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Politique Publié le mardi 11 octobre 2011 | Le Patriote

Retour sur une dictature : Ces 10 phrases qui ont « tué » Gbagbo

© Le Patriote Par Rebecca Blackwell / AP/Sipa
Elections présidentielles du 28 novembre 2010: le président Gbagbo conteste toujours les résultats proclamés par la CEI et certifiés par les Nations unies
Depuis le 11 avril dernier, Laurent Gbagbo est en captivité à Korhogo. L’homme qui narguait et bravait ses compatriotes, l’Afrique et le Monde, dans sa folle et suicidaire aventure de confiscation d’un pouvoir perdu dans les urnes, n’est plus que l’ombre de lui-même. Tant il a été réduit à sa plus simple expression. Exit « le combattant intrépide », « le Woudy de Mama », « le guerrier sans peur et sans pitié » ! Or donc, tout n’était que vanité ! Cela fait maintenant six mois que l’ancien opposant historique a été freiné dans son élan à conduire la Côte d’Ivoire à la guerre civile, et le déluge tant annoncé par ses laquais et hagiographes, s’il perdait le pouvoir, n’est pas arrivé. Mieux, plus personne, mis à part ses inconditionnels qui donnent dans les cris d’orfraie, ne se souvient encore de ce chef populiste à souhait, qui se prenait pour le centre de notre pays. A la vérité, plus que les urnes et la guerre perdue qu’il a engagée, Gbagbo s’est vaincu lui-même par la posture affichée, durant sa décennie de pouvoir. Pour le chef qu’il n’a jamais été, il parlait trop. Il parlait mal et déparlait le plus souvent. Alors que le chef est guidé par la sagesse, la pondération, l’humilité voire l’humiliation, Laurent Gbagbo était un homme belliqueux, provocateur et par trop volubile. Le penseur et philosophe chinois, Lao Tseu ne croyait pas si bien dire en affirmant que: « Celui qui peut vaincre les autres est fort. Celui qui s’est vaincu lui-même est vraiment puissant ». Telle est la tragédie du roi Gbagbo, l’homme victime de son propre discours, qui a fini par le perdre. Egrener les discours de l’ancien président ici, serait un travail titanesque, tant il a parlé à profusion dix années durant. Au point de tomber dans la vulgarité et la familiarité. Plus grave, contrairement à ses prédécesseurs et à son suivant, Gbagbo est parvenu à désacraliser un pouvoir justement sacré. Au lieu de rester sur le pinacle, il est descendu librement dans la mêlée, comme les gladiateurs entrent dans l’arène. Dès sa prise de fonction officielle, il lance à la cantonade à ses compatriotes : « Je voulais être Président pour montrer qu’un enfant de pauvre peut arriver au pouvoir ». Un programme bien maigre, s’il en est ! Qui a dit que la pauvreté était une tare congénitale ? Un Président qui a une telle conception de la conquête du pouvoir ne peut qu’annoncer un mauvais présage pour sa gouvernance. Quelques années plus tard, en 2005 à Agboville, il avouait publiquement devant ses militants et partisans éberlués, qu’il ne faisait plus partie de la classe des pauvres. « Avant, on n’avait rien. Maintenant, on a un peu ». On peut bien le dire quand on a un fonds de souveraineté de plus de 75 milliards pendant presqu’une décennie. Pour avoir gagné l’argent si facilement et troqué les habits défraichis des années d’opposition contre des costumes de bonne frappe,

« Avant, on n’avait rien. Maintenant, on a un peu »

Laurent Gbagbo ne pouvait qu’inscrire la facilité, le laxisme et l’impunité au cœur de son pouvoir. C’est pourquoi, recevant une fois les jeunes, il a dérouté plus d’une personne en tenant ces propos d’une extrême gravité : « On n’a pas besoin d’avoir un diplôme pour devenir quelqu’un ». Il ouvrait la boîte de Pandore du laxisme, de la facilité et de la tricherie, portés aux nues. Pour « être quelqu’un dans ce pays » sous Laurent Gbagbo, les jeunes notamment ceux dits « patriotes », ont pris le discours à la lettre et ont donné dans les raccourcis pour se forger une conviction. Ainsi, sous le Seplou de Mama, tuer les autres, tricher et frauder aux examens conférait une « respectabilité. La licence ainsi délivrée, sur le campus, Blé Goudé et ses sbires avaient réalisé une OPA sur les cités universitaires, prenaient en otage des chambres qu’ils louaient à des particuliers. Ceux qui étaient plus « courageux », assassinaient des opposants et devenaient ainsi des modèles à imiter dans une société en pleine déconfiture morale et identitaire. N’est-ce pas que Blé Goudé Charles, le tueur, le tricheur à la licence d’anglais était présenté comme un exemple sous la refondation ? C’est sûr, Gbagbo était un Président atypique, qui tuait de façon abrupte, tous les canons de légitimité et de pensée des hommes d’Etat. Les situations cocasses qui appelaient la sanction, étaient justement banalisées, voire encouragées. Un homme bien déroutant, que Laurent Gbagbo ! En 2009, lors d’une réception, il n’a pas hésité à donner un blanc seing à Marcel Gossio, l’ancien DG du Port Autonome, accusé de prédation des deniers publics. « Gossio, on dit que tu manges ! Continue de manger », a-t-il déclaré, au grand étonnement de l’assistance.

