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Politique Publié le jeudi 18 août 2011 | L’expression

Massacres à grande échelle, usage de gris-gris et de la drogue : Ces hommes et femmes que la guerre a rendus fous

La crise qui a éclaté au lendemain du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre a pris fin le 11 avril. Quatre mois après la capture de Laurent Gbagbo, l’ancien président, les séquelles des atrocités sont palpables : folie, délire etc. ont frappé plusieurs personnes.

Quatre mois après la chute de Laurent Gbagbo, la loi du karma est-elle en train de faire ses effets en Côte d’Ivoire ? En attendant que des spécialistes se penchent sur la question, le journal L’Expression est allé à la rencontre des miliciens et des volontaires qui ont combattu aux côtés des ex-FN ou du «Commando invisible». Surtout ceux qui ont été frappés de troubles psychiques du fait d’exactions sur les populations, notamment les militants Rhdp ou ceux présentés comme les partisans du Président déchu.
Lundi 18 avril, une semaine après la capture de Laurent Gbagbo, nous empruntons un véhicule de transport en commun. Destination, la localité de Tiassalé située à une centaine de kilomètres d’Abidjan. Dans le véhicule ‘‘Massa’’, un sujet passionne tous les passagers. Une information faisant état de l’arrivée d’une déplacée de guerre peu ordinaire parmi le lot qui a fui les bombardements entre les membres du Commando invisible et les soldats pro-Gbagbo pour se réfugier dans la «Cité de la symbiose», emballe chacun. C’est l’histoire d’une maman qui a ému à Tiassalé. Un voisin de car raconte, volontiers, la mésaventure de la déplacée. «C’est une mère de famille qui n’a pas supporté l’horrible scène de l’assassinat de ses enfants par des mercenaires libériens. Elle est devenue folle au bout de sa crise de nerfs», relate-t-il. 24 heures après notre arrivée dans la ville, nous décidons d’aller à la rencontre de l’infortunée que nous appelons sous le pseudonyme de « Rosanne A ». Elle avait pris ses quartiers à la gare des mini cars, en face de la Coopec. La quarantaine révolue, Rosanne A. fait admirer ses rondeurs aux voyeurs qui ne se privent point de s’interroger. «Qu’est-ce qui a bien pu mettre une si belle créature dans cet état?», se demande-t-on. Des témoins, racontent qu’elle aurait embarqué depuis Yopougon dans un convoi en compagnie d’autres personnes fuyant les combats qui faisaient rage dans la commune. Habillée d’un tee-shirt délavé et d’un morceau de pagne noué à la hauteur de la hanche, la malheureuse femme garde précieusement, dans un sac en bandoulière, les photos de ses enfants dont deux filles. Elle n’hésite pas à brandir les photos à tous ceux qu’elle croise sur son chemin. «Michou, ma fille, ne pleure pas, maman arrive», se console-t-elle devant l’indifférence des passants. Puis, elle se lance dans un coq à l’âne déroutant. Avant de plonger dans un silence qui en dit long sur son désarroi. Nous n’osons pas l’interrompre et décidons de la laisser dans sa ‘‘méditation’’. A notre retour dans la capitale économique, nous décidons d’approfondir notre enquête ; cette fois dans les rangs des ex-combattants qui ont ‘‘pété les plombs’’.

Jeunes patriotes, Frci : à chacun ses fous
Cap sur Yopougon où des « jeunes patriotes » et des miliciens à la solde de l’ancien président ont régné en maître avant la chute de leur leader. C’était le temps de la terreur de l’«article 125». Un code des partisans de Gbagbo qui s’appliquait contre les «ennemis de la Côte d’Ivoire». L’équation était simple. Ils achetaient du pétrole à 100 Fcfa et une boîte d’allumettes à 25 Fcfa. C’était largement suffisant pour passer au bûcher les populations suspectées de soutenir Alassane Ouattara. Quatre mois après la fin de la crise, le sort semble s’abattre sur les auteurs du supplice du feu. «Tu ne tueras point», enseigne la Bible. Pour avoir foulé au pied cet amendement, beaucoup de nombreux ex-miliciens sont comme traqués par les fantômes de leurs victimes. Au quartier « Koweit », les propos d’un ex-milicien traduisent éloquemment cette loi du karma. «C’est moi qui l’ai brûlé et puis après?», répétait-il sans cesse, en parcourant la principale rue de ce sous-quartier de Yopougon. Comme lui, ils sont nombreux à avoir disjoncté. A Abobo, commune surnommée ‘‘Bagdad city’’, assis devant une boulangerie, une baguette de pain en main, un jeune robuste s’essuie, d’un geste sec, la main sur son pantalon Jeans. Ses cheveux en ‘‘dread lock’’, ses traits tirés et ses larges cernes trahissent le manque de sommeil. Comme Rosanne A. et le premier milicien, il n’est plus en possession de ses facultés mentales. Fuyant les regards de la foule curieuse, il lève, de temps en temps, les mains vers le ciel en criant: «Yopougon-Koweit ! Yopougon-Koweit !» Son apparence ne laisse personne indifférent. «C’est un combattant traumatisé par les crimes de la guerre. Il a tellement tué qu’il est devenu fou», soutiennent des passants qui le regardent avec dédain. «C’est la drogue qui l’a rendu ainsi», renchérit un autre. Des informations concordantes indiquent que le ‘‘rasta d’Abobo Samaké’’ a pris part aux combats pour libérer Koweit des mains des miliciens et mercenaires libériens. Dans la commune voisine de Cocody, un ex-combattant Frci fait partie des «fous» de la crise post-électorale. Il a installé son camp dans le périmètre du rond point de la Riviera II où il quémande la nourriture dans les kiosques et restaurants. Un élément des Frci explique l’origine de son ‘‘mal’’. «Ce sont les ‘‘kondrôs’’ (Ndlr : fétiches dont raffolent les ex-combattants) qui l’ont rendu fou», confie-t-il. Avant de poursuivre : «Les amulettes de protection de ce jeune homme lui interdisent de toucher à un cadavre. Il a transgressé ses interdits, c’est pourquoi il est dans cet état». Un chef de guerre versé dans les pratiques occultes, qui a requis l’anonymat, confirme que les gris-gris ont des totems qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur ceux qui les portent. Interrogé, le commandant « Jah Gao » du camp commando d’Abobo, reconnaît que la prise en charge des ex-combattants dans la tourmente est un souci quotidien. «Les autorités n’ont pas encore réagi car elles ne sont pas informées. De même, les familles de ceux qui sont morts au cours des combats réclament constamment de l’aide», indique-t-il. En attendant les « solutions » du Président de la République et son gouvernement, on fait avec les moyens de bord. Un jeune homme du camp d’Abobo qui montre des signes de troubles mentaux a été envoyé sur Boundiali pour suivre des traitements traditionnels.

Stéphane Assamoi
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