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Politique Publié le mardi 27 septembre 2011 | L’expression

Mamadou Koulibaly : “J’ai été éjecté du FPI”

© L’expression Par Prisca
Politique nationale: Mamadou Koulibaly crée le Lider (liberté été et démocratie pour la Republique)
Jeudi 11 aout 2011. Abidjan. Immeuble de la Caistab, au Plateau. L`ancien vice-président du Front populaire ivoirien (FPI) démissionnaire, cree sa propre formation politique, liberté été et démocratie pour la Republique (Lider)
Les conditions de son départ du FPI, la création de son parti, la Constitution, l’Assemblée nationale, ses rapports avec le nouveau pouvoir, la gestion du Président Ouattara…Des questions poignantes sur lesquelles le président de Lider, Mamadou Koulibaly, revient dans le journal catholique, « La Nouvelle ». Extraits de l’interview publiée le 21 septembre.

* Avez-vous les nouvelles de l’ancien camarade Laurent Gbagbo, en prison à Korhogo ?

Malheureusement, je n’ai aucune nouvelle. Je suis intervenu auprès de différentes autorités pour obtenir un droit de visite, mais cela s’est avéré impossible. Elles nous ont dit d’attendre.

* Vous êtes donc au même niveau d’informations que tous les Ivoiriens…

Effectivement, je n’ai aucune nouvelle.

* A la surprise générale, il y a quelques mois, au moment où le Fpi est décapité, vous l’abandonnez pour créer votre parti. Votre décision était-elle opportune ?

Oui, très opportune, parce que nous étions arrivés au point où il m’était difficile de gérer le parti avec plusieurs têtes. Chacun agissait à son gré sans se soucier de l’unité du groupe.

Moi, je suis méthodique. Quand on gère un parti politique, il y a une machine avec une tête.

Mais quand on se retrouve avec un parti où chaque membre est une tête en soi, il est difficile de gérer, et la meilleure solution pour moi était de ne pas assumer les conséquences de cette gestion chaotique.

* C’est étonnant de la part d’une personnalité qui tient bien la contradiction. Pourquoi êtes-vous contrarié lorsqu’on vous contredit ?

On ne m’a pas contredit, on m’a éjecté de fait, c’est différent. Je ne pouvais me résoudre à l’inertie du parti dans l’attente de la libération des prisonniers. Toute proposition d’action était rejetée et semblait suspecte. J’avais les pieds et mains liés, cela ressemble plus à de l’éviction qu’à de la contradiction, non ?

* Vous parlez d’éjection, pouvez-vous être plus précis ?

J’ai été, par la force des choses, désigné président intérimaire d’un parti qui avait au moins deux représentants au Ghana. Il y a d’abord un monsieur qui affirme avoir une lettre signée de Laurent Gbagbo le nommant porte-parole officiel, et qui n’a aucun respect pour la direction officielle qui se trouve à Abidjan et gère en principe le Fpi. J’étais à Abidjan, supposé être le président dudit parti. Mais il y a, toujours à Accra, une coordination des exilés et refugiés au Ghana qui pense aussi avoir une légitimité pour parler au nom du Fpi sans considération pour ce que je faisais à Abidjan. Ensuite, il y a à Paris, une autre direction du Fpi qui pense que pour des raisons affectives, elle est autorisée à parler au nom du Fpi. Ce sont les quatre têtes qui ont conduit à une cacophonie totale et j’avoue que je ne souhaitais pas gérer tout cela car il aurait fallu beaucoup d’énergie pour ne conduire finalement qu’à l’inefficacité. Ces gens ne me contredisaient pas, mais géraient la même machine en même temps que moi.

Cette situation discordante m’a conduit à lever le pied. Quand j’ai commencé à assurer l’intérim il n’y avait pas un sou ni dans les caisses, ni dans les comptes du parti, du moins c’est ce qu’on m’a dit. Je n’ai donc travaillé qu’avec mes propres moyens, aidé en cela par quelques amis, sous les quolibets et autres accusations de ceux qui auraient du accepter de rendre des comptes aux militants. Il n’y avait plus de vie de parti, c’était la guerre permanente contre « Koulibaly le traitre ». Je n’avais pas d’autres solutions que de laisser la créature aux héritiers du créateur.

