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Société Publié le mardi 6 mars 2012 | Trait d’Union

La face cachée d’un puisant Royaume : Comment Nanan Boa Kouassi III a influencé la crise ivoirienne

© Trait d’Union Par DR
Campagne du candidat du RDR: Alassane Ouattara à Abengourou
Jeudi 21 octobre 2010. Abengourou. Photo: Dr Alassane Ouattara et Sa Majesté Nanan Boa Kouassi III, Roi de l`Indenié
Dans la ville d’Abengourou ( Est de la Côte d’Ivoire), précisément au cœur du quartier populaire ‘’ Agnikro ‘’, la cour royale rénovée de l’Indénié se dresse fièrement. Des bâtiments Amoakon Dihyé II et Boa Kouassi II à la Cour des cérémonies, en passant par le bureau du Roi, le Musée et le parlement royal, etc., ce palais royal ne manque pas d’intérêt. Nous avons voulu en savoir plus sur l’organisation du royaume du Ndénian qui résiste au temps et cristallise les curiosités. Des sources proches de la cour royale de l’Indénié, il ressort que la création d’Abengourou remonte au milieu du 19ème siècle et est l’œuvre de Nanan Mian Kouadio. Descendant de Attahi Kpangni, Mian Kouadio résidait dans le village d’Adaou, devenu aujourd’hui un quartier situé à l’entrée de l’actuelle commune d’Abengourou en venant d’Abidjan. Malheureusement, dans ce village, des palabres interminables étaient constamment enregistrées. Compte tenu des liens du peuple de l’Indénié avec celui de l’Ashanti (Ghana), la ‘’ Cour suprême ‘’ traditionnelle desdits peuples se tenait à Kumasi au Ghana. Or quand une affaire arrivait à Kumasi, le perdant subissait la peine capitale (peine de mort). A la suite d’un incident qui aurait pu le conduire à la Cour de Kumasi, Mian Kouadio décida de quitter Adaou pour s’installer un peu plus loin près d’une rivière aux eaux limpides. C’est au bord de cette rivière qu’il surnomma ‘’ Benzerèbla ‘’ (traduisez : on n’a pas besoin de supplier une femme pour avoir de l’eau) qu’il fonda son campement qu’il nomma M’Pèkro (je n’aime pas les palabres). Le campement de Mian Kouadio va s’agrandir rapidement avec l’arrivée de tous ceux qui voulaient vivre en paix, loin des conflits interminables. Vers 1894, M’Pèkro (aujourd’hui Abengourou) était déjà un gros village. Mais toujours selon nos sources, le bourg doit son développement au transfert du siège du royaume de l’Indénié depuis l’avènement du roi Amoakon Dihyé II, 12ème roi qui a régné de 1899 à 1910. Au surplus, l’érection de ladite localité en chef-lieu de cercle par l’administration coloniale, a contribué à son essor. Le premier bâtiment de la cour royale d’Abengourou a donc été construit vers 1883 par Amoakon Dihyé II. Le deuxième bâtiment a été réalisé vers 1911 par le Roi Boa Kouassi II. C’est sous le règne de l’actuel Roi Nanan Boa Kouassi III qui a été intronisé en 1997 que la cour royale d’Abengourou va connaitre une grande rénovation. Avant lui, 16 premiers rois se sont succédé. Il s’agit d’Ahi Bayé, Koa Tumassi, So Kablan, Niandaki, Etiembon Sono, Bémoa, Tiémélé Kotobulalé, Ebrokyé, Boa Kouassi I, Amoakon Dihyé I (1889 – 1892), Koassi Dihyé I (1892 – 1899), Boa Kouassi II (1910 – 1942), Koassi Bonzou I (1943 – 1950), Amoakon Dihyé III, Bonzou II (1950 – 1997). Structuration du royaume de l’Indénié De nos investigations, il ressort que c’est à partir de 1929, que l’administration française prit conscience de la nécessité d’associer les chefs traditionnels à l’encadrement des populations. Ainsi, le gouverneur de la colonie de la Côte d’Ivoire créa les chefferies de cantons par arrêté N° 3602 du 10 avril 1934. L’Indénié fut ainsi divisé en 6 gros cantons que sont Niablé, Yakassé-Féyassé, Amélékia, Aniassué, Zaranou et Bettié. Ces cantons étaient et continuent d’être dirigés par des Chefs de canton. Lesquels patriarches sont placés sous l’autorité administrative du préfet et sous l’autorité coutumière du chef supérieur qui est le Roi. En clair, à la tête du royaume