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Société Publié le vendredi 6 janvier 2012 |

Prof Dabonné Soumaïla (UFR Des Sciences et Technologies des Aliments -Université D`Abobo-Adjamé) explique : Comment bien se nourrir sans polluer notre environnement

© Par DR
Enseignement supérieur: Prof Dabonné Soumaïla, de l`UFR Des Sciences et Technologies des Aliments -Université D`Abobo-Adjamé
L’être humain ne peut vivre sans se nourrir. Mais la production et la consommation des denrées alimentaires influencent énormément l’environnement, la santé et le bien-être. Les spécialistes qui le savent en parlent entre eux. Pour mieux vous expliquer ce phénomène, l’équipe de rédaction du site internet de l’Ong Bon Air (www.ongbonair.net) a rencontré le Professeur DABONNE Soumaila Maître de Conférences à l’UFR des Sciences et Technologies des Aliments de l’Université d’Abobo-Adjamé. Il est, par ailleurs, président de l’Association Ivoirienne des Sciences et Technologies des Aliments (AISTA).

www.ongbonair.net: Prof Dabonné Soumaïla, vous êtes spécialistes des sciences et technologies des aliments. Comment peut-on assurer la sécurité alimentaire sans dégrader l’environnement ?

Prof DABONNE Soumaïla : La question de la sécurité alimentaire s’est posée avec acuité ces dernières années, surtout dans les pays en développement. Produire plus sur moins de surface. Comment “doper” la production alimentaire ou la rendre plus résistante aux nuisances potentielles ? Depuis des décennies, la solution a résidé dans l’usage d’engrais, de pesticides et de composés chimiques dont l’utilisation à outrance n’est pourtant pas sans risques.

www.ongbonair.net : Quels sont les dangers les plus connus de nos jours liés à l’usage des substances chimiques dont vous parlez ?

Prof DABONNE Soumaïla : Les conséquences de l’utilisation de ces substances sur la santé humaine et sur l’environnement sont encore mal définies. Mais les résidus de ces mêmes substances constituent une source importante de pollution. Les nitrates des engrais et d’autres substances peuvent ruisseler vers les eaux de surface ou s’infiltrer vers les nappes phréatiques pour polluer les ressources hydriques. Certaines molécules peuvent contaminer les sols pendant des années. La toxicité de certains produits a un impact sur la flore et la faune sensible, ce qui entraîne une perte de la biodiversité dans nos campagnes. C’est sans compter la pollution de l’air puisqu’une fraction importante des produits épandus en agriculture se dégage dans l’atmosphère. Enfin, des résidus de pesticides peuvent également être détectés dans les denrées produites. Par le phénomène de “bioaccumulation”, certaines substances nocives pour la santé (suspectées d’être cancérigènes ou mutagènes) peuvent ainsi se retrouver dans l’organisme.

www.ongbonair.net: A vous entendre, l’on pourrait croire qu’il vaut mieux faire venir les aliments d’ailleurs plutôt que de cultiver chez soi ! Puisque les risques liés à l’usage des substances chimiques semblent trop grands.

Dr DABONNE Soumaïla : Ce n’est pas aussi simple que ça ! Les trajets liés au transport de marchandises, aliments ou non, engendrent énormément de coûts énergétiques et environnementaux considérables. Les transports routier et aérien sont pour beaucoup dans la pollution à grande échelle. Ils consomment assez d’énergie non renouvelable, émettent du CO2 et donc polluent l’atmosphère et agressent la couche d’ozone.

www.ongbonair.net: Peut-on avoir des proportions de leur incidence sur la pollution de nos jours ?

Prof DABONNE Soumaïla : D’après les évaluations récentes, le transport routier est celui qui contribue le plus aux dommages infligés à notre planète. Il est responsable de 91 % des coûts environnementaux. Arrivent ensuite le transport aérien avec 4 %, le transport ferroviaire avec 2,1 % et le transport public et la navigation ex æquo avec 1,4 %. Afin de réduire ces nuisances environnementales, la solution serait de limiter l’utilisation du transport routier au profit de systèmes plus intéressants en termes de développement durable ou de privilégier les aliments produits localement.

www.ongbonair.net: Professeur, devons-nous comprendre que nous nous trouvons dans un système qui ressemble fort à cercle vicieux ? Produire sur place comporte des risques de pollution avec les engrais et autres produits chimiques. Importer pollue aussi. Alors ?

