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Politique Publié le samedi 8 octobre 2011 | Le Mandat

Interview/ Guillaume Soro, Premier ministre : “Le départ de Gbagbo à la Cpi est inévitable”

Le Premier ministre, Guillaume Soro, a accordé une intervention hier à Rfi et France 24. A cette occasion, il s’est prononcé sur le sort de l’ex-chef d’Etat ivoirien et des exilés de la crise socio- politique en Côte d’Ivoire.

Rfi: Monsieur le Premier ministre, bonjour ! La Cour pénale internationale vient officiellement de lancer une enquête sur les crimes commis durant la période postélectorale, mais aussi sur ceux commis durant la période 2002-2010. Monsieur le Premier ministre, en tant que leader de l’ex- rébellion des Forces nouvelles, vous sentez vous un peu visé ? Etes-vous inquiet ?

Guillaume Soro : D’abord, il faut savoir une chose ; c’est que la Cpi ouvre une enquête à la
demande du gouvernement ivoirien. Cela veut dire que c’est en connaissance de cause que le gouvernement ivoirien, dans un souci de clarifier la question des droits de l’Homme dans notre pays, a expressément demandé à la Cour, sur la base du principe de subsidiarité, de venir enquêter sur ces crimes. Donc, je ne peux pas être au gouvernement et être inquiet ! Je pense simplement que le peuple de Côte d’Ivoire a besoin de savoir la vérité. Et c’est une bonne chose pour la Côte d’Ivoire pour que l’impunité ne survive pas.

Rfi : Monsieur le Premier ministre, vous dites que vous n’êtes pas inquiet, mais est-ce que vous êtes prêt, si les magistrats de la Cpi le demandent, à livrer certains officiers de l’ex-rébellion des Forces nouvelles ?

N’anticipons rien. Laissons la Cour pénale faire son travail. Pour le moment, c’est l’ouverture
de l’enquête, laissons-la faire. De toute façon, le président de la République a été clair sur cette question. Et le gouvernement a la même position : il ne faut pas laisser survivre l’impunité. Si la Cpi avait eu à ouvrir des enquêtes plus tôt, peut-être, aurait-on pu éviter la crise postélectorale que nous avons connue de décembre 2010 en avril 2011.

France 24 : Monsieur le Premier ministre, à propos du cas de Laurent Gbagbo, est-ce que vous souhaitez qu’il soit extradé le plus rapidement possible vers La Haye?

GS : Je pense que c’est inévitable. M. Laurent Gbagbo est quand même responsable de plus de 3 000 morts. Dans cette crise postélectorale, il avait la possibilité de laisser le pouvoir en sortant par la grande porte.

Rfi : Mais, y a-t-il vraiment urgence à ce que Laurent Gbagbo sorte de Côte d’Ivoire ?

GS : Je ne pose pas le problème en ces termes. Laissons la Cpi faire son travail à son rythme et que ceux qui seront épinglés à l’issue des enquêtes répondent de leurs actes.

France 24 : Y compris d’éventuels ex-membres des Forces nouvelles?

GS : Je vois bien que vous insistez sur cette question. Vous ne m’embarrasserez pas. Il ne faut pas faire le travail des juges à leur place. Laissons les faire. Si l’enquête révèle qu’un militaire a une responsabilité dans les crimes de sang, évidemment que nous serons d’accord que la Cour pénale fasse son travail et qu’il soit extradé.

Rfi : La Commission dialogue-vérité et réconciliation (Cdvr) a été officiellement mise en place. Ses contours et son champ d’application restent flous. Ne craignez-vous pas que les Ivoiriens soient déçus?

GS : Je pense que la Cdvr est animée par des personnalités qui ont fait preuve d’un certain nombre de capacités dans notre pays, notamment l’ancien Premier ministre, Charles Konan Banny. Je n’ai aucun doute. Il a les moyens de réussir la réconciliation. Le rôle du gouvernement est de l’accompagner et nous le ferons.

France 24 : Cette réconciliation est-elle possible en l’absence de Laurent Gbagbo, qu’il soit extradé à La Haye ou en résidence surveillée ? Ses partisans réclament sa libération, qu’est-ce que vous leur répondez ?

GS : Je demande aux partisans de M. Laurent Gbagbo, même si c’est leur droit, cela s’apparenterait, sinon, à du lâchage. Mais je leur demande d’être sérieux. On ne peut pas demander la libération de M. Gbagbo quand on sait qu’il est responsable de 3 000 morts ! J’insiste là-dessus. Ce n’est même pas bon pour la Côte d’Ivoire. Nous voulons la réconciliation, mais il faut que la justice fasse son travail. Nous disons simplement que M. Gbagbo doit répondre de ses crimes. On ne peut pas demander dans de telles circonstances sa libération. Cela n’est pas possible. C’est du jamais vu. Et je l’ai dit et je le répète, tout le monde sait très bien que si c’était nous qui étions à la place de Gbagbo, nous ne serions même pas en vie pour réclamer une justice ou une quelconque libération ! On nous aurait liquidés ! Et c’est leurs propres termes. Aujourd’hui, notre gouvernement s’est battu et a donné la vie à Gbagbo, on lui offre même les meilleures possibilités d’avoir une justice équitable !
Donc, je pense que nos amis du Fpi devraient être plutôt humbles.

Rfi : Pour crédibiliser la Commission dialogue vérité et réconciliation, ne faudrait-il pas qu’un certain

nombre d’officiers de l’ex-rébellion des Forces nouvelles demande pardon, notamment, pour une série d’exactions commises dans l’Ouest du pays ?