* Au lendemain des élections présidentielles, il y a eu un vainqueur déclaré par la CEI, et un autre reconnu par le Conseil constitutionnel. A l’investiture du second, votre camarade de parti, vous étiez absent. Au tour du premier, reconnu par la Cei, on vous a vu aux premiers rangs. Cela signifie-t-il que pour vous, le véritable vainqueur des élections est Alassane Ouattara ?

(Soupirs !) J’ai répondu à plusieurs reprises à cette question, que voulez-vous que je vous dise ? Ouattara a prêté serment en tant que Président de la République de Côte d’Ivoire. Il a été reconnu par le Conseil constitutionnel, la CEI, le panel de l’Union africaine. Retenez ces résultats-là.

* Vous disiez, lors de la cérémonie de rupture de vos liens avec votre ancien parti que : «Le Fpi refuse d’assumer les conséquences des élections.» Pensez-vous franchement que votre parti d’alors a perdu les présidentielles ?

Le Fpi a accepté d’aller aux élections sans que nous n’ayons obtenu le désarmement. A la suite de cela, tout ce qui devait découler de ces présidentielles aurait dû être accepté automatiquement. Notre chef, le Président de la république d’alors, Laurent Gbagbo, a signé un accord de paix (Accord politique de Ouagadougou) avec Soro Guillaume, le chef des rebelles et Blaise Compaoré, le Président du Burkina Faso. Cet accord dit que le désarmement doit absolument se faire avant d’aller aux élections. Le Fpi n’était pas signataire de cet accord, mais puisqu’il avait un candidat, et que nous avons accepté à la demande dudit candidat d’aller aux urnes sans qu’il n’y ait désarmement, pour moi il n’était plus question, une fois les élections déroulées, de venir dire qu’il n’y a pas eu de désarmement, que nos adversaires ont triché et que nos militants ont été molestés. Il était évident que les choses allaient se passer ainsi. Il ne fallait pas aller aux élections sans désarmement. C’est au Fpi d’assumer les conséquences. La France ne nous a pas envoyée la guerre elle a profité de nos inconséquences pour nous la faire hier comme aujourd’hui.

* Après la chute de Gbagbo, des dignitaires de Lmp et du Fpi ont été inquiétés par les nouvelles autorités. Curieusement, le numéro deux du régime que vous êtes a été épargné.

Qu’est-ce qui explique cette exception, et quels sont vos rapports avec le nouveau régime ?

S’il y a quelqu’un dans ce pays qui n’avait aucun rapport avec ceux qui sont au pouvoir, c’est quand même moi ! Je n’étais à la signature d’aucun des accords qui ont rapproché l’ex-camp présidentiel et celui d’aujourd’hui : le camp Gbagbo et Ouattara. Je me suis toujours opposé à tout ce qui était arrangement avec la rébellion, tant que nous n’étions pas dans un Etat de droit. Vous vous souvenez que je n’ai pas été à la flamme de la paix (à Bouaké), ni à toutes les cérémonies qui étaient des arrangements entre la rébellion et l’Etat de Côte d’Ivoire.

Donc, il n’y avait aucun rapport entre nous. Mais chacun a son histoire dans ce pays ; je suis resté dans mon coin pour observer le jeu qui se déroulait entre la rébellion et le pouvoir de l’époque. Et même quand ça s’est gâté, je suis monté au créneau pour parler aux uns et aux autres, en attirant leur attention sur leurs responsabilités dans les accords signés. Je n’ai pas été entendu, il n’y avait pas de raison que je sois particulièrement inquiété. J’ai juste utilisé ma plume et ma parole pour dire qu’il était dangereux d’emprunter la voie choisie.

* Vous ne dites toujours pas les raisons de l’attitude du nouveau régime à votre égard.

Il faudrait que vous posiez la question au Président de la République. Moi je ne me l’explique pas autrement que par le fait que je suis là et qu’on ne m’ait pas arrêté. Si vous demandez au procureur, il pourra vous dire pourquoi Mamadou Koulibaly n’a pas été arrêté. C’est vrai que la question insinue que c’est parce que je suis Dioula qu’on ne m’a pas arrêté, mais un de mes meilleurs amis, Diabaté Bêh (conseiller économique et social et membre de la direction du Fpi, ndlr) qui est du nord, de Kouto, près de Boundiali est dans la même en prison que Michel Gbagbo et Affi Nguessan. Je ne le soupçonne pas d’avoir détourné quoi que ce soit ou tué qui que ce soit, mais il y est. C’est une question intéressante qui est à poser à ceux qui arrêtent et qui emprisonnent.

