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Showbizz Publié le jeudi 25 octobre 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / David Monsoh, Producteur de musiques, tout feu, tout flamme : ‘‘En Côte d’Ivoire, on n’a pas de considération pour la culture,… La RTI est très politisée et il n’y a pas d’évolution depuis les années 60’’

© L’intelligent d’Abidjan Par Atapointe
David Monsoh: producteur d`artistes
David Monsoh est un producteur d’artistes émérite. Qui a enregistré dans sa vie de prestataire, des chantres de la musique africaine tels que Koffi Olomidé et Fally Ipupa.
David Monsoh est un producteur d’artistes émérite. Qui a enregistré dans sa vie de prestataire, des chantres de la musique africaine tels que Koffi Olomidé et Fally Ipupa. Son succès, il le doit à son abnégation au travail et à sa rigueur. Présent à Abidjan dans le cadre de l’enregistrement de l’émission ‘’Castel Live Opéra’’, le ‘’faiseur de stars’’ s’est ouvert à l’Intelligent d’Abidjan. Dans cette interview à bâtons rompus, l’enfant d’Agboville est tout feu, tout flamme et parle à cœur ouvert à votre quotidien préféré. Interview !

Qui est David Monsoh ?

C’est la même question que tous les journalistes me posent. David Monsoh est un Ivoirien, producteur de musiques. Je suis né d`un père Abbey et d`une mère Baoulé. C`est une opportunité extraordinaire qui a pu souvent porter préjudice dans la longue crise que nous avons vécue dans le pays, mais cela m`a aidé à comprendre mieux les réactions, les colères et les frustrations des uns et des autres. Tout en étant exigeant avec soi même, on n`a pas d`autre choix que d`être ouvert, tolérant et compréhensif à l`égard des autres, en refusant de pratiquer l`exclusion, de cultiver la haine, et surtout en sortant de l`idée que l`enfer c`est l`autre, ce sont les autres. Parti très jeune en Europe avec ce métissage ivoiro-ivoirien, je ne pouvais qu`être un grand amoureux de la paix et de la fraternité entre les peuples de mon pays. Par la suite, j’ai poursuivi mes études à Paris grâce à Nayanka Bell, une grande chanteuse ivoirienne qui est ma marraine et j’ai même été son témoin de mariage.

On sent en vous une passion, une envie de révolutionner les choses. Est-ce que vous n’avez pas d’ambitions d’aller plus loin dans votre aventure au-delà de la musique et de la culture?

Je me sens bien dans la culture. Dès qu’on est connu, l’on pense tout de suite à la politique (…) Oui, j ai des amis dans la politique, mais moi je n’en fais pas. Chacun son métier.

A force de dénoncer et de vouloir tout réformer et quand on sent que le politique ne veut pas changer les choses, on finit par faire comme Youssouf Ndour. Dans ce cas, n’est-ce pas qu’il faut aller au charbon ?

Non! Justement, je ne veux pas aller au charbon. Je veux aider le politique dans sa mission, celle de faire de grandes réformes. Non, je ne veux pas être un politique, en tout cas pour l’instant, car je suis assez occupé avec mes productions. Youssou Ndour a fait un choix de faire de la politique, c‘est un choix respectable, sachant qu’il menait une brillante carrière d’artiste.

Pourquoi avez-vous si peur de la politique?

Je n’ai pas peur de la politique. La politique est une alchimie entre une équipe, des idées et un concours de circonstance. Pour l’instant, j’estime que ce moment n’est pas venu, puis j’ai tellement à faire…

Les regrets ou échecs de David Monsoh …

Je n’ai pas de regret. Je suis fier de ce que j’ai accompli jusqu`aujourd’hui. Si c’était à refaire, je le referai. Pour ceux qui connaissent la production, on peut perdre beaucoup d’argent et en gagner également, mais avant tout, je suis un passionné, donc cela ne compte pas.

Au regard de tout ce que vous avez donné à la Côte d’Ivoire, est-ce que vous avez été déjà décoré par l’Etat de Côte d’Ivoire?

Non, je n’ai jamais été décoré. Le jour où cela arrivera, c’est sûr que ça sera une émotion particulière que de se faire décorer dans son pays!

Un artiste comme Alpha Blondy qui a été célébré par Félix Houphouët-Boigny, voyage avec un passeport officiel, mais quand il arrive à l’aéroport, il fait le rang comme tout le monde, sauf s`il est reconnu par des éléments de la sécurité. Quel est votre regard sur ce fait ?
Ce n’est pas normal! Alpha Blondy, Didier Droga, Kader Keita, Gervinho et autres. Tous ces ambassadeurs de la Côte d’Ivoire doivent être bien traités. Ce ne sont pas de quelconques personnages. Ce sont des personnalités. Aujourd’hui, les Chinois connaissent la Côte d’Ivoire à cause de Didier Drogba. En Jamaïque, quand on parle d’Alpha Blondy, on dit tout de suite que c’est un Africain et un Ivoirien. Grâce à eux, il y a des touristes qui viennent en Côte d’Ivoire. Il ne faut pas les négliger. Politiquement, ils ont le droit de crier leur coup de gueule.
A un moment donné, ayons de la hauteur et acceptons les critiques de chacun. Lorsque vous n’êtes pas d’accord avec quelqu’un, vous n’êtes pas des ennemis, vous êtes tout simplement en contradiction d’idées. Nous pouvons être politiquement opposés mais, nous sommes avant tout, des frères. Il faut que nos politiciens nous enseignent cette politique intelligente. On a besoin de cet enseignement. On n’a pas besoin de la politique du ventre. On fait la politique en ayant des idées.

