Depuis le mois de janvier, la Côte d’Ivoire s’est engagée dans la réforme de son principal secteur d’activités: le café-cacao. Face à cette nouvelle donne, le producteur pourra-t-il vendre à meilleur prix son produit ? Que peut apporter cette réforme à l’Etat ivoirien ? Telles sont les principales interrogations.
Avec 41% de l’offre mondiale, la Côte d’Ivoire reste le premier producteur mondial de cacao. L’économie cacaoyère fournit près de 40% des recettes d’exportation et contribue pour 10% à la formation du produit intérieur brut. Au plan social, ce sont environ 600.000 chefs d’exploitations qui font vivre environ 6 millions de personnes des revenus du cacao. L’importance de cette matière première dans l’économie ivoirienne n’est donc plus à démontrer. Ce n’est pas pour rien qu’un dicton ivoirien dit que quand le cacao va, la Côte d’Ivoire se porte bien. C’est la raison pour laquelle tout ce qui touche à cette importante filière préoccupe plus d’un. En 2000, l’Etat s’est engagé dans une politique de libéralisation totale du secteur. Dans ce sens, quatre structures avaient été mises sur pied. Il s’agit notamment de la Bourse café cacao (BCC) ; du Fonds de régulation et de contrôle (FRC) ; de l’autorité de régulation du café cacao (ARCC) et du Fonds de développement et de promotion des activités du café cacao (FDPCC). Ces structures se sont engagées en premier lieu à faire en sorte que les prix du café et du cacao soient relevés et que les planteurs soient associés à toutes les chaînes de décision de fixation des prix. Mais, très vite, les paysans vont déchanter.
Libéralisation marquée par des détournements
Les quatre structures vont devenir budgétivores par l’emploi pléthorique des protégés du régime. Pire, des détournements massifs sont observés. Qui ne se rappelle de l’achat de l’usine de Fulton, une usine non fonctionnelle, à prix d’or, aux Etats-Unis. Ce sont près de 100 milliards FCFA qui ont été sortis des caisses pour l’acquisition de cette unité de production qui ne servira jamais les Ivoiriens. Même si les dirigeants de l’ex-comité de gestion avaient affirmé que ce sont plutôt 25 milliards FCFA qui ont été déboursés, force est d’indiquer que cette opération ténébreuse est restée au travers de la gorge des producteurs. En outre, les différents audits réalisés à la demande des bailleurs de fonds par des cabinets, notamment KPMG et Sec Diarra, ont révélé une gestion plus que calamiteuse. Ainsi, les experts ont constaté, de 2002 à 2008, la disparition de 370 milliards FCFA des caisses des quatre structures. A savoir, le FRC (183 milliards) ; le FDPCC (136 milliards) ; la BCC (43 milliards) et l’ARCC (8 milliards). Ces nombreux scandales et bien d’autres ont eu des effets néfastes sur l’économie ivoirienne. Les planteurs désabusés et appauvris ont organisé de nombreuses grèves et demandé un changement. Réponse du berger à la bergère, la justice se saisit du dossier en 2008 ; ce qui aboutit à l’arrestation des dirigeants de ces structures. Cependant, cette vague d’arrestations inédites n’a pas réussi à redorer le blason de la filière. Et, comme il fallait s’y attendre, les bailleurs de fonds vont demander une refonte de la libéralisation faite dans la précipitation. C’est dans ce contexte que dès son accession au pouvoir, le président de la République, Alassane Ouattara, va s’atteler à faire en sorte qu’une nouvelle réforme soit mise sur pied.
Mise en place du conseil du café cacao
Depuis janvier dernier, cela est devenu une réalité. Les structures ont été dissoutes au profit d’une seule, le Conseil du café cacao. Il est dirigé par Lambert Kouassi Konan, un ancien ministre de l’Agriculture. L’innovation majeure de cette réforme est la sécurisation des revenus des producteurs par la mise en place d’un prix minimum garanti. Désormais, le planteur connaîtra, dès l’ouverture de la campagne, le prix bord champ de son produit. Pour que cela soit une réalité, cette réforme va aller de paire avec l’amélioration de la commercialisation intérieure et extérieure. Ainsi, les magasins généraux dans les différentes régions verront le jour. Ce qui permettra de mettre fin à l’intervention des pisteurs et autres intermédiaires véreux qui achètent les produits du planteur à un prix en deçà de ceux fixés par l’autorité. Autre élément de cette nouvelle donne, c’est le système de vente anticipée à la moyenne. Cette technique vise à écouler, par avance, sur le marché international, la production non encore récoltée de la campagne de l’année suivante. Ce qui va favoriser une stabilisation des prix au profit des producteurs, afin de les protéger contre les fluctuations des cours internationaux. En un mot, la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, veut assumer son poids réel sur le marché, de sorte qu’à défaut de contrôler celui-ci, elle ne le subisse pas. Enfin, comme le Cocoa Bord du Ghana, le Conseil du café-cacao sera le seul interlocuteur dans toute la chaîne. L’objectif étant de renforcer la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources, de développer l’économie cacaoyère et caféière durable à travers la réorganisation de la production et l’amélioration de la productivité. Dans les intentions, cette réforme rassure.
