenez dans quelques jours, les médicaments ne sont pas encore arrivés !». Le constat de la pénurie de médicament est pour le moins amer, en effet. M. Evariste Niamblé, préparateur et gestionnaire en pharmacie, le confirme sur le ton de la désolation : « La pharmacie n`a plus grand-chose, nous sommes à bout de souffle. Tout ou presque a été distribué, de sorte que nous manquons un peu de tout : antipaludéens, antibiotiques, antiulcéreux, antalgiques et même paracétamols. Nous sommes vraiment débordés par le traitement des ordonnances que nous devons déposer à la pharmacie de la santé publique (PSP). C`est avec ces ordonnances que nous pouvons justifier la gratuité des médicaments que nous donnons aux malades», indique-t-il. Or, selon lui, la dernière commande passée auprès de la PSP tarde à être livrée.

Pas de médicaments
Si l`hôpital de Koumassi manque actuellement de médicament, cela est dû selon son directeur, M Alla Narcisse Koffi, au fait qu`on y a très vite commencé à soigner gratuitement les malades. « Avant l`annonce officielle par le gouvernement de la gratuité des soins, l`hôpital donnait déjà des soins gratuits avec l`aide d`une équipe suisse de Médecin Sans Frontière. L`affluence était déjà importante avant même la décision gouvernementale et nous recevions quotidiennement au minimum 400 à 500 malades. C`est cela qui explique la pénurie actuelle et quand bien même l`UNICEF nous a livré des médicaments, le stock s`est vite épuisé», explique t-il. Ce manque de médicament et de matériel, poursuit M. Alla, met à mal cette gratuité. D`autant que, selon notre interlocuteur, même si les examens de sang, les échographies et les radios sont gratuits, il se pose à eux le problème de manque de matériel adéquat. L`hôpital ne pouvant procéder aux recouvrements, l`argent manque pour acheter les films et les et les réactifs de laboratoire.
Autre lieu, même réalité. L`hôpital général de Port-Bouët. Difficile de se frayer un chemin à l`entrée des différents services. L`urgence médicale, la pédiatrie et la pharmacie sont noires de monde. Le soleil et la forte chaleur - et bien sûr, le manque de médicament - rendent nerveux les malades. « C`est vrai que je n`ai pas payé de ticket de consultation, mais à la pharmacie, on m`a fait savoir qu`il n`y a pas de médicament. Peut-être qu`on refuse de nous donner les médicaments», se lamente dame Coulibaly Aramatou, venue en consultation avec son bébé d`un an un mois. A la pédiatrie, le médecin se dit débordé par l`affluence des patients. « Vous constatez vous-même l`affluence. Les soins sont bel et bien gratuits », soutient-il, en nous montrant le reçu estampillé «gratuit ». « C`est ce reçu que nous donnons aux malades pour aller prendre les médicaments », explique t-il.
Même les services d`ordinaire peu fréquentés, sont en manque de matériel. Et ce n`est pas la dentiste de l`hôpital, Dr Kouakou qui dira le contraire. « Normalement tout est gratuit. Les gens viennent nous voir pour enlever leur dent. Ce que nous ne pouvons faire, car nous n`avons pas le matériel. Nous ne pouvons que leur prescrire des calmants. Nous avons passé des commandes auprès de la PSP, mais nous n`avons pas encore été livré », constate-elle. A l`hôpital général d`Abobo, les malades sont beaucoup plus chanceux. Ils arrivent à avoir les médicaments après consultation. Le tout gratuitement. Il faut dire que l`hôpital de la commune la plus peuplée d`Abidjan est devenu est un gigantesque camp de Médecin Sans Frontière. L`ONG a installé un peu partout des tentes dans la cour. D`autres servent même de salle d`hospitalisation. Pour avoir les médicaments de son enfant qui souffre de maux d`yeux, dame Marceline nous confie qu`elle a quitté son domicile à 5 heures du matin. Et ce n`est qu`à 13 heures 40 minutes qu`elle a eu les médicaments. « J`ai eu de la chance, d`autres étaient là depuis la veille », se réjouit-elle. Devant la tente qui sert de pharmacie, une jeune fille sort, tenant plusieurs ordonnances en main, elle fait l`appel. Les « heureux élus » entrent dans la pharmacie et ressortent avec des médicaments. Pour la plupart, ce sont des paracétamols, des sirops pour enfants, ou encore des antibiotiques.
Aucun agent n`a accepté de nous le confirmer officiellement. Mais plusieurs patients rencontrés dans les formations sanitaires soutiennent que le personnel de santé leur soutire de l`argent pour avoir rapidement les médicaments. « Mon enfant avait besoin de sang. L`infirmier m`a dit que l`hôpital n`avait pas de poche de sang. Mais devant moi, je l`ai vu prendre de l`argent avec les parents d`un malade en échange du sang. Ayant compris le système, j`ai négocié avec lui et il m`a trouvé du sang moyennant 8500FCFA », nous explique tout en colère le parent d`un malade.

Des agents complices de la fraude
Ainsi pour les malades, il ne fait l`ombre d`aucun doute que l`absence de médicaments dans les pharmacies est due aux agents véreux. « Pendant qu`on dit qu`il n`y a pas de médicaments, nous voyons des agents entrer dans la pharmacie et en sortir avec des médicaments. Pourtant, ils ne sont pas malades », accuse une malade à l`hôpital général de Koumassi. Ainsi, plusieurs malades rencontrés nous ont confié que les agents leur vendaient les médicaments officieusement. Selon ces patients, ces agents indélicats profitent de l`affluence pour faire de la rétention et servir ceux qui consentent à leur donner un peu de sou. « Si tu ne fais pas cela, tu risques de passer toute la journée à l`hôpital », confie une dame au CHU de Treichville. On ne peut pas dire qu`elle est tort. Certains personnels de santé assurent en effet que les médicaments livrés sont donnés aux malades, même « aux faux malades ». Ces derniers s`« approvisionnent » ainsi pour revendre les médicaments dans la rue.

Dao Maïmouna
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