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Société Publié le vendredi 25 mai 2012 | Le Temps

Tueries massives à l’Ouest Une association dénonce le parti pris de la Cpi

Madame Martine Kéi Vao, présidente de l’Assosiation des ressortissants de Duékoué en France et en Europe (Ardef-E) présente dans cette interview, les atrocités que vivent les populations du Guemon et les actions de son organisation envers elles.

Comment expliquez-vous ce qui arrive aux populations de l’Ouest de la Côte d’Ivoire ?
L’Ouest ivoirien et particulièrement la région Wê, fait partie des greniers de la Côte d’Ivoire au plan agricole. Le Café et le Cacao, les mamelles de l’économie ivoirienne, y sont cultivées et sont source de richesse pour les populations. Les autochtones, très hospitaliers y ont accueilli des allogènes ou étrangers de plus en plus nombreux -venus du Burkina, du Mali, de la Guinée et d’ailleurs, attirés par cet «Eldorado» que beaucoup ont vite fait de transformer en un far West, une terre sans propriétaire.

Les ex-rebelles qui depuis septembre 2002, se réclament de Monsieur Alassane Dramane Ouattara et Guillaume Soro, défaits par l’armée nationale, se sont repliés sur des villes de l’intérieur du pays et font de l’Ouest, un kyste; un champ d’expérimentation de la violence, de pratiques obscènes, délictueuses et discriminatoires. Des médias et Ongs des Droits de l’Homme ont même parlé de «génocide». Ce schéma décrié par des cadres et leaders Wê sur place, a été observé dans des endroits de l’Europe de l’Est et même ailleurs.

La Côte d’Ivoire saura-t-elle éviter à ses enfants le drame de la Bosnie Herzégovine ? Touchons du bois. En dépit des : «Man ou l’Ouest nous appartient», «c’est notre tour de diriger la région maintenant», discours attribué à l’ex ministre rebelle, Sidiki Konaté, candidat à la députation et soi-disant «élu», pendant les législatives de décembre 2011 avec un taux d’abstention record (87%).

La poussée démographique dans la région et les antagonismes observés ces dix dernières années trouvent leur explication, essentiellement dans les objectifs officieux assignés à la rébellion en conflit avec le pouvoir de Gbagbo depuis septembre 2002 et, après la crise électorale de 2010-2011. Le discours des «rebelles» à leur avènement, était fondé sur la victimisation des ivoiriens du Nord et des travailleurs émigrés prétendument victimes d`un complot.

De 2002 à aujourd’hui, tous les observateurs nationaux ou internationaux crédibles, reconnaissent que l’Ouest paye le plus lourd fardeau de la crise ivoirienne. Les causes sont multiples, entre autres :
. Le développement du conflit foncier depuis la colonisation,
. L’invasion par les forces libériennes et les rebelles en septembre 2002-mars 2003
. La guerre au Liberia juin 2003-2004,
. Le pourrissement de la situation sous tutelle onusienne,
. La victoire des forces de Ouattara, promoteur du «rattrapage»


Face à ce drame, quel a été son élan au profit de ces populations ?
Au début de la crise ivoirienne, Cri de Cœur, c’est-à-dire «Ardef-E» a distribué des colis alimentaires, des vêtements et des médicaments aux populations de toutes les régions assiégées de l’Ouest. Un an après, au mois de février 2004, ayant évalué sur le terrain les besoins de première nécessité, nous avons affrété pour l’Hôpital de Duékoué, un container de 40 pieds rempli de matériel médical (lits, matelas, fauteuils roulants, fauteuils roulants pour handicapés, tables d’opération et d’accouchements et autres) de médicaments, vêtements et draps de lits et doté l’hôpital d’une ambulance médicalisée d’une valeur de 15.000 € en 2007.

Dans le but d’apporter une aide plus concrète aux populations rurales sur le plan social, sanitaire, économique, éducatif et culturel, par des actions concertées avec les communautés sur le terrain. Pour leur permettre d’atteindre leurs objectifs respectifs, l’Ardef-E m’avait envoyée faire un état des lieux à Duékoué en août 2010. Pour ce faire, les responsables du Bureau Exécutif, sous l’égide du doyen Robert Tohé, ont mis en commun des moyens financiers afin d’organiser un déjeuner-débat à Duékoué. A cet effet, tous les villages du département, 52 au total, y ont été conviés et 46 ont favorablement répondu à cet appel le 21 août 2010.