Quel regard posez-vous sur Félix Houphouët-Boigny?

C’est un grand Monsieur qui nous a offert les portes de l’excellence et de la vision. Normalement, tous les Ivoiriens devraient suivre la vision de Félix Houphouët-Boigny qui est notre acquis et on doit pouvoir vivre là-dessus. Nos politiciens doivent jeter un regard sur lui pour pouvoir nous tirer vers le haut. Nous sommes fatigués d’être tirés vers le bas. Nous sommes fatigués d’être tirés vers le bas. Nous sommes fatigués d’être tirés vers le bas. Nous sommes fatigués d’être tirés vers le bas. Il est grand temps qu’ils aient tous de la hauteur et qu’ils nous tirent vers le développement avec de grands projets.

Quel commentaire sur le parcours du président Henri Konan Bédié ?

Il a essayé aussi de faire son mieux. Parce qu’il n’est pas évident de suivre un grand Monsieur comme Félix Houphouët-Boigny. C’était un heritage lourd et grand. Il a fait ce qu’il pouvait.

Que pensez-vous de la transition du Général Guéi Robert?

C’est toujours le ras-le-bol qui amène les gens à se révolter. C’est pour cela que nos politiques doivent écouter le peuple.

Qu’en est-il pour Laurent Gbagbo et la crise postélectorale ?

Grand politicien, il a essayé à sa manière de bien faire lui aussi. Mais cela ne suffit pas dès fois pour régler les crises, les incompréhensions et les frustrations du peuple.

Quel est votre regard sur la gestion du président Alassane Ouattara un an et demi après?

Tout le monde le reconnaît grand gestionnaire et bosseur. Il faut lui laisser le temps de travailler. On fera le bilan après.

Il n’y’a donc pas longtemps l’histoire avec la France?

Oui. J’y ai fait mes études et j’ai intégré SonoDisc, une maison mythique de disques pour tout ce qui était musique afro-caribéenne. Dans le temps, il n’y avait pas de maisons de disques à part Sony, Bmg (etc) qui ne produisaient que la musique européenne et américaine. Il y avait dans les années 1970, un monsieur du nom de Marcel Perse qui a créé cette maison de disques consacrée à la musique black (antillaise et africaine). Il faisait son gros chiffre sur les musiques congolaises (Tabu Ley, Kassav, Jocelyne Beroard, etc). C’est en 1996, grâce à Gadji Céli que j’ai intégré sa maison de disque.

Dans quelles circonstances?

En 1992, Gadji Céli arrête le football après avoir remporté la Coupe d’Afrique des Nations. Il décide de sortir l’album King Solo. Il vient à Paris et reste chez moi alors que j’étais étudiant. On rencontre Manu Lima et Koudou Athanase. Il rentre en studio. Mais, c’est à Abidjan, à Treichville, alors qu’il jouait à l’Asec que nous nous sommes brièvement connus. A la fin de sa brillante carrière de footballeur, il a voulu se lancer dans la musique et m’a sollicité, car il savait que c’était mon truc. En 1994, il sort l’album You Ta Malemi – Affaire de femmes. A cette époque, la musique ivoirienne ne marchait pas trop à Paris. Ni en boîte de nuit ni en radio. Il y avait Africa N°1 et Tropic Fm, une radio antillaise. Les seules musiques ivoiriennes qui se jouaient étaient le reggae dont celles de Alpha Blondy ajoutées à la musique congolaise et le Soukouss. Je vais à Rfi et je rencontre Gilles Obringer, paix à son âme, qui animait ‘‘Canal Tropical’’ devenu plutard ‘‘Couleurs Tropicales’’ avec Claudy Siarr. Gilles Obringer qui aime bien la Côte d’Ivoire et également la chanson King Solo de Gadji Céli trouve que c’est un tube. Il me dit : «Il faut que je te présente à monsieur Marcel Perse pour que cet album soit connu». A cette période, il y a l’avènement de l’afro-zouk avec Monique Seka, Oliver Ngoma dont la musique est jouée sur les radios antillaises. Il décide de me présenter au Pdg de Sonodisc et prend un rendez-vous le lendemain avec Marcel Perse qui n’hésite pas à prendre l’album de Gadji Céli parce qu`il n`avait pas encore de musique ivoirienne dans son catalogue. A ce moment, je rencontre Koffi Olomidé dans le couloir. Celui-ci est étonné de voir un jeune africain dans un bureau où il n’y a que des blancs. Je me présente, j’ai l’âge de son fils, on a échangé et on parlait de famille. Il connaît plutôt Meiway et non Gadji Céli. Marcel Perse me voit échanger avec Koffi Olomidé qui était venu lui faire des histoires et me reçoit avant Koffi. Sans discuter et sans avoir écouté l’album de Gadji Céli - Champion d’Afrique, il accepte de le sortir. Ce qu’il me demande en retour, c’est d’accepter de travailler avec lui et de gérer Koffi Olomidé qui est l’un des gros vendeurs de son catalogue. Il me dit : ‘’Je vous ai vu échanger avec lui, je pense que vous pouvez faire l’affaire. Voilà comment commence mon contact et mes relations d`affaires et collaboration avec Koffi Olomidé, déjà révélé en Côte d`Ivoire et en Afrique. Par hasard.

