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Société Publié le mardi 29 novembre 2011 | Nord-Sud

Imam Djiguiba Cissé (président de la Fondation Djigui / La bonne espérance) aux couples : “Refusez l’excision même si on veut vous maudire”

Du 19 au 21 novembre dernier s’est tenue, à Abidjan, une réunion de travail du Comité interafricain (Ci-af) qui œuvre pour l’abandon des pratiques traditionnelles. Les exciseuses ont renoué avec le couteau. C’est le constat révélé pendant cette réunion. L’imam Djiguiba Cissé, président national de cette institution, dans cet entretien, dévoile les zones où la pratique persiste encore.


Il ressort de la dernière réunion africaine sur les mutilations génitales féminines, qui s’est tenue à Abidjan, que le fléau persiste malgré les campagnes de sensibilisation. Pouvez-vous citer des cas ?
Il y a deux semaines, dans la région de Dabakala, on a été informé de l’excision de plusieurs dizaines de filles. Ce n’est pas un cas isolé. La pratique est fréquente après l’hivernage. Quand les récoltes sont faites, on organise des cérémonies d’initiation dans ce sens. Toujours est-il que nous ne devrions pas nous démotiver. Nous allons répertorier davantage les zones sensibles. Nous savons, aujourd’hui, qu’au Burkina Faso, la sensibilisation n’est plus au stade de départ. Il y a des dispositions qui ont été prises. Hormis Dabakala, il y a l’est du pays, l’ouest, chez les Yacouba et les Wê. Ce sont des zones où la pratique est courante. Ce que je voudrais préciser, c’est que ce n’est pas un phénomène lié systématiquement à la religion. A l’ouest, c’est pour des raisons culturelles et traditionnelles.

Quels sont donc les problèmes que ces pratiques causent aux familles ?
Vous savez, c’est l’ablation du clitoris qui entraîne des hémorragies difficiles à maîtriser. Elle a causé la mort de beaucoup de jeunes filles. D’autant plus que cette partie de la femme ne peut plus être flexible. C’est comme un ballon qui est élastique par nature et lorsqu’il y a une ablation, il ne se dilate plus pendant l’accouchement. Ça provoque des déchirures qui ont des conséquences néfastes sur la vie de ces femmes. Lorsqu’on parle de fistules dans la plupart des cas, cela provient de l’excision.

Avez-vous des exemples
Nous avons emmené plusieurs de ces filles chez le Pr Marcellin Bohoussou pour réparation et, chez le Pr Mamourou Koné ainsi que chez bien d’autres médecins, gynécologues. Ce n’est pas seulement un problème de santé publique mais aussi de droits humains parce que tout le monde a droit à la vie.

Est-ce que la pratique se fait dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire ?
Dans certaines régions du nord, la pratique se fait à 70%, souvent même à 90%. Au sud, à Abidjan, c’est dans l’ordre de 30%. A l’est, l’excision atteint 70%. Je voudrais préciser qu’il y a certaines familles musulmanes qui ne pratiquent pas l’excision peut-être parce qu’elles sont mieux informées.

Des couples subissent la pression de leurs familles parce qu’ils refusent leurs enfants. Quel message pouvez-vous lancer aux conjoints qui sont dans cette contrainte et qui sont souvent menacés de malédiction?
Nous avons été saisis pour des cas semblables. Et, souvent, ce sont des enfants nées de mariages forcés. Il y a un cas où le le père se trouvait être un intellectuel, un conseiller pédagogique. Quand nous avons été informés, des agents sensibilisateurs sont allés discuter avec lui. Et il a reconnu qu’il ne connaissait pas les conséquences. Bien qu’il soit intellectuel, il ne savait rien de tout cela. La migration des peuples favorise bien de choses à Abidjan. Ce que je puis dire aux couples qu’on veut maudire parce qu’ils refusent l’excision de leurs enfants, c’est que ces malédictions n’ont pas d’effets. Votre refus est fondé sur votre droit. Le droit de la santé de vos enfants.

