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Politique Publié le samedi 28 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Ouattara dit encore des vérités fracassantes sur le traité de défense franco-ivoirien : ‘’Nous avons un pouvoir démocratique… Nous n’avons pas besoin de protection’’

© L’intelligent d’Abidjan Par Aristide
Activités du chef de l`Etat: en visite de travail en Belgique, le Président Alassane Ouattara sur les plateaux de la RTBF
Mardi 22 novembre 2011. Bruxelles (Belgique). Le Président Alassane Ouattara sur les plateaux de la RTBF
Alassane Ouattara était hier sur le plateau de France 24 où il a répondu aux questions de Christophe Boisbouvier et de Sylvain Atal. La gestion du dossier judiciaire sur la crise postélectorale, la primature avec le maintien ou non de Guillaume Soro, mais surtout le tout dernier accord de défense cinquante-et-un ans après le premier, ont été passés en revue. Encore des vérités fracassantes !
Monsieur le Président, cette visite en France est impressionnante par la pompe et le déploiement de mesure de protection par votre hôte Nicolas Sarkozy, qui a joué un rôle non négligeable dans votre installation au pouvoir, cinq divisions de l’armée française mobilisées, des hélicoptères, la cavalerie républicaine. Est-ce que vous avez le sentiment de devoir à ce point d’être encore protégé ?
Non point du tout ! Je n’ai pas vu tout ce déploiement dont vous parlez parce que j’étais dans une voiture. Mais une visite d’Etat est organisée d’une certaine manière. Je ne pense pas qu’il y ait eu des mesures particulières prises pour nous. En tout cas, je remercie le gouvernement français et le président Sarkozy de la manière dont les choses se sont passées. Nous avons eu de très bons entretiens avec lui-même et avec les autorités françaises en général et avec le Medef à la mairie de Paris.

Vous n’avez pas le sentiment vous-même d’être dans une situation de fragilité qui impose une protection particulière ?
Ah bon ! Mais c’est ma première visite d’Etat. Peut-être quand je reviendrai la prochaine fois, je pourrai faire la comparaison.

Donc vous avez signé un accord de défense et 300 soldats français vont rester en Côte d’Ivoire. Pourquoi voulez-vous qu’ils restent ? Est-ce parce que vous n’avez pas confiance dans votre peuple?
Je signale d’abord qu’il s’agit d’un traité de partenariat de défense. Ce n’est pas la même chose. Ceci veut dire que les documents signés seront soumis aux parlements ivoirien et français. Donc il n’y aura pas de clause secrète. Les parlements vont en débattre. C’est à l’issue de cela que le traité deviendra définitif. Un traité qui concerne les questions de formation, d’équipement, à l’information de l’armée ivoirienne. Il n’y a pas donc de question de protection d’un gouvernement ou d’une autorité quelconque. Nous n’en avons pas besoin en Côte d’Ivoire. Nous avons un pouvoir démocratique. J’ai été démocratiquement élu. Nous avons eu une élection législative apaisée et démocratique. Le pays est en paix et il est au travail. Nous n’avons pas besoin de protection.

Est-ce que ce n’est pas une situation angélique de voir les choses ainsi parce qu’il y a encore beaucoup de tensions dans le pays et au fond, il a fallu un déploiement de force pour vous installer dans votre fonction ?
Je voudrais apporter une précision. Le travail a été fait par les forces républicaines de Côte d’Ivoire et la France est intervenue sous mandat des Nations Unies avec les troupes onusiennes. Laurent Gbagbo a refusé de partir, nous l’avons fait partir. Maintenant le pays est en paix et en sécurité. Ce n’est pas une vue de l’esprit. Venez à Abidjan et vous verrez que les gens vaquent à leurs occupations, les restaurants sont pleins. Les choses se sont normalisées.

Vous n’avez aucune crainte d’un coup de force ?
Point du tout. Nous sommes bien organisés. L’armée est unifiée. La gendarmerie et la police sont redéployées à plus de 99 %. La normalisation est faite.

Tout de même la réconciliation n’est pas facile. La question qu’on se pose en Côte d’Ivoire comme à l’extérieur est de savoir si la justice sera impartiale et si elle se passera aussi pour les anciens chefs rebelles Frci qui ont commis des crimes ?
Pour moi, il n’y a pas de distinction entre les Ivoiriens. Ne commençons pas à dire les Ivoiriens de tel bord ou de tel bord. C’est ce qui a créé les problèmes de la Côte d’Ivoire tout comme la question de l’impunité. Il n’y aura pas d’impunité. Traitement égal de tous les citoyens. Nous avons mis en place une commission d’enquête qui finira son travail, je l’espère d’ici à fin février, début mars. A l’issue de cela, le rapport sera transmis à qui de droit et les juges pourront appeler devant les tribunaux ceux qui ont commis des crimes. Et ils seront jugés selon nos lois !

