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Gens Publié le vendredi 28 octobre 2011 | L’expression

Après la chute de Gbagbo, Raphaël Lapké sort de sa réserve et attaque : « Koulibaly Mamadou ne peut donner de leçon »

Raphaël Lakpé, journaliste émérite et analyste politique, est amer contre les cadres de l’ancien régime. Dans cette interview, cet ancien compagnon de Laurent Gbagbo dans les années 1990 crache ses vérités à Mamadou Koulibaly, au Fpi et jette un regard critique sur les 100 jours de Ouattara.

Votre parti, le Rdr, a enregistré 961 candidatures pour les prochaines législatives. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Avant de commencer, je tiens à préciser, pour éviter toute interprétation malheureuse, que cette interview a été convenue de longue date. Elle n’est donc pas liée aux questions d’actualité dont nous aurons à parler. Cet entretien a donc été rattrapé par l’actualité. Cela dit, pour répondre à votre question, je soutiendrai que cet engouement prouve que le parti vit. Qu’il a de plus en plus d’attrait auprès des populations. C’est d’ailleurs un mouvement normal qui se comprend aisément. Quand un parti arrive au pouvoir, cela déculpe, et à raison, l’ardeur de ses militants attire d’autres adhésions. Si tout cela est bien canalisé, le parti en tire grand profit.

Ne craignez-vous pas que les candidats non retenus créent une déchirure au sein du parti ?
Tout dépendra de la façon dont les arbitrages seront faits. Si le jeu est clair, si les critères de choix sont bien déterminés et compris par tout le monde, il y aura moins de frustrés donc, moins de candidatures indépendantes.

Etes-vous candidat ?
Non, pas pour la députation.

Mais pour… ?
Ne nous pressons pas. Allons-y d’abord pour les législatives, on verra pour la suite.

Le Fpi réclame, pour sa participation au scrutin du 11 décembre, la recomposition de la Cei. Que répondez-vous ?

On ne change pas les règles du jeu pendant que la partie se déroule. Un responsable politique qui va à des négociations doit tenir compte de tous les paramètres. On discute pour aujourd’hui et pour l’avenir de son parti. Donc quand le parti appose sa signature au bas d’un document, cela veut dire que cette formation politique s’engage à respecter les règles jusqu’à l’expiration du délai indiqué sur le document. Le Fpi a signé l’accord ayant conduit aux élections, en sachant qu’il pouvait perdre la présidentielle. Et qu’à l’occasion, la représentation ne serait plus la même au sein de la Cei. Il a donc signé en toute responsabilité et en connaissance de cause. Ce parti doit éviter de nous convaincre qu’il n’a pas bien réfléchi avant de prendre des engagements. A mon sens, ce débat n’a pas lieu d’être. Le Fpi ne pas se prévaloir de ses propres turpitudes pour faire faire du surplace au processus électoral comme à ses jours de gloire.

Pour ce parti, si on a remplacé Yao N’Dré à la tête du Conseil constitutionnel, il est illogique de ne pas en faire autant pour Youssouf Bakayoko à la tête de la Cei.
On n’a pas remplacé Yao N’Dré parce qu’on ne l’aime pas. Mais parce qu’il n’a pas été impartial. Par une décision fantaisiste, il a plongé la Côte d’Ivoire dans une crise dont le bilan macabre s’élève à 3.000 morts. A partir de ce moment, il n’est pas adroit de comparer Yao N’Dré à Youssouf Bakayoko. Le président de la Cei a proclamé les résultats sortis des urnes. Il n’est pas revenu sur sa décision. Yao N’Dré a proclamé son ami vainqueur en manipulant les chiffres. Il est revenu sur sa décision. On compare ce qui est comparable. L’un a fait son travail, l’autre, non.

Quel Parlement sans le Fpi en cas de boycott effectif ?

Le jeu des tractations n’est pas encore terminé. Le Fpi est en négociations avec le gouvernement. La position actuelle du Fpi peut être vue comme une stratégie pour faire monter les enchères afin d’obtenir quelque chose. Les négociations se poursuivent, mais ça m’étonnerait que le Fpi boycotte les élections législatives.

