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Politique Publié le mercredi 9 mai 2012 | Diasporas-News

La remise en cause des frontières

© Diasporas-News Par DR
Les empires coloniaux d`Afrique en 1914
Héritage de l’époque coloniale, les frontières africaines ont été tracées au cordeau sans tenir compte des spécificités historiques. Que de conflits entre deux pays ou au sein même d’un Etat ont jalonné les 50 ans qui ont suivi les indépendances. Et maintenant, avec un développement socioéconomique avorté et de matières premières suscitant de nombreuses convoitises, que nous réserve les 50 prochaines années ?

Nos pères de la Nation doivent être bien retournés dans leur tombe. Constatons que 50 ans seulement après nos indépendances, nombre de frontières des Etats-nation africains sont ébranlées : le principe d’intangibilité des frontières hérité de la colonisation ne résiste pas à l’épreuve du temps. Cette jurisprudence prend sa source en Amérique du Sud au 19ème siècle lorsque les nouveaux Etats ont appliqué un principe du droit international appelé : uti possidetis juris (comme vous avez possédé, vous continuerez à posséder). L’objectif premier fut de réduire les querelles frontalières entre les nouveaux Etats indépendants sud-américains. Ce qui n’a pas empêché le Chili d’étendre par la force ses frontières nord avec la Bolivie et le Pérou pendant la guerre dite du Pacifique (1879 à 1884).

En 1963, la toute jeune OUA, subodorant la bombe à retardement que les puissances coloniales leur ont laissé en héritage, a préféré figer les frontières issues de la conférence de Berlin de 1885. L’histoire retiendra que dans les coulisses, cette décision était le fruit d’une discussion âpre entre de deux camps : les progressistes (Egypte, Maroc, Mali, Guinée, Ghana, Algérie) et les modérés (Ethiopie, Tunisie, Lybie, Libéria, Nigéria, Togo, Sierra-Leone). Tout au long de son existence et jusqu’à son acte de décès signé sur le bord du Syrte en 1999 en Lybie, l’OUA a dû consacrer énormément d’efforts pour rabibocher ou résoudre les conflits frontaliers et à l’intérieur même des frontières.

Conflit inter-étatique : La guerre des sables de 1963

En 1956, au moment de la proclamation de son indépendance, le Maroc s’est senti dépouillé de plusieurs pans de son territoire et en revendiquait en retour la souveraineté. L’empire chérifien a été réduit à une portion congrue face à ses voisins algériens, mauritaniens et sahraouies, une conséquence de la colonisation espagnole et française.

L’Algérie et le Maroc se sont alors disputés les régions de Tindouf et de Hassi-Beïda. Considérée par la France, comme un désert inhabité avec un tracé assez flou des frontières, cette région a eu un regain d’intérêt et été vite préemptée par la puissance coloniale au début des années 1950 à la suite de découvertes de gisements de pétrole. Ce litige, entre l’Algérie et le Maroc, a été le premier cas de médiation porté devant les instances de l’OUA après les échecs successifs d’Habib Bourguiba, Hailé Sélassié et Nasser. Un cessez-le-feu a été finalement signé en octobre 1963 entre les belligérants à Bamako sous l’égide du secrétaire général de l’OUA, l’empereur Hailé Sélassié et l’hôte des négociations, en l’occurrence Modibo Keita.

En 1975, les deux voisins se sont de nouveau entredéchirés au sud du Maroc. Il s’agit du territoire du Sahara détenu par l’Espagne, coincé entre la Mauritanie et le Maroc. Au moment de son retrait, l’ancien colonisateur a promis de partager le Sahraoui entre les deux pays alors qu’avait toujours existé une population qui revendiquait leur indépendance pour créer la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) : le Front Polisario. Pris en sandwich, ce dernier avec le soutien de l’Algérie et la Lybie a contraint la Mauritanie à un cessez-le-feu en 1979. Pour le Maroc, celui-ci n’interviendra qu’en 1991 avec une occupation à 80% du Sahara occidental en sa faveur.

Le Maroc a toujours reproché l’incohérence de l’OUA dans la médiation de ces deux contentieux, très déséquilibrée à ses yeux. Raison pour laquelle le royaume chérifien ne s’est jamais réellement impliqué ni participé pleinement aux diverses instances de l’organisation continentale, préférant s’en remettre aux instances onusiennes.

