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Politique Publié le mercredi 14 septembre 2011 | Le Temps

De sa détention à Korhogo : Gbagbo écrit à Sarkozy

Excellence Monsieur le Président,

Le 31 août 2011, lors de la conférence annuelle des Ambassadeurs à Paris composée de diplomates du monde accrédités près de la France, vous avez mis un point d’honneur à vous étendre sur votre vision nouvelle de la politique étrangère de la France. Certainement pris de remords, de tourments et d’une gêne bien visible, vous vous êtes pris au budget sur un ton répétitif, de justifier l’intervention illégale de votre «puissante armée» en Côte d’Ivoire et en Libye pour des raisons que vous énoncez vous-mêmes difficilement, tant elles paraissent absurdes. Vous justifiez en effet l’intervention armée de votre pays en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire et en Libye, par un nouveau concept ; celui «de la responsabilité de protéger».
Monsieur le Président de la République, ce qui paraît une trouvaille pour vous, n’est qu’une variante des idéologies impérialistes déjà développées par vos illustres prédécesseurs.
Les Africains sont peut-être, de grands enfants pour vous, mais ils ont au moins de la mémoire. Ils se rappellent donc que chaque action prédatrice de votre cher peuple occidental en Afrique a toujours été justifiée par votre soi-disant humanisme. C’est bien au nom de cet humanisme que vous avez justifié la colonisation en Afrique après l’avoir soumise au joug de l’esclavage. Le Président Laurent Gbagbo suffisamment instruit de l’histoire du peuple africain, fait partie hélas de ceux qui trouvent votre amour pour les peuples africains trop suspect pour être sincère. Ils vous soupçonnent de vouloir corrompre le droit international humanitaire en Afrique pour des raisons qui relèvent de votre intérêt personnel qui du reste, se détachent des grandes valeurs que la France a légué à l’humanité. Votre regard condescendant sur l’Afrique traduit tout au moins le mépris que vous avez pour ce continent qui ne sait pas, suivant votre échelle à vous, entré dans l’Histoire. Ce regard condescendant manque donc l’honnêteté. C’est pourquoi vous avez du mal à comprendre et admettre qu’un pays souverain ne puisse avoir, du seul fait qu’il soit africain, les moyens de réguler ses contradictions internes.
Monsieur le Président de la République, souffrez que je vous rappelle que la Côte d’Ivoire reste un Etat souverain au même titre que la France. A ce titre, la Côte d’Ivoire possède une Constitution comme la France. Elle s’est dotée d’organes de gestion de l’Etat pour réguler les rapports sociaux à l’image de ce qui se passe en France. Le Président Laurent Gbagbo a été déclaré vainqueur d’une élection qui s’est déroulée sur le sol ivoirien conformément aux règles et procédures que le peuple ivoirien s’est souverainement données. Il tient à rappeler solennellement qu’il demeure le Président légitime et légal de la Côte d’Ivoire parce qu’il a gagné l’élection présidentielle. Son arrestation arbitraire et sa détention tout aussi illégale n’entament en rien cette réalité.
Monsieur le Président de la République, au cas où vous ne le sauriez pas, votre homologue, le Président Laurent Gbagbo, a porté une plainte auprès du tribunal aux armées de Paris contre l’Armée française pour assassinat et tentative d’assassinat. La plainte régulièrement formulée a été introduite par les soins de ses avocats le 5 juillet 2011. D’autres actions sont en cours auprès des tribunaux français et internationaux. Elles vous visent directement pour votre action illégale en Côte d’Ivoire. Il est bon de rappeler qu’aucune disposition légale ni du droit interne française ni du droit international ne vous a donné mandat pour agir en Côte d’Ivoire comme vous l’avez fait. La résolution 1975 de l’Onu ne vous a jamais donné mandat pour arrêter le Président Gbagbo et le remettre à l’ennemi.
Le Président Laurent Gbagbo tient à rassurer l’Armée française que, c’est dans la douleur qu’il a été contraint d’engager des poursuites contre elle. Il est tout simplement à la recherche de la vérité. Il tient à ce que le monde entier sache que c’est bien lui qui a gagné les élections en Côte d’Ivoire. Il n’a pas aucune animosité personnelle contre l’Armée française, lui, fils du sergent chef Koudou Paul dans l’Armée française, qui a combattu sans regret pour restaurer la grandeur perdue de la France dans les Ardennes. Un lien fort l’unit à cette grande Armée. Ceux qui, ni eux, ni leurs ascendants, n’ont jamais pu connaître l’Armée française de façon aussi intime, ne peuvent comprendre ces liens. Il est malheureux de constater que l’Armée française, dont les souvenirs ont souvent occupé les conversations de son père, soit obligée de combattre aux côtés de mouvements rebelles pour défendre des causes qui sont aux antipodes de la grande espérance que la révolution française et la déclaration de 1789 qui en a suivi, ont apporté à l’humanité tout entière.
