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Politique Publié le mercredi 30 novembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Il y a un an / Tout se mélangeait, Ce qui s’est vraiment passé le 28 Novembre 2010

© L’intelligent d’Abidjan Par DR
Commission Electorale Indépendante (CEI): Bamba Yacouba, Porte-parole
Des partisans de Laurent Gbagbo continuent de réclamer le recomptage des voix. Selon eux, le refus du recomptage des voix, est bien la preuve que le candidat Ouattara, qui avait perdu, refusait de faire constater sa défaite de façon scientifique et indiscutable. En Afrique, on dit souvent que lorsque quelqu’un a raison, il ne doit rien faire pour gâter sa raison. Chef d’Etat sortant et en exercice, Laurent Gbagbo avait des possibilités qu’il n’a pas su saisir pour entrer dans le contentieux électoral. N’était-il pas plus simple pour Laurent Gbagbo de refuser de reconnaître la proclamation faite par Paul Yao Ndré, pour exiger aussitôt et immédiatement le recomptage des voix ? L’idée de recomptage des voix est intervenue bien plus tard, lorsque le Chef de l’Etat sortant a pris acte de l’ampleur de la contestation nationale et internationale, a compris qu’il n’avait pas affaire à une crise genre Mars 2004 après la marche d’Abobo, Novembre 2004 après l’opération dignité, Janvier 2007 après le GTI, ou Février 2010 après la double dissolution. L’appel au recomptage des voix, et ensuite à une simple évaluation refusée au départ, mais finalement acceptée par le camp Ouattara, est la preuve des errements et des hésitations du camp Gbagbo. Dans la crise postélectorale, le camp Ouattara n’a jamais varié : il a toujours prétendu avoir gagné et a soutenu ses points de vue, par la proclamation des résultats faite par la CEI, ainsi que par la certification de Choi, sans oublier les procès verbaux, dont il disposait. En dehors d’un groupe isolé dont le Togolais Koffigoh aujourd’hui avocat de Laurent Gbagbo et connu pour être son ami, depuis longtemps à l’ancien président , la majorité des observateurs nationaux et internationaux ,ainsi que des ONG locales et extérieures ont validé et certifié la victoire du candidat Ouattara .

Gbagbo isolé à tous les niveaux

Battu dans les urnes, Laurent Gbagbo peinera à gagner la bataille médiatique, la bataille de l’opinion. Sur le plan diplomatique, il sera peu à peu affaibli, isolé et vaincu. Le blocus diplomatique sera suivi d’une série de sanctions politiques et d’ordre économique, jusqu’à l’assaut militaire des FRCI vers fin Mars à Abidjan, à la suite du non poli adressé à l’Union africaine après les conclusions du panel. En invitant à un recomptage des voix, et en s’engageant à accepter les résultats issus d’un recomptage même s’ils lui étaient défavorables, Laurent Gbagbo a fragilisé sa défense, basée sur le caractère intangible d’une décision du Conseil constitutionnel. La solution magique du recomptage vulgarisée par Vergès a d’ailleurs été perçue par le camp Ouattara, comme le summum de la mauvaise foi et de la tergiversation. « Voici quelqu’un qui dit que ce qui est dit est dit, mais qui nous parle de recomptage en se disant prêt à accepter des résultats mettant en cause, ce que Yao Ndré a dit. Pourtant toutes les preuves de la forfaiture sont là. On n’a pas besoin d’un recomptage pour s’en rendre compte. Il veut gagner du temps et nous tourner en bourrique», confiait invariablement Ouattara à ses interlocuteurs depuis son bunker du Golf Hôtel.

Théophile Kouamouo démonte la CEI, et oublie Damana Pickass

Hier, dans les colonnes de le Nouveau Courrier, notre confrère Théophile Kouamouo a tenté de démontrer un an après que le camp Ouattara avait fraudé. Théophile Kouamouo a réussi le pari d’écrire une analyse sur deux pages sans évoquer les obstructions faites à la CEI, par Damana Pickass, sans parler des menaces dont Youssouf Bakayoko a pu être l’objet, sans évoquer les dispositions du code électoral sur les possibilités qui étaient offertes à Paul Yao Ndré, en cas de fraude susceptible de changer la nature des résultats. Plusieurs experts nationaux et internationaux sont unanimes sur ce point : le Conseil constitutionnel n’avait pas à proclamer la victoire de Laurent Gbagbo, mais à organiser un nouveau scrutin national ou partiel, puisque dans tous les cas, les recours et soupçons de fraude ont été localisés. C’était d’ailleurs un scénario catastrophe que redoutait sérieusement le RHDP. Lors de la crise postélectorale, Guillaume Soro a fait l’aveu. « Si Yao Ndré avait dit de reprendre le scrutin, que fallait-il faire : dire non et insister pour dire que nous avions gagné, et que nous refusions la provocation, et que nous refusions de donner l’occasion à Laurent Gbagbo de faire des manœuvres, pour éventuellement gagner… à la guinéenne, à la suite d’un report ! Ce schéma du non radical était risqué, tout comme l’était l’autre schéma du oui. ; c'est-à-dire accepter le verdict et aller à des partielles pour confirmer notre victoire. On aurait été pris pour des faibles. J’avoue que si la crise avait porté sur cela, les choses auraient été difficiles. Mais comme en réalité, Laurent Gbagbo ne voulait pas la vérité, il ne voulait pas la vérité.

