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NTIC Publié le mercredi 12 octobre 2011 | Cote d’Ivoire Economie

Télécoms : les grands défis de l’après-conflit

© Cote d’Ivoire Economie
Telecom
Après avoir bénéficié d’une croissance insolente et à première vue anachronique durant la longue période de crise larvée entamée en 2002, le secteur des télécommunications en Côte d’Ivoire se retrouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Tour d’horizon.

C’est l’heure du doute, en dépit d’un contexte toujours favorable. Premièrement, parce que les longs mois de crise post-électorale et la bataille d’Abidjan ont porté un sérieux coup aux infrastructures des différents opérateurs et qu’il faudra les reconstruire là où ils espéraient investir dans des technologies de nouvelle génération. Deuxièmement, parce que le secteur semble se préparer à un nouveau partage des cartes, dans un contexte où certains acteurs de premier plan dans l’univers de la téléphonie mobile sont secoués par des crises internes. Et troisièmement parce que, plus que jamais, le modèle économique des télécoms en Afrique semble « condamné » à des mutations exaltantes mais risquées.

De gros dégâts à la faveur des combats
«Les choses sont simples. Les deux plus gros opérateurs de téléphonie mobile ont sérieusement dysfonctionné pendant de longs jours. Seul leur principal challenger fonctionnait dans mon quartier, y compris le service de transfert de recharges. Les leaders du marché ont rétabli un service à peu près normal autour du 20 avril», raconte un habitant de la commune de Yopougon, la plus grande du district d’Abidjan. Un habitant de Cocody se souvient, quant à lui, des méthodes de débrouille mises en place pour pouvoir communiquer. «Nous demandions à certains membres de nos familles vivant en France de nous envoyer du crédit téléphonique en l’achetant à travers un certain nombre de services en ligne», relate-t-il.

Dans les faits, tous les opérateurs de téléphonie mobile ont subi de plein fouet l’âpreté des combats. Les images du siège d’Orange Côte d’Ivoire à Marcory, sauvagement saccagé, ont été diffusées par la chaîne de télévision France 2 et sont devenues comme emblématiques de l’ampleur du travail de reconstruction. C’est justement le groupe Orange qui a communiqué le plus clairement sur ses pertes liées au dernier épisode de la crise ivoirienne.

Dans une interview accordée à un site Internet interne au groupe Orange, Marc Rennard, directeur exécutif Afrique, Moyen-Orient et Asie, dresse un bilan préoccupant : « J’ai vu à quel point la crise a été dévastatrice pour nos activités, qui ont subi une perte estimée à environ 80 millions d’euros (plus de 52 milliards de FCFA), 35 millions d’euros (environ 23 milliards de FCFA) liés aux pertes de revenus et 45 millions d’euros (environ 29 milliards de FCFA) dus aux vols, aux pillages et aux destructions d’équipements. 40% de la capacité internationale a été perdue, 664 sites, soit 60% de la couverture mobile ont été impactés, 23% de nos clients fixes ont été coupés, ainsi que 15% des clients ADSL. Par ailleurs, 27 agences ont été saccagées, 95% des distributeurs ont arrêté leur business à Abidjan, et nos voitures ont été volées ou détruites. »

Mamadou Bamba, directeur de Orange-Côte d’Ivoire Télécom indique de son côté que seulement 40% du réseau était disponible au mois d’avril. Fin septembre, l’hebdomadaire français L’Usine Nouvelle annonçait, sur son site Internet, que 38 millions d’euros (environ 25 milliards de FCFA) avaient déjà été investis dans la réhabilitation des installations du groupe. Du côté des autres opérateurs, les chantiers de remise à niveau sont tout aussi colossaux…

Comium et GreenN menacés ?
Le retour à la normale a coïncidé, dans le secteur des télécoms ivoirien, avec des troubles d’une ampleur assez forte au sein de deux compagnies ivoiriennes spécialisées dans la téléphonie mobile : Comium et GreenN. A Comium, tout s’est cristallisé autour d’un conflit entre Eugène-Marie Diomandé, qui se considère comme président du conseil d’administration et Nizar Dalloul, qui détient 85% du capital. Une bataille pour le contrôle de l’entreprise, qui s’est déportée sur le terrain politico-judiciaire. Un feuilleton haletant raconté par le menu par les quotidiens nationaux, mais qui a un effet désastreux sur l’entreprise, notamment paralysée dans ses projets de recapitalisation. En effet, l’opérateur a du mal à payer ses salaires à temps et à honorer ses engagements vis-à-vis de l’Etat et des autres professionnels du secteur.