Nous avions prévu au départ 3 représentants par village sur la base des 52, mais j’ai été agréablement surprise, tellement notre geste fut apprécié de tous, y compris des allogènes. Au cours de nos échanges, j’ai constaté que les besoins des populations sont nombreux et identiques, comme dans beaucoup de pays après la guerre, mais concernant nos parents, la situation est particulièrement alarmante. Le département de Duékoué dispose pour l’ensemble de ses habitants, d’un hôpital public et de 20 centres de santé.

De retour à Paris, nous avions engagé des démarches auprès des organismes afin de nous procurer du matériel sanitaire, des médicaments et à prendre en charge la logistique. Ce projet nous permettra, après les élections, d’équiper les 20 dispensaires et l’hôpital du département en lits et matelas, scanner, matériel de dialyse, fauteuil dentaire, radios et divers équipements. Malheureusement, ces élections que tous, espérions qu’elles mettraient fin à 8 ans de ni paix, ni guerre, ont tourné au drame… que nous connaissons. Ce matériel est stocké aujourd’hui dans nos différentes caves.

Les Wê sont-ils prêts à faire table rase du passé pour aller à la réconciliation souhaitée par le régime d`Alassane Ouattara ?
La réconciliation - préalable indissociable au retour à la paix - suppose donc que les coupables de tous ces crimes qui ont endeuillé et continuent d’endeuiller la Côte d’Ivoire soient poursuivis, jugés et condamnés. A ce jour, aucun des suspects incriminés pour ce massacre ne semble avoir été désarmé, interrogé ou inquiété. Amnesty International s`en étonne d’ailleurs car Amadé Ouéremi, ressortissant du Burkina Faso a été accusé par l`Onu (rapport du 10 mai 2011) d`être le chef des Dozos qui auraient commis le massacre du quartier Carrefour. Il commande toujours ses Dozos.

Les autres chefs des Frci qui ont pris Duékoué, après la visite de Guillaume Soro qui les a fièrement installés (Losseni Fofana et Eddy Medy (rapport Hrw), ont été promus dans l`Armée et continuent de faire régner la terreur parmi les populations autochtones Wê. L’impunité est le pire gage de l’appropriation et de la conservation du pouvoir par la force. Or la plupart des médias et des responsables tant nationaux qu’internationaux savent que la réconciliation à l’ouest dépend de la réconciliation nationale toute entière. N’oublions jamais qu’«Un peuple qui oublie son histoire se condamne à la revivre de nouveau» disait Churchill.

Votre Association a-t-elle engagé des actions judiciaires ?
Suite à l’appel à témoins de la Cpi en date du 17 juin 2011, nous, ressortissants de Duékoué en France, regroupés au sein de l`association « Ardef-E », nous avions déposé une plainte pour le Génocide du peuple Wê. Ce rapport de 199 pages avec photos et films vidéo tournés par les soldats de l`Onuci a été adressé avec accusé de réception le 23 juin 2011, dont copie jointe. A la surprise générale, le Président Gbagbo a été transféré à la Cpi et inculpé pour crimes contre l`humanité, sans faire allusion à Monsieur Ouattara, Guillaume Soro et ses troupes.

Pourtant, il avait été annoncé par la même Cpi que les victimes qui ont présenté des observations seraient informées de la suite à donner. Aussi, au cas où le Procureur demanderait l`ouverture d`une enquête, ces victimes auraient la possibilité d`y participer.

A ce jour, nous n`avons eu aucune nouvelle de notre dossier. Est-ce à dire que les massacres de l`ouest ivoirien depuis 2002 et surtout les tueries de la période postélectorale à Duékoué, Bangolo, Bloléquin, TaÏ, Toulepleu, Kouibly, Facobly … depuis Janvier 2011 ne seraient pas significatifs, au plan du droit pour être reconnus comme crimes contre l`humanité ? Je l’ignore et je me dis : si le souci de la Cour Pénale Internationale est la recherche de la vérité et la lutte contre l`impunité, alors pourquoi s’acharnerait-elle contre un seul et un seul camp, celui de Laurent Gbagbo? En procédant de cette façon, la Cpi pense-t-elle réellement que la Côte d`Ivoire serait réconciliée et que l`ordre y reviendrait un jour ?

Interview réalisée par
Germain Séhoué
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