GS : Commission dialogue vérité et réconciliation n’est pas mise en place pour l’ex-rébellion. Je pense que c’est un exercice de catharsis que le président doit faire. Nous sommes d’accord pour tous les Ivoiriens, sans exclusion. Il ne faut pas simplement voir un camp ou l’autre. Il y a même des personnalités, des personnes en Côte d’Ivoire, qui ne sont pas des militaires. Il ne faut pas simplement penser que cette crise est une crise militaire, elle est d’abord politique. C’est à la télévision, dans les radios, qu’on a incité les uns et les autres par des discours de haine, à en venir à cette situation dramatique, tragique pour le pays. Donc, je pense que c’est global, c’est général et il faut éviter de catégoriser, de cibler un certain nombre de personnes.

France 24 : Mais est-ce qu’il ne faut pas de temps en temps quand même cibler et être clair, puisque certains partisans de Laurent Gbagbo, mais aussi des Ong dénoncent des comportements et des exactions commises par un ancien commandant de zone, (Wattao), l’avez-vous rappelé à l’ordre ?

GS : Tous les commandants de zone, nous avons eu l’occasion de le démontrer à plusieurs reprises, ont été rappelé à l’ordre : ceux qui n’ont pas suivi les consignes que nous avons données ont été purement et simplement mis de côté ! Donc, il ne faut pas cataloguer, il ne faut pas catégoriser, il ne faut pas cibler. Laissons la Commission dialogue-vérité et réconciliation faire son travail en toute indépendance. Je pense que c’est important. C’est pourquoi, je me suis réservé à plusieurs reprises de prendre la parole. Parce que je ne veux pas gêner le travail de la Commission. Ce que nous demandons dans cadre de la Cdvr, c’est moins que ce soit une instance judiciaire ou plutôt un tribunal qu’une forme d’accueille ou de repentance et de confession des citoyens qui le désirent.
Donc, ne dévoyons par la mission de la Cdvr.

France 24 : Monsieur le premier ministre, on va parler de politique, parce que les législatives ont été fixées officiellement au 11 décembre prochain. Le Fpi, le parti du président Gbagbo a menacé de boycotter ces élections. Est-ce qu’elles auront encore un sens à l’absence du Fpi ?

GS : Vous savez que la démocratie autorise à tout citoyen d’aller à des élections au non. Evidemment, le souhait du gouvernement est que le Fpi aille aux législatives, comme nous avons souhaité que le Fpi ait des réprésentants au gouvernement. Mais, ils ont refusé d’entrer dans le gouvernement.
J’espère qu’ils ne feront pas la même erreur. Et qu’ils iront aux législatives. De toutes les façons, les législatives, dans un pays, ne sont pas organisées que pour les partis politiques. Parce que, sont autorisés à être candidats aux législatives, pas seulement les représentants des partis politiques. Il y a tous ces citoyens lambda qui veulent s’intéresser à la politique. Les législatives ont tout leur sens.
Elles auront lieu le 11 décembre.

Rfi : Le Premier ministre, Guillaume Soro, sera-t-il candidat à ces élections?

GS : Je suis totalement libre d’être candidat aux législatives. N’anticipons rien. Je pense que cela pourrait-être une expérience intéressante.

Rfi : Vous n’êtes pas officiellement candidat au moment où nous parlons?

GS : Au moment où nous parlons, je ne suis pas officiellement candidat. On attend l’ouverture des candidatures le 14 octobre.

Rfi : Seriez-vous candidat au perchoir de l’Assemblée nationale ?

GS : Je considère qu’à chaque jour suffit sa peine. Aujourd’hui, je suis Premier ministre, ministre de la Défense. Il me revient de conduire le gouvernement, le programme de gouvernement, de travailler sur la question de la sécurité dans le pays. Je m’y consacre.

France 24 : Parlant de votre avenir, est-ce que vous allez respecter l’accord qui a été conclu entre le président Alassane Ouattara et son allié du Pdci-Rda. Est-ce que vous allez céder votre place de Premier ministre ?

GS : Etre Premier ministre, c’est parce qu’on est utile à son pays. Mais pas des ambitions
personnelles. Donc, il reviendra au président de la République, seul élu démocratiquement de
décider. Ce que je souhaite, c’est de servir mon pays, d’être utile à mon pays.

France24 : Ça fait 100 jours que votre gouvernement travaille activement. Quel bilan faites-vous ?

Il est toujours difficile de parler de soi-même. Mais, en trois mois les Ivoiriens ont senti la présence d’un gouvernement. Des chantiers ont été prospectés, notamment le domaine de la salubrité, de grands projets ont été réalisés. Le troisième pont que nous avons commencé à construire devait l’être depuis 1996. En trois mois, nous avons réussi à boucler le dossier pour que ce soit réalisé.

Sur le plan économique, vous avez bien vu, le Fmi était à Abidjan, les premiers mois, au lendemain de la chute de M. Gbagbo. On avait tablé sur une décroissance économique de -7,5%. Aujourd’hui, nous sommes à -5%. Cela montre bien que du travail a été fait. Mieux, tous les analystes sont optimistes pour dire qu’en 2012, nous aurons un taux de croissance de plus de 8%. Je pense que le gouvernement est au travail. Désormais, les embouteillages à Abidjan, c’est à partir 6h à 7h, ce n’est plus à 10h comme par le passé. Ca montre que la Côte d’Ivoire est au travail.

Réalisée par RFI et France 24

Retranscrits par Patrick N’Guessan
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