* Votre présence à l’investiture fait croire à certains que vous êtes le pion de rechange de la France, si Ouattara échoue.

Je vais revenir sur la raison que j’ai toujours donnée. Je n’étais pas à l’investiture de Gbagbo Laurent parce que j’étais à Accra, les frontières étaient fermées. Mais dès mon retour, je suis allé voir le Président Gbagbo pour échanger avec lui, et c’est après cet échange que j’ai engagé des démarches auprès de Monsieur Ouattara, pour que nous puissions assez rapidement mettre balle à terre. Quand le Président Ouattara organisait son investiture, j’étais là parce que nous étions dans une situation d’Etat d’exception, et je suis venu pour aider les Ivoiriens à en sortir. Il régnait une violence extraordinaire à Abidjan, où l’on poursuivait les militants Lmp, Cnrd et ceux qui étaient ethniquement marqués dans les quartiers. Il a bien fallu que quelqu’un monte au créneau pour arrêter cela ; je suis venu et je l’ai arrêté. J’ai aidé à entrer dans l’Etat de droit en facilitant l’arrivée de Yao N’dré et en facilitant l’organisation de l’investiture, conformément à ce que le panel (de l’Ua) a dit et si après ce passage, les organisations des droits de l’homme ont pu signaler les exactions des Frci qui se perpétuaient dans les brousses et en ville, il a d’abord fallu que quelqu’un soit le premier à le dénoncer et je l’ai fait. Il a bien fallu que quelqu’un impose l’Etat de droit, je l’ai fait. Dans le cas du Président Gbagbo, ce n’était pas nécessaire et j’étais à l’étranger. Par ailleurs, ma présence n’était pas indispensable : je n’étais ni membre du Conseil constitutionnel, ni membre de la CEI, j’étais simplement le Président de l’Assemblée nationale, mon absence n’avait aucune importance. Dans le cas de Ouattara, je venais sauver une situation qui évoluait dangereusement vers le schéma rwandais. Je suis fier de mes amis qui ont courageusement accepté de m’accompagner dans ces moments difficiles et délicats de notre histoire.

* Comment se sont passées les tractations pour que Paul Yao N’dré vienne se dédire ?

Paul Yao N’dré ne s’est pas dédit. Après les élections, il y avait deux vainqueurs proclamés.

La CEI donnait Ouattara vainqueur, le Conseil constitutionnel en a désigné un autre. Nous étions en situation conflictuelle, les deux parties se sont entendues pour designer un arbitre : le panel de l’UA. Dès lors que les deux parties s’entendent pour oublier les institutions ivoiriennes et s’adresser à une institution internationale, elles sont d’accord pour en accepter la décision. Le panel ayant tranché, Yao N’dré a simplement dit : ’’Bakayoko a dit que Ouattara a gagné, moi je dis que c’est Gbagbo qui a gagné, les deux s’en sont remis à l’UA, et le panel juge que Ouattara a gagné, donc moi je dis aux Ivoiriens que Ouattara a gagné.’’ Il ne s’est pas dédit.

* Et sur les tractations qui ont abouti à son retour ?

Posez la question à Yao N’dré lui-même.

* Que faites-vous au Ghana depuis plus de cinq ans ?

Je suis là-bas avec ma famille. Il faut savoir qu’en novembre 2004, les hélicoptères de l’armée française ont mitraillé mon domicile situé non loin de la résidence du Président Gbagbo, et cela a traumatisé mes enfants. Les écoles étaient fermées, dès le lendemain, je les ai fait partir en Afrique du Sud. Le coût de la vie dans ce pays étant au-delà de mes moyens, je les ai ramenés quelques mois plus tard au Ghana, où ils sont scolarisés. Mon épouse vit là-bas, et moi j’assure mes responsabilités ici. Le Ghana est plus proche, et je pense que j’ai eu raison de le faire en 2004. Six ans après, tous ceux qui aujourd’hui, avec la crise post électorale, ont subi le même type de traumatisme que moi à l’époque sont aussi là-bas. Tous ceux qui me reprochaient d’être là-bas y sont curieusement. Comme quoi on ne comprend vraiment les situations que quand on les vit.

