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Politique Publié le mardi 12 juillet 2011 | Nord-Sud

Jean-Louis Billon, pdt de la Cci : «Nous avons besoin de plus de transparence»

© Nord-Sud
Le Président du Conseil d’Administration de la SIFCA Jean Louis Billon
Pour clore le débat que nous avons initié, récemment sur la corruption en Côte d’Ivoire, nous donnons la parole à deux acteurs de la vie sociale et économique. Selon le président de la Chambre de commerce et d’industrie, Jean-Louis Billon, le nouveau pouvoir n’a pas d’autre choix que de venir à bout du fléau. Idée partagée par René Okou Légré, président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho) qui préfère juger le régime d’Alassane Ouattara à l’acte.



Pourquoi la corruption est-elle devenue un fléau en Côte d’Ivoire?
La corruption est un phénomène qui existe dans le monde entier, mais quand elle dépasse un certain seuil, cela se ressent tant sur le bien-être que sur le développement d’un pays au point de stopper son essor. Il est vrai que la Côte d’Ivoire est parmi les plus mal classés par le rapport de Transparency International en matière de corruption mais aussi en matière de compétitivité (World Economic Forum). On retrouve, par exemple, la ville d’Abidjan parmi les plus chères au monde, de même que le secteur du transport.
Cela résulte des conséquences de la corruption dans le pays, au détriment du bien-être général et du développement de la Côte d’Ivoire. Et, c’est pour cela que ce fléau doit être combattu. Il n’est que de voir les études ci-après de Transparency International pour s’en convaincre.
Alors bien sûr, iI y a plusieurs raisons à l’avènement et à la prospérité de ce fléau chez nous, en Côte d’Ivoire.
D’abord, on constate que durant les troubles sociopolitiques de la fin des années 1990 jusqu’à la crise post-électorale, l’Etat était absent sur l’ensemble du territoire ; donc pas de contrôle par l’autorité, des écarts, des dysfonctionnements, des abus de pouvoir, des rackets, ou actes nocifs qui contribuent à la corruption. Aucune sanction n’est de ce fait jamais intervenue pour servir d’exemple et empêcher certains de commettre des actes répréhensibles.
Ensuite, depuis toutes ces années, la population ivoirienne a indûment intégré le fait que l’Administration, « loin de signifier le service des droits des citoyens en écho à leurs devoirs, est d’abord perçue comme le moyen le moins risqué pour s’enrichir rapidement ». Dans ces conditions, il est évident que, dans l’esprit du citoyen, la normalité, c’est la corruption !
Il y a aussi le fait que sous nos cieux, ceux des pays en voie de développement ou des pays pauvres en général, l’Administration souffre de lourdeurs et de dysfonctionnements qui nous rendent particulièrement vulnérables à la corruption.
Viennent enfin la pauvreté et les difficultés liées au sous-développement. La corruption est ainsi le fait de l’impossibilité, pour certains, de subvenir à leurs besoins élémentaires.

Que faudrait-il faire pour l’éradiquer ?
La première décision est de redéployer l’ensemble des services de l’Etat sur toute l’étendue du territoire. Mais, cette opération est en cours et depuis deux mois, on constate une nette amélioration, notamment au niveau des barrages routiers et du racket qui s’y déroulait.
Ensuite, il faudrait des exemples de sanctions. Là aussi, des décisions ont été prises, notamment celles d’effectuer des audits dans nombre de sociétés parapubliques. Je pense que c’est un signe important des nouvelles orientations du gouvernement. Nous avons besoin de plus de transparence, de l’obligation de rendre des comptes et d’un système méritocratique basé sur l’amélioration de la gestion des ressources humaines. Vous savez, les Ivoiriens ne sont pas aveugles. On se connaît en Côte d’Ivoire et on voit très vite des personnes qui ont en charge la gestion de la chose publique avec un train de vie en fort décalage avec les revenus qu’ils sont censés avoir dans leur fonction ! Il faudrait donc des exemples. Autant de paramètres qui, une fois mis en œuvre, permettent un contrôle rapide et efficace.
Il serait bon également que l’Etat accepte d’intervenir de façon simplifiée et rationnelle dans l’activité du monde économique. Cela réduirait réellement les opportunités de corruption. Mais pour cela, l’Etat devrait disposer d’une stratégie opérationnelle.
La baisse de la corruption doit aussi s’appuyer sur le processus de développement. C’est évident. Comme je le disais précédemment, un citoyen dont la situation matérielle et financière stagne ou qui n’a pas d’espoir de la voir s’améliorer, est un corrompu/corrupteur en puissance. Une vraie politique de développement, alliée à une stratégie de lutte anti-corruption et une gestion rationnelle des ressources humaines et financières de l’Administration, peut nous faire espérer une amélioration de la situation.
Il est un dernier point que j’évoquerais, c’est celui d’ordre politique. Nul n’ignore que toute réforme en la matière se heurtera aux intérêts des bénéficiaires de la corruption dont les politiques sont souvent les principaux acteurs. Il faudrait qu’eux aussi acceptent de jouer le jeu sans que cela fragilise l’équilibre politique, déjà très précaire dans nos jeunes démocraties. Chez nous, ce paramètre ne semble pas interpeller les hommes. Cela devrait pourtant être appliqué de sorte qu’au moment du renouvellement d’équipes, on ne pense pas que son tour est arrivé. Arrêtons enfin ce cercle vicieux de mal gouvernance !

Pensez-vous que le nouveau régime d’Alassane Ouattara pourra relever ce défi et pourquoi ?
Il n’est pas question de savoir si le nouveau pouvoir en place pourra relever ce défi. Il doit le relever, car comme vous le disiez en début d’interview, la corruption est aujourd’hui un fléau ! C’est une obligation pour la nouvelle Administration, sinon les conséquences risquent d’être tout aussi dramatiques que ces quelques dix années de crise. Je le redis, quand vous voyez une poignée de personnes, censées montrer l’exemple, qui, une fois nommées, au plus haut niveau de l’Administration, démontrent un train de vie exorbitant, au détriment de l’équipement de leurs propres collaborateurs, du bien-être des Ivoiriens, du développement de la nation, d’un service public digne de ce nom, il y a lieu de réagir fermement.
D’ailleurs, je suis intimement convaincu que les associations issues de la société civile et les médias peuvent jouer un rôle aux côtés des pouvoirs publics, ne serait-ce qu’en dénonçant systématiquement la corruption, en faisant office de « veille », en faisant pression sur le gouvernement et en contrôlant ses actions. C’est ce qui se passe dans toutes les grandes démocraties. Il y a quelques années, un ministre suédois a dû démissionner de ses fonctions parce que les médias avaient révélé que durant une mission à l’étranger, il s’était acheté des friandises pour moins de 100 euros sur le montant de ses perdiems. Il est resté 12 ans hors du débat politique à cause de cet épisode malheureux !
Je voudrais également rappeler que le secteur privé, contrairement à ce que les pouvoirs publics ont pensé jusqu’à présent, peut être d’une aide réelle et importante dans la lutte contre la corruption.
Nous ne cessons de répéter que le secteur privé, dans un environnement de plus en plus structuré et non-hostile, où les institutions seront fortes et arbitreront véritablement le jeu de la concurrence, ne peut qu’être utile à l’Administration.

Propos recueillis par Cissé Cheick Ely
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