x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le lundi 27 juin 2011 | Le Nouveau Courrier

Deux mois après la crise : Yopougon à la recherche de sa joie perdue

© Le Nouveau Courrier Par F.Danon
Pour favoriser le retour à la normale, les opérateurs culturels de Yopougon projettent l`événement " Allons à Poy".
Les opérateurs culturels de la commune de Yopougon sont à pied d`oeuve pour organiser une activité dénommée "Allons à Poy". Ce week end gastronomique et culturel de la rue princesse qui se tiendra du 10 au 12 juin 2011 a pour vocation de susciter le retour de l`ambiance dans la commune, la remobilisation et la réconciliaton des habitants.
Parce qu’elle a mené une résistance farouche pendant les heures chaudes d’avril et mai, Yopougon, la plus grande commune du District d’Abidjan, naguère réputée pour son animation légendaire (d’où son surnom de Yopougon la joie) s’était vue vidée d’une grande partie de sa population.

Offrant au passage le visage d’une commune fantôme, ayant perdu son âme. Voilà deux mois que les combats ont cessé et que la vie reprend. Timidement mais sûrement. Avec ses habitants qui regagnent domiciles et activités. Et qui s’attellent surtout à lui redonner sa joie, son lustre d’antan. Avec comme leitmotiv : «ça va aller !»

Un indicateur de reprise de la vie à Yopougon : dans les secteurs de Siporex, Keneya, Terminus 40, Niangon, Toits rouges et autres ; les Gbakas, Wôrô-wôrô et véhicules de tous genres circulent, dans leur tintamarre quotidien. Les bordures de routes, elles, ont retrouvé petit à petit leurs occupants commerçants d’ordinaire. Cependant, il y a cette atmosphère chaleureuse, ce goût prononcé des habitants de Yop pour la fête qui manque encore à l’appel. Pas qu’elle n’existe plus, que Poy ne fait plus le show. Mais la réalité est que c’est encore timide. Ceci pour certaines raisons. Un constat que nous avons fait ce samedi, d’ordinaire
jour par excellence «du show, de l’ambiance et de la joie» à Yopougon.

La peur et l’insécurité font leur effet

«Aujourd’hui samedi, en principe ce matin, le quartier devrait être animé. Mais, vous voyez que ce sont quelques personnes seulement qui s’y trouvent. Les jeunes qui égayaient le quartier sont toujours absents. A cause des représailles, ils prolongent leur séjour dans les villes et villages où ils se sont réfugiés. Ils ont peur des sévices qu’ils pourraient subir s’ils revenaient, avec ce climat d’insécurité et cette pagaille d’hommes en armes», explique Marcelle, jeune résidente du quartier Cie. Et de
poursuivre : «Ce sont les garçons qui initiaient les shows, les virées.

Mais avec leur absence, ce n’est plus trop la fête. Vous voyez vous- même les maquis du quartier n’ont que quelques clients. On souhaite la réconciliation vraie entre jeunes LMP et RHDP. Que toutes ces rancoeurs cessent pour qu’on revive comme avant». Les habitants dece secteur connaissent en plus quelques petits autres soucis : boutiques, superettes, petits commerces d’aliments environnants n’ont toujours pas rouverts. Ce qui fait qu’ils sont obligés d’aller un peu loin pour s’approvisionner. Cette insécurité ambiante, a-t-on appris a fait aussi changer les habitudes. Comme par exemple les rues qui se vident dès 21 heures et la fin des cours dans des écoles qui est ramenée de 18h à 16 h maintenant.

Autre destination, le quartier Sicogi. En passant par Sogephia. Là, le terrain de foot des jeunes est envahi en partie par les mauvaises herbes. Signe que les rapports amicaux et la convivialité ne sont pas encore de mise. A la Sicogi, la vie n’a pas aussi retrouvé ses allures habituelles. Le quartier est relativement calme. Trop calme même pour ce qui était donné de voir avant. Les maquis de Sicogi ne connaissent plus leur monde des samedis d’avant la crise. La musique même est jouée dans des proportions basses, complètement inhabituelles au volume que crachaient récemment les enceintes acoustiques à ces endroits- là ! Marc est propriétaire d’un petit maquis de quartier et juge timide le rythme de la vie et la reprise de son activité. «Il y a des gens qui ont encore peur et qui ne sont pas de retour. Surtout les jeunes. Beaucoup d’ailleurs ont perdu leurs emplois et sources de revenu dû aux multiples pillages. Donc, il n’y a pas d’argent. Ça fait que mon maquis ne bouge pas trop comme avant. Mais ça reprend petit à petit. On souhaite que les Frci rentrent en caserne et que les policiers et gendarmes réguliers reprennent leur service. Comme ça, la sérénité va revenir. Il y a aussi le fait qu’après les affrontements, chacun est dans son coin. Ce n’est plus
trop la symbiose qui prévalait avant. On espère qu’avec le temps, les gens vont oublier tout ce qui s’est passé», explique-t-il.

