x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le samedi 20 août 2011 | Le Patriote

Reportage à Issia/ Digbeu Zégbéhi, notable de Kiprégogoua : “Les FRCI ont sauvé la ville”

Un spectacle désolant. Une vue apocalyptique. Des maisons incendiées ici, des murs cassés là, des portes et fenêtres défoncées. Partout à Kiprégogoua, dans le quartier Gnolougogoua, dans la commune d’Issia, les traces des affrontements post-électoraux sont encore visibles. C’est avec beaucoup d’émotion que Digbeu Zégbéhi, un notable du village, raconte à son visiteur du jour, Raphaël Lakpé, inspecteur du RDR, natif du village : « Tous nos biens ont brûlé, on n’a pu rien sauver. Dans le quartier, c’est seulement à nos maisons qu’on a mis le feu. On ne sait pas pourquoi ». En réalité, tout s’est passé au lendemain des proclamations des résultats de la présidentielle 2010. Quand, le jeudi 2 décembre 2010, donnant la victoire à Alassane Ouattara, ses partisans sont sortis dans la ville pour manifester leur joie. Les rues ont été envahies, sans que l’on ne dénote aucun dérapage. Mais le lendemain, vendredi 3 décembre 2010, quand le président du conseil constitutionnel a renversé les résultats pour proclamer Laurent Gbagbo, vainqueur, des jeunes de la ville se sont mis à casser et à piller les magasins des commerçants des ressortissants du nord. Comme si cela ne suffisait pas, ces jeunes dont certains étaient armés, ont commencé à tirer sur les propriétaires venus sauver leurs magasins qui partaient en feu. Il y a eu au moins six morts ce jour-là. Et c’est en donnant la réplique à ces jeunes, explique-t-on, que des maisons appartenant aux militants connus du FPI, ont été incendiées et saccagées à leur tour. La partie sud du village de Kiprégogoua, notons-le, est complètement « avalée » par la ville.

