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Société Publié le samedi 14 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Les samedis de Biton, Séguéla Abou

Franchement, j’ai eu du mal à le croire. Moi, assis, aux côtés du célébrissime Amédée Pierre, causant familièrement. Pas une seule fois, mais des dizaines et des dizaines de fois. Oui, j’avais du mal à le croire que c’est moi qui marchais et causais avec Amédée Pierre. Oui, c’était bel et bien moi qui côtoyais l’immortel. Je me disais que beaucoup de personnes auraient aimé vivre ces moments comme moi. Hélas, il n’est pas donné à tout le monde d’approcher et de communier avec une légende vivante. C’est à la faveur de ma désignation comme premier vice-président de l’UNARTCI (l’Union Nationale des Artistes de Côte d’Ivoire) que je rencontrais souvent le géant de la Côte d’Ivoire. Souvent aux réunions, je disais à des jeunes artistes s’ils avaient conscience de ce que représentait Amédée Pierre pour la musique et pour la Cote d’Ivoire ? Amédée Pierre pour moi commence à mon adolescence avec « Séguéla Abou. » Dans ces années là, Radio-Côte d’Ivoire, militait pour la promotion de la musique ivoirienne. On en diffusait à foison. Nous étions « vaccinés » contre toute musique occidentale malgré la percée du twist. Le pays sortait d’une nuit longue et la concrétisation de l’indépendance exigeait qu’on « consomme » ivoirien. Nous étions loin d’imaginer que des décades, plus tard, notre jeunesse sera plongée dans une aliénation culturelle, sans précédent, à travers des musiques qui les détournent de leur pays et les poussent à consommer gloutonnement occident, jouant ainsi sur la balance commerciale du pays. Je suivais, à l’époque, le concert des auditeurs aussi religieusement comme si j’étais assis devant le curé de ma paroisse, m’instruisant dans son homélie. Tout le concert des auditeurs était constitué de la musique ivoirienne. On ne pouvait que l’aimer. Et moi, je n’attendais que la diffusion de « Séguéla Abou. » C’était l’une des chansons la plus demandée au cours du concert des auditeurs. Certains dimanches, les demandes pour cette chanson dépassaient la quarantaine de personnes. Quelques années, plus tard, collégien, venu habiter dans le quartier de Marcory, je n’habitais pas assez loin d’Amédée Pierre. La légende vivante habitait derrière La Poste de Marcory. Je passais souvent devant sa villa, rien que pour regarder les murs et espérant le voir sortir ou marcher dans la rue. Ma joie était indescriptible quand je le voyais avec ses musiciens. Un jour, dans un bus, au moment où le véhicule passait devant la paroisse Sainte Thérèse de Marcory, voilà qu’Amédée Pierre, à pieds, venait vers la pharmacie, en face. Ma voisine cria le nom d’Amédée et voulait même sortir par la fenêtre pour se précipiter dans ses bras. J’eus des frissons. Le bus continua son chemin. Ma voisine de passagère coula des larmes et finit par sangloter. Assurément, Amédée n’était pas un homme ordinaire. C’est à l’Université, avec les cours de Bernard Zadi Zaourou sur les chansons d’Amédée Pierre que je compris toute la poésie, le sens profond et la portée des tubes d’Amédée Pierre. Mais il faut reconnaître que le rythme, les sons, des morceaux d’Amédée Pierre envoûtaient profondément. Une chanson, c’est la parole mais c’est aussi la musique. Amédée Pierre combinait bien ces deux. Il suffisait d’aller au dancing le « désert » rebaptisé le « Dopé. » Il suffisait de nous voir nous trémousser sur la piste pour comprendre que la musique d’Amédée Pierre était magique. Il était inimaginable pour nous de ne pas faire le pèlerinage du « Dopé » le samedi soir, avant ou après les night clubs. Aller au « Dopé », c’était se ressourcer, garder le contact avec l’Afrique des réalités, c’était faire le pari de garder nos pieds dans la tradition, dans nos cultures, même si on s’ouvrait au monde extérieur. On dit qu’Amédée Pierre est mort. Je ne le crois pas. Une telle légende ne peut pas mourir. Le pays qui a reconnu sa grandeur, j’en suis persuadé, fera plus pour perpétuer sa mémoire. De même que les artistes. Plus que jamais et même dans l’immédiat, il faut créer un Festival annuel Amédée Pierre dont le contenu sera élaboré par les organisateurs. Il faut surtout et maintenant donner le nom de l’artiste à une grande avenue, une grande rue, un grand boulevard. Il n’y a plus de jalousie quand il y a la mort. Et aussi et surtout une grande, une très grande salle de spectacle, une nouvelle, qui doit porter son nom. C’est ainsi qu’on rend véritablement hommage à un artiste à la dimension de cette légende. Le mieux serait encore de mettre en musique classique ou instrumentale, l’œuvre d’Amédée Pierre pour leur pérennisation en plus des CD enregistrés et mis en coffret tous les morceaux du Maître. Une tache que pourrait bien remplir Monsieur René Babi, auteur de : « Amédée Pierre, le Dopé National, Grand Maître de la Parole » dont je n’ai plus des nouvelles depuis longtemps. On ne peut pas trouver, dans ce pays, un homme qui connaît mieux les œuvres d’Amédée Pierre. Il a si aimé le chanteur qu’il a appris le bété. Babi je ne sais où tu es, mais je te présente mes condoléances les plus attristées. C’est toi la bibliothèque Amédée Pierre. Si les gens pouvaient lire ou relire ton livre aujourd’hui, ils comprendront. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Isaïe Biton Koulibaly
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