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Société Publié le mercredi 8 juin 2011 | Nord-Sud

Exilés à cause de la crise post-électorale : Sur les traces des Ivoiriens de Cotonou

La crise post-électorale a contraint plusieurs Ivoiriens à s’exiler dans certaines capitales africaines. A Cotonou, on en compte beaucoup. Comment (sur)vivent-ils ? Comptent-ils rentrer ? Notre reporter est allé à leur rencontre. « Les Béninois nous aiment… », affirment-ils.


La capitale économique du Bénin, Cotonou, est devenue avec Accra (Ghana) et Lomé (Togo) l’oasis des Ivoiriens. Ils ont fui leur pays depuis la chute du président d’histoire qui a refusé d’entrer dans l’Histoire par la grande porte. Ce vendredi, bien calé sur mon “zémidjan’’ (taxi-moto), j’apprécie le paysage de Cotonou. La pluie menace et l’odeur spéciale de l’essence taquine les narines. Le chauffeur, vêtu de sa chemise jaunâtre, est gai. Il sifflote même. Dans cette rue du quartier Fidjrossê, le son du dernier single d’Arafat DJ parvient à nos tympans. Le chauffeur qui admire beaucoup le fils de Tina Spencer et de Won Pierre est aux anges. Est-ce le débit de paroles impressionnant (avouons -le) du jeune DJ qui l’émerveille ? Est-ce la rythmique ou alors aime-t-il simplement la musique ivoirienne ? « Arafat DJ est doué. Il me plaît beaucoup pour son style. C’est un rebelle musicalement parlant… Il y a quelques semaines, il était à Cotonou où il a « déchiré » (entendez par-là qu’il a été tout feu tout flamme avec la gent féminine locale) les filles », soutient-il.
Une dizaine de minutes plus tard, nous voilà dans un cyber café pour avoir des informations sur le mon­de. A nos côtés, un adolescent échan­ge au téléphone avec son correspondant. L’accent nous est familier. Il s’agit d’un Ivoirien. Le temps de lui laisser adresser un au- revoir à celui à qui il parlait que nous entamons la causerie : « Je m’appelle K. Junior, fils d’un hom­me politique ivoirien. J’ai interdiction de dire là où il se trouve. Je suis à Cotonou depuis deux mois avec ma mère et ma sœur. Moi, je préfère rester ici mais les deux veulent retourner à Lomé. Cotonou est plus animé que Lomé. Il y a l’ambiance et la bonne bouffe », s’enthousiasme-t-il. Elève en classe de Seconde au lycée classique de San-Pedro, il ne se fait aucune illusion pour son avenir scolaire. « Je n’y pense plus », confirme-t-il. Sur Facebook, il échange régulièrement avec ses amis restés au pays. Les jeunes Ivoiriens de Cotonou ont deux repères. Et c’est lui qui nous oriente : « Nous sommes toujours chez une femme baoulé qui vend de l’attièkè derrière le Stade de l’Amitié ou encore chez une dame au quartier « Zogbo » où on a trouvé aussi de l’attièkè avec du poisson fu­mé… ». La pluie a fini par tomber mais finement. Nous sommes à 48 heures du match Bénin-Côte d’I­voire comptant pour les éliminatoires CAN 2012. La colonie ivoirienne piaffe d’impatience de voir Didier Drogba et compagnie. Frédéric Evé, le président des jeunes Ivoiriens de Cotonou est au four et au moulin. Il doit s’occuper de tout. Réserver les places, acheter et revendre les billets d’entrée au stade, s’occuper des tee-shirts aussi. Son histoire est simple. Parti de San-Pedro où il jouait dans un club (le Séwé Sports certainement), il a choisi Cotonou pour tenter une aventure. Malheureusement, les blessures ont fini par avoir raison de son talent. De tous ses rêves footballistiques aussi. Conséquence, Frédéric bosse