* Avant vous, Don Mello et Blé Blé Charles avaient quitté le Fpi au plus fort de leur popularité, puis ils ont fait machine arrière, après des déconvenues. Ne craignez-vous pas de vous casser la figure ?

Non, pas du tout ! Je crois fermement que dans la situation actuelle du pays, je n’aurais rien fait qui puisse laisser penser que j’ai laissé le pays choir sans proposer d’alternative. J’aurais certes pu retourner à l’Université et poursuivre mes recherches, mais des amis m’ont fait remarquer que ce serait une attitude lâche et que la Côte d’Ivoire avait besoin d’un autre discours que le tribalisme qui oppose les Ivoiriens. Tout ce qui nous est arrivé tire sa source d’un fond tribal exacerbé. Le Pdci est identifié aux Baoulé ou aux Akans. Dès qu’on entend Rdr, on dit que ce sont les Dioula, ou les Nordistes, et lorsqu’on parle du Fpi, ce sont les Beté, ou les gens de l’Ouest, alors qu’il n’y a pas que ces trois groupes ethniques en Côte d’Ivoire. La logique de LIDER, c’est de sortir de cette vision triangulaire de la politique.

Chaque Ivoirien peut militer dans le parti de son choix et les partis politiques ne doivent pas être assimilés à l’ethnie de leurs leaders. Depuis que LIDER a été créé, je n’ai pas entendu que c’est un parti de Beté, ou de Dioula… Il faut prouver qu’il est possible de faire la politique sans s’accrocher à l’ethnie et ils sont nombreux, dans ce pays, ceux qui veulent sortir de cette logique. Avant l’arrivée des Frci, c’est un camp qui appliquait le morbide ’’article 125’’ (100 F pour le pétrole, et 25 F pour une boîte d’allumettes), et on brulait des gens simplement parce qu’ils étaient musulmans. Quand les Frci sont arrivées avec le commando invisible, on attrapait les Beté, les Wê, les Attié, on les égorgeait parce qu’ils étaient Lmp. Aucun régime ne devrait soutenir ou faire prospérer ces agissements, et LIDER a été créé pour mettre fin à cela. Et puis, entre nous, pourquoi vous ne prenez que les cas pour lesquels les ruptures ont conduit à des échecs ? Regardez Ouattara, il est parti du Pdci-Rda en 1994 après la mort de Houphouët-Boigny et, avec ses amis, ils ont crée le Rdr. Aujourd’hui en 2011, soit dix-sept ans après, il est le président de la république et porte sous ses ailes le parti avec lequel il avait opéré sa rupture. Toutes les ruptures ne conduisent pas à des échecs.

* Quelles sont vos sources de financement ?

Mon épargne personnelle et des différents membres. Il y a aussi des cartes d’adhérents. Si l’on en juge par le soutien dont nous bénéficions et l’engouement que nous suscitons spontanément, il faut croire qu’il y avait une réelle demande pour LIDER en Côte d’Ivoire.

* LIDER sera-t-il dans la course pour les législatives ?

Oui. Si nous pouvons couvrir l’ensemble du territoire nous le ferons, et si LIDER n’est installé que dans une circonscription, nous aurons un ou des candidats dans cette seule circonscription. Si nous avons un seul élu, nous nous en contenterons pour le moment. Si nous n’en avons pas du tout, nous nous en contenterons. Il y a à peine deux mois que nous sommes nés et nous n’allons pas rêver d’avoir la majorité au Parlement.

* Etes-vous candidat à votre propre succession à Koumassi ?

Je serai candidat à Koumassi, aussi bien aux législatives qu’aux municipales.

* Le chef de l’Etat a annoncé la fin du mandat du Parlement. Les députés sont-ils oui ou non toujours en fonction ?

Tous ceux qui disent que le mandat de l’Assemblée nationale est terminé violent la Constitution ou ne la connaissent pas. La Constitution ivoirienne dit que la nouvelle Assemblée nationale s’installe entre vingt et cinquante jours au plus tard après les élections législatives. Donc, l’ancienne Assemblée disparait seulement après l’élection de la nouvelle.