Après Nayanka Bell qui vous amène en France, arrive Gadji Céli, le temps pour vous de régler ses problèmes, vous rencontrez Gilles Obringer puis Koffi Olomidé. Un coup de chance, un coup du hasard?

C’est un coup du hasard. Je signe l’album de Gadji Céli avec Marcel Perse, nous sortons l’album et il me confie la responsabilité de l’aider à gérer l’album V 12 de Koffi Olomidé qui, dans les remerciements, me cite. Après cette demande, je vais parler humainement et fraternellement à Koffi Olomidé et lui demander d’accepter les conditions que je lui propose pour jouer à l’Olympia. Quand l’album V 12 sort, pour la première fois, j’invite toute la presse africaine à un cocktail de presse. Koffi Olomidé qui n’a jamais vécu cela dans sa carrière est étonné et veut qu’on travaille ensemble. Le lendemain, l’écho est fait dans la presse. Il accepte mes conditions avec à la clé, un spectacle à l’Olympia. Et entre temps M. Henri Debodinat rachète Sonodisc. Je retourne voir Monsieur Debodinat.
Je lui fais savoir que Koffi Olomide étant la plus grosse Star africaine dans toutes les communautés africaines, il faut qu’il joue à l’Olympia. Il me répond : «tu es fou ! L’Olympia coûte très cher. Il ne va jamais le remplir. Si l’entrée est fixée à 40 euros (soit 25.000 FCFA), les Africains ne vont pas payer». Je le rassure, mais il me demande de garantir sur deux ans mon salaire s’il perd son argent. Je signe et Koffi Olomidé est à l’Olympia. C’est le carton, la salle refuse du monde. L’Olympia est une salle mythique d’environ 3000 places. Le coût est si élevé qu’il faut, pour les concerts, fixer l’entrée entre 40 et 50 Euros pour ne pas perdre de l’argent. Quand je retourne le voir, je lui propose en même temps le Zénith. Il trouve mes ambitions démesurées et se désengage. Dans la salle, je demande à Koffi d’annoncer aux Africains le prochain rendez-vous pour le Zénith. On met M. Debodinat devant le fait accompli. Après le Zénith, comme j’aime rêver, je décide de faire le concert à Bercy. Personne n’a voulu me suivre. Car, pour eux, je veux leur faire perdre de l’argent. Je leur montre les statistiques sans perte de l’Olympia et du Zénith. On va à Bercy. C’est la première fois qu’un Africain qui ne passe plus sur les ondes françaises et qui n’a aucune visibilité européenne remplit Bercy. Cela donne des idées à Youssou Ndour qui d’habitude passe sur les chaînes de télévisions françaises. Après, ont suivi d’autres artistes congolais. Cela a réussi à ouvrir des portes, car chez nous, les Ivoiriens, Alpha Blondy et Tiken Jah ont réussi à faire Bercy.

Aujourd’hui, quelle est l’actualité de David Monsoh à Abidjan par exemple? Depuis la crise postélectorale, David Monsoh vient régulièrement à Abidjan, pourquoi?

Avant, je ne venais pas régulièrement parce que je n’avais pas trop d’intérêts. Aujourd’hui, je me suis mis dans un intérêt un peu plus explicite par rapport à la réconciliation. Le pays a été meurtri et il fallait que chacun apporte sa pierre à l’édifice. D’où l’histoire de la production d’une chanson qui est : «D’une seule voix pour la Côte d’Ivoire» dans laquelle je réunis plusieurs artistes africains et ivoiriens pour essayer de faire passer un message. Ce qui me fait mal aujourd’hui, c’est que les gens n’ont pas compris l’importance de la culture. Quand on voit Obama qui est en pleine élection et qui organise une soirée privée demandant à Jay Z et Beyoncé de l’aider dans l’organisation et que l’entrée est fixée à des milliers de dollars pour récolter des fonds pour sa campagne, c’est dire qu’il a compris l’impact de la culture et de la musique dans son pays où des millions de disques sont vendus par les artistes américains. Pour l’instant, ici, en Côte d’Ivoire, les gens s’en foutent de la culture. Les artistes sont juste des accompagnateurs et non des inspirateurs. Ils ne sont pas écoutés. C’est vraiment dommage que pour l’instant, la Côte d’Ivoire ne prenne pas totalement au sérieux l`art et la culture.

