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Économie Publié le lundi 10 septembre 2012 | Fraternité Matin

Dissolution du Fns : le désarroi des jeunes promoteurs

© Fraternité Matin Par DR
Création d’emplois jeunes : Le DG du FNS et le Représentant du DG de l’Emploi sur les sites de jeunes promoteurs
Jeudi 19 juillet 2012. Abidjan. Le Directeur Général du FNS,  en présence du Représentant du Directeur Général de l’Emploi,  sur des sites de jeunes promoteurs ayant bénéficié de son financement. Ce sont les projets : ESPACE SOINS DE BEAUTE (10 millions F cfa), Centre de Formation  en entreprenueriat 2IAE (10,5 millions F cfa), PRESSING Fanny and Co  (11 millions F cfa) et OPTIC BELVUE (14 millions f cfa).
Route d’Attécoubé. Juste à la sortie de la voie express de Yopougon. Un chantier est en cours de réalisation. Plusieurs bâtiments sont déjà sortis de terre. Deux rangées de grands hangars sont sur le point d’être achevés. Le dallage du sol est en préparation. Ici, c’est l’un des grands projets du Fonds national de solidarité pour la promotion d’emplois jeunes (Fns). Initié en 2007, ce projet dénommé « Cuirs et peaux » regroupe 30 sociétés de 15 personnes chacune. Il a pris un coup d’accélérateur depuis mars dernier. Au grand bonheur des promoteurs. Qui caressent, avec la relance des travaux, le secret espoir de sortir du cercle des chômeurs. Ce mercredi après-midi, le chantier n’est pas très animé, selon Irigalé Eric, président du conseil d’administration du groupement d’intérêt économique (Gie) qui réunit les 30 sociétés des jeunes promoteurs. La mine grise, Irigalé ne cache pas son amertume. « Nous avons appris avec beaucoup de peine la dissolution du Fns, notre seul interlocuteur dans ce projet. C’est le Fns qui y coordonne tout. Qui va coordonner les choses maintenant, étant donné que nous n’avons aucun contrat avec les banques ? Nous sommes inquiets », lâche-t-il.

Irigalé Eric est partagé entre regret, désespoir et crainte de retardement des travaux après le coup d’accélérateur qui a succédé à cinq ans de léthargie dans la mise en œuvre du projet. . «Les équipements qui permettront l’achèvement des travaux de construction du site sont au port. Nous ne savons plus qui va assurer le dédouanement. Toutes les signatures sont au nom du Fns. Nous sommes vraiment abattus », ajoute-t-il.

Les bénéficiaires de « Cuirs et peaux » se sont rendus au siège du Fns pour des renseignements. Là, leur déception a été plus grande de constater que les agents du Fonds qui traitent leurs dossiers ne sont plus là. « D’habitude, révèle Irigalé Eric, nous sommes ici en masse chaque soir pour voir l’évolution des travaux. Maintenant, je suis pratiquement le seul à continuer à venir, parce que je suis le président ».

Le projet « Cuirs et peaux » a démarré avec un test de recrutement en masse de jeunes en 2007. Dans sa conception, il fonctionne sur la base d’un regroupement de 30 sociétés de 15 personnes. Soit 480 embauchées directement. Plus de 1200 autres emplois sont envisagés autour du site, à travers les restaurants, la cordonnerie, la collecte des peaux brutes et le commerce des produits finis. Les travaux ont pris du retard à cause des difficultés rencontrées par certains bénéficiaires pour libeller le capital des sociétés à hauteur de 100 mille francs par personne. Des accords sont trouvés finalement entre ceux qui n’ont pu se mettre à jour et des banques commerciales avec la caution du Fns. Et les travaux ont repris en mars dernier pour s’achever normalement à la mi-septembre 2012.

Un entrepreneur et un équipementier recommandé par le centre technique de cuir de Lyon sont aussitôt sélectionnés. Depuis deux mois, les employés de l’équipementier sont sur place et les choses avancent bien. Tout comme l’acheminement vers Abidjan d’une grande partie des équipements évalués à 366 millions de francs et stockés au port d’Abidjan. Le Fns, l’importateur de ces équipements, est dissous. Plus personne pour signer tous les documents de transit.

« Nous fonctionnons sur la base d’un prêt bancaire qui nous a été accordé. Ce n’est pas gratuit. Il y a des délais à partir desquels il faut commencer le remboursement. Quand cette période va arriver, qu’allons-nous faire, alors que nous ne sommes pas en activité ? », interroge le président du conseil d’administration du Gie « Cuirs et peaux ». Il s’interroge également sur les frais supplémentaires que va engendrer l’allongement du séjour des travailleurs de l’équipementier.