GreenN, contrôlé par Libya Africa Investment Portfolio (LAP), a de son côté beaucoup souffert de la guerre en Libye et du gel des avoirs de la Jamahiriya décrété par la communauté internationale, qui n’était pas pour rassurer. Fin septembre, les avoirs de LAP ont été dégelés, ce qui redonne de la visibilité à l’entreprise. Arrivé fin août à son poste à Abidjan, Abdoulghani Ramadan, directeur général de GreenN Network nommé par les nouvelles autorités libyennes, aura fort à faire. Les travailleurs accumulent trois mois d’arriérés de salaires et quatre mois d’arriérés de cotisations sociales. L’opérateur a mis en veilleuse l’essentiel de ses projets et doit désormais rattraper un certain retard industriel.
Une chose est sûre : le relatif coma des deux derniers opérateurs arrivés sur le marché et particulièrement fragilisés par le coût de l’interconnexion aux réseaux pionniers pourrait, s’il se prolonge, donner lieu à un nouveau partage des cartes entre les trois plus gros opérateurs, qui sont « backés » par des groupes internationaux fortement implantés au niveau mondial – Orange, MTN, Etisalat.

Un modèle économique qui est en train de changer
La redéfinition des équilibres dans le secteur des télécommunications en Côte d’Ivoire arrive à un moment de « déplacement de la valeur ». Les années de concurrence autour du principal produit – la voix – ont progressivement tiré les coûts vers le bas. Désormais, les opérateurs estiment que la valeur ajoutée se trouve dans ce que l’on appelle le « data », le transfert des données et l’Internet mobile. Avec la multiplication des initiatives en matière de raccordements à des réseaux de fibre optique qui permettent d’espérer une baisse du prix de la bande passante, un nouveau monde s’ouvre désormais pour les professionnels du secteur et le consommateur lambda.

Plus que jamais, la Côte d’Ivoire doit donc mettre à jour son Code des télécommunications et ouvrir de nouveaux chantiers essentiels. D’ores et déjà, Bruno Koné, ministre ivoirien des Technologies de l’information et de la communication, a déjà annoncé que le gouvernement octroiera, « certainement avant la fin de l’année », des licences de troisième génération, qui permettront un saut technologique, des débits de meilleure qualité et une baisse sensible des coûts. Certaines sources affirment même que le pays des Eléphants, qui a pris du retard dans le passage à la « 3G », fera le saut technologique et optera directement pour la « 4G », d’introduction récente même dans les pays occidentaux.
Un vaste projet du maillage du pays avec de la fibre optique sera également mis en place, même si le ministre insiste pour dire qu’il est question que « cette fibre optique ne vienne pas en concurrence avec les projets du privé », mais que la « complémentarité » doit prévaloir en toutes circonstances. Aujourd’hui connectée à un seul câble international (le SAT-3), la Côte d’Ivoire a des projets d’extension de la « connectivité internationale du pays ». Début 2012, le câble ACE (Africa Coast to Europe), mis en place par un consortium de 21 opérateurs, auquel se brancheront au moins 19 pays africains et qui aura une langueur de 17 000 kilomètres environ, se raccordera vraisemblablement à la Côte d’Ivoire.