Cela est-il un fait particulier à la Côte d’Ivoire?

Au Congo par exemple, la culture est un peu prise au sérieux par ceux-là qu’on appelle les bienfaiteurs. Il y a des autorités qui aiment la musique et qui respectent les artistes congolais. C’est-à-dire qu’une autorité peut décider de donner une voiture à un artiste, ou cent mille, voire deux cent mille dollars. Ce sont des mécènes en quelque sorte. Cela se fait sans doute ici (Côte d’Ivoire) mais pour l’instant, je n’en ai pas vu. Car je vois comment les artistes vivent la galère. Houphouët-Boigny par exemple était un grand mécène. C’est un monsieur qui avait une grande vision et qui avait compris le sens de la culture. Il a compris que la culture et la musique rassemblaient les peuples. Il a réussi ce brassage. Mais de nos jours, l’importance de la culture n’est pas comprise.

Doit-on comprendre que depuis Houphouët, la culture stagne en Côte d’Ivoire ?

Elle stagne énormément. Je ne peux pas aujourd’hui vous donner le nom d’un grand peintre ivoirien. Trouvez-vous cela normal?

Vous ne suivez peut-être pas l’actualité picturale, car il y a eu des événements tels les Grapholies, il y a Bruli Bouabré, Aboudia, aujourd’hui, la Galerie Fakhoury ...

Il n’y a pas eu de suivi et il y a eu un manque de valorisation de ces artistes. La communication doit être plus élargie et doit pouvoir donner la possibilité à ces artistes, de mieux s’exprimer et d’aider à les faire connaître à l’étranger. Mais nous sommes en Afrique et vous savez comment les choses se passent. Aujourd’hui, on parle de la Côte d’Ivoire à cause du football et de la chanson. On ne devrait pas parler de la Côte d’Ivoire sur le plan politique à cause des massacres. Voyez une artiste telle que Dobet Gnahoré qui est une fierté pour la world music pour être la première artiste ivoirienne à avoir eu un Grammy Awards. A-t-elle été célébrée par les siens ? Son Grammy Awards est passé inaperçu. J’ai eu mal au cœur. J’étais à la remise du trophée où je me suis levé pour l’ovationner. Voici donc une grande artiste qui n’est pas valorisée en Côte d’Ivoire parce que nos gens ne connaissent pas la valeur de la culture et ne font pas attention.

Qu’est-ce qu’il en est de votre projet : «Une voix pour la Côte d’Ivoire» ?

Le projet est passé inaperçu. Pendant mon séjour, quand j’ai demandé à la RTI pourquoi «Une voix pour la Côte d’Ivoire» ne passe pas à la télévision, on m’a répondu que c’est vieux. On n’a pas encore commencé la réconciliation et on me dit c`est dépassé. Que les gens arrêtent de s’amuser.
On sort d’une guerre faite de beaucoup de frustrations. De l’argent est dépensé pour une production qui doit rentrer dans les mœurs des Ivoiriens et accompagner la réconciliation, voilà qu’elle est retirée de l’antenne de la RTI parce qu’elle paraîtrait dépassée. C’est vraiment dommage! Les gens nous frustrent tellement qu’à un moment donné, on est obligé de baisser les bras et on n’a plus envie d’aider le pays. J’ai fait venir en Côte d’Ivoire une équipe de cinquante personnes qui ne voulaient pas venir à cause de tout ce qui s’y passe. Mais, ils sont venus avec plus de dix millions d’Euros de matériels pour une émission télé qui, pour la première fois, va exister en Afrique. Quand je vois les émissions de la RTI, on se croirait dans les années 1960. J’amène donc une grande équipe pour venir faire une grande émission de télé pour permettre de découvrir les nouveaux talents d’Afrique et de la Côte d’Ivoire. On finit le programme (5 octobre) qui a coûté des millions d’Euros et on le propose à la RTI. Nous leur disons que normalement le programme doit être vendu mais, gratuitement, nous le leur donnons. Mais, à la RTI, dès qu’un producteur vient les voir avec un bon programme de télé, elle demande que ce soit ce producteur qui paye pour la diffusion. Quand je vois un concept comme Miss Cote d`Ivoire on demande à M. Yapobi de payer la diffusion ! Où avez-vous vu cela ? N’y a-t-il pas à la RTI de directeur commercial et marketing ? En tant que producteur, quand je viens vers la RTI pour proposer une émission télé, c’est elle qui doit me l’acheter et vendre des espaces publicitaires. Alors, il faut une grande réforme de la RTI. Heureusement que j’ai rencontré le nouveau DGA (Ahmadou Bakayoko), un monsieur très intelligent qui a grandi et etudié en France avec une vision à peu près comme la mienne. Il a compris qu’il faut réformer la RTI et encourager les producteurs à produire des émissions. Nul doute qu`avec le DG, Aka Saye Lazare, le PCA et le Conseil d`Administration, les réformes seront menées pour mieux affronter la libéralisation.

