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Art et Culture Publié le mardi 28 juin 2011 | Nord-Sud

Maquis, bars, boîtes de nuit… : Ces Frci qui jouent avec la mort

Pour ceux qui ne le savent pas encore, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) n’ont pas que l’art du combat. Ce sont aussi de véritables « hommes de show ». Le problème c’est lorsque l’alcool leur monte à la tête, les « shows » peuvent se transformer en western.

Du « 225 » à la « Rue princesse » en passant par les « mille maquis », c’est la « fiesta», ce samedi. En marge du spectacle du Festival de musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) qui a lieu, les maquis, les bars et les boîtes de nuit sont bourrés à craquer à Koumassi. Il est 23h. Non loin de là, à Marcory, c’est l’ambiance à « gogo ». Au « mille maquis », la liesse semble à son comble. Dans le maquis « Elle et lui », le gérant, René Kouakou, a même du mal à faire face à l’affluence. Surtout que parmi les « noctambules » qui boivent, fument et dansent, il y a des hommes en civil, dont on peut deviner la crosse du pistolet fourré sous la ceinture. Plus tard, ils s’identifieront comme des Frci. A côté d’eux, un groupe de quatre jeunes vêtus de treillis militaire avec l’insigne Frci, s’illustre sans discrétion. Il y a parmi eux, deux jeunes filles, l’une à moitié saoulée et l’autre, des écouteurs à l’oreille en plus de la musique distillée dans le bar. Les deux garçons sont entièrement vêtus de tenus Frci, mais ils sont lucides. Une place à côté d’eux permet d’entamer la conversation.

Frci by nigth

Ce sont des éléments du 26ème arrondissement. Le « mille maquis » est leur lieu de prédilection. Comme ceux du 6ème arrondissement. Est-ce que le commandant apprécie ? La question est trop directe, et du coup, les fêtards sentent qu’ils ont affaire à une sorte d’espion. Un journaliste, c’est tout ce qu’ils peuvent croiser de pire dans un endroit pareil où la discrétion est la première règle du jeu. Car, le boss n’aimerait pas s’il apprend qu’ils sont venus dans un maquis, en plus en tenue. Pour ne pas prendre de risque, l’un d’eux se lève et sort en oubliant ses bouteilles d’alcool. Notre photographe négocie des prises. Il n’en fallait pas plus pour créer l’émoi dans le maquis. Les autres, y compris ceux qui sont en civil, demandent que l’affaire reste dans l’anonymat. Il vaut mieux ne pas les contrarier.
Pendant ce temps, au « Lingot d’Or », presque à cinq mètres, d’autres Frci en civil s’éclatent. Il faut l’aide de « Dj Aimé », le gérant de la boîte, pour les identifier. Il les connaît de visage qu’ils soient en tenue ou en civil. Car, ces hommes en arme font partie de ses meilleurs clients. C’est un cercle fermé. Difficile de s’immiscer dans leur intimité. Au « mille maquis », ils s’identifient dans tous les lieux de réjouissance par leur laisser-aller, et leur soif d’alcool. Dans le seul bar du coin, c’est l’orgie : champagne, filles à moitié nue...
Ici, les Frci sont les bienvenus. « A chaque fois qu’il y a une bagarre ou un problème, ils interviennent pour calmer les esprits », raconte Réné Kouakou, le Dj de « Elle et lui ». Une fois, se souvient-il, ils étaient en train de boire et il y a eu une bagarre entre des civils. Ils ont aussitôt brandi leurs kalachnikovs qui se trouvaient à leurs pieds et ont tiré en l’air. Les bagarreurs se sont calmés. D’ailleurs, tout le monde dans le maquis s’est tu. Peur ou respect ? Il faut se rendre à la « Croisette », un grand bar de Marcory zone 4, pour le comprendre. Tous les soirs, le coin est pris d’assaut par des Frci. Du coup, la clientèle composée de civils a abandonné la boîte. Ce samedi, le parking du bar est occupé par des pick-up 4X4 et de grosses cylindrées. Des Frci recouverts de drap, dorment à l’entrée. De là, on accède à la réception, par une petite pièce pavée de deux colonnes de fauteuils sombres et de tables. Ceci n’est pas le bar. Il faut pousser une porte pour accéder là où les choses sérieuses se passent…Des hommes en tenue et en arme font la fête. Commentaire de Rosine, l’une des gérantes : « on essaye de leur dire de laisser les armes avant de rentrer, mais c’est difficile. Nous avons peur. Mais certains quand-même écoutent ». Selon elle, la peur de boire à côté des hommes en arme a fait fuir la clientèle civile de la « Croisette ». Ils n’ont peut-être pas tort, car nous allons bientôt vivre une scène qui va le démontrer. En quittant l’effervescence de Marcory pour la fièvre de la « Rue princesse » de Yopougon, un petit incident rappelle combien il est dangereux de contrarier un homme en arme qui est ivre. Notre chauffeur qui a stationné sur le trottoir, voit un Isuzu 4x4 de couleur grise et sans plaque, foncer sur lui en faisant la marche-arrière. Les occupants, des Frci, viennent de sortir du « Super maquis Vip » qui est en vogue en ce moment à la « Rue princesse ». Le 4x4 effleure notre Mercedes, pourtant bien garée au bord de la route. Plutôt que de s’excuser, un élément Frci sort du véhicule, furieux, son flingue en main. « Espèce de B…qui t’a demandé de stationner ici ? » Il fonce vers notre équipe de reportage, avec son haleine qui pue l’alcool. Heureusement, un des leurs encore lucide, intervient et s’excuse. Ils montent dans le véhicule et repartent.