Le Rdr a Boycotté en 2000 les législatives. Cela a été lourd de conséquences pour le parti. Avez-vous un conseil à donner au Fpi qui veut boycotter les élections ?
Je n’ai pas de conseil particulier à donner au Fpi. Ses dirigeants savent ce qu’ils gagnent en participant à cette élection et ce qu’ils perdent en n’y participant pas. Le danger qui les guette, s’ils ne vont va aux élections, est de n’être pas présent à l’Assemblée nationale là où l’on légifère. Personnellement, je pense que le Rdr a bien fait de ne pas partir aux élections législatives de 2000. Cette décision a donné la preuve que nous étions soudés derrière notre leader. C’était un message fort. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le même cas de figure. Ce ne sont pas les conditions de l’organisation qui sont en cause. Mais le cas d’un leader politique qui a posé des actes qui intéressent la justice et qui est inculpé et en détention préventive. Il est en attente de justice. En 2000, le Rdr a boycotté les élections parce qu’on avait créé des conditions qui ne permettaient pas à son leader de se présenter. On n’a pas arrêté Laurent Gbagbo pour ne pas qu’il se présente aux législatives. Il a été arrêté dans un cadre bien précis. Si le Fpi conditionne sa participation à ces élections par la libération de son leader, sûrement qu’il a d’autres moyens pour rester présent sur la scène politique, parce qu’il faut que justice soit rendue.

« Le Fpi sera aux législatives »


Le Fpi estime que les comptes de ses cadres sont bloqués. Et qu’ils n’ont pas de moyens pour battre campagne.

Mais les comptes n’ont pas été bloqués pour les empêcher de participer à des élections. Ce ne sont pas tous les comptes de tous les militants et cadres qui ont été gelés. Il n’existe aucun lien entre les comptes bloqués des cadres du Fpi et les prochaines élections. D’ailleurs, aujourd’hui, quand des responsables du Fpi parlent de moyens pour aller à des élections, je me dis qu’est-ce que la vie a changé ! Parce que je sais dans quelles conditions le Fpi allait aux élections en 1990 et 1995. Le pouvoir les a-t-il changés à ce point ? Qu’il trouve donc les moyens de s’organiser pour participer aux campagnes électorales et contribuer à l’animation de la vie démocratique.

Il y a également les conditions sécuritaires qu’ils ont posées comme préalable…
Le Fpi s’était accroché à cet argument lors de la présidentielle. Mais le peuple a démontré le contraire avec la forte mobilisation constatée. Pour les législatives, le même argument revient. Qu’on me montre une partie de la Côte d’Ivoire où on ne peut pas aller faire campagne. Il ne peut y avoir de sécurité à 100%. Tous les Ivoiriens vivent la même situation. Si tout le monde adopte le bon ton, ne donne pas dans des provocations inutiles, il n’y a aucun risque. Les Ivoiriens ont démontré leur maturité politique à l’occasion de la dernière présidentielle.

Certains cadres du Fpi en exil brandissent leur situation pour attester qu’il ne peut pas avoir d’élection législative avec tout ce monde hors du pays. Que leur répondez-vous ?
Que font-ils en exil ? Que se reprochent-ils ? De quoi ont-ils peur ? Pourquoi ont-ils choisi de fuir le pays alors que les Miaka Ouretto ? Akoun Laurent, Amani N’Guessan et autres, circulent librement dans le pays et même font des déclarations fracassantes sans que le ciel ne leur tombe dessus. Le président de la République leur a déjà demandé de rentrer au pays. S’ils ne rentrent pas, ils en savent les raisons. Le pays ne peut donc pas cesser de vivre pour des personnes qui, certainement, en ont beaucoup sur la conscience.

La Cpi se prépare au transfert de l’ex-président Laurent Gbagbo. Ses partisans estiment que cela ne peut pas favoriser la réconciliation des Ivoiriens. Êtes-vous du même avis ?

Les militants Fpi le disent juste pour manifester leur solidarité avec leur leader. On les comprend. Mais au-delà, que disent ils des 3.000 victimes de la crise postélectorale et de leurs parents? Si les enquêtes de la Cpi prouvent que Laurent Gbagbo est coupable de tout ce qui lui est reproché alors, il ira à la Cpi. Mais il ne faut pas qu’on empêche la justice de travailler.

Pour la réconciliation, ne serait-il pas bon d’abandonner toutes ces poursuites ?
Il y a eu des morts. Et les responsables doivent répondre de leurs actes devant la justice pour que plus jamais ce genre de choses n’arrive en Côte d’Ivoire. Il est grand temps de mettre fin à l’impunité. C’est la condition pour calmer la colère des familles des victimes et apaiser leur cœur. Sûrement qu’au nom de la réconciliation, certaines fautes seront pardonnées. Mais cela relève des pouvoirs discrétionnaires du président de la République qui, en ce moment-là, prendra une loi d’amnistie. La justice, elle, doit faire son travail.

Avez-vous le sentiment qu’une justice des vainqueurs est en cours dans le pays ?
Je pense qu’il est trop tôt pour parler de justice des vainqueurs. La justice n’a pas encore fini son travail. Les investigations se poursuivent pour savoir qui a fait quoi pendant la crise. Le président Ouattara a dit que tous ceux qui se sont rendus coupables d’exactions et de crimes, devront répondre de leurs actes devant la justice. Faisons confiance à notre président et à la justice de notre pays.

