x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le jeudi 15 décembre 2011 | L’expression

En exil au Ghana : Pourquoi les pro-Gbagbo refusent de revenir à Abidjan

Les leaders de l’ancienne galaxie patriotique de Gbagbo sont en exil au Ghana. Au cours d’un séjour au pays de N’Krumah, ils nous ont donné les raisons de leur refus de la main tendue des nouvelles autorités d’Abidjan. Chacun y va de ses griefs.

QUESTION : Le président Alassane Ouattara vous a invités à rentrer au pays. Pourquoi ne le prenez pas au mot pour regagner massivement votre pays que de vivre dans ces conditions misérables au Ghana.

Fofana Youssouf (Président de la Voix du Nord)
« Ouattara ne nous rassure pas »
Le président Ouattara ne veut pas que nous rentrions, parce que les actes qu’il pose ne rassurent pas ceux qui ont quitté le pays. Aujourd’hui, tous nos jeunes gens, qui ont été rassurés individuellement et qui sont rentrés, ont été incarcérés, je prends le cas d’Herman Aboa en prison, et il n’y a pas de sécurité. Nous ne sommes pas ici parce que nous voulons être ici, tout le monde aime son pays. Depuis que Ouattara est aux affaires, il ne nous rassure pas. Nous constatons que le pays ne rassure pas. Il n’y a ni gendarmerie, ni police et Ouattara vient de poser un acte qui contredit tout ce qu’il raconte. Il a envoyé à la Cpi le trait d’union de la réconciliation. Cela nous éloigne complètement de la réconciliation, et ne peut pas nous amener à revenir dans notre pays. C’est à lui de travailler et le jour où nous serons rassurés que tout va bien au pays, au plan démocratique et sécuritaire, nous rentrerons. Si nous pouvons faire la politique sans être arrêtés, on reviendra.

Touré Moussa Zegen (Ancien président du Gpp en exil)
« Rien n’a changé »
Nous aurions aimé rentrer spontanément si les conditions étaient réunies, mais les mêmes raisons qui nous ont amenés ici existent toujours en Côte d’Ivoire. Rien n’a fondamentalement changé. Vous savez que nous sommes partis du pays à la suite d’une crise et d’une guerre qui ont occasionné beaucoup de morts et de dégâts matériels. Nous avons eu très peur et cette peur est justifiée vu la terreur qui s’abat sur nos amis restés au pays jusqu’à aujourd’hui. Pendant qu’on invite les uns et les autres à revenir, la terreur continue. On continue de traquer les proches de Gbagbo. Dans cette situation, nous sommes obligés, par instinct de survie, de rester ici, mais au-delà, rien ne nous convainc que ce qui arrive aux autres ne va pas nous arriver. Je doute de l’appel au retour de Ouattara. Je ne suis pas candidat à la mort. Si nos partisans restés au pays ont la paix nous aviserons.

Paul Madys (Artiste patriotique) « Nous voulons des garanties »
Si je ne suis pas rentré, c’est parce qu’avec tout ce que nous avons connu, il faut un minimum de garanties sécuritaires. On n’était pas millionnaire encore moins milliardaire, mais en Côte d’Ivoire on vivait mieux avec nos familles. Aujourd’hui, la situation a fait que tout ce qu’on avait au pays n’existe plus. Je ne sais pas actuellement où vivent ma femme et mes enfants. Si je rentre, comment et de quoi vivrai-je ? Quand on appelle les aînés comme Valen Guédé, Henri Kattié qui gèrent la culture, ils disent que les maisons de disques et de production ont fermé. Si je rentre, je fais quoi ? Sinon la Côte d’Ivoire est notre pays. Ce n’est pas une question d’individus, il est question de la Côte d’Ivoire, donc nous avons envie de rentrer, mais il faut un minimum de garantie pour nous permettre de rentrer et vivre un tant soit peu sur une certaine période, le temps qu’on se remette au travail avec nos familles. La question des moyens se pose, ce serait une garantie puisque nous avons tout perdu. Il y a ce que les ministres et les gouvernants disent et il y a ce qui se passe dans les quartiers et les rues, ce sont deux choses différentes. Le président peut dire ne touchez pas à telle ou telle personne, mais ses éléments qui sont dans la ville, qui les contrôle ? C’est tout cela qui fait que nous sommes refugiés ici. On n’est mieux que chez soi. Qu’ils nous permettent de rentrer.

