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Politique Publié le vendredi 7 octobre 2011 | Le Mandat

Charles Konan Banny Sur France 24, hier : “La justice et le pardon ne sont pas incompatibles”

© Le Mandat
Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR)
Le Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) Monsieur : Charles Konan Banny
Monsieur Charles Konan Banny, bonjour !

Bonjour !

Vous êtes ancien Premier ministre et président de la Commission Dialogue, Vérité, Réconciliation, qui a été officiellement investie la semaine dernière en Côte d’Ivoire. Merci de nous accueillir chez vous à Abidjan. La première question va porter sur l’annonce faite par la Cour pénale internationale (Cpi) cette semaine et qui a donné son feu vert pour l’ouverture d’enquête sur les crimes commis dans ce pays par toutes les parties dans ce pays. Que ce soit le camp du président déchu Laurent Gbagbo mais aussi par les forces de l’actuel président Alassane Ouattara. Alors, est-ce que le travail de cette justice internationale ne risque pas d’interférer avec votre travail de réconciliation dans cette Commission?
C’est deux faces de la même médaille. Et malgré tout ça, il va falloir réconcilier. Je crois que justice et pardon ne sont pas incompatibles. Il faut que justice se fasse, si nous voulons reconstruire la Côte d’Ivoire. Et en toute responsabilité, que chacun assume. Mais en même temps nous voulons créer la cohésion sociale. Notre rôle, c’est de réconcilier les Ivoiriens et de travailler à la cohésion sociale entre toutes les communautés vivant en Côte d’Ivoire. Mais aussi, de faire la typologie de tout ce qui s’est passé et qui a été contre les droits de l’Homme. Donc, c’est deux faces de la même médaille.

Alors, lorsqu’on regarde un peu la constitution de la Commission, vous, vous avez fait campagne pour le président Alassane Ouattara pour le deuxième tour. Aujourd’hui, est-ce qu’il n’y a pas un risque, lorsqu’on sait que le président Laurent Gbagbo est encore en prison, que ce soit la justice des vainqueurs, que ce soit la réconciliation des vainqueurs ?
Non, je ne crois pas. On n’est pas dans cet état d’esprit. Le président Ouattara n’était pas obligé d’annoncer pendant les élections que lorsqu’il serait élu, il ferait tout pour rassembler les Ivoiriens. Il mettrait une commission en place pour savoir. Donc, il est tout à fait conforme à ses engagements. Mais en même temps, ce que j’observe, c’est que c’est ce que souhaite la Nation. Non, je ne crois pas qu’il y ait de justice de vainqueur. Ce n’est pas prévu. Ce n’est pas comme cela : la justice républicaine reste, parce qu’elle est là pour que dans ce pays comme ailleurs, l’impunité ne soit pas la règle.

Monsieur Charles Konan Banny, on entend tout de même ici à Abidjan beaucoup de scepticisme. Notamment, dans le camp de ceux qui ont voté pour Laurent Gbagbo et qui continuent à le soutenir. Ils disent clairement que temps que Laurent Gbagbo est en résidence surveillée, s’il ne participe pas à cette réconciliation, ce ne sera pas possible, il n’y aura pas de réconciliation. Qu’est-ce que vous leur répondez?
Je leur réponds que le processus de réconciliation est inclusif ; il n’exclura personne. Tous les Ivoiriens, qui qu’ils soient, doivent participer. Et ils participeront à cette réconciliation. A commencer par les principaux responsables. Je vous répète que le président élu n’était pas obligé de le faire. S’il le fait, cela répond à une vision. Et si j’ai accepté cela, c’est que cela correspond à ma vision. Nous voulons rebâtir une Côte d’Ivoire unie, une Côte d’Ivoire responsable. Où chacun, s’il a commis des actes, assume. La justice ivoirienne est républicaine, elle doit rester républicaine.