Les mobiles de l’intervention de l’Etat française en Côte d’Ivoire restent totalement étrangers aux intérêts du peuple français. Il s’agit de la manifestation des appétits exagérés de réseaux pervers qui tentent de soumettre le monde et particulièrement
L’Afrique à leurs intérêts égoïstes. Le Président Gbagbo en est conscient. C’est pourquoi il refuse l’amalgame que l’on tente de faire à dessein en le présentant comme étant l’ennemi des Français. Le Président Gbagbo réaffirme son attachement au peuple français à qui des raisons affectives le lient solidement. Il y a fait une partie de ses études et a bénéficié de ce fait de l’hospitalité de nombreux Français. Cela constitue une attache solide qui ne peut se défaire aussi facilement à coups de campagne de dénigrement par ceux qui méconnaissant l’Histoire du grand peuple qu’ils sont censés diriger.
Cependant, le Président Gbagbo reste inflexible sur sa détermination à défendre et à préserver la souveraineté du peuple africain. Cette détermination est l’axe majeur de son combat politique vieux de plus d’un demi-siècle. Ce ne sont donc ni les bombes, encore moins les campagnes de dénigrement, qui sauraient le détourner de son combat.
C’est au nom de ce principe essentiel de sa vie qu’il a refusé que son armée aille défiler sur les Champs Elysées le 14 juillet 2010, alors que le gouvernement ivoirien attendait du gouvernement français un début de réparation des tueries perpétrées sur les civils en 2004 par l’armée française et qui ont fait plus de 60 morts. C’est pour cette même raison qu’il a refusé de se rendre aux assises Franco-Afrique de Nice 2010.
Monsieur le Président de la République, vous aurez du mal à convaincre le monde que vous n’avez pas trouvé intolérable cet affront venant de surcroit, d’un Président africain. Le monde aura compris alors votre haine vis-à-vis du Président Laurent Gbagbo.
Aucune peine n’est trop grande pour qui se bat pour la grandeur de son peuple. Monsieur le Président de la République, le pays que vous diriger en donne plusieurs exemples. Le plus récent reste le cas du général de Gaulle. Peut-être que si vous appreniez à mieux connaître son amour pour le peuple français, vous comprendriez certainement mieux, avec un peu de bonne foi, l’amour du Président Gbagbo pour le sien.
Le Président Laurent Gbagbo vous informe par ailleurs qu’il a instruit ses avocats à l’effet de demander une enquête internationale sur les tueries d’Abobo dont vous l’accablez. Il reste convaincu que cette enquête vous révèlera des surprises désagréables. Il espère que l’Onu sera assez courageuse pour accepter d’ouvrir cette enquête. Le monde entier a besoin de connaître la vérité sur tout ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Tout comme le monde aussi a besoin de savoir pourquoi l’on a préféré une guerre qui a semé tant de désolation, à une simple opération de recomptage de voix, déjà expérimentée quelques mois auparavant en République d’Haïti. Cette vérité est essentielle et ne saurait être occultée du simple fait de l’arrestation et de la détention arbitraire du Président Gbagbo et de ses principaux collaborateurs. Pour vous en convaincre, je vous prie de faire analyser le document joint en annexe, dressé par un homme qui s’est attelé à faire le travail de recomptage des voix proposé par le Président Gbagbo, et que vous avez rejeté du revers de la main au profit d’une opération militaire. Au terme de ce travail scientifique, c’est bien le Président Laurent Gbagbo qui a emporté l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. L’auteur de ce travail de recherche a mis deux mois pour le faire seul. C’est dire qu’une commission aurait mis moins de deux semaines. Vous auriez pu faire l’économie de cette guerre à tout point de vue inutile, et affecter ainsi l’argent des contribuables français à d’autres fins que celle «de protéger» des Africains en larguant-suprême paradoxe- sur leurs têtes, des bombes.
Dans l’attente que cette vérité soit enfin sue, je vous prie d’agréer Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Le ministre Koné Katinan
Représentant et porte-parole du Président Laurent Gbagbo
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