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Politique Publié le mardi 5 juillet 2011 | Nord-Sud

Daniel Ouattara, Pnrrc, à propos de la réinsertion des ex-combattants : “Pourquoi les miliciens ont peur…”

Dans cet entretien, le Coordonnateur national du Programme national de Réinsertion et de réhabilitation communautaire (Pnrrc), Daniel Kossomina Ouattara précise les objectifs de l’opération de profilage post-crise électorale. Il indique aussi les priorités du Pnrrc.

l Des équipes du Pnrrc procèdent en ce moment à une opération de profilage, est-ce la continuité de l’opération débutée avant la présidentielle ou s’agit-il d’autre chose ?

Il est important de préciser que dans le cadre du dénouement de la crise post-électorale, il y a eu une forte mobilisation de jeunes autour de l’opération de restauration de la démocratie engagée à la suite de la création des Frci. A l’issue de la crise, le président de la République a donné des instructions pour qu’une opération de profilage soit entreprise et que les militaires retournent en caserne. L’opération de profilage vise à procéder à une revue des effectifs des Frci, à l’identification des jeunes associés aux Frci et des ex-miliciens. Le profilage constitue, bien entendu, la première étape du processus Ddr. A ce stade, il s’agira, entre autres, de procéder à la mise à jour de la liste des 5000 Ean (Eléments volontaires pour l’armée nouvelle) et des 4000 Ads (Agents de sécurité). Ces 9000 éléments des ex-FaFn, conformément à l’Accord politique de Ouagadougou, feront l’objet d’un encasernement tandis que les jeunes associés et les jeunes miliciens bénéficieront de programmes de réinsertion.

l Au nombre de combien sont les miliciens et les jeunes associés ?

Nous n’avons pas encore terminé le profilage, nous ne pouvons donc pas nous aventurer à avancer un chiffre. Toutefois, sur l’ensemble des sites de profilage au niveau d’Abidjan, nous avons pu identifier un effectif de 12.000 personnes. A la demande de l’état-major tactique, une séance de ratissage sera entreprise dans les prochains jours pour finaliser l’opération de profilage à Abidjan avant le déploiement de nos équipes à l’intérieur du pays. Nous sommes dans l’attente du chronogramme qui nous sera communiqué par l’état-major, à l’effet d’effectuer ce ratissage.
l Les prévisions ont tenu compte de combien de bénéficiaires, à l’origine?

A l’occasion de la mission de la Banque mondiale et du Fmi, nous avons fait une projection, à titre indicatif, de 20.000 jeunes associés et ex-miliciens à ajouter aux 9.000 éléments susmentionnés.

l N’y a-t-il pas de risques de dépasser cet effectif ?

C’est possible, tout comme on peut être en dessous. Pour ne pas spéculer, il est préférable d’attendre la fin de l’opération qui va nous situer sur les statistiques.

l Il y aurait de la surenchère quelque part, des commandants déclareraient des jeunes qui ne seraient pas Frci ?

C’est sur la base des listes que nous recevons de la part de l’état-major tactique que nous faisons le profilage. S’il doit y avoir de la surenchère, le Pnrrc n’est pas concerné. Et jusqu’à preuve du contraire, ces listes sont traitées. Si un commandant veut faire de la surenchère, il la ferait avec l’état-major ; mais cela ne pourrait être possible parce que chaque commandant connaît ses éléments. L’état-major y veille et je crois que les effectifs avancés sont raisonnables. D’ailleurs, l’atelier de Bassam a recommandé qu’un quota de 2.000 jeunes associés aux Frci puisse rejoindre les 9.000 identifiés par l’Apo. Ce qui porterait le nombre de personnes à intégrer à 11.000. Quand vous faites la répartition, vous constatez que ce sont les 5.000 Ean, les 4.000 Ads et les 2.000 jeunes associés qui seront retenus pour intégrer les Frci et les Forces de sécurité. Et ils proviendront de la base de données des profilés.
l Vous procédez à un nouveau profilage alors qu’il en avait fait un autre avant les élections, forcément il y a un surcoût.

