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Politique Publié le mardi 20 septembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Yao Yao Jules député FPI : ‘’On ne peut pas faire de réconciliation sans Laurent Gbagbo’’

Le Front Populaire Ivoirien (Fpi) est décapité. Après la tumultueuse phase de bicéphalisme au sommet des instances qu’a connue le parti de Laurent Gbagbo, auréolée par le départ de Mamadou Koulibaly, ex- numéro trois du parti, des cadres essaient bon an mal an de redonner vie aux activités de cette formation politique. Au nombre de ceux-ci, Yao Yao Jules député Fpi de Koumassi que nous avons rencontré au siège du CNRD (Congrès National pour la Résistance Démocratique). Lorsque nous abordons les questions politiques, l’homme est à la fois mélancolique et nostalgique. Entretien.
La cérémonie de remise du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix vient d’être attribuée, le 14 septembre 2011 en France au siège de l’UNESCO, à l’Association des Grand-mères de la place de mai. Les autorités ivoiriennes avec à leur tête le Président de la République, ont vu en cela le retour de la Côte d’Ivoire sur la scène internationale. Que vous a donc inspiré cette cérémonie ?
Le retour de la Côte d’Ivoire au devant de la scène internationale de par la seule présence de M. Alassane Ouattara à cette cérémonie, si c’était cela seulement, je dirais que la Côte d’Ivoire est vraiment sortie de l’ornière. Mais plus sérieusement, je voudrais rendre hommage au Président Félix Houphouët-Boigny. Dans ma vie estudiantine, j’ai obtenu une bourse d’étude. J’ai fait des études en Roumanie. J’ai eu une bourse présidentielle de la part du Président Félix Houphouët-Boigny qui m’a conduit en Corée du Sud avec résidence à Séoul. Cela dit, le prix qui est donné n’est pas une mauvaise chose en soi. On dit bien un prix pour la paix. Et qui dans ce monde ne travaille pas pour la paix ? Mais c’est l’instrumentalisation que certains en font qui me fait rire. Si je n’abuse, j’ai cru savoir qu’Houphouët avait dit que « la paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement ». Est-ce la bonne manière de montrer la paix que ce que ceux qui sont allés représenter la Côte d’Ivoire font ? Quand on vient au pouvoir par les armes, je ne pense pas qu’ Houphouët ait remporté une élection par les armes. Malgré le fait qu’il ait été pourchassé par les colons, il n’a jamais pris les armes contre les Blancs ! Aujourd’hui, on vient au pouvoir par les armes avec Nicolas Sarkozy et sa France appuyés par l’Onuci, et on va assister à une cérémonie de remise de prix de paix. Le président Henri Konan Bédié, lui qui a succédé à Houphouët-Boigny -l’homme de paix- comment a-t-il pu s’associer à cela pour qu’on les voit aujourd’hui en train d’assister ensemble à la remise de ce prix à quelqu’un ?