Abdallah Coulibaly (président de la jeunesse de Cap-Ulg) « Les Frci doivent intégrer le discours de Ouattara »
Le président Ouattara n’a pas encore appelé les exilés à rentrer, il a parlé pour l’instant à la communauté internationale, il a parlé aux blancs. Il a parlé un langage occidental. Il n’a pas encore parlé le langage africain pour dire à ses frères de revenir. Il y a une façon bien africaine de le faire, et il n’a pas encore emprunté ce chemin, c’est pour cela qu’il y a encore des obstacles, sinon aucun Ivoirien ne peut être heureux de vivre dans les conditions dans lesquelles nous sommes. Je vais vous donner un exemple. Regardez un de nos frères comme Maho Glofiehi qui a publiquement annoncé dans le journal L’Expression, son ralliement au camp Ouattara. Il a eu confiance à Ouattara, il se rend à Guiglo pour soutenir Banzio. Il est humilié par des Frci. Ce sont les Frci qui doivent intégrer le message de Ouattara pour que les Ivoiriens rentrent. Je n’ai pas tué quelqu’un en Côte d’Ivoire, je ne me reproche rien. Je suis là par solidarité avec mes camarades. (…) Mon papa Gervais Coulibaly est à Abidjan, donc je ne dirai rien contre lui. Je comprends sa démarche, il veut à sa façon participer à la décrispation de la situation. Je souhaite que si les élections se déroulent dans des conditions normales, qu’il remporte le scrutin (l’entretien a été réalisé avant les législatives). Quant à moi, j’ai lancé un appel au boycott.

Idriss Ouattara (président des ‘‘parlements’’ et agoras) « Les exilés veulent entrer »

Resté loin de la Côte d’Ivoire est une souffrance morale. On n’est mieux que chez soi. Le principe de rentrer nous tient à cœur. Mais le président Ouattara dit une chose et fait son contraire. Vous ne pouvez pas dire aux gens d’entrer et une fois qu’ils arrivent les arrêter. C’est le cas d’Hermann Aboa, emprisonné dès qu’il est rentré. Maho Glofiéhi également. Devant ces faits, nous ne nous sentons prêts à entrer au pays. Ce sont les Frci, les dozos qui occupent encore les commissariats et qui font des descentes chez tous ceux qui ont été reconnus comme militants du Fpi. Ces conditions ne sont pas propices à notre retour. Nous tenons à notre vie, nous sommes jeunes et nous avons des carrières à défendre. Entre aller travailler et mourir et rester en paix ici, je crois que je n’ai pas le choix. Ma vie n’a pas de prix. Je ne peux pas me permettre de rentrer à Abidjan maintenant si je ne suis pas sûr d’être en vie dans les jours qui vont suivre.
Aujourd’hui, tous les exilés veulent rentrer. Mais ils préfèrent souffrir que d’entrer dans leur pays où ils craignent pour leur vie. Vous ne pouvez pas arrêter systématiquement tous les pro-Gbagbo et demander au même moment à ceux qui sont en exil d’entrer. Il y a une contradiction entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. Nous sommes convaincus que les autorités d’Abidjan ne sont pas prêtes pour la réconciliation. Pourtant la Côte d’Ivoire a besoin de tous ses fils et filles pour son développement. Que Ouattara fasse comme Gbagbo qui lui a permis de revenir dans la politique, et a amnistié la rébellion, en permettant à tous les opposants exilés de revenir au bercail. On ne peut pas gouverner en excluant, selon leurs propres chiffres, 46% de la population.

