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Politique Publié le mardi 6 septembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Interview - Da Candy Lepetifils parle de la Côte d’Ivoire depuis son exil : ‘’La Côte d’Ivoire est devenue un pays de merde’’

Diaby Amadou Innocent dit ‘’Da Candy Lepetifils’’ est un chroniqueur et contributeur prolixe dans les journaux où ses écrits ‘’acerbes’’ interpellent très souvent les chefs d’Etat, les politiques et les autorités nationales. En exil depuis l’avènement du Président Ouattara parce que dit-il ‘’menacé’’ par les hommes armés, Da Candy Lepetifils jette un regard sans concession sur la réconciliation prônée par les nouvelles autorités. Il parle aussi de son ‘’houphouétisme enragé’’, revient sur le pouvoir Gbagbo et dit ce qu’il pense des débuts de Ouattara.

Votre nom semble bizarre et peu commun et connu. A-t-il une signification particulière ?
Il faut dire d’emblée, qu’il n’y a aucune bizarrerie dans mon pseudonyme Da Candy Lepetifils. En Malinké d’Odienné « Da Candy » signifie « parole donnée » que je tiens de Moussa Ouélé de Tienko-Odienné mon grand-Père (29 septembre 1898) et Lepetifils parce que je suis son petit-fils. Il y a certains de vos confrères journalistes qui ont déjà donné mon nom à l’Etat Civil Diaby Amadou Innocent à des magistrats qui voulaient en savoir plus conformément aux normes qui régissent votre profession. Mon nom à l’Etat Civil est donc Diaby Amadou Innocent. Mon pseudonyme est Da Candy Lepetifils. Voyez-vous il n’y a aucune bizarrerie dans mon nom si je dois demeurer Lepetifils de mon grand père qui n’était pas un vendeur de tapis. Ne pensez pas que je me réclame Petitfils d’un empereur, le nord de la Côte d’Ivoire n’a pas eu d’empereur.

Quelle est votre situation familiale et professionnelle ?
Je suis âgé de 48 ans, juriste « internationaliste-publiciste » militant des droits de l’Homme et des libertés individuelles et leader d’un mouvement d’utilité citoyenne « la légitimité citoyenne », auxiliaire de justice. J’ai concilié les peines étude et travail dans un cabinet d’avocats à Abidjan. Je suis père de famille peu nombreuse, je suis ni musulman, ni chrétien. Je demeure « un cafri » pour le Malinké d’Odienné. Je préfère l’embarras matériel dans une aisance intellectuelle à l’embarras intellectuel dans une aisance matérielle. Je suis doublement centriste, républicain social, totalement indépendant et un Houphouétiste enragé.

Vous êtes avec le Cheikh Yacouba Sylla qui est décédé le 07 Août, l’un des principaux chroniqueurs et contributeurs dans les médias. L’avez-vous connu et que pensez-vous de sa mort ?
Un jeune de mon âge, « enfant d’indépendance », qui œuvre dans le milieu politique ne peut pas dire qu’il ne connaissait pas l’illustre disparu Cheikh Yacouba Sylla, « que la paix de son Dieu soit sur lui ». Toutefois je n’ai pas eu la chance de le côtoyer, bien que je côtoie les jeunes Sylla de sa famille. Je le connais donc, mais je ne l’ai pas côtoyé. L’écart d’âge entre lui et moi n’a pas favorisé ce souhait. Maintenant quant à sa mort, je dirai ce que tout Ivoirien de bonne foi vous dira. C’est une perte énorme pour la Côte d’Ivoire au moment où elle a besoin de lumière. Cheikh Yacouba Sylla était un éclaireur désintéressé, qui n’a jamais failli à sa mission de guide tant que besoin se faisait sentir. Dans sa vie, il a redressé par ses chroniques et tribunes pas mal de situations sociopolitiques nauséabondes et a régulé constamment les actions de pas mal de chefs d’Etat ivoiriens dans l’exercice de leurs fonctions qui manquait souvent d’éclairage. Voilà pourquoi, j’ai ressenti sa mort comme une lumière qui s’est éteinte devant la dame ivoire qui traverse une nuit dangereuse et funeste. Toutes mes condoléances à sa noble famille peinée qui doit vivre les anniversaires de sa mort à la même date que la naissance de sa patrie le 07 Août de toutes les années. Toutes mes condoléances attristées.