se trouve le Roi, puis viennent les chefs de canton et leurs porte-cannes, ensuite interviennent les chefs de village puis les chefs de cour. Le roi est donc l’autorité suprême. Il est aidé dans sa gestion quotidienne par une cour constituée du conseil des notables, du gardien du trône et des autres membres de la cour composée notamment du porte-canne, du parassolier, du chasseur de mouches, du secrétaire et du chef de protocole. La Reine-mère elle, joue un rôle plus discret dans la gestion du royaume. C’est elle en effet qui est chargée en premier lieu de la protection du roi. A cet effet, elle ordonne et contrôle toutes les cérémonies et les rituels de la cour. Elle a également un rôle de conseil auprès du roi qui la consule régulièrement. Parlant singulièrement du roi, il est à signaler qu’il est choisi et intronisé à la suite de longues consultations au sein de la famille royale et de l’assemblée des notables. A cet effet, des critères prenant en compte la généalogie des postulants et leur capacité à exercer les fonctions royales sont privilégiés dans le choix du roi chez les Agni N’Dénian. Ce roi, incarnation du peuple, doit être physiquement sain et intègre. Son pouvoir royal repose sur des supports matériels constitué essentiellement d’attributs royaux (Trônes, sabre, canne, tambour parleur, …) L’Indénié et le respect des ainés Comme tous les Akan, les Agni de l’Indénié sont très protocolaires. A titre d’exemple, les échanges de nouvelles chez les N’dénian, constituent à eux seuls un rituel courtois et passionnant où aucun geste n’est le fait du hasard. Ces protocoles sont liés à la hiérarchisation de la société basée sur le respect de la tradition et surtout des chefs et des aînés. Contrairement aux sociétés à génération (qu’on trouve notamment au sud de la Côte d’Ivoire), chez les Agni, on a toujours affaire à un plus grand ou un plus petit que soi, mais jamais à son égal. Le protocole est plus sensible à l’occasion des grandes manifestations telles que la fête des ignames, les funérailles, les intronisations, etc. Aucune cérémonie ne commence à la cour royale sans la libation qui consiste à invoquer les ancêtres pour demander leur assistance et leur protection. Ce rôle incombe à un des notables du Roi. Lors desdites cérémonies, aucun dignitaire ne devrait être mieux habillé que le roi. Autre élément symbolique qui intervient à la cour royale, le tambour parleur (Kynyanpli). Il ne se fait entendre qu’à des rares occasions solennelles pour, soit appeler le peuple au rassemblement, soit transmettre des messages que seuls les initiés peuvent décoder. Ne peuvent danser au son de ce tambour que les Nobles et les personnes de sang royal. A la cour royale de l’Indénié, les visites sont toujours annoncées par le porte-canne. C’est en s’inclinant en signe de respect que le visiteur salue le roi (on ne lui serre pas la main). Cela fait, ledit visiteur est installé après avoir salué les notables et l’assemblée (de la droite vers la gauche et à haute voix). Pour prendre la parole à la cour royale de l’Indénié, il faut toujours s’adresser au porte-canne. Et cela, en se tenant debout, en se décoiffant (si on porte un chapeau), en se découvrant la poitrine (si on est en pagne), en se déchaussant le pied droit (si on porte dans sandalettes) et en évitant d’agiter la main gauche (signe d’irrespect). Dans l’Indénié, l’arrivée et le départ du roi sont toujours annoncés par le porte-canne. Dès l’annonce, toute l’assistance se tient debout à l’exception des femmes. Le roi ne s’exprime pas en public. C’est toujours le porte canne qui transmet au peuple le message du souverain. En somme, le royaume de l’Indénié, dans une cohabitation harmonieuse avec les structures administratives étatiques, se caractérise par une parfaite structuration sociale axée sur le respect de l’aîné Le royaume et la crise ivoirienne En dépit de l’influence