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Politique Publié le lundi 25 juin 2012 | Soir Info

Editorial/Cpi : entre la peste et le choléra

© Soir Info
Justice: Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale
Photo: M. Laurent Koudou Gbagbo lors de l’audience de comparution initiale devant la CPI le 5 décembre 2011
L’audience de confirmation des charges, notamment de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, imputés par l'ancien procureur de la Cpi, Luis-Moreno Ocampo à Laurent Gbagbo, ex-chef de l’Etat ivoirien déchu le 11 avril 2011, s’ouvrira au mois d’août 2012, précisément le 13. L’avocat, Me Atilt Emmanuel, réputé grand «pénaliste international», qui connait toute la «mécanique » juridique de la Cpi pour avoir participé à la rédaction de ses textes fondateurs, semble pour le moment, tenir le bon bout. On serait sur un ring, dans le cadre d’un combat de boxe, qu’on aurait dit qu’il mène aux points. D’abord, il a réussi à classer Laurent Gbagbo, cet ex-dirigeant africain, dans la catégorie des «indigents». C'est-à-dire quelqu’un de très pauvre pour lui faire bénéficier d’une assistance financière de la part de la Cpi. La dernière prouesse en date est le report de l’audience de confirmation des charges. Du coup, certains proches de Laurent Gbagbo se mettent à faire des plans sur la comète. Dans le secret de leur pensée, Laurent Gbagbo sera libéré à l’issue de l’audience du 13 août. Certains, les plus euphoriques, vont jusqu’à dire que «Laurent Gbagbo prend le contrôle des choses à la Cpi». Un prisonnier qui prend le «contrôle» de la Cour pénale internationale (Cpi), c’est à y perdre son latin. Pour ces proches de Laurent Gbagbo, la probabilité pour lui de bénéficier d’une liberté conditionnelle, sinon provisoire ne fait l’ombre d’aucun doute… Et quand un journaliste, de la trempe de Francis Kpatindé, ancien porte-parole du Hcr, qui dit avoir rendu visite à son «ami» à La Haye, fait un parallèle entre l’éventualité d’une libération de Laurent Gbagbo et la liberté «éclair» dont avait bénéficié en 2011 Jean-Pierre Bemba Cabongo, allant même affirmer que «la villa» qui va l’accueillir en Ouganda est prête, ça ne peut que susciter délire et extase. En attendant, la Cpi prépare son procès et laisse cuir Gbagbo dans ses geôles… Mais, en fait, Jean-Pierre Bemba a-t-il été libéré, comme l’a laissé croire Francis Kpatindé ? Si oui, dans quelle condition ? En fait de liberté, il n’en fut rien pour Jean-Pierre Bemba qui se trouve toujours incarcéré à La Haye. Au moins 500 personnes ont subi des viols, des meurtres, des pillages quand, entre octobre 2002 et mars 2003, les troupes de Jean-Pierre Bemba ont porté secours au président centrafricain de l’époque, Ange-Félix Patassé, dans les environs de Bangui. Il attend de répondre de ces faits à la prison de la Haye. La terreur de Bukavu avait plutôt bénéficié d’une liberté dite temporaire de la part de la Cpi pour se rendre en Belgique le lundi 10 janvier 2011 en vue d’assister aux obsèques de sa belle-mère. Après avoir assisté à l’office religieux, il a aussitôt regagné sa cellule de la Cpi. Si, un tel cas, nous ne le souhaitons pas, arrive à Laurent Gbagbo (c’est-à-dire s’il venait à perdre un de ses proches), la Cpi, par jurisprudence, se montrera aussi clémente à son endroit comme elle l’a été à l’endroit de Bemba. Mais, cette faveur est loin d’une liberté provisoire ou d’une liberté conditionnelle que les milliers de partisans de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire attendent de la Cpi. En tout état de cause, la Cpi reste avant tout, une émanation du Conseil de sécurité de l’Onu. La Cpi a été créée par l’Onu pour mettre hors d’état de nuire tous les assassins de la démocratie et des droits de l’Homme. Voilà sa mission ! C’est cette instance qui avait donné carte blanche à ses troupes présentes en Côte d’Ivoire, de bombarder la résidence présidentielle de Laurent Gbagbo et de le capturer vivant pour le mettre à la disposition de la Cpi, «pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre, viols etc.». Peut-elle aujourd’hui, objectivement, faire marche-arrière, rendre à Gbagbo sa liberté, se dédire sans avoir au préalable situé les responsabilités ? Personnellement, je n’y crois pas ! Si tel devrait être le cas, pourquoi investir ces centaines de milliers d’Euros, risquer des vies pour le faire tomber ? La Cpi est par son statut, une juridiction politique. Il lui sera difficile, sans avis de l’Onu, de prendre la responsabilité de mettre en liberté Laurent Gbagbo. Une seule raison peut guider la décision des juges de la Cpi. Et elle est de bon sens. De fait, même en liberté, loin de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, selon certains analystes, peut se présenter, pour le pays, comme un danger potentiel, notamment, pour la sécurité et la stabilité de la sous-région où il compte un puissant réseau de combattants y compris des chiens de guerre acquis à sa cause. S’il venait à être mis en liberté, même provisoirement, comme Ange-Félix Pattasé, qui depuis son exil togolais, avait lancé des mercenaires contre le pouvoir de François Bozizé en Centrafrique, Laurent Gbagbo peut, comme le soutiennent certaines langues, réactiver ses réseaux, s’appuyer sur ses cellules dormantes au sein de l’armée, pour tenter de venir, non seulement, déstabiliser le régime Ouattara, mais reconquérir «son fauteuil» duquel la communauté internationale l’a éjecté, comme il aime à le dire à qui veut l’écouter. Par ailleurs, le fait même que Gbagbo soit dehors peut amener ses partisans, sans forcement son avis, à reconstituer les bandes armées, préparer des coups contre le pouvoir en place, à son profit. Le risque est donc grand. Mais, s’il est maintenu dans les liens de la prison à La Haye, toutes les forces résiduelles qui s’activent en ce moment à l’ouest et au Ghana vont certes se montrer un peu plus violentes en haussant le ton à travers des attaques meurtrières, mais finiront par s’émousser et pourquoi pas disparaitre d’elles-mêmes. Quoi qu’il en soit, les juges de la Cpi auront à choisir, entre la peste et le cholera. Mettre Laurent Gbagbo en liberté ou le maintenir en prison ne sera pas sans conséquence, en particulier sur le processus de réconciliation en Côte d’Ivoire. Peut-être, comme Houphouët-Boigny, ils choisiront «l’injustice» au détriment du désordre. Car on peut réparer l’injustice. Mais pas le désordre…

COULIBALY Vamara
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