Oui, bien sûr. Mais pour la paix, que ne feraient pas les autorités de ce pays? Elles ont compris qu’il fallait mettre les moyens pour préparer cette paix. La question de la sécurité des personnes et des biens préoccupe le président de la République, Alassane Ouattara. C’est pourquoi, très rapidement, les moyens ont été mis à la disposition du Pnrrc.
l Combien ce profilage va-t-il coûter à l’Etat ?

Au lendemain de l’Accord Politique de Ouagadougou, un agenda a été préparé en collaboration avec l’état-major des ex-FaFn et le Cci (Centre de Commandement intégré). De fin 2007 à 2010, nous avons profilé 32.777 personnes. Naturellement, c’est sur la base de cet effectif que l’état-major des ex-FaFn a pu organiser le regroupement, pour effectuer le désarmement des volontaires à la démobilisation et le retour en casernes des volontaires à la nouvelle armée (Van). Dans le contexte post-crise électorale ils devront traiter un effectif beaucoup plus grand. Ceci dit, il y a inéluctablement un surcoût, parce qu’il s’agit d’actualiser et de consolider la base constituée en 2007.

Aujourd’hui, nous sommes à près de 300 millions de F Cfa de dépenses. Il faut comprendre que l’opération nécessite l’utilisation d’une technologie pointue, puisque l’identification est faite sur la base de données alphanumériques et biométriques. A ce stade, le système de croisement n’est pas encore achevé, mais il nous coûte excessivement. Mais grâce à l’Etat de Côte d’Ivoire, nous finissons la phase technique. Vous dire combien va coûter l’opération, ce n’est pas possible tant que nous n’avons pas fini le profilage sur l’étendue du territoire national.

l Peut-on avoir une estimation?

Le processus de Ddr est un ensemble d’étapes. Pour bénéficier de la réinsertion, l’individu doit être profilé, démobilisé et être détenteur d’une carte de démobilisé qui donne accès aux avantages de la réinsertion. Nous estimons qu’aujourd’hui la réinsertion d’un ex-combattant démobilisé coûte 800 mille voire un million de Fcfa. C’est sur cette base que le solde pour tout compte dont il est question dans l’Accord complémentaire IV à l’Accord politique de Ouagadougou était arrondi à 500 mille Fcfa après les charges individuelles liées au profilage et la démobilisation.


l Ce pécule sera-t-il mainte­nu pour ce nouveau profilage?

Je préfère ne pas en parler parce que c’est une question dont la réponse relève de l’autorité politique. Mais, je crois que nous pouvons faire mieux. Personnellement, je pense que notre population-cible a besoin d’être sécurisée. C’est pour cela que certains projets de réinsertion me laissent perplexe, par leur qualité.

l Est-ce à dire qu’entre le profilage et la réinsertion, aucune structure n’encadre les ex-combattants pour le montage de leurs projets ?

Justement, c’est pour cela que l’une des fonctions du Pnrrc est de faire en sorte que les projets de vie soient bien discutés avec les bénéficiaires. Au cours des interviews avec les agents profileurs, l’ex-combattant fait trois choix qui sont discutés. Et à partir des bureaux régionaux, il y a une confirmation de son projet de vie. De sorte que le suivi soit facile. Si nous savons où l’individu est à réinsérer, nous faisons en sorte qu’il soit suivi à partir du bureau régional le plus proche parce que nous voulons faire de lui un acteur performant de développement dans sa communauté d’accueil. Car, il est un potentiel contribuable sur le plan fiscal.

l Que devient, dans ce cas, un individu profilé quand son projet est rejeté ?

Nous conseillons toujours des projets réalisables. Parce que lors du profilage, il arrive qu’un individu dise qu’il veut être pilote d’aéronef. Pour un illettré, il est de notre devoir de lui faire comprendre que son ambition n’est pas réalisable et nous lui disons qu’au regard de ses aptitudes, il peut s’investir soit dans l’artisanat ou dans l’agriculture. Mais, il arrive que des jeunes vous disent qu’ils ne veulent rien faire parce qu’ils pensent qu’on doit leur présenter des catalogues de métiers. Que non. Nous devons plutôt les aider à choisir un métier.
l Pendant la crise, des projets de jeunes réinsérés ont pris un coup. Prévoyez-vous accorder une seconde chance à ces bénéficiaires ?