Des anciens compagnons de Gbagbo, Koulibaly, Blé Blé Charles, Gervais Coulibaly créent leurs partis. Quel commentaire cela vous inspire ?
Cela m’amuse souvent de constater que les amis de Laurent Gbagbo sautent du bateau pour se refaire une santé ailleurs. C’est le même discours que l’on veut faire admettre à l’opinion à savoir : Laurent Gbagbo n’écoutait personne. Et pourtant, des gens ont accompagné ce système jusqu’au bout. C’est le cas du professeur Mamadou Koulibaly. Quelle leçon veut-il nous donner aujourd’hui ? Quelle image veut-il qu’on garde de lui ? Il est resté dans le système jusqu’à la fin. Il est à la base de toutes les théories fallacieuses sur les méfaits de la Françafrique, du néocolonialisme etc. Ce n’est pas parce que Gbagbo n’est plus au pouvoir, qu’on croit se dédouaner en soutenant que c’est lui seul qui est à la base de tout ce qui est arrivé. Cela donne même l’impression qu’on était avec lui, parce que son parti était au pouvoir. A mon sens, ceux qui créent aujourd’hui des partis politiques ne sont pas des hommes de conviction. Vous savez, en politique, la lâcheté est la pire des choses.

Quel est votre appréciation des 100 jours du président Ouattara.

La Côte d’Ivoire peut être fière de son président. Il vient de montrer en 100 jours qu’il a une expérience de la chose publique. C’est en s’appuyant sur sa longue expérience de redressement des pays en situation difficile qu’il s’est très vite mis au travail. C’est une chance pour un pays qui sort d’une crise aussi profonde. Peut-être qu’on aimerait que les choses aillent encore plus vite mais je pense que tout se met progressivement en place. De nombreux défis attendent le pays. Après la crise, ses morts et ses destructions, il y a tant à faire.

Le Fpi dit que le président Ouattara ne fait que terminer les chantiers lancés par Laurent Gbagbo.
Heureusement pour la Côte d’Ivoire qu’il a fallu l’arrivée d’Alassane Ouattara pour voir enfin les chantiers aboutir (Rires). On ne peut pas en dire autant pour Gbagbo. Soyons sérieux, qu’est-ce que Laurent Gbagbo a fait pour les Ivoiriens en 10 ans ? Quel chantier peut-il se targuer d’avoir terminé depuis la présidence d’Henri Konan Bédié ? Laurent Gbagbo n’a rien terminé pendant son mandat. Le fait d’agiter des idées ne signifie pas qu’on a réalisé quelque chose. On peut émettre des idées mais il faut quelqu’un pour les rendre effectives pour le bonheur des populations. Il faut rendre hommage au président de la République qui a montré qu’il est un homme pratique. Il préfère l’action aux interminables discours.

« Voici les points noirs des 100 jours de Ouattara »


Quel pourrait être le point noir de la gouvernance du président Ouattara ?
On parle de point noir lorsqu’on est devant un échec. Alors qu’ici, les choses se mettent en place et beaucoup a été fait pour remettre le pays au travail. Même au niveau de la sécurité qui est le secteur le plus sensible, les choses avancent dans le bon sens. Le Premier ministre, ministre de la Défense et le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, sont à la tâche. En matière de sécurité, les résultats ne sont pas automatiques. Et, il n’y a pas de sécurité à 100%. Mais quand on sait d’où on vient et quelle était la situation, il y a quelques mois, on peut affirmer, honnêtement que du travail est fait. Au sujet de l’université, l’Etat a bien fait de marquer un arrêt pour qu’on sache où nous en sommes. Il y a des générations de bacheliers qui se superposent depuis cinq ans et qui n’ont jamais mis les pieds à l’université. Quand les travaux de réhabilitation vont prendre fin, l’université pourra reprendre sur de bonnes bases. Un autre point qu’on pourrait qualifier de point noir, c’est la cherté de la vie. Malgré les efforts du gouvernement, les nombreux chantiers en cours, le panier de la ménagère ne se remplit pas. Les Ivoiriens attendent beaucoup du gouvernement sur cette question là.