Ne pensez-vous pas justement que la fin du monopole avec la libéralisation mettra en difficulté la RTI?

Il est clair qu’avec la libération, si la RTI ne fait pas de réforme, elle va fermer. Parce qu’aujourd’hui, l’Ivoirien lambda qui a vingt à trente mille FCFA par mois, cherche à avoir 5000 FCFA pour payer un abonnement de Canal + et voir les chaînes étrangères. Pour l’instant, la RTI est très politisée et il n’y a pas d’évolution depuis les années 1960. Quand je vois une émission que je devais faire et qu’au dernier moment, elle est annulée parce qu’il n’y avait que deux ou trois caméras, c’est dommage. L’équipe avec laquelle je suis venu, avec un camion et une régie de folie, nous avions près de vingt cinq caméras. J’en ai utilisé à peine dix. J’ai demandé à mes collaborateurs de laisser pour le moment cette régie qui sera gardée chez Areel Production pour que la RTI ou certains producteurs puissent s’en servir à des coûts moindres pour avoir une qualité. Je pense qu’un bon casting a été fait avec Monsieur Ahmadou Bakayoko, le DGA de la RTI, grand ingénieur de technologie ayant fait la Polytechnique qui est venu visiter la régie.

Quand la RTI est sur un grand événement en direct et qu’elle doit retransmettre, elle ne peut pas faire un second et a besoin de plusieurs heures pour installer le matériel, qu`en pensez-vous? …

Ce n’est pas normal! C’est tout de même la Côte d’Ivoire, la plaque tournante de la musique africaine! A ce que je sache, le Gouvernement subventionne la RTI parce que c’est une télévision nationale. Ou la RTI est privatisée, l’Etat ayant une partie ou on la professionnalise. Car où avez-vu qu’un artiste qui se débrouille parce que sans producteur et qui fait un clip doit payer à la RTI, une télé d’Etat, pour la faire passer ? C’est plutôt à la RTI de le payer pour utiliser son clip. C’est du racket et il y a un véritable problème. C’est pareil pour le Burida où il faut une grande réforme parce que ce n’est pas normal que les artistes pleurent et meurent de faim. Ici, à l’hôtel (Pullman), tous les jours, ils viennent me présenter des ordonnances et évoquent leurs problèmes. Pourtant, leurs chansons sont utilisées dans des maquis, les boîtes de nuit, les radios, à la télé, etc. Ces radios normalement paient et chaque Ivoirien lambda qui a de l’électricité ou de l’eau contribue au fonctionnement de la RTI avec la redevance. Ou passent donc toutes ces sommes d’argent ? Qui est-ce qui les garde ? Pourquoi les artistes doivent-ils mourir de faim ? Que le Burida soit dirigé par des gens compétents! Arrêtons l`amateurisme!

Des gens ont peur des dérapages éventuels avec la libéralisation de l’espace audiovisuel qui, tout comme la presse écrite et les radios de proximité, a besoin d`un encadrement. Qu’en pensez-vous?

Cette libéralisation tarde, on dépose les dossiers et il faut attendre. On nous demande une caution de 1 milliard de FCFA. C’est surréaliste. C’est vrai qu’il faut encadrer la libéralisation. C’est aussi comme la presse écrite où il faut une réforme pour sa professionnalisation. Il faut qu’on arrête de laisser exercer des gens qui n’ont pas fait des études et qui ne savent pas ce que c’est que le métier de journaliste pour faire n’importe quoi. Il n’est pas normal de laisser n’importe qui créer un journal et écrire n’importe quoi. Il faut une nouvelle loi à l’Assemblée nationale pour condamner ces journalistes quand ils écrivent sans justification. En les obligeant à payer des amendes comme cela se fait en Europe, ils feront attention à leurs titres qui peuvent déranger des vies de famille et l’opinion.

N’est-ce pas pour cela qu’il est demandé à juste titre un milliard de FCFA pour la création de nouvelles chaînes de télé?

C’est un peu un couteau à double tranchant. Mais, il ne faudrait pas que cela soit fait par rapport à une ou deux personnes qui disposent du milliard et qui ne connaissent pas le métier de la télé. Voyez le cas au Congo où il y a de petites cases de télé, des containers qui servent de plateau de télé. La libéralisation y a été faite mais sans réforme. Nous ne voulons pas pareille situation en Côte d’Ivoire. Il faudrait donc que ce soit des personnes qui sont dans le métier. En Côte d’Ivoire, il faut faire attention et professionnaliser le métier. Car si ce n’est pas le cas, on va retomber dans les mêmes choses que les Congolais.

