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Politique Publié le mercredi 15 juin 2011 | Le Patriote

Interview / Mme Colette Pellaud Lakpé : “La réconciliation ne doit pas se faire dans la précipitation”

Membre du Comité central du RDR et du Conseil général de Gagnoa pour le compte de sa formation politique, Mme Colette Pellaud Lakpé a passé cinq mois dans ‘’la prison du Golf’’ aux côtés de son président et de nombreux responsables du RHDP. Dans cette interview, elle se prononce sur son séjour mais aussi et surtout sur le processus de réconciliation nationale.
Le Patriote: Vous avez passé les cinq mois à l’Hôtel du Golf en compagnie du Président de la République et des cadres du RHDP à l’occasion de la crise post-électorale. Comment vous vous y êtes retrouvée?
Mme Colette Pellaud Lakpé: Je me suis retrouvée au Golf, je pourrais dire, pratiquement à tout hasard. Parce que Dieu faisant les choses, moi-même je me suis demandé comment je m’étais retrouvée là. En effet, depuis que le président Ouattara a remporté l’élection, le 28 novembre, je ne m’étais jamais rendue au Golf. Et ce jour-là (17 avril NDLR) curieusement, j’ai décidé d’y aller pour le féliciter. Cela a coïncidé avec la marche (NDLR la marche du 16 décembre sur la RTI) à laquelle j’ai voulu prendre part. C’est comme cela que je me suis retrouvée au Golf. Et je n’en suis plus ressortie. J’y ai passé cinq mois. En tant que chrétienne, je dirai que c’est par un hasard divin que je me retrouvée au Golf. Et Dieu seul savait pourquoi il a voulu que j’y sois.

LP: Pouvez-vous revenir, dans les grandes lignes, sur les cinq mois que vous avez passés dans ce complexe hôtelier?
Mme CPL: Notre vie au Golf ? Cela n’a pas été du tout facile. Parce que quand vous avez votre liberté et que vous vous retrouvez entre quatre murs, ce n’est pas facile. Même si vous avez des obligations familiales ou qu’on vous annonce la maladie d’un parent ou d’un proche, vous ne pouvez même pas vous y rendre. Nous étions emprisonnés, même si le Golf est un grand hôtel où il y avait tout ce qu’il faut. A cela s’ajoutait le fait que pour nous qui sommes allés par le fait du hasard, il n’y avait plus de chambres disponibles. Alors malgré les quelques moyens que j’avais sur moi, moyens destinés aux dépenses domestiques ; je n’ai pu disposer de chambre pendant très longtemps. Rester assise du matin au soir durant deux mois et demi, n’a pas été du tout aisé. Le soir, j’allais me coucher dans la chambre d’un jeune qui m’appelait sa maman et avait bien voulu m’acceuillir. Il fallait que le matin, je sorte tôt pour qu’il puisse se laver et s’habiller pour aller au travail, puisque c’était le chef du protocole du Président. Mais malgré cela, j’étais bien contente de me retrouver auprès du président de la République. Au moins, je le voyais passer de loin, même si je ne le voyais pas tout le temps. Mais je savais qu’il était en bonne santé et cela me réconfortait. Parce que je savais que la lutte allait être rude. Mais, comme j’avais la foi, j’étais convaincue qu’on allait remporter cette bataille. Cela m’a donné le courage de supporter beaucoup de choses. Rien n’était facile, ni pour moi ni pour tous ceux qui avaient des chambres, ministres comme jeunes venus pour la marche et qui ont été bloqués. Mais Dieu nous a aidés et seul lui a fait triompher la vérité.

LP: Vous n’êtes pour autant pas restée passive durant les cinq mois. Vous avez été téléspeakerine en langue locale (Bété).
Mme CPL : J’ai dit que c’est Dieu qui m’y a amenée et c’était sans doute pour servir à cela. Parce qu’au début, il n’y avait ni radio, ni télévision. Un jour, M. Aka Sayé Lazare m’a demandé de parler à la radio (Radio Côte d’Ivoire, La Voix du rassemblement NDLR). Je l’ai fait et puis après la télévision (TCI NDLR) a commencé à émettre. Ce sont les téléspectateurs qui ont appelé quand ils m’ont vue animer l’émission ‘’Itinéraire’’ à la télé. Ils ont demandé comment cela se faisait que je n’ai pas lancé en Bété, mon message que j’adressais à mon frère Laurent Gbagbo que j’appelais ‘’Gnonsôh’’ parce que c’est ainsi que lui et moi nous nous appelions. Et à mon fils Blé Goudé aussi, sa grand-mère paternelle étant de mon village. Comme les téléspectateurs téléphonaient au réalisateur de l’émission, à M. Degny Maixent et aux autres, ces derniers me l’ont demandé et j’ai accepté de répéter ce message en langue Bété. C’est ainsi que je me suis retrouvée téléspeakerine d’occasion à TCI. Dieu m’a aidée et tout s’est bien passé.