Alors vous êtes donc en exil, comment cela se fait-il ?
Ecoutez ! Comment ça peut être autrement quand on est manifestement menacé de mort dans son pays, qui te doit droit et sécurité. Je suis resté en Côte d’Ivoire pendant les « 12 » années de crise continue du 24 décembre 1999 au 11 avril 2011 sans quitter mon pays. Le seul voyage que j’ai effectué pendant ces douze ans, c’est quand je suis allé observer l’élection présidentielle du Mali d’Avril et Mai 2002. Quand les hommes en armes dans des véhicules armés barrent les deux pattes-d’oie qui mènent à votre résidence de 01 heure à 5h30, des nuits entières, et qu’on envoie des jeunes désœuvrés qu’on a armés, avec des armes automatiques, parader dans les rues en face de votre résidence en déversant des insanités telles que «celui qui écrit sur le pouvoir de Ouattara Alassane son cimetière est clair, nous on ne connaît pas d’adversaires politiques ; on est en guerre et à la guerre il n’y a que des ennemis, on va vous tuer tous compagnie Gbagbo-là». Et que vous alertez les chancelleries dont l’Ambassade de France sans succès, alors il vous reste quoi d’autre si vous voulez vivre ? Quitter son pays malgré soi ! C’est ce que j’ai fait. Il m’a été rapporté de sources sûres que ces gens « de FRCI » ne cherchaient que l’incident pour exécuter l’ordre reçu de leur supérieur. Surtout qu’on m’a accusé d’être l’ami des miliciens de Yopougon, l’ami d’un milicien est un milicien !

Durant les années Gbagbo avez-vous été menacé ?
Même si je ne peux pas tenir le président Gbagbo pour l’instigateur de ces menaces, oui j’ai été menacé durant les années Gbagbo. Je dirai même pire, j’ai vu moi les escadrons de la mort de mes yeux, la mort en face quoi ! C’était un samedi dans la voie qui sépare l’imprimerie nationale au Plateau et l’église juste en face. J’allais à un rendez-vous dans un hôtel de la place juste à côté du premier arrondissement. Les escadrons de la mort étaient dans une Jeep sans immatriculation et ils étaient guidés par un enfant qui connaissait mon programme. A ma vue, cet enfant leur a dit, «le voilà ! C’est lui ! Si tu le vois on dirait que ce n’est pas lui or c’est lui ! » Et un des escadrons de la mort s’est écrié en disant «le cerveau !!!» Paraît-il que c’était mon nom de code dans leur ragot. Ayant entendu tout ceci je me suis approché de la foule vers la porte de l’église où il y avait un mariage, ils ont alors compris que j’étais prêt à ameuter la foule devant l’église. Ils sont partis après concertation entre les quatre hommes en treillis et armés de Kalach, dont l’un a dit « ici là ce n’est pas bien ». On m’en voulait d’avoir prédit la guerre. Je venais d’écrire dans une tribune que le nationalisme primaire a pour frère jumeau la guerre et juste quelques jours après, la guerre a éclaté le 22 Septembre 2002. Ils ont alors déduit que j’étais le cerveau de la rébellion de Ouattara et Soro. Sans oublier que mon domicile a été saccagé, pillé, volé, au nom du pouvoir de Gbagbo.

Pourquoi ces menaces ne sont-elles pas allées plus loin, sous Gbagbo ?
Il faut souligner ici que je suis militant des droits de l’Homme et des libertés individuelles et également leader d’un mouvement politique d’utilité citoyenne; surtout je suis d’un réseau d’ONG internationales. A ce titre, quand j’ai ce genre de problèmes et de menaces, quelle que soit la nature, j’alerte le réseau d’entraide qui s’active de par le monde à la recherche de solutions. C’est ainsi qu’après les faits que je viens d’expliquer ci-dessus, il y a eu une campagne de recherche de solutions, tout comme quand j’ai reçu une convocation du doyen des juges d’instruction sur instructions du ministre de la Justice et de celui l’Intérieur à cause d’une de mes tribunes jugée incendiaire et publiée le 18 Octobre 2008. A cette occasion, un ministre de la République a menacé de démissionner si on m’arrêtait pour mes opinons. Je le salus. Quand les services d’impôts m’ont sommé de payer 19.800.000F d’impôts le 5 Décembre 2006, il y a eu des interventions au plus haut niveau de l’Etat venant de mes amis extérieurs du réseau d’ONG. Si je ne m’abuse, il y a un éminent religieux et prix Nobel de la paix qui est intervenu auprès des autorités ivoiriennes ; quand j’étais sûr d’être arrêté par la justice à cause de ma tribune du 18 Octobre 2008. Je pense que tout cela a pu dissuader l’homme d’Etat qui tient à son image et Gbagbo tenait à la sienne. Sans oublier qu’il y avait une Touré au palais présidentiel à côté de Gbagbo.