Les attentes des producteurs
Les bailleurs de fonds soutiennent l’Etat dans sa quête visant à atteindre le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (Ppte). Pour l’Etat donc, les objectifs affichés de cette réforme sont clairs. Qu’en est-il de ceux des paysans ? Les producteurs ivoiriens qui continuent de tirer le diable par la queue, du fait de la mévente de leurs produits, souhaitent que leurs efforts soient récompensés. On se rappelle que depuis quelques années, les planteurs du Ghana voient leurs produits rémunérés à bon prix. Le prix auquel Cocoa Board achète le cacao aux paysans ghanéens est largement supérieur à celui pratiqué en Côte d’Ivoire. Conséquence, des planteurs des régions frontalières au Ghana vendent leur produit à celui-ci. La fuite du cacao ivoirien au Ghana a fait perdre d’énormes ressources financières à l’Etat. Au moment où la nouvelle politique de cette filière sera mise en oeuvre, l’ensemble des producteurs souhaite que l’amélioration du prix bord champ puisse devenir une réalité, afin que l’économie ivoirienne puisse profiter de l’embellie des cours. Déjà, les planteurs ont décrié leur mise à l’écart, lors de la mise en place du Conseil du café-cacao. En outre, même si la réforme est à ses débuts, les prix actuels de la petite campagne ne satisfont pas les producteurs. D’où leurs nombreuses appréhensions. Autre aspect sur lequel ne cessent d’insister les planteurs, ce sont les nombreuses taxes et autres impôts qui grèvent leurs revenus. Récemment, des planteurs se sont élevés contre une subvention allouée aux transformateurs qui s’élèvent à 75 frs/ kg sur le Droit unique de sortie (Dus). Ce qui fait près de 30 milliards Fcfa. Pour eux, ce prélèvement doit être annulé. Ces sons discordants montrent, si besoin est, qu’entre les décideurs et les organisations paysannes, le fossé reste grand. Ce qui n’est pas de nature à ramener la paix dans ce secteur important de l’économie ivoirienne. Au surplus, avec la dissolution des structures, les planteurs soulèvent le problème de la sacherie. Par le passé, les producteurs recevaient gratuitement les sachets. Ce qui a contribué à améliorer la qualité des produits. Actuellement livrés à eux-mêmes, les producteurs ne savent que faire pour s’approvisionner en sachets. On le voit, en attendant qu’elle prenne forme, force est d’indiquer que les producteurs espèrent que cette énième réforme sera la bonne et permettra de résoudre leurs difficultés. Leur avenir et celui du pays tout entier en dépendent.
Ahua K.
Avec 41% de l’offre mondiale, la Côte d’Ivoire reste le premier producteur mondial de cacao. L’économie cacaoyère fournit près de 40% des recettes d’exportation et contribue pour 10% à la formation du produit intérieur brut. Au plan social, ce sont environ 600.000 chefs d’exploitations qui font vivre environ 6 millions de personnes des revenus du cacao. L’importance de cette matière première dans l’économie ivoirienne n’est donc plus à démontrer. Ce n’est pas pour rien qu’un dicton ivoirien dit que quand le cacao va, la Côte d’Ivoire se porte bien. C’est la raison pour laquelle tout ce qui touche à cette importante filière préoccupe plus d’un. En 2000, l’Etat s’est engagé dans une politique de libéralisation totale du secteur. Dans ce sens, quatre structures avaient été mises sur pied. Il s’agit notamment de la Bourse café cacao (BCC) ; du Fonds de régulation et de contrôle (FRC) ; de l’autorité de régulation du café cacao (ARCC) et du Fonds de développement et de promotion des activités du café cacao (FDPCC). Ces structures se sont engagées en premier lieu à faire en sorte que les prix du café et du cacao soient relevés et que les planteurs soient associés à toutes les chaînes de décision de fixation des prix. Mais, très vite, les paysans vont déchanter.
Libéralisation marquée par des détournements
Les quatre structures vont devenir budgétivores par l’emploi pléthorique des protégés du régime. Pire, des détournements massifs sont observés. Qui ne se rappelle de l’achat de l’usine de Fulton, une usine non fonctionnelle, à prix d’or, aux Etats-Unis. Ce sont près de 100 milliards FCFA qui ont été sortis des caisses pour l’acquisition de cette unité de production qui ne servira jamais les Ivoiriens. Même si les dirigeants de l’ex-comité de gestion avaient affirmé que ce sont plutôt 25 milliards FCFA qui ont été déboursés, force est d’indiquer que cette opération ténébreuse est restée au travers de la gorge des producteurs. En outre, les différents audits réalisés à la demande des bailleurs de fonds par des cabinets, notamment KPMG et Sec Diarra, ont révélé une gestion plus que calamiteuse. Ainsi, les experts ont constaté, de 2002 à 2008, la disparition de 370 milliards FCFA des caisses des quatre structures. A savoir, le FRC (183 milliards) ; le FDPCC (136 milliards) ; la BCC (43 milliards) et l’ARCC (8 milliards). Ces nombreux scandales et bien d’autres ont eu des effets néfastes sur l’économie ivoirienne. Les planteurs désabusés et appauvris ont organisé de nombreuses grèves et demandé un changement. Réponse du berger à la bergère, la justice se saisit du dossier en 2008 ; ce qui aboutit à l’arrestation des dirigeants de ces structures. Cependant, cette vague d’arrestations inédites n’a pas réussi à redorer le blason de la filière. Et, comme il fallait s’y attendre, les bailleurs de fonds vont demander une refonte de la libéralisation faite dans la précipitation. C’est dans ce contexte que dès son accession au pouvoir, le président de la République, Alassane Ouattara, va s’atteler à faire en sorte qu’une nouvelle réforme soit mise sur pied.