Vie dans la brousse

Dans ce quartier de la ville, évidemment, les habitants se connaissent. «C’est pour cela que je vous demandais de ne pas tenir de discours de haine, de menace et tolérer que chacun milite dans le parti de son choix », a regretté l’Inspecteur du RDR devant ses parents ses parents. « Les fautifs, c’est nous qui sommes venus d’Abidjan avec des discours de haine et beaucoup de mensonges ». Et le mensonge continue. « Il ne se passe pas de jours sans que l’on n’annonce que des villages bété sont attaqués ou rasés. Tout cela pour empêcher la réconciliation prônée par le président de la République », a déploré le visiteur. En effet, dans la région, l’on a tendance à présenter les FRCI comme des tueurs qui sèment la mort sur leur chemin, ce qui n’est pas vrai. Et c’est le notable Digbeu Zégbéhi qui l’exprime : « Ceux qui sont arrivés en dernier lieu, (les FRCI, ndlr) n’ont tiré sur personne. Bien au contraire s’ils étaient arrivés plus tôt, peut-être que ce qui s’est passé n’allait pas se produire ».
Kiprégogoua était la première étape de la tournée de Raphaël Lakpé dans sa ville natale (13-17 août), pour échanger avec ses parents sur la crise vécue et leur transmettre le message de réconciliation du président de la République. Pendant son séjour, il a rencontré les présidents des jeunes des 21 villages de la commune pour leur parler de la nouvelle Côte d’Ivoire, celle du travail, du respect des aînés et des valeurs sociales. « La jeunesse ne doit plus être une profession, encore moins un passe-droit. Faites des projets, des structures d’aide et de soutien sont en train d’être mises en place pour aider les jeunes entrepreneurs. Mettez-vous en situation d’en profiter », devait-il conseiller aux responsables des jeunes des villages qui ont apprécié la rencontre et ont fait connaître leurs préoccupations. Notamment les tracasseries dont ils sont parfois victimes de la part des éléments zélés des FRCI installés dans la ville. Comme ces jeunes, les habitants des villages de Bobréguhé et de Ouandia, localités situées, respectivement à six et quatre kilomètres d’Issia, sur la route de Daloa, ont profité de la visite du responsable du RDR, pour égrener les griefs contre ces militaires et les militants du RDR qui les raillent, surtout les femmes sur les marchés. C’est également, en riant parfois d’eux-mêmes que ces habitants racontent les aventures qu’ils ont vécues dans les brousses où ils se sont réfugiés, à l’approche des FRCI en mars peu avant la chute de Laurent Gbagbo. « Nous avions fui dans la forêt, sous la pluie on ne savait où se cacher. On a passé de nombreuses nuits dans des conditions très difficiles. Parmi nous, il y a eu des morts. Certains d’entre nous en ont gardé des séquelles » racontent-ils. Le chef du village de Ouandia qui était déjà souffrant avant la fuite, n’a pu supporter le froid de la forêt. Il a rendu l’âme. Une période qui reste encore vivace dans les esprits et dont les villageois parlent avec une colère retenue. « Heureusement que le commandant qu’ils ont laissé ici était d’Issia. Tagro (le commandant en question est un fils de la région) nous a beaucoup aidés. Grâce à lui, beaucoup d’entre nous sont revenus au village. Mais quelques uns sont encore en brousse. Ils y sont restés », a-t-il regretté. Le traumatisme dû à l’arrivée exagérément commentée des FRCI n’a pas encore disparu. Un habitant lance à l’hôte du jour, militant du RDR : « Avant, c’était un problème de Gbagbo et de ses partisans contre ceux de Ouattara et de ses partisans. Maintenant, c’est devenu une affaire de bété et de dioula. Or c’est nous qui les avons accueillis chez nous. Avant, il n’y avait pas de problème entre nous mais actuellement ce n’est plus le cas. Nous voulons que l’on nous respecte. Nous voulons la paix ». En écho, plus tard quand la délégation de Raphaël Lakpé rencontrera les chefs des communautés pour parler de ces sujets, Ibrahima Sangaré, membre influent de cette communauté, répondra en ces termes : « Nous n’oublions pas que les bété ont été nos tuteurs. Ce sont eux qui nous ont accueillis. Nous voulons également la paix. Nous voulons vivre avec eux comme nous avons toujours vécu. Dès vendredi, nous lancerons des messages pour que cessent immédiatement les railleries dont leurs femmes disent être victimes sur les marchés ». Cette volonté de paix sera mille fois affirmée par tous les responsables de la chefferie rencontrés. Le chef central, Dédé et le chef de tribut, Néza, insiteront sur le fait que la politique a fait beaucoup de torts dans la région. Maintenant que le président Alassane Ouattara est installé, la paix doit revenir. Pour nous les planteurs, diront-ils, « nos partis politiques ce sont nos plantations. Si nos produits sont mieux rémunérés, nous soutenons la politique de celui qui est en place ». Raphaël Lakpé a rassuré les uns et les autres quant à la capacité du président Ouattara, homme de tolérance et de justice, à œuvrer pour le bonheur de tous les Ivoiriens.
A Issia, l’arrivée des FRCI, comme l’a reconnu le notable de Kiprégogoua, a permis de limiter les dégâts. Quand les FRCI sont entrées dans la ville, raconte Aly Sylla, secrétaire départemental RDR de la localité, « nous avons mis sur pied un comité de crise pour servir d’interface entre les militaires et les populations ». Même si de nombreux griefs sont faits à ce comité, il faut reconnaître qu’il a aidé à canaliser les populations et aide aujourd’hui, les autorités établies à gérer tant bien que mal, l’après crise. Une structure de ce comité chargé des victimes post-électorales, annonce avoir répertorié, à ce jour, 506 dossiers de biens détruits, à soumettre aux services compétents du ministère en charge des Victimes de guerre. Sur 60 véhicules déclarés volés, une vingtaine a été restituée. Là-bas, l’on ne tarit pas d’éloges pour le lieutenant de gendarmerie, A. Doumbia, commandant de zone. Par exemple, pour les problèmes fonciers, premiers soucis des populations, le commandant aurait établi une règle simple tout en rappelant que ces litiges sont du ressort de la justice : S’il ya une plainte, si l’allochtone se présente avec un document, il n’y a pas de débat. La parcelle querellée lui revient. S’il n’y a aucun document, l’autochtone, propriétaire coutumier, reprend la parcelle. Mais, il est conseillé aux uns et aux autres, au nom de la paix, de ne pas exhumer des problèmes vieilles de plusieurs décennies et ayant déjà connu un règlement dans le temps. A Issia, la vie reprend petit à petit. L’administration est en place. Le préfet du département, Ossey Achi, avec son équipe au complet, a reçu Raphaël Lakpé et sa délégation à la fin de la tournée, pour reconnaître que petit à petit, les choses reprennent leur place à Issia. Bien sûr le dialogue entre les populations n’a pas encore totalement repris. Ici et là, il y a encore des réticences. Nombre de partisans de Laurent Gbagbo croient encore à un retournement de situation. Mais ils sont nombreux à reconnaître que le pouvoir a définitivement changé de main et qui demandent au président Alassane Ouattara de faire tout pour un retour définitif de la paix. Un pari que relèvera le nouveau pouvoir, selon Raphaël Lakpé.

Une correspondance particulière de
Daniel K. Bah.
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