«Quand j’étais petit, je volais souvent »

Il ne fallait pourtant pas s’en offusquer, outre mesure. Telle était vraiment la psychologie de l’homme. On se rappelle qu’en 2008, au moment où le scandale des faux dollars mettait en cause l’un de ses collaborateurs, Gbagbo avait suscité l’hilarité générale quand la gendarmerie lui a présenté des échantillons de faux billets, en ces termes : « Mais, ce n’est même pas beaucoup… » Il aurait fallu présenter certainement des sacs de faux billets, pour émouvoir le roi Gbagbo. En meeting à Gagnoa, sa ville natale, précisément au quartier Dioulabougou, toujours en 2009, il a lâché le mot, véritable séisme pour les esprits lucides, mais la marque bien distinctive de sa gouvernance : « quand j’étais petit, je volais souvent pour manger ». En d’autres termes, voler n’est plus un défaut et un malandrin peu bien accéder un jour à la Magistrature Suprême. Ce message burlesque à souhait, a été bien compris par ses collaborateurs, qui ont ouvert la curée de l’économie nationale. Le vol généralisé est donc devenu le vecteur commun à tous les refondateurs. Là-dessus, les affaires n’ont pas manqué. Les commissions sur les achats d’armes, les 100 milliards de Trafigura suite aux déchets toxiques, le scandale des emplois fictifs au palais présidentiel, les milliards du café cacao, les 100 milliards de l’usine fictive de Fulton aux Etats-Unis, la casse des banques pendant la crise post-électorale….

«S’il n’y a pas d’élection, ça fait quoi » ?

La donne est connue. Quand on est nanti, le premier reflexe est assurément d’agrandir son harem. A tous ceux qui l’accusent, à tort ou à raison, d’avoir une pléthore de femmes, Laurent Gbagbo, le premier des citoyens à l’époque, ironisait en ces termes, face à la nation : « qui n’a pas de deuxième « bureau » dans ce pays ? Qui ? » La cerise sur le gâteau vient certainement de sa volonté à embastiller la démocratie et à organiser la répression tous azimuts. En novembre 2000, à ceux qui mettaient en doute son élection obtenue dans des « conditions calamiteuses » et dans le sang des Ivoiriens, il lance ses propos sans détour : « Mille morts à gauche, mille morts à droite, moi j’avance ». En décembre 2000, il récidive quand les militants du Rassemblement Des Républicains manifestent pour protester contre l’invalidation de la candidature du Président Ouattara aux législatives. A la télévision, Laurent Gbagbo donne licence aux soldats de massacrer son peuple : « Ordre est donné aux forces de l’ordre et de défense de châtier les fauteurs de troubles ». D’Abidjan aux villes de l’intérieur, une répression sans commune mesure s’abat sur les opposants. On dénombre plus d’une centaine de victimes. En mars 2004, il remet le couvert, à la faveur d’une marche du G7, réclamant la transparence des élections. Après avoir décrété le Plateau « Zone rouge », Gbagbo met en garde dans un discours sans équivoque sur ses intentions. « Si vous marchez, l’armée fera son travail », dit-il sur le petit écran. Bien sûr, l’armée aux ordres du dictateur a bien « fait son travail ». On a compté plus de 120 morts et des centaines de blessés.

« Matez sans réfléchir »

En octobre 2009, devant les exigences de son opposition qui réclame la tenue des élections, l’ancien et nouvel opposant historique réagit par une boutade à la démocratie et à l’alternance : « S’il n’y a pas d’élection, ça fait quoi ? » En août 2010, à Divo, lors de l’installation de la CRS, il conforte son choix pour un passage en force au scrutin présidentiel, en instrumentalisant davantage les forces de défense : « Matez sans réfléchir ! » Enfin, à la veille de la dernière élection présidentielle, arguant qu’il est « le candidat des Ivoiriens » et « l’enfant du pays », il mettait en garde ses opposants et la communauté internationale qui serait regardante sur la sincérité du vote. « Je n’ai peur de personne », martèle t-il, à la grande joie de ses inconditionnels. La suite, on la connaît ! Après cinq mois d’une crise post-électorale due à son refus de céder le pouvoir perdu dans les urnes, Laurent Gbagbo a fait une autre guerre qu’il a perdue, avant de se retrouver en détention. Plus que la loi des armes, ce sont les propres paroles du chef de la refondation qui l’ont perdu.
Une analyse de Bakary Nimaga
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