Tous les démobilisés ne se sont pas remobilisés et tous les jeunes réinsérés ne se sont pas dispersés. La preuve, nous avons pas mal de jeunes restés à Bouaké qui, lorsque des problèmes sont survenus, nous ont appelés pour exprimer leur crainte que les autres les cambriolent. Dieu merci, ils n’ont pas été touchés, ils ont travaillé. Je vous disais tout à l’heure que la qualité de la réinsertion rassure et garantit la pérennité de la présence de l’individu dans un projet. Si la qualité n’est pas bonne, naturellement le bénéficiaire cherchera ailleurs. Nous pensons qu’à ce niveau, avec l’avènement du Ministère des ex-combattants et des victimes de guerre, la définition d’une bonne politique de réinsertion prendra en compte ces préoccupations, qui sont qu’il faille absolument garantir la sécurité même de l’individu qui a un projet.
l Le Coordonnateur national rassure-t-il qu’à la fin de ce profilage, il peut garantir la sécurité par la réinsertion des ex-combattants ?

Vous me donnez-là l’occasion de m’adresser à tous les jeunes associés aux Frci. L’atelier de Bassam a été très clair, il s’agit de 11.000 personnes à ajouter aux ex-Fds pour renforcer l’effectif des Forces républicaines de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, nous travaillons encore dans une ambiance de volontariat afin d’amener les uns et les autres à se faire profiler et choisir un projet de vie. Mais le contexte a changé, ce n’est plus sur la base d’un accord politique signé par deux parties. Il y a un président régulièrement élu qui a défini sa feuille de route. Si nous leur demandons de venir se faire profiler, c’est dans leur propre intérêt. Passé un délai, force sera à la loi.

l Vous parlez des supplétifs, quand en est-il des ex-miliciens ?

Le fort taux de population au niveau des jeunes qui s’enrôlent est le résultat de la politique catastrophique de Laurent Gbagbo pendant une décennie. La majorité des miliciens ne se sont pas engagés dans cette mobilisation armée parce qu’ils aimaient Laurent Gbagbo mais c’est parce qu’ils avaient besoin de survivre. Aujourd’hui, ces ex-miliciens ont peur, pas qu’ils ont peur des Frci en tant que tel, mais ils ont peur des familles qu’ils ont endeuillées. Notre devoir c’est de faire en sorte qu’ils sortent avec un gage de confiance. Le président de la République a été clair, nous allons pardonner sur la base de la justice. C’est le plus important et chacun de nous doit tout faire pour embarquer dans le train de la réconciliation.

l Y aurait-il de la réticence ou de la résistance encore de la part de certains ex-miliciens et combien d’entre eux ont-ils été profilés à ce jour ?

Il est vrai qu’il y a des hésitations. Mais ils vont s’en remettre progressivement. C’est le degré de cruauté qu’ils ont exercé pendant la crise qui fait qu’ils ont peur de sortir. Pour ce qui est du nombre de profilés, vous serez surpris et cela dénote de la peur et de la réticence : à Abidjan, nous sommes autour 300 miliciens profilés. Evidemment, nous ne nous sommes pas encore projetés sur l’intérieur du pays. C’est seulement lorsque nous aurons fini le profilage à Abidjan que nous pourrons dire combien d’ex-miliciens nous avons profilés.

l Que faites-vous alors pour les sortir de ce repli ?

Nous leur parlons afin de les rassurer. C’est pour cela que le capital confiance est de mise dans notre travail. De toutes les façons, nous ne pouvons pas faire autrement sinon être sincères, ouverts et proches d’eux. Quelques chefs d’ex-miliciens travaillent avec le Pnrrc. L’ex-commandant Maguy le Tocard, Eugène Djué, Oulaye Delafoss, Yahi Octave tous collaborent avec nous. L’avantage, c’est qu’ils nous connaissent depuis 2003.

Interview réalisée par Bidi Ignace
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