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Art et Culture Publié le samedi 21 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Les samedis de Biton : Que la fête commence !

En Afrique noire, il y a deux grands moments forts dans la vie des nations. Le premier, qui réjouit la vie des peuples, est relatif aux remaniements ministériels. Pour une fois, tout le pays est à l’unisson par cette attente. Qui va partir ? Qui va rentrer ? Ce trait africain est aussi valable ailleurs. Le commun des mortels envie et déteste à la fois ceux qui ont une certaine célébrité par la politique. Voir des hommes ou des femmes partir du gouvernement ne peut que réjouir des cœurs.

Les entrées également. Le nouveau venu sera-t-il du village, de la région ou du « grain ?» Si les sortants n’ont pas contribué à aider financièrement et matériellement la famille et les amis, les nouveaux venus doivent venir avec la manne pour aider les uns et les autres. En cas de « carence », on attendra avec impatience un autre remaniement. Certains dorment en se réveillant avec l’idée d’un remaniement ministériel rien que pour voir des hommes et des familles malheureux. Ne pas aimer le bonheur de l’autre est très répandu en Afrique noire. Si les présidents de nos Républiques pouvaient remanier leur gouvernement tous le six mois, leur popularité serait intacte. Le peuple dormira mieux et s’enrichira beaucoup. Le malheur de l’un, surtout s’il est ministre, ne peut faire que le bonheur de l’autre, du peuple. Cela changera quand on donnera, un jour, une autre considération à un poste de ministre. Une simple affection, un poste où on passe pour quelques mois ou quelques années. Un poste qui ne permet pas de se hisser à un arbre géant dont les branches ne touchent pas le sol. Mais l’humilité finira par s’installer tôt ou tard dans la vie des nations africaines tant au niveau des dirigeants que des dirigés. Le deuxième moment fort, très fort, est la coupe d’Afrique des nations. Ces trois semaines font pour l’unité nationale plus que toutes cérémonies et autres conférences. Ce sont des moments où les critiques cessent contre les pouvoirs.

Les chefs d’Etat peuvent même prendre des vacances. Les prix peuvent augmenter dans l’indifférence totale. Chaque pays dans sa politique de marketing a conditionné, à l’extrême, la passion du peuple. Diriger un pays n’est pas facile. On n’y réussit presque pas à cause des divergences de vue en permanence. Qu’on fasse en bien ou en mal, ce sont des dizaines de milliers de personnes qui ne sont pas satisfaits. Leurs critiques, leurs mécontentements, leurs aigreurs sont une force qui paralyse le moteur du développement. Devant cette « paralysie » mentale, le travail se fait mal. La production ne peut que baisser malgré tous les programmes. On ne prend jamais en compte le subconscient du peuple pour fixer les budgets. Une entreprise où les employés passent tout leur temps à critiquer leur patron, à faire avec moins de rigueur leur tâche, entraîne cette entreprise vers le bas. La coupe d’Afrique des nations est le meilleur moment pour augmenter la productivité car le travail se fait avec enthousiasme. L’enthousiasme est déterminant pour toute réussite. Depuis des jours, il suffit de voir les journaux télévisés de tous les pays africains pour comprendre que l’Afrique noire va vivre, à partir de ce samedi, la plus grande période de fête de l’année.

La Rome antique avec ces jeux est ressuscitée en Afrique pendant cette période. Les « gladiateurs » sont conscients de ceux qu’on attend d’eux. Le slogan de chaque pays qualifié est devenu un impératif : « Ramener la coupe. » Le peuple a cotisé, les dirigeants ont donné, les religieux ont prié. Il ne reste plus que la réalité du terrain. Une vaste comédie va s’y dérouler. L’arbitre sera l’homme le plus regardé. Sa nationalité sera l’objet d’analyse. Aucun pays ne doit perdre. Chaque équipe a juré de revenir avec la coupe. Le joueur impuissant va se laisser coucher sur le gazon en grimaçant. Son adversaire veut mettre fin à sa carrière. L’arbitre de touche ne voit pas les hors-jeux. « C’est normal, il n’aime pas notre pays. » Quand on attend la coupe au pays la sélection nationale est condamnée à la gagner.

Toutefois, en cas de défaite, il existe plusieurs catalogues d’explication. Le meilleur joueur ou le plus grand distributeur de balles a été victime d’un carton rouge injustifié ou d’une blessure. L’arbitre a refusé un but « propre. » Comme le peuple ne doit pas être déçu et perdre son enthousiasme, dès le premier match, l’entraîneur commence à prendre des coups. Il faut déjà préparer l’échafaud pour couper sa tête si la coupe ne venait pas. Les joueurs ne s’entendaient pas entre eux. Les féticheurs du village voisin ont détruit la magie puissante qui devrait faire gagner tous les matches. On sait qu’en Afrique, c’est aide toi et le ciel t’aidera. Les hommes de la nuit dans les tribunes ou sur les bancs de touche ne sont que des psychologues comme on en voit chez les plus développés, les européens. Le premier homme de chaque pays a déjà préparé plusieurs discours. Si l’équipe est éliminée il doit jouer au sage et donner de l’espoir pour la prochaine coupe.

C’est une technique en politique. Après chaque élection, on prépare immédiatement la suivante. On prendra donc un autre entraîneur, cette fois-ci, plus diplômé comme d’habitude. Un salaire qui montera encore plus haut. Pain béni pour tous nos dirigeants, la prochaine coupe d’Afrique des nations c’est tout juste dans un an. Un jeu d’enfant que tenir le peuple en haleine, pendant douze mois, par un autre matraquage sportif. L’unité du pays oblige. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.

Isaïe Biton Koulibaly
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