François Wandji


Le téléphone mobile, terminal de l’Internet en Afrique noire
Jean-Marie Miny, responsable web du groupe Jeune Afrique, le confie volontiers. «Dans un certain nombre de pays comme le Congo-Brazzaville, nos statistiques nous indiquent que la majorité de ceux qui se connectent à notre site le font à partir de leur téléphone. C’est au Sénégal que notre application iPhone a été la plus téléchargée. La Tunisie, dont le produit intérieur brut par habitant est bien plus élevé, arrive après.» C’est un fait indiscutable : c’est le téléphone mobile qui porte la croissance du transfert des données, du «data» en Afrique subsaharienne. Avant l’ordinateur personnel. Pour quelle raison ? Déjà parce que le taux d’équipements en ordinateurs est notoirement faible dans des pays où l’environnement n’est toujours pas très favorable : les règles fiscales tatillonnes le disputent à des facteurs décourageants comme les coupures d’électricité, globalement moins préjudiciables aux «Mobinautes» qu’aux Internautes classiques…
Il faut également prendre en compte un facteur : les opérateurs de téléphonie mobile, installés depuis désormais plus d’une décennie sur le terrain et rendus prospères par la croissance continue de la «voix», ont une plus forte influence sur le terrain que les fournisseurs d’accès Internet «purs», qui ont généralement du mal à atteindre la «taille critique». L’emprise des opérateurs sur le marché de l’Internet est telle que de nombreux moyens de connexion distribués par leurs soins, comme les clés GPRS, CDMA et 3G souvent arrimées à un ordinateur, sont considérés comme relevant de la «mobilité», et faussent les statistiques sur les terminaux de connexion… en leur faveur. L’arrivée très prochaine sur le marché ivoirien de smartphones – téléphones intelligents particulièrement adaptés à la navigation sur Internet et à l’utilisation d’applications mobiles – vraiment low cost, pourrait ainsi accélérer ce qui se présente comme une révolution.
Ainsi, le smartphone Ideos, fabriqué par Huawei en partenariat avec Google, dont il utilise le célèbre système d’exploitation, Android, fait beaucoup parler dans les milieux high-tech du continent. Et pour cause : il ne coûtera que 100 euros, un prix symbolique qui pourrait élargir fortement un marché du téléphone connecté encore considéré aujourd’hui comme élitiste. Dès lors, les petits commerçants, les instituteurs et la masse de la classe moyenne urbaine pourraient devenir des utilisateurs d’applications pensées pour eux, gratuites ou payantes, qui leur fourniront un certain nombre d’outils facilitant leur vie au quotidien.
F. W.

Quand la technologie sert à sauver des vies
Avaient-ils réalisé à quel point leur décision s’avérerait salutaire pour un grand nombre de personnes en situation d’urgence ? En tout cas, le choix des principaux fournisseurs d’accès Internet présents en Côte d’Ivoire de continuer à «servir» leurs clients malgré le non-paiement des factures liées à la situation extrême qui prévalait durant les mois de mars et d’avril dans le pays, a contribué à sauver des vies.
Dans un contexte où les transports publics, la grande distribution et un grand nombre de structures sanitaires étaient à l’arrêt, la détresse humanitaire était bien entendu à son paroxysme. Femmes enceintes sur le point d’accoucher mais coincées chez elles, malades chroniques ayant besoin de médicaments de toute urgence, personnes coupées de tout soutien et étant confrontées à de gros problèmes d’approvisionnement en vivres… En l’absence de tout service de l’Etat, de jeunes technophiles ivoiriens ont décidé de créer sur le site de microblogging Twitter, ce qu’on appelle un hashtag, dénommé #civsocial. L’initiative a été très vite élargie au réseau social Facebook, dont l’usage est bien plus démocratique en Côte d’Ivoire. Les personnes en situation d’urgence ou étant en contact avec des situations d’urgence et qui avaient la chance d’être connectées pouvaient donc lancer leur bouteille à la mer… que les Internautes les plus concernées se faisaient fort d’acheminer, à coups de «retweets» et de «partages», jusqu’à des volontaires ayant qui une voiture, qui les médicaments nécessaires, qui un peu de nourriture.
Appuyée par la suite par une «hotline» basée au Ghana, relayée par de nombreux médias internationaux bluffés par cette utilisation citoyenne et altruiste des technologies de l’information et de la communication, l’initiative #civsocial a montré une image rafraîchissante et pleine d’espoir de la Côte d’Ivoire, à rebours du chaos politique dans laquelle elle était plongée.
F. W.

Les «geeks» ivoiriens, trop loin des majors des télécoms ?
Le boom des l’informatique, particulièrement du web social, a entraîné naturellement la naissance partout dans les grandes métropoles, de communautés de «geeks», fans absolus de technologies nouvelles. Et forcément «early adopters», premiers consommateurs des solutions innovantes. En Côte d’Ivoire, la communauté des «techies» s’organise autour d’une association très dynamique, Akendewa, qui organise le Barcamp (non-conférence axée sur la participation et souvent consacrée aux nouvelles applications en matière de logiciels et d’Internet) d’Abidjan.

Si elle impose progressivement sa toute nouvelle «légitimité», la communauté des «techies» ivoiriens considère que les majors du secteur des télécoms sont un peu réticentes à engager le débat sur les usages, à libérer leurs interfaces de programmation informatique (API) et à ouvrir leurs plates-formes pour favoriser le développement d’applications web et mobiles économiquement accessibles et sociologiquement adaptées au marché national.
F. W.
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