Y compris éventuellement ceux qu’on appelait les ex-com’zones ?
Pourquoi voulez-vous qu’il y ait des exceptions et pourquoi voulez-vous les indexer a priori ?

Mais il y a eu Duékoué !
Oui, il y a eu Duékoué mais attention ! Duékoué, c’était un problème ethnique, c’était un problème foncier, c’était pendant la guerre ! Moi, je ne veux pas prendre partie. J’attends de voir le rapport.

Il y a eu aussi Yopougon !
Il y a eu Yopougon, il y a eu Abobo. Donc attendons de voir le rapport de la commission nationale d’enquête. Au vu de ce rapport, les juges se prononceront.

Il arrive souvent que les médias fassent le travail plus rapidement que les commissions d’enquête et sur France 24, nous avons montré des vidéos. Et si demain elles se transformaient en preuve à charge ?
Il faudrait les remettre à la commission nationale d’enquête. Nous ne voulons pas avoir une protection de l’information. Point du tout. Je souhaite que cette commission entende tout le monde y compris les journalistes de France 24 qui ont des choses à dénoncer ou à nous donner. Il faut que la justice se fasse et que tous les citoyens soient traités de la même manière. Je ne veux pas d’exception. Je ne veux pas que la Côte d’Ivoire retombe dans l’impunité et il n’y aura pas de protection de qui que ce soit.

Sans remettre en question cette déclaration de principe, vous vous demandez pourquoi la justice ne ferait pas son travail en toute impartialité, en toute tranquillité et en toute équité. Mais peut-être parce qu’on se dit qu’il y a une dette que vous avez contractée auprès de ces forces militaires qui ont contribué à vous installer au pouvoir. Est-ce que vous avez les mains libres vis-à-vis d’elles ?
Ecoutez, moi je considère que nous avons une armée réunifiée, nous avons fait en sorte que les forces soient intégrées. Vous savez, les commandants des zones dont vous parlez ne sont qu’une vingtaine sur plus de cinq cents responsables de l’armée ! Alors est-ce que cela peut créer une différence ? moi, je ne le pense pas. Mais je pense que la page est tournée. Les militaires savent que l’Etat de droit est en place en Côte d’Ivoire, que nous voulons respecter les droits humains et qu’il n’y aura pas d’exception. Et nous avons sanctionné de nombreuses personnes, de nombreux militaires, nous avons fait en sorte que la loi soit appliquée à tous. Je suis confiant de poursuivre cela.

Il y a deux mois, vous avez reçu le procureur de la Cour Pénale Internationale, Luis Moreno-Ocampo, si demain un certain nombre d’officiers de l’ex-armée sous Gbagbo ou des FRCI sont inculpés, est-ce que vous allez les juger en Côte d’Ivoire ou à La Haye?
C’est une question que nous continuons d’examiner. Entendons-nous bien. FRCI veut dire les ex-Fanci, c’est-à-dire, les ex-forces armées nationales de Côte d’Ivoire et les ex-Fafn c’est-à-dire les forces armées des ex-Forces Nouvelles. Les deux travaillent ensemble. Les enquêtes concernent tout le monde, aussi bien ces deux forces que d’autres personnes, même des civils.


Est-ce que les gros poissons iront à La Haye et les petits poissons resteront en Côte d’Ivoire?
Vous savez, moi je ne suis pas dans une situation où je veux anticiper ce qui va se passer. Une chose est certaine, nous allons examiner ces cas. Je préfère que la justice soit rendue en Côte d’Ivoire. Nous n’avions pas les moyens, et si dans quelques semaines, dans quelques mois, nous en avons les moyens, nous préférions juger les uns et les autres en Côte d’Ivoire.

Mais vous n’aviez pas les moyens de juger Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire?
Non ! Laurent Gbagbo c’est autre chose. Quelle qu’a été notre décision, on nous aurait accusés de ne pas avoir une justice impartiale. Là, la Cour pénale internationale est une cour indépendante, certes la justice est totalement impartiale, et j’ai préféré pour ma part, donner ce cas à la Cour pénale internationale. Pour les autres, nous sommes en train d’examiner la question.