Les enjeux du recomptage pour Gbagbo et Ouattara

C’est la victoire par tous les moyens qu’il voulait. Donc il n’a rien fait pour encourager Yao Ndré à nous emmerder avec une telle décision, qui aurait pu changer la nature de la crise, et fissurer nos soutiens internationaux. C’est nous qui aurions demandé alors le recomptage, et non Laurent Gbagbo, dont la position d’aller à nouveau aux urnes aurait paru bien difficile à attaquer », a confié à l’Intelligent d’Abidjan, un très proche de Ouattara pensionnaire du Golf Hôtel lors de la crise postélectorale. Les exhortations de Choi, de Mamadou Koulibaly et de bien d’autres n’y pourront rien. Le déchirage des résultats par le commissaire Damana Pickass et cet aspect de la crise n’ont pas intéressé Théophile Kouamouo. Dans la conclusion de son analyse basée sur un témoignage de Don Mello et sur des explications de la technologie SIILS de numérisation des PV, Théophile Kouamouo a justifié le refus du FPI de participer aux législatives. Selon lui, si le camp Ouattara qui n’était pas au pouvoir, a pu manipuler la CEI, comment croire qu’il acceptera un scrutin ouvert pour les législatives ?

Absence de dialogue direct durant la crise

En lisant cela, on comprend bien que toutes les leçons de la crise n’ont pas encore été tirées par tous, de part et d’autre. Les débats ne sont toujours pas contradictoires. L’absence d’initiatives dans ce sens, et l’absence de dialogue et de débats directs entre le camp Ouattara et le camp Gbagbo reste encore un problème. Comme si nous n’étions pas dans le dialogue direct, comme si nous n’étions pas et plus au pays du dialogue direct, durant six mois de crise postélectorale, aucun échange et dialogue direct n’a pu officiellement avoir lieu entre les protagonistes et leurs principaux collaborateurs. Ce sont des prêtres, des évêques, des diplomates, des chefs d’Etat africains et des médiateurs de tous les bords, qui jouaient les go between. Durant la crise, Affi Nguessan, Désiré Tagro, Alcide Djédjé, Blé Goudé d’une part, Hamed Bakayoko, Djédjé Mady, Amadou Gon d’autre part n’ont pas pu se parler ni se rencontrer formellement à Abidjan, Yamoussoukro, au siège de l’Onuci, ou en Mauritanie pour s’asseoir et discuter. Seuls quelques audacieux vite soupçonnés d’être des traîtres, dans un camp comme dans l’autre, osaient prendre le téléphone pour se parler, avant de jeter les puces, de peur d’être démasqués et excommuniés. Les cartes Sim utilisées souvent une seule fois, ont marché durant la crise.

D’un hold-up à l’autre, non !

Cela dit, dans le cadre du débat en cours, on pourrait poser cette question à Théophile Kouamouo : si alors qu’il avait le Conseil constitutionnel et toutes les forces de répression, et de propagande en main, ainsi que les moyens financiers de l’Etat, Laurent Gbagbo n’a pas gagné le combat de la confiscation du pouvoir, comment Alassane Ouattara pourrait-il réussir cela et tripatouiller des résultats sortis des urnes ? Comment ceux qui estiment en avoir été victimes, notamment le FPI, comment tous ceux qui restent encore naïfs dans le camp Ouattara, et qui croient toujours à la démocratie, qui restent prêts à dire non et haut et fort, si jamais leur idéal est trahi, pourront-ils se taire, pour soutenir un éventuel hold-up de Ouattara, hold-up auquel ils ont fait front sous Gbagbo au péril de leur vie. Tout le monde n’est pas achetable ; tout le monde ne plie pas sous la force des armes. Hier, sous Gbagbo c’était vrai et valable. Aujourd’hui sous Ouattara, c’est davantage vrai.

Le premier tour

Au premier tour, la CEI a proclamé des résultats donnant Laurent Gbagbo vainqueur avec environ 300 mille voix d’avance. Ce fut joie et déception au QG des bleus. Joie d’aller au second tour malgré tout ; mais déception de n’avoir pas gagné dès le premier tour. Beaucoup ont vraiment cru, au « un coup K.O ». Il a fallu que Laurent Gbagbo monte au créneau pour calmer les ardeurs, à travers la caution morale à la CEI, en disant qu’elle était bel et bien indépendante. Cela a permis de sauver les meubles, de sauvegarder le premier tour et reporter au second tour, la crise. Avoir été déclaré vainqueur lors du premier tour, a rendu bien fair-play Laurent Gbagbo. Un résultat contraire dès le premier tour aurait déclenché plus tôt la crise. Ainsi donc, les partisans de Laurent Gbagbo ont accepté à contrecœur, les résultats du premier tour.