Mme Tahé Véronique est plus que désemparée après avoir appris la nouvelle. Initiatrice d’un projet dans le domaine de la sécurité, elle vient de bénéficier d’un prêt de neuf millions de francs. Seulement voilà. Son dossier est revenu de sa banque pour compléments
d’information avant la phase de décaissement. « Je suis plus que clouée au sol. J’ai mis deux ans pour obtenir ce prêt. Je suis en train de nouer des contrats et j’envisageais d’acheter un véhicule de patrouille avec le premier décaissement. Franchement, la journée de mercredi dernier a été l’une des plus difficiles pour moi », avoue-t-elle.

Ahilé Guillaume de M’Batto est encore sous le choc de la nouvelle. Bénéficiaire de 8,4 millions
de francs dans le cadre de son projet de production et commercialisation des maraîchers, il a déjà obtenu un premier décaissement il y a quatre mois. Ce qui lui a permis de se procurer des semences et autres produits phytosanitaires. Joint par téléphone, il est amer. « Je suis très découragé parce que je ne sais plus à qui m’adresser. J’attends impatiemment le deuxième décaissement pour parachever la préparation des sols. Je dois payer la main-d’œuvre », souligne-t-il. Ahilé Guillaume est formel. Si ce décaissement attendu n’arrive pas à temps, tout son projet tombe à l’eau. Il ne lui sera pas non plus possible de rembourser le premier.

La peine est également grande chez le jeune Marc Drayan qui vient d’introduire sa demande de prêt au Fns. Propriétaire d’une ferme artisanale d’une cinquantaine de têtes de porcs à Bingerville, il s’est inscrit à l’école d’élevage de cette localité, après la vente de ses premières bêtes. Il ambitionne de construire une ferme moderne avec l’assistance du Fns. « J’ai payé mes cours, les frais d’étude de faisabilité. On a réceptionné mes dossiers, il y a seulement dix jours. C’est dur», se lamente-t-il.

A Issia, le projet « Yoco-Riz » a été lancé il y a deux mois. Initialement prévu pour la production du riz sur 60 hectares, il a démarré sur une superficie de dix hectares. Onze personnes sont sur le site en permanence. A terme, il est prévu 4500 emplois saisonniers. Gnahoré Firmin qui dirige le groupement des quatre sociétés réunies ne sait pas avec exactitude ce que la dissolution du Fns va leur coûter. « Je suis actuellement au champ où je participe à la récolte de riz sur les deux premiers hectares arrivés à maturité », déclare-t-il, au téléphone.

Les plus chanceux sont ceux dont les décaissements sont achevés. C’est le cas de Mme Annick Koffi de « Optic Bellevue ». Elle est parmi les premières bénéficiaires. Aujourd’hui, elle est pratiquement en phase terminale de remboursement. « Je ne suis pas vraiment touchée par cette dissolution dans la mesure où je finis l’année prochaine le remboursement du prêt que j’ai obtenu en 2008, grâce au Fonds », dit-elle.

Valery Kouakou est également dans la même situation. « Je suis presque à la fin de mon remboursement. Seulement, j’envisageais de demander un autre prêt pour agrandir mes activités ». Kouakou Valery emploie six personnes dans « Espace Soins de Beauté » qu’il a créé avec les 10 millions de francs du Fns.

Regard : L’unique

La nouvelle de la dissolution du Fns fait des vagues en ce moment. Tant chez les promoteurs de projets que chez les travailleurs de la structure. Voire même chez certaines autorités. En effet, l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants (Addr) qui prend en principe son relais, a un champ d’activités orienté exclusivement vers les ex-combattants. Les attributions de l’Addr telles que définies dans le décret du 8 août 2012 sont claires. « L’Addr est l’unique organe national qui a pour mission d’assurer l’orientation générale, la coordination, la supervision et l’exécution des actions de désarmement, démobilisation, réinsertion, réintégration socio-économique des ex-combattants que la réhabilitation communautaire dans les zones d’accueil des ex-combattants », lit-on dans l’article 2 de ce décret.

Deux divisions composent cette nouvelle entité. La première dite « Division gestion, communication et suivi évaluation » pour l’aspect administrative. Et l’autre dite « Ddr », l’opérationnelle occupera le terrain laissé par l’ensemble des cinq structures en charge du Ddr par le passé. Structures qui avaient deux dénominateurs communs : l’intégration des ex-combats dans le tissu social et leur rattachement au cabinet du Premier ministre.