Actuellement, il y a plus de soixante cadres civils et militaires de l’ancien régime qui sont en prison, c’est la justice qui peut décider oui ou non de leur remise en liberté, mais politiquement est-ce que la libération de certains d’entre eux ne pourrait pas donner un signal en faveur de la réconciliation?
Ce sont les tribunaux qui doivent en juger. Ce que nous avons fait c’est que nous avons des faits précis sur un certain nombre de personnes. Des crimes de sang ou des crimes économiques. S’il n’y a pas ces deux catégories de crimes, ces personnes n’ont pas lieu d’être en résidence surveillée ou en prison. Alors, la justice fait son travail, il faut la laisser travailler.

Dans ce que vous avez dit tout à l’heure, vous n’avez pas repris les élections législatives qui n’ont pas été un succès, puisque l’opposition n’y a pas participé...
Monsieur Atal, le vote n’est pas obligatoire. Participer à une élection n’est pas obligatoire, le fait qu’un parti politique n’a pas participé à une élection ne rend pas l’élection illégitime.

Mais vous n’aviez pas participé aux élections législatives de 2000...
Non! Non! Attention. Nous n’avons pas participé aux élections législatives de 2000, mais le parlement à légiféré. Nous n’avons jamais remis en cause les décisions prises par ce parlement ! J’ajoute que le taux de participation aux élections législatives de 2011 est largement supérieur à celles de 2000.

Mais là monsieur le Président de la République, l’Assemblée nationale est hégémonique et comment allez-vous faire pour réconcilier les Ivoiriens?
Je continue de leur tendre la main. Je considère que c’est important de rentrer dans ce processus. J’ai proposé au Fpi de venir au gouvernement. Ils ont hésité et ensuite ils n’ont pas accepté, je leur ai demandé de venir aux législatives en faisant cas des erreurs commises en son temps par mon propre parti politique de ne pas participer aux élections législatives ; là encore ils ont opté de ne pas participer, mais je dis que la participation à une élection n’est pas obligatoire.

Est-ce parce qu’ils n’ont pas tourné la page Gbagbo ?
Vous savez, je n’aimerais pas compliquer les choses pour une éventuelle participation du Fpi à la vie politique ivoirienne. Je suis le président de tous les Ivoiriens, je souhaite que le Fpi participe aux prochaines élections locales, c`est-à-dire les élections municipales et les élections régionales. C’est important pour la vie démocratique en Côte d’Ivoire. Je suis déçu personnellement du fait qu’il n’ait pas participé aux élections législatives mais donnons du temps au temps.

A l’issue de ces élections, vous allez former un nouveau gouvernement. Est-ce que Guillaume Soro restera votre Premier ministre ?
Une chose est certaine, le président du parlement sera du RDR. Puisque le RDR a la majorité au parlement. Maintenant, pour ce qui concerne Guillaume Soro, l’actuel Premier ministre, nous en parlerons avec le président Bédié. Nous prendrons la décision qui sera dans le meilleur intérêt de la Côte d’Ivoire.

Vous parlez du président Bédié mais il y a un an en effet, avant le second tour de la présidentielle, vous avez promis au président Bédié que le prochain Premier ministre serait issu du PDCI. Maintenant dans le camp du président Bédié, on s’impatiente.
Ah bon ! Écoutez, moi je discute avec le président Bédié et je n’ai pas vu des signes d’impatience.

Mais la base du PDCI, vous savez mieux que nous, s’impatiente…,
Monsieur Boisbouvier, c’est avec le président Bédié que je devais discuter de cette question.

Est-ce que vous parlez du perchoir pour le Rdr ou éventuellement le perchoir pourrait revenir à Guillaume Soro ?
Oui mais si le président Bédié et moi, nous considérons qu’il faudrait passer à une telle étape, nous pourrions le faire mais le RDR a la majorité au parlement. Le président du parlement sera du Rassemblement des Républicains.

N’est-ce pas plus facile de désarmer peut-être les anciens Com-zone, tant que Guillaume Soro est Premier ministre ?
Mais la sécurité est bonne en Côte d’Ivoire. Venez nous voir, vous allez le constater. Moi, j’étais Premier ministre, il y a 20 ans et maintenant je suis Président de la République. J’ai en même temps tous les matins, les informations concernant la sécurité de la nuit et de la veille. Les chiffres sont à peu près comparables. Je crois qu’à Abidjan, la sécurité est revenue, à l’intérieur du pays, c’est bien le cas. Par conséquent, nous allons passer à une autre étape qui est bien la réforme du secteur de la sécurité pour mieux contrôler ces jeunes gens qui ont pris les armes, qui ont soutenu les forces républicaines à l’occasion du départ de Laurent Gbagbo.