La libéralisation au Congo n’est pas pour vous un exemple à suivre mais le ministre ivoirien de la Communication, à l`occasion du 19ème sommet de la Francophonie, s’y est rendu pour s’enrichir de l’expérience de la libéralisation et prendre ce qu’il y a de bon…

Si le ministre de la Communication va au Congo, je pense que c’est pour s’inspirer du côté positif que cela a rapporté et non du côté anarchique que j’évoquais tout à l’heure.

Le Congo a donné de grands musiciens, Joseph Kabasele, Tabu Lay Rochereau, le Zaïco Langa Langa, Kanda Bongo Man. On a aujourd’hui Koffi Olomidé avec l’intermédiaire Papa Wemba – Werrason, comment expliquez-vous cette vitalité de la musique congolaise qui dépasse le Cameroun et qui semble être l’une des plus performantes d’Afrique?
Le Congo est une pépite d’or de grands chanteurs et de grands artistes. Il y avait au début un laisser-aller. Pour pouvoir survivre, tous voulaient s’adonner à la chanson et n’avaient pas privilégié les études.

Il y avait beaucoup d’artistes et parmi eux il y a certains qui ont pris ce métier au sérieux et qui ont tenté de le professionnaliser. Voilà pourquoi la musique congolaise est restée depuis ces 30 dernières années, N°1 de la musique africaine parce que les Congolais sont des bosseurs. Quand vous arrivez au domicile d’un Congolais, déjà le matin, il se met à chanter. Quand il veut prendre cela au sérieux, il se met à travailler. Je vous cite l’exemple de Fally Ipupa. C’est pour cette raison que je demande aux Ivoiriens de se comporter comme les Congolais.

Qu’est-ce qui vous a poussé à produire Arafat Dj alors qu’il n’était pas bon chanteur comme vous le dites?

La vision que j’avais pour le concept ‘’Coupé-décalé’’ en le mettant en route, c’est que dans les années 1990, il y avait un mouvement de Rap aux Etats-Unis qui était soutenu par des rappeurs qui n’étaient pas des chanteurs. Ils parlaient. Ils ont eu une carrière. Notamment LL KOOL JAY. En créant ce mouvement de ‘’Coupé-décalé’’ dédié au Dj Arafat, très bon mixer et ses Atalaku qui m’impressionnaient, je me suis rendu un jour dans un des maquis à Yopougon, le mec toastait et j’ai trouvé cela impressionnant. Et il vient me proposer d’écouter une de ses chansons qui rendait hommage à un des amis Dj décédé, un certain ‘’Jonathan’’. J’ai écouté avec beaucoup d’émotions. Je lui ai dit : «Bon tu peux faire carrière». Après cela, il vient à Paris, je le mets en studio et il crée ‘’Ma chérie, faut pas pleurer’’. Je sens en lui du talent mais qu’il va falloir bien exploiter. C’est ce qui a motivé sa production. Arafat Dj n’est pas un chanteur, il fait de l’ambiance. Quand j’ai produit ce deuxième album, il était timide et il ne voulait pas danser. Je lui ai dit : «Ecoutes ! Tu n’es pas un chanteur. En Afrique, on confond chanteur, danseur et ‘’ambiancer’’. Donc, le seul truc que tu peux faire pour trouver un espace dans le milieu de la musique ivoirienne, voire africaine, c’est de danser. Apprendre à danser et créer des pas de danse. A partir de là, les gens vont faire attention à ta musique». Voilà, comment Arafat Dj est devenu un danseur. Il a aussi compris qu’il faut écouter les conseils et se mettre au travail. Je trouve que c’est un jeune qui travaille beaucoup et il a aussi une vision malgré ses frasques. Cela fait partie du métier d’artiste. Par moment, j’essaie de le comprendre. De ma position de producteur d’artistes, je me comporte aussi comme un père ou comme un psychologue qui essaie de comprendre un peu l’environnement de chacun. Chaque fois que je le vois, je lui donne des conseils. Malgré tout, il ne m’a jamais manqué de respect. Il ne m’appelle jamais par mon nom, il m’appelle toujours le Boss. Quand j’apprends des qualificatifs sur son comportement, je suis étonné parce que je ne suis pas encore victime de cela. Peut-être qu’il a compris où est son intérêt.

Le défaut pour les ‘’Coupé-décaleurs’’, c’est que leur musique n’est pas toujours dans le fond suivie de messages. Qu’en pensez-vous ?