LP: Vous avez nommément cité des cadres Bété à qui vous avez clairement demandé de parler à votre frère Laurent Gbagbo d’accepter les résultats des urnes. Comment ont-ils réagi à vos propos?
Mme CPL: Vous me donnez l’occasion de leur dire merci en les nommant encore une fois de plus. J’ai cité le président Séry Gnoléba, le président Zady Kessy, le ministre Christian Zagoté, le Général Ory Félix, le Général Lorougnon, le Colonel Golé Ladji Jeannot, le colonel Zézé Agou et parmi les femmes, j’ai lancé un appel à ma sœur Léopoldine Tiézan Coffie, pour qu’elle appelle les femmes Gouro afin qu’elles sortent et qu’elles approvisionnent les marchés en vivriers comme elles le peuvent. Toutes ces personnes, selon ce qui m’est parvenu, ont entendu mes appels et ont tenté de raisonner Gbagbo. Mais il ne les a pas écoutés. Exactement comme le dit un adage bien de chez nous : ‘’quand la mort est côté de toi, tu n’écoutes personne’’. Très bientôt, je me rendrai à leurs domiciles respectifs pour leur exprimer de vives voix, ma reconnaissance. Je remercie d’ailleurs les responsables et les techniciens de TCI pour l’opportunité qu’ils m’ont offerte et les félicite pour le travail abattu.

LP: Croyez-vous au processus de réconciliation prôné par le président de la République et comment la voyez-vous?
Mme CLP: Je crois en la réconciliation. Mais pour qu’elle soit totale, il faudrait d’abord que celui qui a fauté, reconnaisse sa faute. Parce que si quelqu’un vous offense, et qu’il vous demande pardon, certes vous pardonnez, mais c’est Dieu qui pardonne. Il faudrait donc déjà qu’on sache ce qu’on pardonne. Et que celui qui a fauté sache aussi qu’on lui pardonne sa faute de sorte qu’il ne recommence pas. En outre, il ne faudrait pas précipiter les choses. Il faut laisser un peu de temps aux uns et aux autres pour qu’ils puissent digérer leur douleur, surtout aux partisans de Laurent Gbagbo. Parce que, malgré tout, ils savaient très bien qu’ils avaient perdu les élections. Mais comme ils croyaient, je ne sais trop pourquoi, en leur Dieu qui ne parle qu’à eux seuls, ils étaient sûrs qu’ils seraient encore là. Alors Dieu leur a montré la vérité. Il faut qu’ils comprennent que ce qui est fini, est bien fini. Comme on le dit en pays bété, on se réchauffe avec le feu qui est allumé. Qu’ils se rendent compte que celui de notre frère, de mon ‘’Gnonsôh’’ Laurent Gbagbo, est bien éteint et qu’un autre feu vient de s’allumer. Il faut qu’ils viennent pour qu’ensemble, nous nous réchauffions auprès de ce feu. La Côte d’Ivoire est une et indivisible. Un président est parti, un autre est là après avoir été élu démocratiquement. Si on leur laisse ce temps, et qu’ils se rendent compte que c’est fini et qu’ils ont mal fait, je crois que la réconciliation sera réussie. Je voudrais aussi ajouter qu’il faut, pour ce faire, aller vers les cadres bété. Et c’est avec eux que nous pouvons aller vers les chefs de nos villages, les jeunes, les femmes. Mais si nous y allons dans la précipitation, en désordre, si chacun y va de sa musique et que nous jouons à qui va rencontrer le plus grand nombre de chefs de villages, le message de ceux qui ont fauté ne sera pas sincère. Avant d’aller au village, rencontrons-nous d’abord, nous cadres, leaders politiques ou leaders d’opinions pour apprendre à parler d’une seule voix. Le processus de réconciliation ne doit pas être une occasion pour nous lancer dans des courses de positionnement. Il y va de l’avenir de notre région et de la Côte d’Ivoire. Donc moi, j’y crois, mais allons-y pas à pas et vers ces quelques cadres que je viens de nommer et qui sont des leaders chez eux.