Vous avez eu un certain nombre d’entretiens économiques à Paris, avec le Medef en particulier. Vous avez certainement discuté avec Nicolas Sarkozy. Vous avez dit que les entreprises françaises n’étaient pas suffisamment présentes. Ce n’est pas l’impression qu’on a parce qu’il y a quand même (les grandes en tout cas) Bolloré, Bouygues, Total assez présentes…
Oui, certaines et elles n’ont pas bougé. Mais d’autres ne sont pas aussi présentes que moi je l’aurais souhaité. Total, par exemple, n’avait pas été présente pendant quelque temps. Je pense d’ailleurs que c’était une décision du groupe Total par rapport à ce qui se passait en Côte d’Ivoire.

L’insécurité alors ?
Il n’y a que Total pour expliquer pourquoi, elle n’était pas là. Ceci étant, nous constatons avec la sécurité que le pays est en paix. Avec les réformes économiques que nous venons de mettre en place et le fait que la Côte d’Ivoire connaît un véritable bond, nous allons passer d’un taux de chute de la Production Nationale de 5% l’année dernière à un taux de croissance de plus de 8 à 9%. Donc c’est un rebond considérable, beaucoup d’entreprises viennent d’autres pays européens, d’Asie, d’Amérique Latine.

Sans tenir compte des conséquences de la crise internationale en Côte d’Ivoire ?
Non, moins qu’ailleurs. Parce que nous produisons des produits tels que le cacao, l’hévéa, nous produisons du pétrole, des produits de consommation qui vont dans les pays voisins. Globalement, la situation se passe de manière convenable mais vous savez que pour une bonne croissance, il faut des investissements. Nous avons réduit le déficit et nous avons accru le taux d’investissement de manière considérable. Cette année, nous allons quasiment augmenter le taux d’investissement de 50 %. Avec tout ça, il y a des opportunités et j’ai rencontré le Medef et je leur ai dit qu’il était temps de venir et de venir rapidement parce que nous serons ouverts. C’est une situation de bonne gouvernance, une situation de compétition et les premiers seront les mieux servis.

Dans 3 mois, les Français vont voter et les élections s’annoncent serrées. Pourquoi, ne profitez-vous pas de cette visite à Paris pour rencontrer par exemple, François Hollande et François Bayrou ?
Ce n’est pas à moi d’établir le calendrier de ma visite. Je suis en visite d’Etat, je rencontre les personnalités qui me sont proposées par les autorités qui nous ont invités.

Vous auriez pu …
Non, non, en principe dans une visite d’Etat, on se soumet au calendrier des autorités qui vous invitent et je n’ai rencontré aucun homme d’affaires de manière individuelle ou bilatérale et aucun homme politique de manière personnelle ou bilatérale.

Les socialistes français ont longtemps soutenu votre adversaire Laurent Gbagbo. Avez-vous des rapports difficiles avec eux ?
Non, non, point du tout et je ne suis pas sûr que les socialistes ont longtemps soutenu Laurent Gbagbo. Ces dernières années, je me souviens des déclarations des uns et des autres indiquant que Laurent Gbagbo était infréquentable.

Vous communiquez avec François Hollande quand même ?
Je préfère sortir de ce chapitre, s’il vous plaît. Je ne veux pas me mêler de politique française.

On dit que vous avez des relations d’amitié très intimes avec Nicolas Sarkozy, n’est-ce pas aussi un héritage de la Françafrique ?
Nicolas Sarkozy est bien mon ami. Nous sommes amis depuis plus de vingt (20) ans. Bien avant que je ne sois opposant ou Président de la République. Ce sont des rapports d’amitié, vous n’allez pas tout de même m’interdire de voir mes amis parce que je suis Président de la République.

Vous avez salué le courage de Nicolas Sarkozy l’an dernier sur Abidjan, est-ce que n’importe quel autre homme politique aurait eu le même courage ?
Permettez-moi de ne pas me prononcer. Je connais bien Nicolas Sarkozy. C’est mon ami, il a de fortes convictions, il est courageux et il en a donné la preuve à l’occasion de la crise ivoirienne et à l’occasion de la crise libyenne également.

S.Débailly, A. Dédi, K. Hyacinthe
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