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Art et Culture Publié le mercredi 28 décembre 2011 | L’expression

Interview / Foua Ernest de Saint-Sauveur (Ex-président de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire) : «J’ai été désillusionné»

Président de l’Aeci de 2004 à 2011, Foua Ernest de Saint Sauveur a passé la main, le 17 décembre, à Josué Guébo. Dans cet entretien, il fait le bilan de son passage à la tête de la structure.

Quelles étaient vos ambitions en accédant à la tête de l’Aeci en 2004 ?

L’Aeci avait – elle l’a d’ailleurs toujours – un atout majeur, inestimable, depuis la présidence de Josette Abondio : un patrimoine immobilier qui devait servir de siège. Je suis arrivé à la tête de l’Aeci, enthousiaste dans l’idée de rendre fonctionnelle cette «Maison des écrivains», de mobiliser davantage les écrivains et d’accroître le répertoire des membres de l’Association. Enthousiaste aussi, dans l’idée de multiplier les activités de promotion du livre et de donner à l’Aeci une plus grande présence sur la scène culturelle et littéraire nationale. Enthousiaste enfin, dans l’idée qu’un pouvoir socialiste dont le chef est un écrivain, ne pouvait que nous offrir les moyens nécessaires pour satisfaire nos ambitions culturelles et intellectuelles. Sur ce dernier chapitre, j’ai été complètement désillusionné. Répondant à la sollicitation que nous avions faite au président de la République de nous aider à concrétiser une « Caravane du Livre », son conseiller spécial pour les affaires culturelles et l’éducation (lui aussi, écrivain), nous a laissé entendre que, malgré l’intérêt qu’elle reconnaissait à cette activité, la présidence n’était pas en mesure de répondre favorablement à notre requête !

Comment expliquez-vous la faible mobilisation des écrivains autour de l’Aeci ?

Le répertoire de l’Aeci, au moment où j’en prenais les rênes, n’atteignait pas la cinquantaine de membres. Aujourd’hui, à l’heure où je cède la main à un autre, nous en sommes à près de 200 membres inscrits. C’est une évolution positive, qui tient, entre autres, au fait que l’intérêt pour l’écriture s’est accru, ces dernières années, auprès des jeunes, des intellectuels et des personnes qui ont senti le besoin de communiquer aux autres, avec les autres. Le besoin aussi de témoigner de leur propre histoire. Mais, une chose est d’avoir un répertoire fourni, une autre est d’amener tout ce beau monde à participer activement à la vie associative. Et là, malgré ma bonne disposition, je me suis cassé le bec. Sans doute, parce que les écrivains ne voyaient pas d’enjeu attrayant à «militer» activement au sein de l’Aeci. Et peut-être parce qu’ils ne notaient pas, dans l’environnement national et chez les décideurs, les signaux forts qui auraient accru leur motivation et leur mobilisation.

L’Aeci a été accusée, au cours de la crise, de n’avoir pas pris ouvertement position.

Notre structure a adopté cette attitude pour respecter le vœu d’apolitisme de ses fondateurs. En revanche, ils ont laissé la latitude, en vertu du registre de liberté de conscience individuelle, à tout membre de l’Aeci de se prononcer sur les questions intéressant la vie de la nation. En son nom propre, en tant que citoyen. Et dans ce sens-là, nul ne peut avancer que les écrivains se sont tus face aux dérives ethniques, tribales, nationalistes et autres qui ont défiguré la nation, sous le poinçon diabolique des politiques en mal de régence. D’ailleurs, la seule fois où nous avons tenté de passer outre l’injonction de ceux qui ont porté l’Aeci sur les fonts baptismaux, les choses ont failli tourner au vinaigre. C’était en 2004, à la suite des terribles événements de novembre. Interpellé par Bernard Dadié, pour réagir, par une déclaration solennelle, face à la destruction de l’aviation ivoirienne par la France (acte gravement attentatoire, selon lui, à la souveraineté du pays), j’ai convoqué le Bureau exécutif et un certain nombre d’écrivains. Cette démarche n’a eu pour résultat que de dresser les uns contre les autres, du moins, ceux qui y avaient pris part. Même s’ils défendaient des positions contraires, les écrivains se sont abondamment exprimés sur la crise ivoirienne, pour le bonheur de la diversité d’opinions.


Comment expliquez-vous que l’Aeci manque de financement ?

Je ne comprends donc pas qu’une association telle que l’Aeci, un regroupement des élites intellectuelles de ce pays, ne bénéficie pas, de la part des autorités, de plus d’attention, qu’elle ne bénéficie d’aucune subvention et que, chaque fois qu’elle veut entreprendre une activité, elle en soit réduite à mendier auprès de l’Etat. Les partis politiques, qui ne nous apportent que des malédictions sont financés. Avec notre argent à tous. Sur la base, dit-on, de leur représentativité nationale. Mais, les associations qui ne sont pas politiques ont, elles aussi, leur degré de représentativité, c’est-à-dire d’utilité publique. Et, celle de l’Aeci est incontestable.

Quel doivent être, selon vous, les priorités du nouveau bureau ?

L’Aeci, comme son intitulé le laisse entendre est constituée d’écrivains. Une querelle en vigueur, spécialement dans leur milieu, autorise les universitaires à ne considérer comme «écrivains» que ceux qui écrivent, exclusivement, dans le registre de la littérature. Même ceux qui donnent dans l’essai, l’historiographie ou la biographie, ne trouvent pas grâce aux yeux de ces «puristes», en tant qu’écrivains. Si l’on reste dans le strict respect des genres, un écrivain est toujours auteur ; quand, un auteur n’est pas forcément écrivain. Malgré les distinctions mineures d’écoles, l’auteur et l’écrivain sont de la même famille. En Côte d’Ivoire, à côté des écrivains de type classique, il existe des hommes et des femmes, en qualité et en nombre, qui s’investissent eux aussi dans l’écriture, en produisant des œuvres didactiques, scientifiques ou de réflexion sociétale ou encore de simple témoignage. Des hommes et des femmes qui ne se reconnaissent pas dans la vie et les actions de l’Aeci, et se tiennent loin de cette structure. La tâche d’élévation des consciences étant immense, les écrivains et les auteurs devraient, pour être plus forts et plus efficaces dans l’atteinte de leurs objectifs communs, pouvoir se retrouver au sein d’une seule entité : l’Association des auteurs et écrivains de Côte d’Ivoire. L’heure est venue, pour l’Aeci traditionnelle, de s’ouvrir aux auteurs de ce pays et les intégrer. Le nouveau Bureau exécutif doit s’y atteler.

Interview réalisée par M’Bah Aboubakar
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