Les guerres civiles

Il y a une constante dans les pays ravagés par les guerres : ils sont pour la plupart dotés de richesses minières, objets de convoitises des étrangers. Autrefois, l’Afrique était formée d’une myriade de royaumes plus ou moins puissants. L’arrivée des explorateurs et la traite négrière ont transformé progressivement cette société basée sur des clans. Ce bouleversement s’est davantage renforcé lorsqu’au 19ème siècle les différents comptoirs commerciaux établis sur le continent ont été nationalisés par les pays occidentaux. Et depuis, la vocation dédiée à ce continent se résume en un seul point : devenir le grand pourvoyeur de matières premières de la planète. Même la structure organisationnelle d’Etat-nation au moment de l’indépendance dans les années 1960 n’a pas mis fin au pillage du continent ; tout au contraire elle n’a fait que l’amplifier. La République cohabite aujourd’hui avec une certaine forme d’ethnocentrisme ; un cocktail qui a provoqué depuis un demi-siècle des guerres civiles et quelques fois des génocides. Cette faible organisation sociopolitique a permis aux anciennes puissances coloniales et même à de nouveaux prédateurs de mieux contrôler et de continuer à exploiter éhontément nos richesses.

La guerre du Biafra

Le Nigéria est composé de trois régions, créées ex-nihilo en 1960, qui bénéficiaient chacune d’une large autonomie. L’ethnie chrétienne Ibo, minoritaire mais riche a fait sécession. Cette velléité d’indépendance de la République du Biafra déclencha une guerre civile meurtrière qui dura trois ans (1967 à 1970) avec en sous-main le soutien de part et d’autre des puissances étrangères. A la fin des hostilités, les hérauts estimaient que ce conflit avait fait entre 1 à 2 millions de morts.

En RDC, combien de morts depuis 1996 ?

Un pays de plus 60 millions d’habitants, aussi vaste que l’Europe, composé de plus d’une centaine d’ethnies et autant de dialectes, le Zaïre trônait au milieu du continent et fut dirigé en son temps, après quelques soubresauts nationalistes, par le maréchal Mobutu Sese Seko. Cette unité nationale s’est lézardée au moment de la marche de la rébellion menée par Laurent Désiré Kabila avec le soutien des pays voisins tels que le Rwanda. Elle était partie des forêts de l’Est et s’est terminée à Kinshasa. Celle-ci contraignit le dictateur, affaibli par la maladie, à quitter le pouvoir en 1994. Laurent Désiré Kabila, le nouvel homme fort de la RDC pensait pouvoir se débarrasser à bon compte de ses alliés. Mais le Rwanda et l’Ouganda semblent durablement s’incruster et vouloir leur part du gâteau dans les provinces de l’Est c’est-à-dire les richesses du sous-sol congolais. Depuis 1996, cette guerre civile permanente, entretenue par les pays voisins, ont fait au moins 5 millions de victimes.

Les déclarations d’indépendance

Depuis les années 1960, seuls deux pays ont obtenu un bon de sortie de la part de la communauté internationale : l’Erythrée et le Sud Soudan.

Le forcing de l’Erythrée

A l’heure où les rumeurs sur l’état de santé du seul et unique président de la République d’Erythrée Issayas Afeworki sont devenues de plus en plus alarmantes, ce pays a pu en 1991 organiser un référendum d’autodétermination pour avaliser son divorce avec l’Ethiopie après 40 années de cohabitation tumultueuse. Annexée par l’Italie à la veille de la 2ème Guerre Mondiale, elle est passée sous tutelle britannique à la fin du conflit mondial. La tergiversation des américains et des anglais sur le statut dévolu aux pays de la corne de l’Afrique est à l’origine de l’émiettement de la Somalie mais également des tensions permanentes entre l’Ethiopie et l’Erythrée. En 1952, l’Assemblée Générale de l’ONU cautionna la création d’une fédération entre les deux pays. L’empereur Hailé Sélassié a quelque peu trahi l’équilibre et l’autonomie revendiquée de son voisin. Dès lors, l’Erythrée n’a eu de cesse de livrer des combats contre son frère ennemi jusqu’en 1991. Les pourparlers de Washington scellent la séparation des deux frères ennemis car l’Ethiopie affaiblie, reconnaît le droit de l’Erythrée à organiser un référendum. Elle accéda ainsi à l’indépendance en 1993.