Ouattara patient et sous pression

Pendant ce temps, Ouattara se frottait les mains d’avoir été qualifié pour le second tour. Une joie humble et modeste, car il ne fallait pas effaroucher le vieux parti. Une joie quand même puisque les pronostics, qui le donnaient pas partant pour le second tour, venaient d’être déjoués. Pour leur part, Bédié et le PDCI grognaient. Sans doute, le président du PDCI a-t-il perçu vite les enjeux et les réalité?. Mais l’exigence de cohésion et d’écoute de la base, ont fait tergiverser et végéter le grand parti. Des recours introduits par le PDCI à la fusion, et à la stratégie de campagne, Henri Konan Bédié a fait trembler et douter Ouattara et le Rdr. Mais le chef a tenu parole. Bédié n’a eu qu’une parole. Et sa parole a été suivie et entendue. L’enjeu du second tour, qui n’a pas été bien perçu par Laurent Gbagbo, était moins la victoire de Ouattara, que d’empêcher une seconde défaite de Bédié et sa mort politique. Même si le choix de Bédié était critiquable, même s’il avait échoué, ne pas l’écouter, ne pas faire gagner Ouattara signifiait qu’on tuait Henri Konan Bédié, une deuxième fois, après sa disqualification au premier tour.

Le FPI-LMP a joué et surjoué la question identitaire et oublié le désir de paix et de réconciliation

Sur le PDCI et le report des voix Akan et du centre, Laurent Gbagbo et les siens ont fait un mauvais calcul. Longtemps convaincu d’un rejet radical et viscéral de Ouattara, le FPI-LMP n’a jamais intégré que l’appel de Bédié serait bel et bien entendu et suivi. Jusqu’aux derniers instants, les refondateurs ont fait le choix de mener une campagne agressive, de faire ressortir les défauts de Ouattara, au lieu de mettre en exergue les qualités de Laurent Gbagbo. Par un concours de circonstance extraordinaire, Ouattara est donc apparu comme un candidat rassurant, un candidat qui promet la paix, un candidat qui veut réconcilier les Ivoiriens , là où le président sortant pourtant initiateur de l’accord de Ouaga faisait une campagne avec les images de la guerre, qui incitaient à l’affrontement, à la peur, et qui sapaient les acquis de Ouaga. Au point que l’un des lieutenants de Ouattara, Hamed Bakayoko s’est interrogé en pleine campagne sur Africa 2 et la RTI en ces termes : «il nous montre des images de guerre, alors qu’il a fait l’accord de Ouaga. Il montre des tueries des Forces nouvelles, alors que le Premier ministre s’appelle Guillaume Soro, s’il ne veut plus de Soro comme Premier ministre qu’il le dise. C’est lui qui a initié Ouaga. Il faut qu’on cesse de diviser les Ivoiriens.»

Ce qui a fragilisé les positions du camp Gbagbo

Lors de la crise, alors que Laurent Gbagbo appelait tantôt à une évaluation du processus par l’UA, tantôt à un recomptage, des documents électoraux et PV étaient déversés par son camp, pour démontrer sa victoire et convaincre de la fraude de son adversaire. Mais trois faits ont été suffisants pour fragiliser la position adoptée par Laurent Gbagbo : après (et malgré) son recours et la rectification faite par Yao Ndré, Laurent Gbagbo ne gagnait qu’avec 1 point et demi d’avance, soit environ 60 mille électeurs. Le nettoyage de la fraude supposée du RHDP, l’opération chirurgicale, et les résultats sans fraudes étaient si maigres et si tirés sur les cheveux, que cela avait du mal à convaincre tous les bien pensants. Ensuite au Nord, entre les deux tours, les résultats de Ouattara ont moins progressé que ceux de Laurent Gbagbo au Sud et dans des régions comme Adzopé et dans l’Agneby. Entre le premier et le deuxième tour, Alassane Ouattara a progressé de moins de 100 mille voix au Nord.

Le recomptage était anticonstitutionnel

Appeler à un recomptage des voix, était une solution politique en totale contradiction avec la posture de Laurent Gbagbo, qui s’était fait investir et invoquait chaque fois la Constitution. Le recomptage des voix n’était pas une solution constitutionnelle. Laurent Gbagbo a été pris à son propre piège. Les Akans du Fpi menés par Affi Nguessan et Simone Gbagbo étaient si convaincus que les Akans et le PDCI ne voteraient pas Ouattara, qu’ils ont déduit que les résultats favorables du Centre, étaient forcément issus de la fraude et des intimidations. Enfin, la RTI avant les images de violences et de séquestration montées en épingle à Korhogo, avait bien montré Fologo et d’autres cadres du Nord dire que le vote s’est bien déroulé dans leur région . Ce sont les premières tendances qui ont tout changé dans la stratégie adoptée par le camp Laurent Gbagbo. Ainsi naquit la crise postélectorale après le premier tour, et au soir du dimanche 28 novembre 2010. Un jour, avec un peu plus de recul et moins de passion et d’engagement, les acteurs et historiens sauront dire ce qui est. Le temps et l’histoire rendront témoignage, vérité et justice loin des partis-pris, des anathèmes et raccourcis.

Charles Kouassi
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