LP: Etes-vous personnellement prête, en tant que fille de la région, à conduire une telle mission, si on vous la confiait?
Mme CPL: Absolument ! Parce que, figurez-vous, à cette époque où j’ai nommé ces cadres, le régime Gbagbo avait encore la télévision et la radio nationales. Ces cadres pouvaient me renier et dire que je n’avais pas qualité à le faire. Ils pouvaient se plaindre de voir leurs noms cités. Ils ne m’ont pas reniée. Au contraire, je recevais des coups de fil qui m’encourageaient. Parce que dans nos villages, ce sont les cadres qui entretiennent les familles, les villages, qui font beaucoup de choses, il ne faut pas les ignorer.

LP: Etes-vous d’accord ou pas avec Mamadou Koulibaly et certains cadres LMP et FPI, qui soutiennent que pour une réconciliation totale, il faut aménager une bonne porte de sortie pour Gbagbo?
Mme CPL: Je ne m’éterniserai pas sur l’ancien président Gbagbo. Parce que si je prends la région dont je suis originaire, nos vies ne dépendent pas de lui. Il était le président de tous les Ivoiriens. Aujourd’hui, il ne l’est plus. Il y a un autre qui a gagné les élections. On ne peut lier sa vie à la vie de toute une région et de tout un peuple. Donc je ne suis pas d’accord avec Mamadou Koulibaly, qui n’a du reste pas de conditions à poser pour qu’il y ait la réconciliation. Nous sortons d’une situation qui a été dramatique. Nous voulons faire en sorte que ceux qui sont en liberté, vivent tranquillement. Quant à ce qui concerne ceux qui ont fauté, la justice fera le reste. Désormais, seule la justice peut et doit indiquer à Gbagbo, la porte de sortie. S’il n’a rien fait, il sera libéré. S’il a fait quelque chose, le juge indiquera la peine qu’il encourt.

LP: A ce propos justement, pensez-vous que rendre la justice et se réconcilier peuvent faire bon ménage?
Mme CPL: Bien sûr, parce que s’il n’y a pas de justice, nous retomberons toujours dans les mêmes erreurs. On constate qu’un chef d’Etat est parti et il y a eu des morts. Si on ne le juge pas, demain, ce sera un autre qui viendra faire pire que son précurseur. Si les mêmes choses se répètent, que dira-t-on? Il a fauté et ceux qui ont fauté, doivent être jugés. Pour que, en 2015 après les élections si quelqu’un d’autre gagne, on ne refasse pas la même chose. Ce n’est pas tout le monde qui va payer. Et cette justice doit être équitable. Parce qu’une seule personne ne fait pas toutes les choses. S’il y a le cerveau, c’est qu’il y a des bras. Et les bras, comme celui que vous venez de citer, doivent payer aussi, parce qu’ils ont fauté.

LP: Vous êtes la présidente de l’Association des chrétiens républicains (ACR), qu’en est-il de vos activités?
Mme CPL: Avec cette association, j’ai fait beaucoup de choses dans la région. Quand nous étions au Golf, des Pasteurs qui étaient des pasteurs honnêtes, m’appelaient pour nous apprendre certaines choses. Il y a des pasteurs qui nous ont été d’un grand secours. Ils étaient des chrétiens républicains. En ce qui concerne nos activités, je dirai que pendant les élections, nous avons vendu plusieurs cartes de membres dans ma région. Avec le président qui était là, pour être un bon pasteur et avoir une association de ce genre, il fallait aller dans le sens qu’il voulait. Sinon l’ACR compte beaucoup d’adhérents. Mais, on n’a jamais pu émerger sous Gbagbo pour les raisons que je viens d’évoquer. Nous avons comme présidente d’honneur, la Première dame, Dominique Ouattara.

LP: En tant que chrétienne pratiquante, que pensez-vous des prophéties d’un certain Pasteur Koné Malachie qui aurait prédit le retour de Gbagbo et sa victoire même au moment où tout était perdu pour lui?
Mme CPL: Je suis désolée de le dire, et encore plus pour l’ancien chef de l’Etat. En tant qu’ancien séminariste, comment a-t-il osé croire en ces balivernes? Comme ce Malachie, chaque pasteur ou homme de Dieu racontait n’importe quoi. Il y en a qui, quand ils se couchent et se réveillent le lendemain, soutiennent que Dieu leur a parlé comme si c’est à eux seuls que Dieu pouvait s’adresser. Mais à nous tous, Dieu parle. Cela dépend de comment. Alors, je trouvais ces prophètes minables. Mais les plus minables, ce sont ceux-là mêmes qui croyaient en ces balivernes. Prier Dieu pour qu’il détruise des vies, c’est du jamais vu. Dieu ne détruit pas une vie pour améliorer une autre vie. Le Koné Malachie en question, je trouve que c’est un plaisantin, c’est un comédien, et tant pis pour ceux qui se sont laissés avoir par ces mensonges et idioties.

Yves-M. ABIET
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