Vous et d’autres imams prêchez contre l’excision depuis plusieurs années, mais on a l’impression que les exciseuses et même beaucoup de familles musulmanes ne se sentent pas concernées par votre message…
Nous avons des approches holistiques dans certains villages. Au lieu de parler directement de l’excision, on parle plutôt de la santé. Et les soirs, les agents discutent de tout et de rien. Les jeunes se mêlent à la discussion. Les causeries sont dynamiques et on fini par parler de la question de l’excision. Cela nous a permis de faire intervenir des exciseuses à ces séances. A Odienné, aujourd’hui, la sensibilisation se fait par les exciseuses elles-mêmes qui ont fini par abandonner la pratique.

Justement à Odienné, en 2009, dans 5 localités, des exciseuses ont abandonné le couteau. Et elles ont même signé un engagement en présence des autorités. Y a-t-il eu un suivi ?
Nous avons un bureau là-bas. Pour suivre la situation. Le mois dernier, nous étions en séminaire pour revoir comment faire une évaluation afin qu’il n’y ait pas de reprise et pour atteindre ce que nous appelons le désarmement des exciseuses et leur démobilisation. Et leur conseiller d’autres activités génératrices de revenus. Certaines regrettent même d’avoir exercé ce metier. Parce qu’il y a eu des morts. Nous avons eu aussi des cas de femmes stériles et des femmes victimes de fistules obstétricales dont on n’arrive pas à réparer l’organe génital. Vous savez, pour faire un enfant, il faut avoir un appareil génital normal.

Quelle est la position de l’islam sur le sujet ?
C’est une position mitigée. Certaines personnes pensent que c’est une pratique islamique. D’autres, par contre, disent qu’à partir du moment où il y a plus de mal que de bien, il vaut mieux s’en passer. Ç’a été le cas de beaucoup de savants. Qui disent que les conséquences sont nombreuses donc, elle n’est pas islamique. Moi, je fais partie de ces personnes-là.

La question n’est-elle pas clarifiée dans le Coran?
Clarifier pour ceux qui ont des positions antinomiques. Chacun peut avoir autant de preuves. Mais, nous savons tous qu’aucune fille du prophète Mohamed n’a été excisée, même parmi ses compagnons. Or, ce sont des modèles. Dans le Coran, il est fait mention de la circoncision masculine. Mais, nulle part, on ne parle de l’excision de la femme. Dans certains traités, on fait mention d’une intervention du prophète qui a dit à celles qui la pratiquaient à Médine : ‘’n’exagérez pas lorsque vous la faites’’. Or, ce que nous voyons, c’est l’ablation du clitoris qui est faite avec exagération. Parce qu’il s’agit de sectionner l’organe même qui est un patrimoine humain. C’est une atteinte à l’intégrité physique de la fille. Il y a beaucoup d’autres choses qui me font dire que ce que nous voyons, ne peut pas être islamique. La pratique a entraîné tout le temps des morts d’homme. Pourtant, l‘islam est là pour sauver des vies. On a eu le cas d’une fille, un bébé à Yopougon qui a été excisée. Elle a perdu beaucoup de sang et est arrivée dans un état de coma. Elle allait se vider de tout son sang. C’est le médecin qui a pu la sauver. Et, il a demandé d’intensifier la lutte. N’oublions pas que 3000 ans avant Jésus-Christ, les pharaons pratiquaient l’excision. Ce n’est pas une pratique de cette nature qu’il faut perpétuer. L’ablation du clitoris, le rasage des petites lèvres et des grandes sans anesthésie sont affreux, et on va plus loin car ils les font recoudre pour ne laisser qu’un petit passage pour uriner. Quand la fille doit être mariée, il faut couper les fils pour qu’elle puisse avoir des rapports sexuels encore et dans certaines sociétés, on recoud l’appareil. Comment peut-on qualifier cela de religieux alors que la religion veut le bonheur de l’homme.

Interview réalisée par S.S (stagiaire)
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