dur aujourd’hui dans une boulangerie qui se mue parfaitement en pâtisserie. Le gouvernement béninois qui a eu vent de la présence de nombreux « réfugiés » ivoiriens sur son sol a demandé le soutien de la population, a-t-on appris. Que pense ce jeune Béninois des Ivoiriens ? « On les reconnaît automatiquement par leur accent. Et ils aiment manger de l’attièkè », jure-t-il. Un autre ajoute que les Ivoiriens aiment « la fête ». Le mot est lâché… Eric Kanon dit Pintado, gérant du célèbre night-club situé en zone 4, Le Mix, est comme de nombreux Ivoiriens en lieu sûr à Cotonou. S’il aime cette ville, c’est parce qu’elle favorise l’intégration rapide. « A Cotonou, nous n’avons pas de problème de langue ni avec l’argent car c’est le franc CFA qui est utili­sé comme en Côte d’Ivoire», commence-t-il par dire. Comme lui, d’autres Ivoiriens connus (Espoir 2000, Glazaï Dohoun Kévin, Debordo DJ, Angelo Kabila) ou anonymes sont « cachés » à Cotonou. Où se retrouvent-ils ? « La plupart du temps, nous faisons le show dans des karaokés ou des bars comme « Elegancia » (route de l’aéroport), « Chevalier », « C17 », « 2001 » ou encore « New York », indique Eric Kanon. « Dans ces endroits, la musique ivoirienne y est beaucoup jouée », ajoute K. Junior.
Vous retrouverez les Ivoiriens dans les quartiers chics tels Haie-vive, Cadjèoun… Ils aiment jouer au billard. Comment supportent-ils l’exil ? «Pas facile », avoue Jean-Olivier Akoun, le fils de Laurent Akoun du FPI. « C’était dur au début mais nous nous habituons. Mais ça devient lassant car, excusez-moi de le dire, Cotonou est en voie de développement », souffle Eric Kanon. Pour retrouver les Ivoiriens du Bénin, il faut surtout visiter les quartiers chics tels Haie-vive, Cadjèoun ou encore Zogbo. Il y en a aussi à Sètovi où ils louent des maisons. Ils roulent des voitures de marques (Infinity, Touareg comme le président Yayi Boni) mais aussi des motos telles que « Dream », Dayang, Sanili ou encore la plus prisée par les jeunes filles « Luojia ». Un Béninois qui n’a pas grand-chose à dire sur le comportement des Ivoiriens de Cotonou estime toutefois qu’ils « aiment rester entre eux et ne se mélangent pas aux Béninois. Ils aiment jouer au billard dans des endroits chics ». Aujourd’hui, l’euphorie passée, les enfants du pays ont la nostalgie et souhaitent rentrer en Côte d’Ivoire. Mais, comme Eric Kanon, ils ont quelques craintes. « Nous attendons encore qu’Abidjan soit calme. Personnellement, je ne crains pas les hommes en arme car je ne me reproche rien (Il insiste sur ce mot). Depuis la capture de Gbagbo le 11 avril, c’est fini. J’ai seulement peur des indics, des aigris. Ici, je suis à l’abri. Certainement que je rentrerai en août. Les Béninois nous aiment. En pays bété, un adage dit que la mère du peureux dort en paix », a-t-il confié. Une façon de dire qu’il ne sert à rien de faire le brave. Une façon aussi de dire comme l’artiste Gadji Céli, dans l’une de ses chansons à succès, « il y a des moments, on se fait petit ». C’est pourquoi la majorité des Ivoiriens rencontrés sur place évitent royalement de parler de la politique ivoirienne. La musique ivoirienne, elle, dame le pion à celle des autres pays. Dans ce bar où nous terminons une journée éprouvante, le son du DJ de service inonde l’espace. Imaginez quel artiste il joue… Arafat DJ. Décidément.

Guy-Florentin Yaméogo, envoyé spécial à Cotonou
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