Le Fns, par contre, depuis sa création en 2004, a été successivement rattaché aux ministères de l’Economie et des Finances, de la Fonction publique et de l’Emploi, de la Promotion des jeunes et du Service civique et était un établissement public à caractère commercial. Il s’est intéressé jusque-là à l’ensemble des jeunes de Côte d’Ivoire. Qu’ils soient ex-combattants ou pas. Ses missions étaient orientées sur la lutte contre le chômage. Et prenaient en compte les aspirations de tout jeune qui s’oriente dans l’entrepreneuriat.

Le Fns et ses attributions

Le Fonds national de solidarité pour la promotion d’emplois jeunes (Fns) est un établissement public à caractère industriel et commercial, institué par le décret n° 2003-487 du 18 décembre 2003 et modifié par le décret n° 2004-365 du 15 juillet 2004.

Il a pour objectif de favoriser, en partenariat avec le système bancaire et financier national et international, l’accès au crédit de jeunes entrepreneurs et entreprises créatrices d’emplois jeunes. Aux termes du décret du 15 juillet 2004, le Fns a pour objet la gestion des ressources de l’Etat, dévolues à la promotion d’emplois jeunes. Il est donc un fonds de garantie.

La finalité de ses actions est de permettre au maximum de jeunes, exclus du système de financement classique, mais porteurs de projets prometteurs et disposant (ou ayant les aptitudes à acquérir) de la capacité de les mener à bien, de disposer d’un système de financement adapté à leurs besoins et à leur profil. La sélection des projets retenus est effectuée sur des critères de qualité pour l’aspect rentabilité auxquels s’ajoute la pertinence économique de l’activité.

Pour l’année 2012, le Fns dispose d’un montant de 2,5 milliards de francs, destinés au financement de projets. « Mais, avait confié son directeur général, M. Dogoh Franck Madou, nous souhaitons diversifier nos sources de financements parce que notre financement dépend de la trésorerie de l’État. Nous voudrions des ressources plus stables et pérennes que celles dont nous disposons actuellement. Nous avons un certain nombre de pistes, mais nous ne souhaitons pas en dire plus, parce que nous sommes en négociation avec les différents services concernés. L’essentiel, pour nous, c’est d’avoir, à l’instar d’autres structures, des ressources plus stables. Mais ces ressources ne viendront pas des bénéficiaires ». Tout cela relève désormais d’un lointain souvenir.

Chômage technique pour les travailleurs

Quatre - vingt deux employés du Fns ont été informés le 5 septembre du chômage technique qui les frappe. Ce courrier stipule : «En application du décret 212-785 du 08 août 2012, portant fin de mission des structures et programmes étatiques de réinsertion, reconstruction et réhabilitation communautaire post-crise et dans l’attente de la mise en place de l’Autorité de désarmement, de la démobilisation et de la réintégration (Addr), le personnel est mis en chômage technique pour la période du 1er au 30 septembre 2012 ». La liste des structures et programmes indique le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (Pnrrc), le Programme du service civique national (Pscn), le Secrétariat national à la réinsertion et à la reconstruction (Snrr), l’Agence nationale de réinsertion et de reconstruction (Anarerec), le Fonds national de solidarité pour la promotion de l’emploi jeunes (Fnspej), le Comité national de coordination des activités de réinsertion et de réhabilitation communautaire en Côte d’Ivoire (Cnca Re-Rc).

L’espoir est permis

Au projet « Cuirs et peaux », les jeunes ne se sentent pas trahis. L’un d’entre eux dit ne pas savoir ce qui a motivé cette décision du gouvernement. « Nous espérons que les autorités lèveront ce blocage ». Pour eux, les bénéficiaires qui ont commencé à être plein d’espoir grâce au Fns comptent tous sur le Chef de l’Etat qui ne cesse de promettre un avenir meilleur aux jeunes ivoiriens ambitieux. « Dans la campagne, le Président de la République a promis l’emploi à tous les jeunes. Nous comptons sur lui pour sortir de cette impasse assez rapidement », lance Irigalé Eric. Il ajoute : « Nous avons cru au projet parce que nous avons été associés à toutes les étapes. Même à un moment donné, tout était bloqué parce que les jeunes n’avaient pas les moyens pour libeller leur participation individuelle. Ensemble avec le Fonds, nous avons contourné ce handicap avec le paiement de cette quote-part par une banque partenaire du Fns », rappelle le Pca du Gie « Cuirs et peaux ».

Doua Gouly
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