Ne les contrariez pas quand ils sont ivres!

Depuis la crise, la « Rue princesse » a perdu quelque peu de son prestige. Les grandes boîtes comme le « Rame-Rame », le « Jacpot », sont fermées, ce samedi. Mais le Cyclône est dans l’ambiance. Devant, il y a un pick-up Frci. Leurs occupants, à l’intérieur du grand bar, s’adonnent à cœur joie à une beuverie immodérée. Heureusement, ceux-là ont laissé leurs kalachnikovs dans la voiture. Un fêtard raconte : « ici, on a peur parce qu’une fois alors qu’il était ivre, un Frci était à deux doigts d’ouvrir le feu sur un type parce que celui-ci draguait la même fille que lui. N’eût été l’intervention de la foule, il l’aurait abattu ». Les coureurs de jupon sont prévenus. Et à Justin Fiéni, le gérant du bar de faire ce témoignage : « ce n’est pas la sérénité pour les gérants. Il y a deux semaines, deux groupes de Frci, après avoir bu, ont tiré en l’air devant le bar, parce qu’ils se disputaient.» Selon lui, certains maquis font des « atalakus » aux éléments Frci quand ceux-ci viennent boire. Mais beaucoup de Dj se méfient maintenant. «Les Frci ont généralement un pistolet avec eux. Pendant l’ « atalaku », il arrive que certains sortent l’arme quand ils sont excités », explique Justin. Dans la nuit agitée de ce samedi, Abobo n’est pas en reste de la liesse. Devant le maquis « Droit au but », non loin du rond-point de la gare, il y a une profusion de véhicules 4X4 Frci avec les insignes « Compagnie Russe », « Bataillon Anaconda ». Dans le maquis au premier étage d’un duplex, assis, debout, serré-collé, on peut les distinguer en civil grâce aux indications d’un habitué du coin. Ils dansent généralement en compagnie des plus jolies filles. Le risque ici, c’est de se méprendre et de chercher la bagarre à un type que vous voyez en tee-shirt et en jean. Il sortira aussitôt son flingue, et, s’il est ivre…tant pis pour vous. A cause des bavures, l’ordre a été donné aux commandants des différents districts d’Abidjan, d’interdire que leurs éléments aillent dans les maquis et bars en tenue et avec leurs armes. Le commandant du 12ème arrondissement des Deux-Plateaux a carrément interdit que ses hommes fréquentent ces lieux. « Si je surprends un de mes éléments dans un bar, je le mets aux arrêts », prévient-il. Facile à dire. Dans la pratique, il est plutôt difficile de contrôler tout ce beau monde sur le point d’entrer dans la grande armée de Côte d’Ivoire. Comme cet élément Frci au maquis « Liverpool » du Plateau-Dokui. Tellement ivre qu’il accepte que nous prenions une photo de souvenir avec lui autour d’une table de bière, sa petite amie sous le bras. Est-ce l’ivresse de la victoire ? Attention, l’ennemi rôde toujours.

Raphaël Tanoh
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