Dites-nous quel est le véritable impact de vos sorties dans la presse ?
Impact ? Bon ! Nous, nous visons des objectifs et des buts clairs et précis. De par nos tribunes nous cherchons à éveiller les consciences, à éclairer les citoyens, à provoquer des débats utiles autour des choses essentielles de la société, telles que les normes anomiques, les mauvaises gouvernances, les manquements des pouvoirs d’Etat. Critiquer pour obvier les crises sociopolitiques, et réguler le fonctionnement de nos systèmes et appareils politiques. Mesurer l’impact d’un tel travail de longue haleine, inlassable et parfois ingrat n’est pas aisé pour nous-mêmes, c’est dans la société et dans la sphère politique visée que l’impact peut être mesuré. Mais je peux vous rassurer, les citoyens nous témoignent d’une énorme sympathie complice. Nous avons été à la base de certains changements de politiques et avons réussi à faire l’unanimité autour d’une modification constitutionnelle avant l’élection présidentielle «article 35 et autres». Il est de notoriété publique que le pouvoir frontiste se corrigeait souvent en fonction de nos tribunes dans la presse. Vous savez, une analyse doit respecter un schéma classique, des agencements scientifiques, et des critères techniques. Il est difficile d’échapper à cette forme qui veut qu’une analyse soit thématique et objective, si l’on veut être compréhensible et compréhensif. Quand l’analyse a pour but d’éveiller les consciences, donc de faire comprendre, d’éclairer, donc de faire savoir, de débattre, donc de convaincre, d’agiter des idées, donc d’orienter, dans ses cas on peut certes faire de la litote, mais pas du succinct. C’est la recherche de se faire entendre dans le moindre détail qui rend nos analyses longues, pour être audible sinon ça ne sert à rien d’écrire. Aussi si nous nous fions à la réaction positive de nos mandants « les citoyens » nous pouvons affirmer que nous sommes aisément lus par toutes les couches sociales de la société. Quand des milliers de citoyens bombardent votre boîte électronique de E-mail, vous téléphonent intempestivement et vous accostent en vous disant ‘’vous avez averti pour la nécessité de voter pour Bédié, nous on a voté, mais on ne sait pas ce qui s’est passé et que tout compte fait ce que vous avez dit, on a vu comme le soleil». Surtout quand un homme d’Etat de la trempe de feu Boga Doudou vous accueille avec cette phrase (mon dieu ! et ton adversaire l’article 35 de la constitution ?) C’est que vous êtes bien lu et bien compris.

Vous êtes anti-Gbagbo, anti-rebelle…vous étiez au RHDP, mais finalement nous semblez être un Pdci plutôt anti Ouattara ?
Ecoutez ! A la légitimité citoyenne nous ne sommes anti de quoi que ce soit et de qui que ce soit. Les hommes politiques physiques ne nous intéressent pas. Ce qui nous intéresse en l’homme politique ce sont ses idées, l’idéologie qu’il véhicule, le système qui le soutient et ses actions politiques qui décident de la vie de tout le monde. Nous combattons des idées, des politiques, des systèmes et des actes politiques, nous ne lynchons personne. Mais n’empêche, nous sommes doublement centriste, citoyen et républicain social convaincu, totalement indépendant et surtout houphouetiste enragé. Ce qui nous rapproche de Bédié l’héritier légitime de Félix Houphouët-Boigny. Nous sommes l’anti de tous les travers politiques qui favorisent toutes les désespérances qui ont conduit à la déchirure sociale « nord-sud et est-ouest » et à la guerre qui vient de faire plus de « 5.000» morts dans notre pays. L’homme physique ne nous intéresse pas encore moins sa fortune matérielle. Quant au PDCI, c’est de père à fils, c’est plus fort que nous.

Vous êtes un nationaliste, un souverainiste, un ivoiritaire ?
Le nationalisme primaire a pour frère jumeau la guerre civile. Le souverainisme frileux conduit à l’enfermement hermétique sur soi. L’ivoiritaire est borné et sans mémoire. Mais il y a le nationalisme positif et le souverainisme indispensable, que nous ne proscrivons pas à la légitimité citoyenne, mais ivoritaire, non !!! Le concept ivoirité a été vidé de son sens littéral et philosophique par les pouvoirs qui se sont succédé après 24 décembre 1999. Par exemple quand nous entendons que notre pays souverain veut nommer un premier ministre « acte hautement souverain » et qu’une communauté internationale s’y oppose. Nous avons mal à notre pays souverain et disons que la Côte d’Ivoire est tombée très bas, que la Côte d’Ivoire coule, que la Côte d’Ivoire est devenue un pays de merde dans le concert des Nations policées. C’est vraiment dommage pour le pays de Félix Houphouët-Boigny !