La partition du Soudan

Le Sud Soudan est devenu le 193ème pays membre de l’ONU en juillet 2011. Comme pour l’Erythrée, au début des années 1950 les britanniques ont marié la carpe et le lapin : le Nord musulman avec le Sud chrétien et animiste. Khartoum a toujours voulu imposer son idéologie et l’islamisme à son frère du Sud. Les mouvements insurrectionnels qui durent depuis 30 ans sont une réaction à cette volonté hégémonique impulsée par le Nord. La communauté internationale fait payer au président Omar El Béchir les exactions qu’il a cautionné au Darfour. Les occidentaux se sont précipités pour favoriser l’émergence du 193ème Etat en 2011 dans le seul but d’affaiblir Omar El Béchir en voulant le priver des ressources pétrolières, localisées pour les 2/3 dans le sud Soudan. Ce dernier n’a jamais connu la paix depuis la déclaration de son indépendance de l’année dernière. Le foyer de tension se concentre actuellement sur la zone pétrolière d’Heglig. Alors que les négociations d’Addis-Abeba sur la délimitation des frontières sont restées en suspens, sur le terrain on décompte au moins 500 morts en quelques semaines.

Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’Union Africaine ne chômera pas pour les décennies à venir. Mais la médiation doit être assortie d’une force d’interposition. Pour chaque foyer de tension, l’UA fournit un effort considérable pour déployer son contingent : AMISOM en Somalie, MINUAD au Darfour. Les pays membres fournissent ses soldats mais le nerf de la guerre émane de l’Union Européenne ou de l’ONU ; ce qui réduit la portée et l’efficacité de notre organisation.


ENCADRE

Le Sahara

D’une superficie d’environ 11 millions km², cette région traverse le continent de par en par : de la mer Rouge à l’océan Atlantique. Elle s’étend également sur une dizaine de pays : l’Egypte, la Lybie, le Soudan, le Tchad, le Niger, la Mali, la Mauritanie, le Sahara Occidental, le Maroc et l’Algérie.

Sous des dehors inhospitaliers, le désert du Sahara grouille et fourmille. Des routes commerciales pour les caravaniers relient les principaux comptoirs dès le 8ème siècle. La conquête coloniale de la fin du 19ème siècle a bouleversé l’équilibre géopolitique des sultanats sahariens qui contrôlaient le désert. La conquête coloniale a mis fin à la traite d’esclaves noirs, réservoir de main d’œuvre indispensable à la prospérité de l’économie oasienne. La disparition des centaines d’oasis a complètement modifié l’activité de la population ; elle a migré à la lisière du désert formant un peuple semi-nomade vivant de l’élevage pour certains et d’agriculture de subsistance.

Afin de désenclaver cette vaste étendue et évacuer ses richesses, la France ambitionnait même de construire un chemin de fer qui relierait ses possessions : l’Afrique Occidentale Française (AOF) et l’Afrique Equatoriale Française (AEF). Les prospections minières de l’époque, infructueuses, ont obligé la France à remettre son projet aux calendes grecques.
Au lendemain de la 2ème Guerre Mondiale, les velléités d’indépendance algérienne ont conduit la puissance coloniale à penser à la sauvegarde de la partie désertique de l’Algérie. Le regain d’intérêt s’est aussi manifesté par les progrès effectués dans les prospections du sous-sol saharien. Ainsi fut créée l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) en 1957. Elle est composée par l’Algérie, l’AOF et l’AEF ; elle a pour principal objectif de mieux arrimer ses territoires au sein de l’Union Française.

La loi-cadre de 1956 et le référendum de 1958 décideront de la délimitation des frontières des colonies françaises d’Afrique. L’AOF est composée d’une portion de la Mauritanie, la Guinée, la Haute-Volta, le Dahomey, la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal et le Soudan français. Léopold Sédar Senghor souhaitait une AOF-bis alors que Félix Houphouët-Boigny voulait « son » pays. La Fédération du Mali (Sénégal, Mali, Dahomey, Haute-Volta) était vouée à l’échec et ne fit pas long feu.

Au cours de ses différentes tractations, le sort réservé au désert du Sahara et de sa population (maures, touaregs, chaamba, toubous) importait peu. Les touaregs, eux, ont été rattachés administrativement aux nouvelles capitales (Bamako, Niamey) sans avoir voix au chapitre. Ils éprouvaient un certain ressentiment à l’idée d’être désormais dirigés par des hommes qu’ils considéraient comme leurs anciens esclaves. Le Niger a créé un ministère des Affaires Nomades et Sahariennes ; tandis que le Mali de Modibo Keita a vite fait de réprimer les premières insurrections qui revendiquaient une autonomie.
Un problème resté en suspens depuis maintenant 50 ans se rappelle aujourd’hui au bon souvenir de l’ancienne puissance coloniale et des pays africains qui ont refusé à l’époque de voir la réalité en face. Le commerce transsaharien reprend de plus belle comme à la belle époque des caravaniers avec les prises d’otages occidentaux et le trafic de drogue.


Alex ZAKA
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