Nado Clément (président de Sorbonne solidarité.)
« J’ai peur du procureur »
Je suis désolé, nous voulons rentrer, mais nous savons qu’il a mis un procureur qui met aux arrêts de façon bizarre. J’ai peur du procureur. Nous avons encore l’image d’Herman Aboa qui est rentré après l’appel de Ouattara et qui est en prison. On a collé au journaliste le délit de formation de bande armée et nous alors, qui avons animé les ‘‘parlements’’, les espaces de libre expression, quel délit nous colleront-ils ? Peut-être que nous n’aurons même pas la chance d’aller en prison. Voilà pourquoi nous ne voulons pas retourner. Le président Ouattara veut que les exilés rentrent, qu’il sache que Koudou, en 2000, a fait une réconciliation nationale, voilà pourquoi il a pu être candidat. Nous savons que Ouattara était un homme civilisé, parce qu’il a fait les Etats-Unis, il travaillé dans les grandes institutions financières, c’est pour cela que nous ne comprenons pas la répression contre nous. Qu’il travaille pour la Côte d’Ivoire et non pour la France. Qu’il réconcilie les Ivoiriens. Qu’il tienne compte de tout le monde. La Côte d’Ivoire est un pays cosmopolite.

Watchard Kedjebo (Président du Cnlb)
“Nous observons la Cdvr”
Nous sommes ici, car les conditions de sécurité n’étaient pas réunies un moment au pays. On a préféré reculer pour voir un peu les choses à distance. C’est vrai qu’il a lancé un appel pour le retour, mais tous savent que nous ne sommes pas venus nous balader ici. Tout le monde sait la situation que vit notre pays. Je sais qu’en tant que président, cela doit être une pesanteur pour lui d’avoir des milliers d’Ivoiriens hors du pays, il doit assumer ses responsabilités de chef d’Etat. Il doit s’inspirer d’Houphouët-Boigny. De son vivant, il n’aurait jamais accepté que des milliers d’Ivoiriens soient en exil. Ouattara est venu au Ghana mais ce n’était pas pour nous les exilés. Personne ne nous a approchés pour un quelconque dialogue. Peut-être quelques petits affamés qui voulaient se faire de l’argent ont couru pour aller voir l’ambassadeur, sinon officiellement nous n’avons vu aucune personnalité engager un débat franc avec nous. Nous ne sommes pas des militaires, nous sommes des jeunes qui avions donné notre poitrine pour sauver notre pays, pour protéger notre pays. Aujourd’hui, nous sommes les grosses victimes. Il appartient aux autorités d’engager les discussions, soit par lui-même, soit par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre. On vient de libérer trois journalistes, mais il faut une base sur laquelle on doit partir. J’ai bien envie de retourner, mais il faut qu’on nous donne l’occasion de revenir.
Certes il y a beaucoup de gens autour du président Ouattara, mais il faut qu’il sache reconnaître ceux qui sont bons, qu’il ait un reflexe de discernement, et la sagesse nécessaire pour distinguer le faux du vrai car beaucoup de personnes racontent des histoires sur les exilés. Nous ne sommes pas au Ghana pour préparer des coups d’Etat, nous prions pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire. Quand j’entends Soro dire que c’est de l’arrogance, parce qu’il n’a pas eu d’acte de repentance de notre part, je dis non, est-ce qu’il y a eu un acte de repentance de la part du Mpci ? Au contraire, ils ont été amnistiés. On parle aujourd’hui d’élection législative, mais il y a beaucoup de députés ici, ils ont bien envie de se présenter dans leurs circonscriptions, mais ils sont traqués, par les mandats d’arrêt, et leurs comptes bancaires bloqués. Que fait la Cdvr ? Que fait-elle pour le retour des exilés ? Nous les observons.

Pasteur Gammi (Président du Miloci) Pasteur G ammy, président du Miloci (Mouvement d’autodéfense) « Je m’inquiète pour ceux qui parlent de coup d’Etat »

« Vous voyez que j’ai pris du poids ! Je voudrais m’inquiéter, en ce qui me concerne, de ceux qui parlent de coup d’Etat. Nous sommes à l’aise ici et on attend que Dieu intervienne. Quant au transfèrement de Laurent Gbagbo, nous disons toujours que c’est le plan de Dieu. Vous avez vu qu’à la Cpi, Gbagbo est devenu plus célèbre. Donc que les Ivoiriens soient tranquilles. Car le même Gbagbo que nous avons vu partir à la Haye reviendra parmi nous bientôt. En ce qui concerne la situation en Côte d’Ivoire, nous pensons que le nouveau pouvoir porte en lui-même les germes de sa propre destruction. Et nous sommes convaincus que cela ne va pas durer longtemps.

Propos recueillis par Traoré M Ahmed
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