De plus en plus, la culture de l’hévéa apparaît comme un effet de mode dans les habitudes agricoles en Côte d’Ivoire. Du haut cadre au citoyen moyen, tout le monde s’active à investir dans de vastes projets de création de champ d’hévéa. Qu’est-ce qui explique cette ruée des Ivoiriens vers cette culture de rente ? Connu sous les succès du binôme café/cacao - premier producteur mondial de cacao-, la Côte d’Ivoire est en passe de devenir un grand producteur de latex ou caoutchouc naturel. Les Ivoiriens ne manquent pas d’occasion pour exprimer leur admiration et leur fascination pour cette culture qui est au cœur des débats dans les cafètes, bureaux et autres buvettes de la capitale économique. Les longues colonnes de véhicule de type 4x4 en direction des campagnes les week-ends illustrent le grand engouement qu’ont les Ivoiriens pour l’hévéaculture. La route de l’Est et précisément les destinations d’Abengourou, Béttié tout comme la côtière ne désemplit pas les vendredis soir. Interrogé sur les motivations de ses déplacements réguliers dans sa région natale, K. Adingra s’explique en ces mots: « Je vais au village pour suivre de près ma plantation d’hévéa. C’est ma retraite que je prépare. Et pour cela, je ne peux pas rester loin des travaux. Mon avenir en dépend». C’est véritablement la fièvre du caoutchouc en Côte d’Ivoire. Laquelle fièvre ne se limite plus aux habitudes de la paysannerie traditionnelle. Au sein de l’élite urbaine et éduquée, ils sont de plus en plus nombreux à mobiliser leur épargne pour réoccuper les terres ancestrales, acheter ou louer des espaces arables, pour y faire de l’hévéa. Phénomène de mode ou tendance de fond ? Selon des experts, l’investissement dans l’hévéa attire pour plusieurs raisons, dont les plus essentielles peuvent se résumer en cinq ordres. « Premièrement, c’est une culture pérenne qui dure pendant plus de quarante ans, qui assure donc une retraite confortable et dorée au mieux. Deuxièmement, plus les années passent, plus l’investissement rapporte : les arbres produisent deux fois plus de tasses de latex après la vingtième année. Troisièmement, l’hévéa procure des revenus mensuels, à l’exception de deux mois de soudure par an. Les usiniers paient comme des salaires aux agriculteurs. Quatrièmement, après la troisième année d’exploitation, c’est-à-dire moins de dix ans après la création de la plantation, l’investissement est totalement amorti. Cinquièmement, il y a moins de maladies que dans le cacao, et le travail n’est pas difficile dès que les arbres ont poussé, il suffit de payer les saigneurs chaque mois et de livrer les usiniers », explique D. Athanase, responsable des questions héveicoles dans un cabinet d’expertise agricole. A l’aune de cet éclairage, il apparaît évident que c’est la stabilité financière que cette culture procure qui incite des jeunes cadres à s’y mettre. En effet, le propriétaire d’un champ d’hévéa peut se targuer d’avoir des revenus mensuels et réguliers sur trente années au moins. «Un hévéaculteur qui possède 5 hectares peut se retrouver, au bas mot, avec un revenu mensuel de 500 000fcfa», nous a confié Julien Abo, planteur d’hévéa. De quoi faire languir plus d’un Ivoirien, par ces temps où la fonction publique n’est plus la panacée pour un avenir radieux comme ce fut le cas jadis. Premier producteur africain de caoutchouc Créées à l’initiative d’entreprises privées coloniales, les premières plantations industrielles datent de 1953; la Compagnie des Caoutchoucs du Pakidié (CCP) en est l’entreprise pionnière. Mais c’est à partir de 1978 que l’État va lancer, avec le concours de bailleurs de fonds, un vaste programme de mise en place de plantations villageoises d’hévéa. Durant les années 1990, période d’ajustement structurel (PAS) et de désengagement de l’État, la filière est privatisée et se reconstruit peu à peu autour de l’Association des professionnels et manufacturiers du caoutchouc naturel (Apromac). Rassemblant les agriculteurs et les usiniers, elle fixe les prix chaque mois en fonction des cours mondiaux. La hausse continue des cours a attiré des cadres et autres personnes dotés d’une certaine capacité d’investissement. Dès 2003, la courbe des créations d’exploitations prend une allure radicalement exponentielle, comme l’indique un rapport publié en janvier 2006 par le Fonds interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricole (Firca), avec le soutien du Bureau national d’études techniques et de développement (Bnetd), qui indique que les plantations âgées de 0 à 6 ans représentent 64 % des superficies. A date, les seules statistiques disponibles sont celles d’Apromac et qui concernent l’année 2004 avec 143 000 T de production totale en Côte d’Ivoire, dont 6 200 T d’importation. La production des sociétés agricoles représente 74 200 T, les stations de recherche 5 100 T et 63 700 T pour la production villageoise. La Côte d’Ivoire se situe au premier rang des producteurs africains de caoutchouc naturel devant le Liberia, et au 8ème rang mondialn
Par B.TAKI
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