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Société Publié le samedi 25 février 2012 | Nord-Sud

Trois mois après les affrontements : Comment Sikensi reconstruit sa paix

Il est facile de faire la guerre que la paix, dit-on. Pourtant, la paix est perceptible à Sikensi. Les autochtones abidji et les allogènes malinké qui peuplent cette ville, située à 70 Km d’Abidjan, s’étaient violemment affrontés. Le bilan de six morts de ce premier clash, depuis des siècles, est un souvenir lointain. C’est du moins l’aveu qu’ont fait des populations interrogées sur leur cohabitation. Témoignages et faits recueillis sur place, jeudi dernier.

Il est 9 h 25 passé. Bert Koenders, patron de l’Onuci, suivi du maire Abo Faustin s’installe sous le bungalow de Mandjou Touré, un quadragénaire chef malinké de Sikensi. Ils y trouvent assis des membres de ladite communauté. A part le chef traditionnel, l’imam principal Diaby Moustapha est là et bien d’autres adultes. La venue de l’émissaire de Ban Ki Moon est « un rêve qui vient de se réaliser», selon le 1er magistrat. Qui est suivi dans cette exagération par le traducteur des hôtes. Tous conviennent que « le monde entier » s’intéresse désormais à eux. Les 25 et 26 décembre, pour rappel, des affrontements intercommunautaires ont fait six morts lors d’une « banale rixe » dans un bistrot entre un jeune autochtone abidji et un soldat des Forces républicains de Côte d’Ivoire (Frci). Pourtant, c’est une « ville très spéciale », dit l’Onusien, qui offre la gaieté au premier visiteur, ce jeudi. « Je suis venu vous demander de travailler ensemble », conseillera-t-il. Mais c’est déjà en cours.


Satan est parti …

« Le Satan est passé par ici mais il y a longtemps qu’il est parti », ironise le maire, voulant attester de la normalisation. Le guide religieux lui emboîte le pas. « La paix est là même si elle est fragile. Nous sommes heureux de l’Onu pour consolider cette paix », a-t-il confié en aparté. Lui, dont le grand-père est installé à Sikensi depuis 1919, reconnaît qu’il n’y avait pas de problème avec les autochtones depuis des siècles. « Mais il y a tout dans les générations, les bons et les mauvais. Malheureusement, la crise est arrivée. Pourtant, nous étions fiers parce qu’on disait que rien de ce qui est arrivé lors des crises précédentes ne s’est produit ici », a-t-il ajouté, attristé. S’il déplore les affrontements mortels, le religieux dit s’en remettre à Dieu afin qu’il donne « le pouvoir pour empêcher d’autres palabres ».
La paix n’est pas une denrée rare à Sikensi. La belle ambiance qui prévaut au marché le prouve. Tout comme le témoigne les allées et venues des passants, les commerces ouverts et les klaxons intempestifs de véhicules de transport en commun. La joie de vivre est là, présente dans les bistrots, les restaurants. Les petits étalages sont même revenus sur les trottoirs. Que dire des écoles dont des pensionnaires se pavanaient, devisant ici et là, à la sortie des classes.
Pour témoigner de la reprise effective du ‘’Vivre ensemble‘’, les populations ont afflué à la place de l’hôtel de ville, QG de la 20è Journée des Nations Unies ce jour-là. La notabilité locale n’a pas traîné les pieds. Elle dont des membres ont été les premiers à se présenter sur les lieux. Conduite par le chef central, Antoine Sassou, elle a procédé à cœur joie à la libation de la cérémonie. Preuve que les propriétaires terriens bénissent l’opportunité de la réconciliation. Sinon, le comité de médiation initié a joué son rôle. Saturnin Tiébré, jeune autochtone, 30 ans révolus, l’atteste : « dans l’ensemble ça va. Nous déplorons tous les tristes évènements de décembre. Maintenant, les deux communautés se fréquentent ». Il s’interroge encore sur ce qui s’est réellement passé pour que Sikensi frôle le pire. « Ce n’était pas aussi politique, il n’y avait pas de problème ethnique ni de conflits fonciers… », cherche-t-il vainement l’origine de l’étincelle qui a mis le feu aux poudres.

Les coupeurs
de route sévissent…

Charles Aka, la cinquantaine, autochtone, est le secrétaire général de la génération Nigbessi. Rencontré aussi sur le lieu de la cérémonie, il confirme qu’ « on vit en fraternité, sans problème » à Sikensi. Il ne jure que par la « médiation qui a réussi son travail ». Elle a sensibilisé les clans opposés selon Aka qui se réjouit, en disant que « les gens ont compris ». Il y a cependant un « mais… » qu’a émis Souleymane Sanogo, président de la jeunesse malinké et chauffeur de taxi. Le conducteur dit redouter les braquages sur les axes routiers.

Les braquages se sont accentués, regrette-t-il non sans rappeler qu’une doléance a été adressée au préfet dans ce sens. « Nous souhaiterions, suggère-t-il, qu’il y ait une base des Frci à Elibu afin qu’elle serve d’appui à la gendarmerie pour la sécurisation de nos routes ».

Selon lui, les taxis-brousse ont presque interrompu leur course vers Gomon et Sahué, deux localités voisines. « Mon petit (filleul, ndlr) qui travaillait à la boulangerie de la ville a même été abattu par des braqueurs sur la route de Gomon », illustre-t-il son inquiétude. Rassurant que les affrontements sont «un acte regrettable qui est arrivé », il « ne pense pas que quelqu’un de normal puisse penser à faire des conflits ». A preuve, lui, a célébré une fête dans un secteur précédemment hostile. « Nous, Malinké, allons dans des quartiers abidji, leurs habitants viennent chez nous. Nous partageons des repas. Pas plus tard que le 14 février, à la fête de la St Valentin, j’étais dans un quartier abidji », démontre Sanogo.

Sikensi, un abri commun

Si les populations fréquentent à nouveau les lieux publics, elles sont engagées à le faire davantage sous un même abri de façon symbolique. C’est que l’Onuci leur a offert un « préau de la réconciliation » dont Koenders et les leaders d’opinion ont posé la première pierre, mercredi. Le futur hangar devra servir d’arbre à palabres, a conseillé l’envoyé de Ban Ki Moon. Mais le pari qui rassure du retour définitif de la paix, c’est la détermination de bannir la politique. Selon le chef autochtone, les politiques n’auront plus droit au chapitre lors des manifestations socio-culturelles. Pas de politique dans les lieux de culte aussi. La décision commune qu’il a annoncée en public lui a valu des acclamations. Toutefois, il engage le gouvernement à tout mettre en œuvre pour sécuriser, dit-il, la zone trop criminogène du pays abidji. La fanfare et les danses folkloriques qui ont presté à ces retrouvailles ont fini par démontrer que l’union sacrée est à nouveau scellée.

Bidi Ignace, envoyé spécial à Sike
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