Mise en place du conseil du café cacao
Depuis janvier dernier, cela est devenu une réalité. Les structures ont été dissoutes au profit d’une seule, le Conseil du café cacao. Il est dirigé par Lambert Kouassi Konan, un ancien ministre de l’Agriculture. L’innovation majeure de cette réforme est la sécurisation des revenus des producteurs par la mise en place d’un prix minimum garanti. Désormais, le planteur connaîtra, dès l’ouverture de la campagne, le prix bord champ de son produit. Pour que cela soit une réalité, cette réforme va aller de paire avec l’amélioration de la commercialisation intérieure et extérieure. Ainsi, les magasins généraux dans les différentes régions verront le jour. Ce qui permettra de mettre fin à l’intervention des pisteurs et autres intermédiaires véreux qui achètent les produits du planteur à un prix en deçà de ceux fixés par l’autorité. Autre élément de cette nouvelle donne, c’est le système de vente anticipée à la moyenne. Cette technique vise à écouler, par avance, sur le marché international, la production non encore récoltée de la campagne de l’année suivante. Ce qui va favoriser une stabilisation des prix au profit des producteurs, afin de les protéger contre les fluctuations des cours internationaux. En un mot, la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, veut assumer son poids réel sur le marché, de sorte qu’à défaut de contrôler celui-ci, elle ne le subisse pas. Enfin, comme le Cocoa Bord du Ghana, le Conseil du café-cacao sera le seul interlocuteur dans toute la chaîne. L’objectif étant de renforcer la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources, de développer l’économie cacaoyère et caféière durable à travers la réorganisation de la production et l’amélioration de la productivité. Dans les intentions, cette réforme rassure.
Les attentes des producteurs
Les bailleurs de fonds soutiennent l’Etat dans sa quête visant à atteindre le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (Ppte). Pour l’Etat donc, les objectifs affichés de cette réforme sont clairs. Qu’en est-il de ceux des paysans ? Les producteurs ivoiriens qui continuent de tirer le diable par la queue, du fait de la mévente de leurs produits, souhaitent que leurs efforts soient récompensés. On se rappelle que depuis quelques années, les planteurs du Ghana voient leurs produits rémunérés à bon prix. Le prix auquel Cocoa Board achète le cacao aux paysans ghanéens est largement supérieur à celui pratiqué en Côte d’Ivoire. Conséquence, des planteurs des régions frontalières au Ghana vendent leur produit à celui-ci. La fuite du cacao ivoirien au Ghana a fait perdre d’énormes ressources financières à l’Etat. Au moment où la nouvelle politique de cette filière sera mise en oeuvre, l’ensemble des producteurs souhaite que l’amélioration du prix bord champ puisse devenir une réalité, afin que l’économie ivoirienne puisse profiter de l’embellie des cours. Déjà, les planteurs ont décrié leur mise à l’écart, lors de la mise en place du Conseil du café-cacao. En outre, même si la réforme est à ses débuts, les prix actuels de la petite campagne ne satisfont pas les producteurs. D’où leurs nombreuses appréhensions. Autre aspect sur lequel ne cessent d’insister les planteurs, ce sont les nombreuses taxes et autres impôts qui grèvent leurs revenus. Récemment, des planteurs se sont élevés contre une subvention allouée aux transformateurs qui s’élèvent à 75 frs/ kg sur le Droit unique de sortie (Dus). Ce qui fait près de 30 milliards Fcfa. Pour eux, ce prélèvement doit être annulé. Ces sons discordants montrent, si besoin est, qu’entre les décideurs et les organisations paysannes, le fossé reste grand. Ce qui n’est pas de nature à ramener la paix dans ce secteur important de l’économie ivoirienne. Au surplus, avec la dissolution des structures, les planteurs soulèvent le problème de la sacherie. Par le passé, les producteurs recevaient gratuitement les sachets. Ce qui a contribué à améliorer la qualité des produits. Actuellement livrés à eux-mêmes, les producteurs ne savent que faire pour s’approvisionner en sachets. On le voit, en attendant qu’elle prenne forme, force est d’indiquer que les producteurs espèrent que cette énième réforme sera la bonne et permettra de résoudre leurs difficultés. Leur avenir et celui du pays tout entier en dépendent.
Ahua K.