Seriez-vous devenu un Houphouëtiste?
Je ne sais pas ce que cela voudrait dire. Houphouët était un grand- père. Il fut le premier président de la République de Côte d’Ivoire. Et nous l’avons connu, il a bâti ce pays avant de nous le donner en héritage. Oui, je voue un certain respect à l’homme en tant que tel. A dire vrai, je suis par ailleurs très écœuré. Quand on se dit adepte d’ Houphouët-Boigny, comment peut-on gérer un gouvernement sans députés ? On ne me dira pas qu’on ne connaît pas la Constitution ou la Loi ivoirienne ? Il se trouve que dans la Constitution, il est dit que pour qu’un mandat législatif prenne fin, il faut qu’il y ait de nouvelles élections. Ce sont les nouveaux élus qui viendront chasser, en quelque sorte, les anciens élus. Si vous avez la chance d’être réélu, vous demeurez. Il est dit par ailleurs que si le pays est divisé, il ne peut y avoir d’élections. Ce ne sont pas les députés actuels qui ont créé cette loi. Donc s’il n’y a pas eu d’élection en 2005 parce qu’en 2005 le pays était divisé, pourquoi veut-on alors supprimer l’Assemblée Nationale ? A l’époque, c’était le GTI (Groupe de Travail International) de Banny. Ça n’a pas abouti. C’est pourquoi je me pose des questions aujourd’hui. Tous ceux qui ont fait ces choses-là sont très propres, ils sont nouveaux, qui arrivent et qui veulent faire quelque chose. Tout le monde veut aller à la réconciliation. Mais celle-ci ne peut se faire sans l’absence des autres. Parce qu’il y a des cas qui frisent la jurisprudence. Monsieur Bédié était en exil, pourchassé par monsieur Alassane. Monsieur Alassane était en exil pourchassé par Monsieur Bédié. Entre eux, il y a eu un trait d’union qui se trouve être un certain Monsieur Laurent Gbagbo. C’est lui qui les a fait venir avant d’organiser le forum de réconciliation nationale de 2001. Ceci pour que toutes les filles et tous les fils de ce pays puissent y participer. Ça eu lieu. Pour les résolutions, comme il y a toujours des gens tapis dans l’ombre, et les gens tapis dans l’ombre, ça s’appelle la France. Aujourd’hui, chacun le sait. La France n’a jamais voulu l’évolution de la Côte d’Ivoire. Et toutes les fois que le Président Laurent Gbagbo prenait des initiatives qui pouvaient être bénéfiques à toute la population, peut-être que de l’autre côté, on se dit qu’il risque de rester longtemps, c’est parce qu’ils ne connaissent pas l’homme. C’est un démocrate. Le président Houphouët était président du Pdci et il a gouverné ce pays sans que rien ne se passe. Le président Henri Konan Bédié est devenu président de la République mais il était en même temps président du Pdci. Rien ne s’est passé non plus ! Mais pourquoi, le président Laurent Gbagbo étant devenu le président de la Côte d’Ivoire, n’aurait-il pu faire autant ? Et dès qu’il est devenu président, il a cédé la place et c’est ainsi qu’on va retrouver le président Affi N’Guessan comme étant le président du Front Populaire Ivoirien (Fpi). Donc, il faut rendre à César ce qui est à César. On ne peut pas faire de réconciliation sans Laurent Gbagbo. Ne serait-ce que pour une question de reconnaissance. On ne demande rien d’autre.

A ce propos, le président de la Commission Dialogue Vérité Réconciliation, le Premier ministre Charles Konan Banny a dit qu’il n’y a pas de préalable à la réconciliation. Or, vous semblez poser un préalable?
Vous savez, moi je dirai que c’est humain. C’est pourquoi je parlais tantôt de jurisprudence. Je dis, quand vous êtes dans la misère, il y a quelqu’un pour vous sortir du trou comme le disait Houphouët-Boigny, parce que se séparer de son pays n’étant pas une bonne chose. Mais quand on va vous chercher, je vous rappelle qui sont ces messieurs ; je vous rappelle tout simplement que le 18 février 1992, ces messieurs ont emprisonné Laurent Gbagbo et toute sa famille. Alassane Ouattara était Premier ministre de la Côte d’Ivoire, Monsieur Bédié était président de l’Assemblée nationale. C’est la combinaison des deux qui a donné l’arrestation de toute une famille. Après avoir posé ces actes, Gbagbo accède au pouvoir. Je suis convaincu que ç’aurait été eux, ils l’auraient mis en prison. La preuve est devant nous. Rien que pour ça, on se serait retenu. C’est pour cela que je dis que si on veut vraiment aller à la paix, il n’y a pas trente-six (36) manières de le faire. La seule manière est le slogan prôné par le président Gbagbo : «asseyons-nous et discutons». Mais pour discuter, il faut être à deux. Le Rhdp a toues ses icônes, alors que de l’autre côté, il n’y a plus personne. Le président Gbagbo n’est pas là, Affi, Simone Gbagbo, Aboudramane, et j’en passe. Ce n’est pas avec moi qu’ils vont se réconcilier. Mes épaules sont trop frêles pour ça. Et c’est pourquoi il faut libérer tous les civils, le président Gbagbo en premier, ainsi que tous les militaires qui n’ont fait que jouer le rôle qui leur est dû. Que tous nos frères qui sont en exil puissent revenir. Et il faut leur donner l’assurance d’un retour sans ennui. Le cas du jeune Hermann Aboa est bien patent. Ce n’est pas ça un pays qui se dit démocratique.