Prof DABONNE Soumaïla : Vous savez que toute production nécessite de l’énergie et le secteur de l’agro-alimentaire en est particulièrement gourmand. Cultures et élevages intensifs obligent les producteurs à utiliser d’énormes quantités d’intrants. Par exemple, il faut, pour fabriquer une tonne d’engrais, l’équivalent de deux tonnes de pétrole ! La forte mécanisation, le chauffage de serres, la climatisation et la ventilation de hangars pour bestiaux (élevages hors-sol et poules de batteries) ou encore l’irrigation sont des techniques extrêmement énergivores. La consommation croissante de produits tout préparés implique des procédés de transformation et de conservation des aliments qui nécessitent également beaucoup d’énergie. Cela concerne la production intensive, si elle est locale. Mais, aujourd’hui la quasi-totalité de nos aliments parcourent de longues distances avant de se retrouver sur notre table : en moyenne 1000 kilomètres ! Tout au long de la chaîne de production, la consommation d’énergie fossile contribue à l’augmentation de l’effet de serre et de la dégradation de notre environnement.

www.ongbonair.net: On peut donc affirmer que notre alimentation influence considérablement l’environnement?

Dr DABONNE Soumaïla : En effet, depuis l’utilisation et la transformation des matières premières destinées à la production jusqu’à la consommation des aliments, de grandes quantités de déchets sont générées. Résidus de produits chimiques, sous-produits des procédés de transformation et emballages des produits etc. constituent un volume important de déchets de diverses natures qui ne sont pas toujours recyclables. De plus, notre société de consommation développe des produits toujours plus diversifiés et sous des formes de conditionnement générant des déchets fabriqués dans des matériaux parfois très polluants ou non renouvelables.

www.ongbonair.net: L’emballage présente-t-il un risque pour l’environnement?

Dr DABONNE Soumaïla : L’emballage a pour objectif de garantir la qualité du produit, de réduire les risques de perte et l’utilisation d’additifs. Il sert aussi à insérer les informations utiles concernant le produit. Les études ont, au niveau européen, montré que 450 milliards d’emballages se retrouvent sur le marché chaque année. Les deux causes principales liées à l’augmentation toujours croissante du nombre d’emballages sont, d’une part, notre consommation toujours plus abondante et, d’autre part, le phénomène de suremballage qui se généralise. L’impact environnemental est grand puisque “plus d’emballages” rime avec “plus de déchets”.

www.ongbonair.net: En ce qui concerne le cas spécifique de l’emballage, quelle solution préconisez-vous donc ?

Prof DABONNE Soumaïla : Afin de réduire un tant soit peu la pollution liée à cette pratique, nous pouvons privilégier l’achat de produits non emballés ou dans de grands conditionnements, préférer les emballages recyclables, biodégradables ou compostables, etc. La réutilisation est le moyen le plus simple pour éviter l’augmentation des déchets ménagers puisqu’il ne demande aucune transformation et, par conséquent, aucun coût énergétique comme c’est le cas pour le recyclage. Le recyclage, malgré un coût énergétique bien réel, permet de donner une seconde vie à un objet usagé.

www.ongbonair.net: Vous aviez évoqué la situation des pays en développement tantôt. Les pays du Sud ont-ils plus de mal à se prémunir contre les effets de la dégradation de l’environnement liés à l’alimentation que ceux du Nord ?

Prof DABONNE Soumaïla : En fait, le commerce des denrées alimentaires ne connaît pas les frontières. De nombreux aliments consommés quotidiennement sont produits sous d’autres climats, dans des contrées parfois fort lointaines. Paradoxalement, certains de ces pays producteurs sont pauvres, connaissent une situation économique et sociale précaire. La malnutrition et l’insuffisance alimentaire sont dans la plupart de ces pays le lot quotidien des populations. Sur les marchés mondiaux, ils font face à des organismes internationaux ou de puissantes multinationales qui fixent les prix des denrées, imposant alors des prix extrêmement bas aux producteurs du Sud. Afin d’exporter leurs produits pour obtenir un plus-value toujours plus élevés en devises étrangères, les pays du Sud mettent davantage l’accent sur la réduction des coûts de production au détriment de la santé, de l’éducation et de l’environnement. Les salaires payés aux travailleurs sont en général insuffisants pour permettre de vivre décemment ou de réinvestir dans l’économie locale. Le plus souvent, l’agriculture de subsistance et les cultures vivrières sont délaissées au profit des cultures destinées à l’exportation comme le café ou la banane. De plus, les systèmes d’aides financières pour écouler les surplus produits au Nord dans les pays du Sud aggravent encore la situation de ces populations. Il va sans dire que la question de l’incidence de l’alimentation sur la dégradation de l’environnement reste pour de nombreux pays du Sud une préoccupation de moindre degré. Et c’est cela toute la quadrature du cercle !

Interview réalisée par Edgar Kouassi
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