On a parlé de dialogue, vérité, réconciliation. Dans votre pays, on a vu proposer à ceux qui voulaient apporter leurs témoignages, l’amnistie. Est-ce que ça va être le cas dans votre commission ? Le processus que vous avez mis en place, est-ce qu’il va y avoir des tribunaux populaires où on va venir dire ce qu’on a fait ou dire ce qu’on a vu et être amnistié des fautes qu’on a commises ?
Il n’y aura pas de tribunaux populaires. La Commission elle-même sera une plate-forme qui va permettre aux uns et aux autres de venir s’exprimer. Mais la Commission n’est pas un tribunal au sens classique du terme. S’il y avait tribunal, ce serait le tribunal du pardon. C’est un espace qui est donné aux Ivoiriens pour se rencontrer, se parler, dialoguer et faire ressortir la vérité. C’est prévu, c’est inscrit dans l’Ordonnance. Donc, oui, c’est un espace de dialogue parce que le dialogue ce fut la marque déposée de la Côte d’Ivoire. Et c’est la rupture du dialogue qui a été l’une des raisons, j’ai failli dire techniques, de la rupture de la cohésion sociale. On ne parle plus. Et partout où on ne se parle pas, où on s’ignore, il y a des crises. Les antagonismes naissent et grandissent. Il faut dialoguer. Et il faut rechercher les causes des événements. Voilà la dynamique dans laquelle nous sommes : voilà la philosophie de la réconciliation.

Il faut dialoguer, comme vous dites, mais il reste encore beaucoup d’interrogations sur la façon dont cette commission va fonctionner et notamment sur la période sur laquelle vous allez vous pencher. Est-ce que vous aller vous limiter à cette période de crise postélectorale 2010-2011 ou allez-vous remonter comme certains le demandent, plus loin dans l’histoire de la Côte d’Ivoire ?
Deux choses. D’abord, je vous parle en tant que président d’une Commission. Ces questions qui sont importantes seront soumises à la Commission. Et c’est la Commission qui tranchera. Deuxièmement, vous l’avez dit, certains Ivoiriens. Beaucoup d’Ivoiriens ont un point de vue et c’est bien qu’ils aient un point de vue sur ces question-là. Il faut les interroger, il faut les entendre. Et dans le processus, il y a une phase d’écoute. Une phase où on va écouter les Ivoiriens pour savoir ce qu’ils veulent sur chacun des points que vous avez indiqués. Et la Commission se réunira pour prendre des décisions. Croyez-moi, nous savons prendre des décisions. En tout cas, moi je sais en prendre, les décisions.

Cela veut dire que là pour l’instant, cela n’a pas été encore décidé, la période sur laquelle vous allez travailler au sein de la Commission ?
Si ! Ecoutez, l’Ordonnance dit "les événements passés et récents". Ce n’est déjà pas mal comme cadrage. On aurait pu dire passé ou récent, tout simplement. Passé et récent, le cadre est tracé. Jusqu’à quand dans le passé, c’est ce que les Ivoiriens doivent dire pour nous aider à déterminer la période. Et c’est important d’écouter les Ivoiriens ; nous allons les écouter. La Commission va rassembler tout cela et va décider. Mais, Je peux vous dire tout de suite, il faut être responsable, nous n’allons pas aller jusqu’à mathusalem, voire la création du monde. Même jusqu’à la Côte d’Ivoire indépendante, ce n’est pas responsable. Nous avons 51 ans de vie, 33 ans de paix relative. Je crois qu’il faut l’observer. Après, il y a eu ce que vous savez, puisqu’on disait que la Côte d’Ivoire était un havre de paix, alors à partir de quand la rupture s’est passée ? Là sont les éléments qui vont nous aider.

Comment allez-vous rassurer tout le monde ?
Nous allons rassurer tout le monde. Nous allons conduire ce processus en toute indépendance et en tout équité. C’est normal que des préoccupations se fassent entendre. Les victimes seront au centre du processus. Ce qui nous permettra d’approcher la réalité. Ce sera participatif et nous allons écouter tout le monde. C’est cela la philosophie de cette réconciliation.

Propos retranscrits par
GUY TRESSIA
(Source : France24.com)
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