Nestor, lui, habite la Siporex. Il parle de l’ambiance dans son secteur : «Toutes les activités économiques là-bas ont repris depuis
longtemps. Les jeunes du Djassa, les commerçantes, etc. Sauf qu’on ne va plus loin pour se distraire. On préfère rester dans le rayon de nos habitations. Comme ça, en cas de troubles, on rentre vite à la maison.Les éléments des Frci fréquentent aussi nos maquis. Ils nous rassurent. Mais vous voyez, quelqu’un qui est armé dans un lieu ou on consomme de l’alcool, on ne sait pas à quel moment il peut user de son arme, d’autant plus que beaucoup d’entre eux ont été armés sans aucune

formation au maintien de l’ordre et au respect des droits de l’Homme. On veut boire deux bières ou plus mais, avec cette situation on ne tarde plus dehors.»

Atmosphère de stress permanent

Bon à noter, Yopougon est également le bastion du Fpi et de la résistance patriotique. Ce qui explique que les Frci soient présentes en très grand nombre et beaucoup armées dans cette commune ‘‘hostile’’.

Elles y ont d’ailleurs commis de nombreuses exactions, selon les organisations de défense des droits de l’Homme. C’est donc le stress permanent chez les populations de la commune du maire Gbamnan Djidan. Ces bidasses constituent de ce fait un joug qui freine la reprise pleine et entière de la vie à Yopougon. Pour les habitants des environs des camps de gendarmerie, commissariats et bases militaires, ce stress est encore plus insupportable à la vue de ces «soldats». «Tout le monde est en treillis et tout le monde a des armes. Pour un rien, ça tire et parfois c’est pendant la nuit. C’est traumatisant avec tout ce qu’on a vécu. Le jour de l’affrontement à l’arme lourde entre Frci et gendarmes, on a failli mourir de peur. C’est vraiment un calvaire qu’on vit avec les armes qu’on côtoie au quotidien. Vous comprenez aussi que s’il n’y a pas de sécurité, de liberté, c’est normal que le rythme de la vie subisse un coup», explique une résidente de Toits-Rouges, proche du commissariat du 19ème arrondissement, non loin du périmètre où gendarmes et éléments Frci se sont récemment affrontés à l’arme lourde. La réaction est la même chez les habitants d’Abobo-Doumé qui abrite la base navale, occupée en ce moment par les Frci.

La Rue Princesse à 80%

Que serait la joie à Yop sans sa Rue Princesse. C’est à juste titre que le baromètre de la joie et du show à Yopougon soit en ce lieu. Nous y sommes allés prendre la mesure du show. Après avoir fait le tour, on peut dire que ça tourne à 80% par rapport à ce qu’il nous a été donné de voir avant la «bataille d’Abidjan». La preuve est qu’à 23 heures déjà, ce samedi, certaines vendeuses remballent leurs ustensiles. Quand des «showffeurs» sortaient des bars pour prendre congé des lieux. Alors qu’en temps normal à cette heure, le show ne faisait que commencer !

Seul le maquis «Abidjan» donne de l’ambiance et affiche complet. Silence total dans les autres maquis. Son gérant, Alexis Lacoste observe et est confiant quant au retour de l’ambiance habituelle à la Rue. Les badauds sont naturellement aux alentours du maquis. Les taxis et véhicules circulent. Mais ce n’est cependant pas «l’embouteillage d’hommes et de voitures», comme le disait quelqu’un, à cet endroit-là. Les éléments des Frci patrouillent régulièrement. Avec eux, les soldats de l’Onuci dans leurs chars et pick-up. Dans les célèbres bars climatisés de l’espace, les gérants et managers regrettent, pour certains, leur clientèle d’un passé récent mais affichent cependant leur espoir. Débio Manadja, manager du Must Bar, espère que la situation sécuritaire précaire – qui fait craindre ses clients – va se normaliser. Même s’il regrette un peu que ces «bons payeurs ont déménagé de Yopougon, à cause des combats, pour les 2 Plateaux, Riviera et autres». Charly Parker, propriétaire du bar «Café- Cacao», lui, juge bien la reprise dans son établissement. Il reconnaît aussi que la Rue Princesse n’est pas encore à son top niveau. Il lance un appel à la population de Yopougon à revenir à la Rue et que les temps sont bien calmes et la sécurité entièrement garantie à cet endroit, avec l’aide des commandants des Frci.

Ainsi, à l’image de la Rue Princesse, c’est toute la commune de
Yopougon qui recherche ses marques. Et espère que le nombre de ses
noceurs que nous avons quitté aux environs de 3h du matin accroisse comme à ses habitudes. Que les gens retrouvent leur joie de vivre afin que Poy retrouve également sa légendaire réputation de «Yopougon la joie».

Franck-Harding M’Bra
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