A la base, c’est une musique dansante. Mais, aujourd’hui, à écouter Serge Beynaud, il y en a qui sortent du lot. Les artistes du ‘’Coupé-décalé’’ ne font pas trop d’efforts parce qu’ils ne sont pas trop soutenus. Ils font de la musique d’ambiance pour les boîtes de nuit. L’Ivoirien qui y vient, a envie de danser et non écouter des messages. Les artistes de ‘’Coupé-décalé’’ sont livrés à eux-mêmes quand certains artistes américains parlent d’eux. Par exemple, un jour dans le hall d’un hôtel à Miami, aux Etats-Unis, j’écoutais de mon ordinateur une chanson de Arafat Dj quand l’artiste américain, Lill Wayne, qui était de passage, s’arrête et m’interroge : «C’est qui ce mec qui chante?» Je lui explique. Il prend le CD et il l’écoute. Et il me dit : « Il faut que je fasse un tube avec ce type. C’est une star !». Mais ce sont des artistes qui sont difficiles à joindre et je n’ai pas trop suivi cela parce que Arafat Dj est comme un serpent qu’on ne peut pas attraper. Vous savez avec les Américains, quand vous êtes engagé sur un projet et que vous le ratez, c’est toute la profession qui vous grille. C’est-à-dire que Lill Wayne réserve un studio, il attend Arafat Dj et si ce dernier ne vient pas, tous les projets qui émaneront de David Monsoh seront sans suite. Donc, je n’ai pas trop voulu me lancer là-dedans. J’attends toujours que les artistes ivoiriens me montrent leur sérieux pour me laisser les conduire vers ces artistes internationaux.

Vous avez produit Douk Saga, le précurseur du ‘’Coupé-décalé’’. Que pensez-vous de son destin fulgurant?

C’est cela qu’on appelle le destin, une étoile filante. C’est quelqu’un qui vient et qui marque son époque. Douk Saga est parti sur une note positive. Parce qu’aujourd’hui, lorsqu’on parle du ‘’Coupé-décalé’’, on voit tout de suite Douk Saga. C’est pareil quand on parle du Ziglibilty, on parle d’Ernesto Djédjé. Ils ont eu une vie courte. Je pense que Douk Saga était un artiste. Je me rappelle que la première fois, j’ai ‘’galéré’’ pour qu’il vienne en studio. Quand il vient, il n’a pas de voix parce que la veille, il était en boîte. Je lui ai dit qu’il pouvait juste faire des dédicaces et pour la suite, on verra parce que c’est un mouvement qu’il fallait mettre en route. C’était dans les années 2000, il y avait la danse ‘’Mapouka’’ qui avait une réputation dévalorisante pour la musique ivoirienne et pour la Côte d’Ivoire. Le concept avait été perverti et travesti. Sinon, au départ, c’était une belle danse avec le fessier qui était une danse assez élégante.

Alors quand j’ai vu le mouvement du ‘’Coupé-décalé’’ en boîte, j’ai dit : « On met ce concept en route et on l’impose ! ». La musique Zouglou était faite de messages mais ce n’était pas une musique trop dansante en boîte. Le Zouglou a vécu de 1990 à 2000. Mon objectif était de changer la donne après le ‘’Mapouka’’. Aujourd’hui, je suis heureux que Douk Saga ait lancé ce concept de ‘’Coupé-décalé’’.

David Monsoh est un dénicheur de talents. Est-ce qu’on peut dire que le producteur ivoirien est riche aujourd’hui ? Que valez-vous en Euros ou en FCFA ?

Je suis riche de mes relations. Je ne pèse pas beaucoup d’argent. Je vis normalement. J’essaie avec le peu de moyens que j’ai de promouvoir la culture africaine et ivoirienne en priorité. Je suis un passionné incompris. Et j’ai mal au cœur d’être incompris.

Mais pourquoi incompris?
J’ai l’impression d’être incompris, car, j’ai beaucoup d’idées et de projets pour la culture ivoirienne, mais pas en osmose avec les autorités.

Peut-être que vous n’avez pas frappé à la bonne porte?

Oui! Mais, c’est en partie parce que les gens ne font pas attention à la culture. Et quand on ne fait pas attention à la culture, on n’est souvent au courant de rien. Et c’est ce qui est dommage!

On n’est étonné quand même que des portes restent fermées à David Monsoh, une personnalité culturelle de renom?

Dans le domaine de la politique, quand les gens arrivent à un stade, ils sont injoignables. Beaucoup sont aujourd’hui injoignables. Mais, je ne leur en veux pas parce qu’ils sont très occupés. Les autorités ne sont pas sensibilisées aux enjeux de la culture. Je le dis et je le répète, les autorités ne connaissent pas encore la valeur de la culture. Quand elles comprendront que la culture est une valeur ajoutée qui va créer des emplois directs et induits, je pense qu’elles feront plus attention.

Une édition de la soirée des ‘’Kora’’ aura lieu cette année en Côte d’Ivoire. Pensez-vous qu’il y a un enjeu pour la Côte d’Ivoire qui sort de crise ?

