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Société Publié le samedi 7 janvier 2012 | Le Patriote

Interview / Faustin Aboh Kouamé (Maire de Sikensi)

Maire de Sikensi et président du collectif des chefs des 14 villages Abidji, Faustin Aboh Kouamé, dans cette interview, indique les actions qui ont été menées pour que la paix revienne à Sikensi.

Le Patriote: Monsieur le maire, il y un peu plus d’une semaine, Sikensi était à feu et à sang. Aujourd’hui, quelle est la situation?

Faustin Aboh Faustin: Je pourrais dire qu’avec la compréhension des uns et des autres, nous avons retrouvé une accalmie relative. Il y a eu un apaisement généralisé. Je voudrais profiter pour remercier tous ceux qui, de près ou de loin ont apporté leur concours à la résolution de cette crise qui a été assez grave à Sikensi. Parce qu’on n’a jamais vu une crise pareille. Je voudrais remercier au nom de toute la population de Sikensi, le ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi, le ministre Bandama Maurice, de la Culture et de la Francophonie, le général Detoh, chef d’état-major adjoint des FRCI, le procureur militaire, Ange Kessy, toutes ces personnalités qui ont été dépêchées de manière urgente à Sikensi pour nous aider à apaiser, ce que j’appelle, cette grave incompréhension entre les communautés qui aurait pu être plus grave. Localement, je voudrais dire merci au préfet qui n’a ménagé aucun effort pour être de notre côté dans la gestion de cette crise. Le préfet et moi-même, avons mis sur pied un comité de médiation, composé de jeunes issus des différents quartiers, de Becedi et de Katadji. Ces jeunes gens sans expérience, appuyés par nos conseils, ont réussi à planter le rameau de paix pour le cessez-le-feu. Au niveau de la sécurisation, je voudrais rendre un hommage à nos forces de l’ordre, les agents des casques bleus des Nations unies. Tous ceux qui sont venus durant des jours entiers, sacrifier leur fête de Noël pour être à nos côtés pour assurer la sécurité.

LP: Vous parlez d’une paix relative. Est-ce à dire que la paix n’est pas encore revenue, réellement?

FAK: La paix est revenue. La preuve, c’est que vous circulez librement. Les véhicules circulent, les commerces sont ouverts. Disons que la paix est revenue. Mais vous savez qu’une crise, elle, est déclenchée en moins de 5 mn, mais pour la résoudre, cela peut prendre des années. Mais, nous disons que la paix est revenue, le calme également.

Maintenant, il faut maintenir cette paix, la consolider et prendre des dispositions pour que cela ne soit pas remis en cause ou pour ne pas que les choses se répètent.

LP: Justement que comptez-vous faire pour que ce qui est arrivé, ne se répète plus?

FAK: C’est une question de sensibilisation. Il faut parler avec les gens. Il faut que, lorsqu’un problème surgit, on y mette moins de passion et qu’on apprenne à vivre en communauté, en parfaite cohésion. Jusqu’à la veille de Noël, Sikensi était considéré dans toute la Côte d’Ivoire comme une région paisible. Parce que pendant les dix années de crise, il y a eu des mouvements partout sauf à Sikensi. Au moment de la grande crise qui a fait basculer la Côte d’Ivoire dans ce chaos d’où nous sortons difficilement d’ailleurs, Sikensi était un havre de paix où la plupart des parents ou amis qui étaient dans la périphérie d’Abidjan, ont trouvé refuge. La population a du coup, été multipliée par dix. C’est d’ailleurs l’un des aspects dans notre analyse qui a embrasé cette situation. Parce que la population Abidji et la population Malinké ou allogène qui sont ici, vivent depuis une centaine d’années. Il n’y a jamais eu de problème. Les familles se connaissent. Les jeunes sont allés à l’école ensemble, que se soient les jeunes Fofana, les jeunes Diaby, les jeunes Cissé avec les jeunes Adou, Diby ou Beugré, sont allés à l’école ensemble. C’est la même génération. Il n’y a jamais eu de problème. Je suis à la municipalité depuis un quart de siècle. Il y a eu des tensions, mais ces tensions ont toujours été circonscrites. C’est la première fois que nous avons été débordés. Pourquoi? Parce qu’il y a des acteurs nouveaux. Nous sommes en train de réfléchir à une nouvelle plate forme de cohabitation, une nouvelle vision pour la gestion de la région de Sikensi. Nous avons multiplié les rencontres pour recueillir les incriminations des uns et des autres. Tous ont compris qu’il s’agissait d’une incompréhension. Nous nous sommes retrouvés entre responsables des deux communautés ce mardi, nous avons scellé la paix. Le reste, ce sont les procédures coutumières.

LP: En attendant, est-ce que les populations peuvent aller de leur quartier d’origine à un autre quartier?

FAK: Les populations peuvent se déplacer. Mais comme je le disais, quand on soigne une plaie, elle met du temps pour se cicatriser. Les populations peuvent se déplacer sans risque, mais il y aura toujours des provocations verbales. Mais on n’ira pas jusqu’à se porter main.

Nous avons balisé cela. Dans notre tradition, lorsqu’il y a ce genre de situation et que le sang coule, il faut purifier la ville. Il y a des sacrifices qu’il faut faire. Nous sommes dans la préparation de cette cérémonie de purification. Après cela, nous allons réunir toutes les femmes pour leur parler et qu’elles cohabitent ensemble pour éviter d’envenimer les choses dans leurs échanges.

LP: En attendant, il nous revient que les allogènes seraient interdits d’ensevelir leurs corps au cimetière municipal ou d’aller au champ. Qu’en est-il?

FAK: Les allogènes ont été interdits d’aller au champ? C’est trop dire. En fait, je vais vous expliquer pourquoi. Vous savez, lorsque ce genre de situation survient, il faut pour l’administrateur que je suis, prendre des mesures conservatoires. Il est plus prudent pour nous de demander aux allogènes de rester sur place, de sorte qu’on puisse assurer leur sécurité, le temps qu’on calme les choses, plutôt que de leur dire d’aller au champ. On ne sait pas, au champ, ce qui peut leur arriver. Un coup fatal peut venir aussi bien de leur adversaire que de quelqu’un de leur rang. C’est pareil pour les enterrements, parce que le cimetière se trouve au quartier Abidji. Tant que tout n’est pas apaisé, les Malinké ne peuvent pas prendre leurs corps pour aller au cimetière. Ce sont des risques. C’est comme si on exposait les gens. Nous les avons protégés de cette manière. C’est pour cela que nous avons accéléré le processus de sorte qu’on puisse aller à l’apaisement et que la vie reprenne.

LP: Il y a eu malheureusement beaucoup de dégâts. Où en êtes-vous avec les prises en charge?

KAF: Il y a eu des dégâts matériels. Le ministre délégué à la Défense nous a dit d’évaluer les dégâts, le préfet et moi. Nous allons mettre sur pied, un comité pour le faire. Ce sera le pouvoir discrétionnaire de l’Etat. La proposition de prendre les choses en charge a contribué également à l’apaisement. Nous comptons sur l’Etat pour indemniser toutes les victimes. En attendant, nous comptons organiser dans les jours qui viennent une grande de fête de réconciliation. En attendant, je lance un appel de paix et de cohésion. Je voudrais dire qu’aujourd’hui, nous sommes condamnés à vivre ensemble.

Réalisée par Thiery Latt
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