Nous n’avons pas eu d’élections législatives, comment voulez-vous que l’ancienne disparaisse ? C’est une violation pure et simple des textes. Maintenant, il faut dire clairement que les députés n’ont pas été au premier plan pour dénoncer cet état de fait. Le 22 avril, j’ai voulu faire vivre l’Assemblée nationale en convoquant la rentrée parlementaire. Mais j’ai été aussitôt pris entre deux feux : d’un côté, les députés du RHDP, qui avaient pourtant participé en grand nombre à la conférence des Présidents ayant décidé d’inviter le président Ouattara au Parlement, ont fait profil bas et sont restés sans réaction quand le directoire du RHDP les a contredits et m’a accusé de vouloir par cet acte, légitimer une Assemblée nationale soi-disant dissoute depuis 2005. D’un autre côté, les députés du camp pro Gbagbo, à l’exception du Dr Claude Brissi, étaient absents de ladite conférence des Présidents, certains parce qu’ils étaient en fuite ou cachés, mais ils l’ont surtout boycottée au prétexte que j’étais un traitre qui voulait manœuvrer pour légitimer le Président Ouattara.

* Vos émoluments ne sont donc pas suspendus, vous êtes payés ?

Non. Les émoluments sont suspendus depuis cinq mois et le personnel de l’Assemblée nationale n’est pas, non plus, payé. Alors que dans le budget 2011, il y a une ligne budgétaire pour le fonctionnement de l’Assemblée.

* Comment jugez-vous les cinq mois de gestion du Président Ouattara ?

Si je juge à travers le prisme de l’Assemblée nationale, je vois un Président de la République qui n’a pas de respect pour les institutions de la République. Ouattara a prêté serment sur la Constitution de la Côte d’Ivoire. Il a dit devant les Ivoiriens et le monde entier qu’il s’engage à respecter la Constitution et à la protéger. Pour moi, c’était le gage de la sortie de l’état d’exception, et donc de l’ambiance de guerre qui régnait à Abidjan, pour rentrer dans l’état de droit. Monsieur Ouattara m’a rassuré qu’il voulait gouverner dans un Etat de droit. Pourtant, depuis son élection, il a proclamé la fin du mandat de l’Assemblée nationale. Il dit que, selon ses conseillers juridiques, ce mandat se termine avec son élection. Je ne sais où ses conseillers juridiques ont vu cela, mais c’est une violation flagrante de la Constitution sur laquelle il a prêté serment. La même Constitution qui lui a permis d’être candidat.

Deuxièmement, Monsieur Ouattara s’engage à modeler le Conseil constitutionnel. Il désigne ses membres comme s’il s’agissait d’un nouveau Conseil constitutionnel. La distinction entre des gens nommés pour trois ans et ceux nommés pour six ans n’était valable que pour les conseillers constitutionnels initiaux. Aujourd’hui, il s’agit d’un ancien Conseil, dont le président ne peut être remplacé sauf s’il démissionne. Je n’ai pas vu de lettre de démission de Yao N’dré et pourtant il a été remplacé. C’est illégal. Par ailleurs, la Constitution dit que les membres du Conseil constitutionnel doivent être nommés par le président de la République et le président de l’Assemblée nationale. Parmi les récentes nominations, je ne sais pas lequel j’ai nommé et pourtant des membres ont été nommés. C’est illégal. La loi dit que les membres du Conseil économique et social sont nommés, et qu’ensuite ceux-ci élisent leur président.

Je vois un président de la République qui prend un décret pour nommer le Président du Conseil économique et social. C’est illégal. Même l’actuel président du Conseil constitutionnel a rappelé au Grand médiateur qu’il n’a pas prêté serment parce que ce n’est pas constitutionnel. Cela veut donc dire que la Constitution compte. Mais comment eux-mêmes qui sont nommés de façon illégale veulent-ils rappeler à d’autres les dispositions constitutionnelles ? Ça ne marche comme ça ! Je vois un président de la République qui prend une ordonnance pour créer les Frci, alors que la loi constitutionnelle dit que pour prendre une ordonnance, il faut d’abord l’autorisation de l’Assemblée nationale, et que ce n’est que pour une durée limitée sur un thème limité. Je vois un président de la République qui prend une ordonnance pour fixer le nombre de sièges de députés à l’Assemblé nationale pour la législature 2011/2016. Le Président prend des ordonnances qui sont illégales. Il prend un budget de trois mille cinquante milliards de Fcfa d’impôt sur les Ivoiriens à leur insu, alors que l’Assemblée nationale est là, et une ligne budgétaire, la première, lui est allouée. Donc il y a une succession impressionnante d’illégalités qui sont de nature à affaiblir le bilan des cinq mois de gestion de Monsieur Ouattara.