Que pensez-vous d’Houphouët ?
Félix Houphouët-Boigny est notre modèle. Nous sommes à Félix Houphouët- Boigny ce que Jésus Christ est à un chrétien, nous sommes à Félix Houphouët-Boigny ce que Mohamed est à un musulman. Et la légitimité citoyenne est à Houphouët ce que les pasteurs sont à l’Eglise et ce que les talibans sont à l’Islam. Donc nous laissons aux autres hommes politiques de par le monde les soins de parler de la carrure de l’homme politique Houphouët-Boigny. Pas plus que le 27 Août 2011 un ami suisse m’a interpellé dans une causerie en disant ceci : «Vous les héritiers de Félix Houphouët-Boigny. Après tout ce qu’on a vu dans son pays après sa mort de 1993 jusqu'à maintenant, vous arrivez encore à vous réclamer de ce grand homme pour qui une goutte de sang versée était le comble de l’horreur avec vos 3000 morts en 45 jours et plus de 6000 morts en dix ans de septembre 2002 à ce jour ?» Tout couvert de honte, je suis arrivé à articuler cette phrase : « tu sais que les Félix Houphouët-Boigny on n’en trouve pas tout les siècles (100 ans)». Mais j’ai compris que cet ami endurci du CICR était plus Houphouetiste que tant d’autres, qui s’en réclament en Côte d’Ivoire, cela m’a consolé. La situation actuelle de la Côte d’Ivoire parle de Félix Houphouët-Boigny au monde entier.

Votre regard sur Gbagbo ?
Notre regard sur le Président Gbagbo est positif ; ce regard nous offre l’image d’un démocrate qui sait s’accommoder avec le débat politique et démocratique. Je suis bien placé pour le savoir et le dire parce que depuis octobre 2002 jusqu'à la fausse vraie élection présidentielle clôturée le 28 novembre 2010, je suis resté, le pied dans les talons du Président Gbagbo avec au moins une tribune toutes les semaines contre ses actions politiques même souvent salvatrices. Mes amis de l’extérieur s’en sont inquiétés pour moi. Mais il n’a pas fait ce que d’autres veulent faire aujourd’hui, par personne interposée, c’est-à-dire, m’éliminer physiquement parce que gênant. Ceux-là même dont certains proches du Président Gbagbo nous disaient pourtant très proches. Nous n’avons jamais été l’ennemi du Président Gbagbo que nous voulions battre démocratiquement dans les urnes pour reprendre la voie de Félix Houphouët-Boigny avec Bédié son héritier légitime. Sans haine, sans rancune. Que le combattant de la liberté le sache!

Quand comptez-vous retourner au pays ?
Le jour où les autorités ivoiriennes comprendront que la justice des vainqueurs conduit à une crise plus grande que la précédente. Qu’au terme de la crise postélectorale tous les belligérants de cette crise postélectorale sont passibles de poursuites. Que ce soit Gbagbo ou Ouattara. Autant Gbagbo est passible de poursuite devant la Cour pénale internationale, autant Ouattara Alassane est passible de poursuites devant la Cour pénale internationale. Tous les autres ne feront que leur servir du thé à la Cour pénale internationale y compris le Premier ministre Soro. Je viendrai le jour où la sécurité serait effective pour tous dans le pays réconcilié entre ses fils de tous bords politiques et réconcilié avec le monde. Il n’échoit pas d’aller livrer sa tête mise à prix, dans un concert de différenciation «nord-sud» et «est-ouest». Certes, rien ne se fera en Côte d’Ivoire sans justice impartiale qui proscrit les poursuites à sens unique, mais aussi, rien ne se fera sans réconciliation vraie, sans pardon dans la reconnaissance mutuelle de tous les ivoiriens, sans une contrition de tous les acteurs politiques, des torts causés au pays et aux citoyens, dans une société policée qui admette hétérogénéité des sous cultures nationales, sans différenciation « nordisme, sudisme, estisme, et ouestisme ». Quand ce jour se lèvera et il se lèvera un matin contre vents et marées, c’est une promesse, je rentrerai dans mon pays.
Je vous remercie.
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