Lors du tout premier meeting du FPI depuis la chute de Laurent Gbagbo que vous avez initié, vous avez demandé aux militants de LMP de ne pas avoir peur. Quelle opposition promettez-vous aux nouveaux dirigeants ?
Une opposition forte, mais une opposition civilisée. Nous n’avons pas d’armes, mais quand je le peux, je me mets dans des tenues à l’effigie de Laurent Gbagbo. Certains en sont morts. Si je dois également mourir pour cela, je n’en ai pas peur. Ce serait pour une cause noble. Pourtant, partout où on passe, on voit des personnes en tenues à l’effigie d’Alassane Ouattara. Est-ce à dire que ce sont ces gens-là seulement qui sont devenus des Ivoiriens ? Laissons les amusements. Si on veut être un pays fort, il nous faut nous affronter idéologiquement. Les armes ne résolvent pas les problèmes. Pour preuve, après toute guerre, il y a une réconciliation. Pourquoi ne pas nous mettre à nous parler pour nous comprendre ? Et nous consacrer spécifiquement au développement de ce pays ? Je dis et je le répète, la grande France est devenue la France braqueuse. Les braqueurs de véhicules sont traqués, alors qu’aujourd’hui, il y a des pays qui braquent certains autres. Quand Monsieur Sarkozy dit qu’il va défendre des Libyens, je voudrais dire que quand on va défendre quelqu’un, on ne tue pas. Quand il fait une averse de bombes sur la Libye, croyez-vous que c’est cela qui donnera la santé, l’éducation, le développement aux Libyens ? Mais les premiers résultats ont donné quoi ? 35% du pétrole libyen leur a été rétrocédé.

Ils l’ont démenti …
Et vous y croyez-vous ? Ce qu’ils ont fait au Rwanda, jusque-là, ils continuent. Paul Kagamé leur a dit merde. On sait ce qui se passe. Ils utilisent certains des nôtres pour nous opposer pour ensuite venir jouer les bons samaritains. C’est ainsi qu’ils ont toujours procédé. Mais qu’ils sachent que la loi du Karma n’est pas finie. Ce que tu sèmes, tu le récoltes.

Monsieur Robert Bourgi a dit de Laurent Gbagbo qu’il aurait remis d’importantes sommes d’argent à son homologue français, Jacques Chirac. Qu’en est-il ?
C’est très simple. Il n’y a que celui qui refuse d’entendre qui n’entend pas. Le président Laurent Gbagbo est venu au pouvoir. En supposant que ce qu’on dit est vrai. Je raisonne dans ce sens. Mais quoi de plus normal ! Tous ses devanciers donnent. Il se refuse, on le menace. Aujourd’hui voilà ! Ce sont les mêmes menaces qui nous ont conduits où on est. Au cas où il l’aurait fait, que ce ne soit pas pour lui-même, mais qu’il l’ait fait pour la Côte d’Ivoire. Vous rappelez-vous l’après élection présidentielle ? Les Américains ont demandé à ce que le président Laurent Gbagbo aille en exil aux Etats-Unis pour y dispenser des cours. Mais pensez-vous que le peu qu’il ait eu en tant que président de la République et ce qu’on lui propose en tant qu’enseignant ne lui suffiraient pas ? Beaucoup à sa place auraient accepté cette proposition. Mais malgré cela, il a accepté de rester parce qu’il ne veut pas voir la réputation de son pays souillée. Il a accepté le sacrifice suprême que la Licorne, l’Onuci et tous ses détracteurs lui ont fait subir. S’il vit encore aujourd’hui, c’est par miracle. C’est Dieu que nous devons louer. N’eût été cela, il ne serait plus des nôtres. Certainement, il a dû donner une fois, parce qu’on lui aurait dit que quand c’est ainsi, on laisse ton pays tranquille. Mais après quand il a vu que les gens réclamaient peut-être un peu plus, il s’est dit : « ou alors on est indépendant, ou on ne l’est pas ». Pour décider ensuite de ne plus s’adonner à cette pratique. Et je crois que ce sont ces conséquences qu’on vient de vivre par la crise postélectorale qu’a connue la Côte d’Ivoire. Parce qu’il n’a pas voulu, Jacques Chirac lui en a voulu. Parce qu’il n’a pas voulu, après le départ de Chirac, Sarkozy a pris le relais. Et voilà où nous en sommes. On ne peut pas accuser le président Laurent Gbagbo d’avoir fait un tel geste. Non ! Il a pensé à la Côte d’Ivoire et c’est parce qu’il a vu que c’est humiliant qu’il ne voulait plus ça, qu’on lui a fait ce qui a suivi, en supposant que la chose soit vraie. Parce que moi, je n’y étais pas.
A Dedi
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