* Vous évoquiez les Frci. Pensez-vous que le chef de l’Etat a les moyens de mettre fin à leurs agissements tant décriés par les Ivoiriens ?

Je n’en sais rien, je sais seulement qu’il est le chef suprême des Armées et que c’est lui qui a pris une ordonnance pour créer les Frci. C’est son armée, il est le président de la République, il a les moyens de gérer son armée.

* S‘agissant de la réconciliation nationale, estimez-vous Konan Banny a des chances de réussir sa mission ?

Je lui souhaite beaucoup de chance, parce que s’il ne réussit pas, le pays continuera dans le chaos actuel. Je ne lui souhaite pas d’aboutir à une réconciliation telle que nous l’avons vue à l’époque avec la commission présidée par Seydou Diarra (le Forum de réconciliation nationale, ndlr). La commission dirigée par Monsieur Konan Banny s’intitule Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation. Nous espérons donc que la vérité sera faite sur les bombardements de Bouaké, le pilonnage de l’aviation ivoirienne par l’armée française, les tueries de l’hôtel Ivoire en novembre 2004. Nous espérons que la vérité serait mise à jour sur le trafic du cacao et du diamant dans la zone dite CNO, sur l’ouverture d’une usine de traitement du cacao ivoirien à Bobodioulasso. Nous espérons que la vérité jaillira sur l’occupation par des populations burkinabé des forêts classées et non classées dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Une véritable réconciliation ne peut être faite que si toutes les composantes du conflit sont prises en compte.

* Quelle chance a Banny, avec des leaders d’opinion en prison ou en exil ?

C’est à lui de voir s’il termine la réconciliation avant que nous allions aux élections législatives, pendant ou après, je n’en sais rien. C’est à lui de dire aux Ivoiriens comment il va procéder. Ses principales hypothèses doivent être explicitées ainsi que sa méthodologie et les objectifs qu’il se fixe. Nous attendons de voir. Cette commission doit réussir pour ne pas voir les populations désespérer.

* A propos des législatives les conditions sont-elles réunies pour un scrutin fiable ?

Si les conditions ne sont pas fiables et que nous y allons, le processus risque de déboucher sur une crise majeure, sauf que cette fois, elle ne sera pas concentrée sur la Commission électorale, le Golf hôtel et Cocody. Il y aura des crises partout en Côte d’Ivoire et ça serait dommage. C’est pour cela qu’à LIDER, nous insistons sur la sécurité, pour que tous les hommes politiques soient capables d’aller où ils veulent sur le territoire national et de revenir en toute sécurité, que leurs partisans puissent aller les écouter en toute quiétude et rentrer chez eux sans être inquiétés, et surtout, que tous ceux qui sont en exil ou réfugiés puissent revenir pour exercer leur droit de vote. Il est difficile d’aller aux élections avec une partie des électeurs au Liberia ou au Ghana. Ce sont des Ivoiriens qui sont sur la liste électorale, et ces élections ne peuvent être crédibles que si tout le monde est là pour voter. Il faut tirer les leçons du dernier scrutin présidentiel. Nous y sommes allés sans sécurité, nous avons eu une guerre. Faisons tout pour aller à ces législatives avec l’assurance que toute la classe politique va y participer. La sécurité et la liberté d’action, d’expression et de circulation des partis d’opposition sont des éléments importants dans une démocratie. LIDER espère que ceux qui ont déversé des bombes sur Abidjan au nom de la démocratie n’abandonnent pas le combat en cours de route. La démocratie ne peut se réduire à un bulletin de vote, même s’il est certifié. Il faut aujourd’hui que chacun prenne la mesure de ses responsabilités pour défendre une vraie démocratie en Côte d’Ivoire.

In La Nouvelle du 21 septembre 2011
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