des organismes étatiques, le Roi Nanan Boa Kouassi III l’actuel locataire dudit palais, jouit d’une déférence particulière et exerce une autorité incontestable au sein d’une population cosmopolite qui allie aisément tradition et modernisme. La résolution de la crise que traverse la Côte d’Ivoire depuis 2002, n’aurait pas échappé à l’influence de ce 17ème roi des Agni N’dénian. La parfaite hiérarchisation de la population de l’Indénié qui laisse peu de place aux déviations sociales et qui confère à son roi le statut d’un véritable leader, a eu pour principal avantage de stabiliser la zone durant la crise qui a éclaté en Côte d’Ivoire depuis la nuit du 19 septembre 2002. De fait, avec les vastes plantations de café, de cacao (près de 100.000 t de cacao produites par an) et même d’hévéa qui pullulent dans cette grande région forestière, les conditions d’un conflit foncier au sein d’une population composite (environ 400.000 âmes environ) à forte coloration ‘’ étrangère ‘’, étaient inévitablement créées. Mais la cohésion sociale a su être préservée du fait d’un cadre de dialogue créé par le roi Nanan Boa Kouassi III de l’Indénié. A la moindre incompréhension entre deux entités, un cadre d’échange était aussitôt mis en place par le patriarche dont l’autorité et la déférence auront contribué à la réussite de sa tâche. Mieux, les recommandations gouvernementales dans le cadre de la réconciliation nationale, étaient longuement et régulièrement expliquées aux populations autochtones, allogènes et allochtones à la cour royale de l’Indénié. Prévenant ainsi tout embrasement fratricide. Ce qui ne fut malheureusement pas le cas dans certaines zones forestières du sud du pays où l’amer constat d’affrontements fonciers sanglants et meurtriers, a été fait. Provoquant des exodes de nombreuses populations allogènes et même allochtones dans leur localité d’origine. A en croire des indiscrétions proches de la cour royale de l’Indénié, le roi Nanan Boa Kouassi III aura joué un rôle souterrain primordial dans l’arrondissement des angles des positions aigues des antagonistes au plus fort de la crise ivoirienne. En effet, du fait de la confiance rompue entre les deux camps, des émissaires ont nuitamment et régulièrement été envoyés auprès du roi de l’Indénié, le confinant ainsi dans le rôle de médiateur discret. Un exemple de stabilité Le royaume de l’indénié dans sa configuration actuelle, constitue un exemple de stabilité et de cohésion sociale. Le brassage harmonieux de ses populations issues d’origines diverses, est édifiant. De Bettié à Apprompronou en passant par Zaranou, Aniassué, Niablé Amélékia et Yakassé-Féyassé, les populations mènent leurs activités dans le respect bien compris des autorités administratives et coutumières. C’est à dessein que dès l’éclatement de la guerre, plus de 6 000 réfugiés ont afflué dans la zone. Toute situation qui a invité le gouvernement ivoirien à organiser en 2007 dans cette cité de la paix, la cérémonie officielle de l’anniversaire de la fête de la solidarité. A l’analyse, la fracture sociale qui s’est opérée depuis plusieurs années en Côte d’Ivoire avec son corollaire d’échecs scolaires, de violences sous toutes ses formes, de dépravation des mœurs et autres déviations regrettables, a pour entre autres causes, la disparition du respect de l’ainé, de l’ordre établi, des autorités. Si la Côte d’Ivoire ne peut pas fonctionner comme un royaume, force est de reconnaître que le royaume de l’Indénié offre des repères qui peuvent servir au fondement d’une véritable cohésion sociale. Au moment où la Côte d’Ivoire panse ses plaies à la suite de plusieurs années de belligérance, un retour aux sources ne sera pas une option saugrenue. Le Ghana, le Japon et plusieurs pays orientaux l’ont parfaitement réussi.

Dossier réalisé par Joseph Kissy à Abengourou
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