Au lendemain de l’arrivée au pouvoir du président Ouattara, on vous avait annoncé au Cnca et après plus rien. Que s’est-il passé ?
C’est dans un journal que j’ai découvert qu’on m’avait proposé comme secrétaire général du Cnca. Je voudrais dire qu’on ne m’a jamais proposé quoi que ce soit. Si l’on avait voulu me nommer à ce poste et m’avait posé la question, j’aurais répondu qu’à l’époque, le ministre de la Communication, Sy Savané, m’avait fait l’amitié de me proposer un certain nombre de postes. Dans les propositions qu’il m’avait faites, il y avait le Cnca. Il se rappellera que ma première réaction était de lui dire qu’on pouvait discuter de tout mais pas du Cnca. Pour rien au monde, je ne voudrais y aller. J’avais d’ailleurs dit au ministre Sy Savané qu’il ne réussirait pas à me nommer à un poste parce que le président de la République de l’époque, Laurent Gbagbo, avait dit que je ne deviendrais rien pour avoir choisi Alassane Ouattara. Et cela n’a pas loupé. C’est donc depuis Sy Savané que j’ai refusé le Cnca. Ici, le problème ne s’est pas posé, puisque je n’ai eu aucune proposition pour ce poste.

N’êtes-vous pas un peu amer de demeurer toujours au même poste après toute cette lutte? Avez-vous le sentiment d’avoir été oublié ?
Non pas du tout ! Le président, lui-même, à quel moment a-t-il commencé son mandat ? Il a été élu et il a fallu attendre cinq mois pour qu’il entre dans ses fonctions. Le président de la République est comme l’entraîneur d’une équipe de football ou de basket que j’ai pratiqué. Il veut constituer une équipe pour aller compétir et il a plusieurs athlètes sous la main. Chacun a son talent, ses qualités et ses défauts et c’est en fonction du match qu’il choisit les joueurs qui vont participer au match. Au cours du jeu, selon les situations, il fait entrer tel ou tel remplaçant. Le plus important étant la victoire de l’équipe. Je ne suis donc pas amer. Le président vient de commencer son mandat. Nous avons mené un combat long et harassant à tout point de vue, il est donc vrai que chacun voudrait jouir des fruits immédiatement. Il ne faut pas oublier que nous sommes 7OO mille militants inscrit du Rdr. Alors, chacun prie pour que le sort le désigne pour telle ou telle mission. Nous faisons tous confiance au président de la République. Il saura donner à chacun selon ses mérites et ses compétences.

En tant que professionnel de la communication, quel regard jetez-vous sur les medias ivoiriens, accusés à tort ou à raison d’être acteurs de la crise ?
Les gens oublient que le travail que nous faisons est celui d’amplification de ce qui se passe en réalité. S’il n’y a rien, on n’a rien à écrire ni à dire. Si on écrit et qu’on parle, c’est qu’il y a eu quelque chose. Nous ne sommes donc pas au départ, mais dans le prolongement. Cependant, il ne faut pas nier que les choses sont allées très vite au niveau de la presse. Avant le retour du multipartisme, il n’y avait que deux grandes rédactions à savoir Fraternité Matin et Ivoire Dimanche pour ce qui est de la presse écrite. En 90, nous avons assisté à l’arrivée de plusieurs titres sur le marché. Le problème qui s’est posé est qu’on n’avait pas suffisamment de professionnels pour animer toutes ces rédactions. Malheureusement pour la profession, la formation des journalistes qui était du fait de l’Etat a été stoppée. Tout cela a fait qu’on n’a de moins en moins de professionnels, sortis d’école, à des postes de responsabilité très sensible. Il est donc primordial de remettre l’accent sur la formation des journalistes. Un journaliste qui n’est pas formé est dangereux, car il ne sait pas ce qu’il faut écrire et ce qu’il ne faut pas écrire. La formation de base est très importante. Il faut des structures pour reprendre cette politique. Ce qui ne veut pas dire que la presse est la seule responsable de ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire. La classe politique, à mon sens, est la principale responsable de ce malheur.

Quel est votre regard sur le Quotidien L’Expression ?
C’est un journal calme. Chaque fois que je lis ce journal, je sens une volonté de rechercher l’information exclusive. Donner ce que les autres n’ont pas. Il faut maintenant souhaiter que cette volonté aille plus loin: être à la pointe de l’actualité avec des informations fouillées. Cela est très important. Le journal doit continuer à faire des enquêtes, interroger le plus souvent internet. C’est ce que je reproche à mes cadets que vous êtes. Vous n’êtes pas suffisamment fouineurs. A notre époque, nous ne disposions pas de cet outil informatique. Vous avez la chance d’avoir toutes ces sources d’information, il faut les utiliser.

Interview réalisé par Traoré M. Ahmed

Légende Photo 1 : Pour Raphaël Lakpé, le Pr Mamadou Koulibaly est aussi comptable de la mauvaise gestion de Laurent Gbagbo.
Légende photo 2 : Raphaël Lakpé : « Gbagbo n’a jamais rien terminé durant ses dix ans au pouvoir ».
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