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Politique Publié le mardi 20 décembre 2011 | L’expression

Christian Bouquet (spécialiste de la géopolitique africaine): « 77 sièges correspondent au poids du Pdci », « Le Fpi a raté le rendez-vous avec l’histoire »

Spécialiste de la géopolitique africaine, Christian Bouquet a examiné la configuration de la nouvelle assemblée nationale et le refus du Fpi de prendre part aux législatives. Pour lui, les différents sièges obtenus par le Pdci et le Rdr reflètent la réalité de ces partis.

Le Rdr d’Alassane Ouattara rafle à lui seul la moitié des sièges de la nouvelle Assemblée nationale. Est-ce qu’on peut parler d’un parti hégémonique ?

Ça risque d’être effectivement un parti tenté par l’hégémonisme. Parce qu’effectivement il peut gouverner seul s’il le souhaite. Et éventuellement il peut être tenté de négliger un peu l’allié sur lequel il a quand même pu compter au moment de la présidentielle, c'est-à-dire le Pdci. On peut aussi imaginer que ce parti aura la sagesse de tenir compte et de ses alliés et de ses opposants.

Le principal allié, en effet le Pdci d’Henri Konan Bédié, n’obtient que 77 sièges, est-ce que ce parti ne risque pas de regretter d’avoir fait alliance avec le Rdr ?

Non. Parce que 77 sièges ça correspond à son poids réel dans le pays. Konan Bédié avait eu 25 % au premier tour de la présidentielle. Il avait 98 sièges dans la précédente législature. Mais il avait un peu mordu sur le Rdr qui boycottait les législatives.

Du coup, est-ce que le Rdr ne risque pas de s’arroger tous les postes clés ?

Il sera peut-être bien tenté de le faire. Mais le Pdci est relativement lourd encore et il y a eu des promesses qui ont été faites notamment lors de la campagne électorale de confier la primature à un membre du Pdci.

Le fait marquant de cette nouvelle assemblée est l’absence du Fpi de Laurent Gbagbo qui a boycotté les législatives. Le président Ouattara avait essayé de convaincre ce parti d’aller à ces élections. Est-ce que cette absence ne met pas en cause la légitimité de cette assemblée ?

Il aurait été mieux si le Fpi avait participé parce qu’il aurait probablement porté 70 ou 80 sièges. Et dans les cinq années à venir, il aurait pesé dans la vie politique du pays. Cela aurait été une bonne chose. Pour ce qu’il ne soit pas allé et surtout pour le prétexte qu’il a avancé, c'est-à-dire l’emprisonnement de Laurent Gbagbo, laissant entendre qu’il règne une impunité dans ce programme électoral, exprime le fait qu’il a raté un rendez-vous avec l’histoire. Le Fpi risque de le payer très cher. Etant absent du régime parlementaire pour les cinq années à venir.

En même temps le taux de participation à ces élections législatives a été bas, 36 % on est loin des 85 % pour la présidentielle de l’an dernier. Est-ce que ce n’est pas un demi-succès pour le camp de Laurent Gbagbo ?

Il avait obtenu 38% au premier tour et 46 % des électeurs au second tour. Ses partisans n’ont pas disparu par miracle. C’est clair et d’ailleurs il faudra qu’Alassane Ouattara, qui est le président de tous les Ivoiriens, tienne compte des partisans de Laurent Gbagbo même s’il agit dans une opposition extra parlementaire. Il faut qu’il trouve une formule pour les écouter, les entendre parce qu’ils auront quelques chose à dire.

Faut-il qu’Alassane Ouattara et Guillaume Soro fassent des gestes d’ouverture et qu’ils fassent libérer peut-être quelques cadres du Fpi ?

Il faudrait savoir ceux qui ont du sang sur les mains ou pas. La réconciliation passe effectivement par le pardon mais aussi par la justice. Alors je crois qu’on vient de dégeler les avoirs d’une cinquantaine de dignitaires du Fpi. C’est déjà un geste important. Maintenant ceux qui doivent rendre des comptes par rapport à la justice, il faudra qu’ils le fassent. Qu’ils soient partisans de Laurent Gbagbo ou d’Alassane Ouattara.

On revient à la question de savoir si oui ou non d’anciens chefs de guerre de la rébellion pourront aussi être transférés à la Cour pénale internationale.

Si la Cpi lance des mandats d’arrêt comme elle l’a fait pour Laurent Gbagbo, il faut effectivement qu’ils soient transférés à la Haye. Sinon on retomberait dans un Etat de non droit. Et on remettrait au programme de la Côte d’Ivoire cette impunité qui lui a fait tant mal.

Mais, est-ce qu’Alassane Ouattara est assez fort politiquement pour prendre le risque de se fâcher avec un certain nombre de chefs de forces nouvelles ?

Cela va être son choix le plus difficile. Il faut qu’il soit fort politiquement. C’est effectivement la grosse question. Ce n’est pas la réponse.

Et de ce point de vue, est-ce qu’Alassane Ouattara n’a pas intérêt à garder Guillaumes Soro à la Primature?

Il peut le garder s’il pense que les questions sécuritaires ne sont pas totalement réglées. Ensuite, Guillaume Soro peut être utile ailleurs, à la présidence de l’Assemblée nationale ou dans un autre rôle. Tant qu’il n’est pas inquiété par la Cour pénale internationale, il peut jouer sa participation propre puisqu’on dit qu’il a une ambition politique pour les années à venir. Observons-le attentivement.

Sur le plan ethnique, est-ce que la victoire écrasante du Rdr ne risque pas de provoquer une surreprésentation des nordistes dans la nouvelle Assemblée nationale ?
Il ne s’agit peut-être pas forcément des nordistes. Précisément l’une des leçons positives qu’on peut tirer de cette élection législative, c’est une forme de recul de l’ethno régionalisme électoral. C’est un peu comme la partie immergée de l’iceberg qui aurait émergé à la faveur du boycott du Fpi. De nombreux candidats qui n’auraient pas été élus dans les fiefs du Fpi si ces derniers n’avaient pas boycotté, se sont présentés et ont été élus. Or, ce ne sont pas des nordistes, ce sont des locaux. Regardez leurs biographies et vous verrez qu’à Gagnoa, à Daloa, les gens du Rdr qui ont été élus sont des gens de ces villes-là. On a l’impression que l’étiquette politique commence à se superposer à l’étiquette ethnique. C’est peut-être l’un des éléments les plus encourageants de cette consultation électorale.

Donc les clivages ethniques seraient en train d’être dépassés ?

Je dis que c’est une tendance timide mais une tendance encourageante. On le sent venir d’ailleurs dans les jeunes générations. En particulier au Pdci où beaucoup de jeunes ne votent plus tout à fait comme leurs parents.

Propos retranscrits sur Rfi par Sylvain Beugré
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