Je ne comprends pas l’enjeu des ‘’Kora’’. Je ne sais pas si c’est un concert ou un gala. Si c’est une cérémonie de remise de prix, quels sont les critères ? Quels sont les artistes nominés ? Qui sont ceux qui composent le jury ? Quel est l’intérêt des ‘’Kora Awards’’ ? Que va gagner la Côte d’Ivoire ? Combien de milliards la Côte d’Ivoire va dépenser pour un événement qui n’a plus de valeur? On l’a vu au Burkina Faso l’année passée ! Nous devons chercher à répondre aux questions que je viens de poser.

Selon les autorités ivoiriennes, c’est un instrument de repositionnement de la Côte d’Ivoire après la crise. Faire venir de nombreux artistes africains et américains sur les bords de la Lagune Ebrié. Qu’en pensez-vous ?

En tant que producteur professionnel qui vit à Paris (France) et qui est inscrit à la SPFP, je n’ai reçu aucun courrier m’invitant à une quelconque cérémonie dénommée les ‘’Kora’’. C’est pour cette raison que je m’interroge sur les tenants et les aboutissants de cette soirée des ‘’Kora’’. Même si la Côte d’Ivoire donne une contribution à hauteur de 2 ou 10% de ce budget, qu’est-ce que cela va lui apporter ?

En fin d’année 2011, les autorités ivoiriennes ont initié l’opération ‘’Abidjan la ville lumière’’. Est-ce que vous avez entendu en parler ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Cela a été une belle opération. J’étais à Abidjan à cette période. J’ai été très ému de voir des Ivoiriens se promener et visiter le Plateau d’Abidjan, faire des photos etc.… J’espère que cela va se renouveler cette année.

Est-ce que dans votre parcours, vous avez déjà rencontré des monuments de la musique africaine tels que Manu Dibango et Boncana Maïga qui sont passés par la Côte d’Ivoire?

Plusieurs fois, j’ai rencontré Boncana Maïga qui est un grand monsieur. Il a arrangé la quasi-totalité des albums de Gadji Céli et de Nayanka Bell. J’ai eu l’honneur de rencontrer Manu Dibango. On a eu à organiser des concerts ensemble. Il est aujourd’hui animateur-radio. Manu Dibango garde un bon souvenir de la Côte d’Ivoire. Parce que quand il parle de ce pays, c’est avec beaucoup de fierté. Au plus fort de la crise ivoirienne, il s’interrogeait sur le rôle prépondérant de la Côte d’Ivoire qui était considérée comme la plaque tournante de la musique. Il me dit à tout moment : «Mon fils retourne en Côte d’Ivoire et essaie de refaire de la Côte d’Ivoire la plaque tournante de la musique africaine».

Quels sont vos rapports aujourd’hui avec Gadji Céli, Nayanka Bell et Kofi Olomidé?

J’ai toujours de bons rapports avec Nayanka Bell qui est toujours la maman et la marraine. Elle finit en ce moment la construction de son complexe hôtelier. Elle est très occupée à cela. Dès qu’elle finit, je la reconduis en studio pour faire un album d’anthologie car il est toujours important de faire revenir ces grandes voix de la musique ivoirienne. Je lui prépare quelque chose de merveilleux. Parce que nous n’avons plus ces grandes voix. C’est d’ailleurs ce qui a motivé la venue de l’émission ‘’Castel Live Opéra’’. Nous avons découvert une jeune chanteuse du nom de Josée qui a une superbe voix. Je pense que c’est la relève de la musique ivoirienne. Gadji Céli est en ce moment en studio pour peaufiner son nouvel album. Il en profitera aussi pour faire des tournées européennes parce qu’il est resté dix (10) ans sans jouer son rôle d’artiste. David Monsoh qui est le producteur, tout est bouclé. L’album s’intitule ‘’Point sensible’’. Quand vous écoutez les maquettes, vous avez automatiquement la chair de poule. Gadji travaille toujours avec David Tayorault, Manu Lima et Koudou Athanase.

Quel regard portez-vous sur le sort des artistes ivoiriens après la crise postélectorale ? Gadji Céli par exemple est une personnalité qui a contribué à faire le bonheur de tous et pour une situation politique tout s’écroule…

J’ai mal au cœur parce que Gadji Céli fait partie des premiers footballeurs à donner à la Côte d’Ivoire sa première Coupe d’Afrique des nations. Il mérite d’être célébré au-delà de sa position politique. Il faut comprendre que les artistes sont pris dans un piège. Lorsqu’il y a un gouvernement qui est en place dans un pays donné et que les dirigeants politiques font appel aux artistes que doivent-ils répondre selon vous ? Est-il poli pour les artistes de leur répondre d’aller se faire voir ailleurs d’autant qu’ils vivent dans le pays?

Non, c’est difficile ! A un moment donné, il faut comprendre ces artistes. Je ne demande pas à un artiste de faire de la politique parce qu’il sera nul. Il ne saura pas le faire. Il ne peut que dénoncer à travers ses chansons. Il n’a pas à se positionner politiquement en faveur d’un tel ou un tel. Quand on prend le cas de Alpha Blondy, il défend des causes. Malgré tout, il est incompris. Gadji Céli était dans une situation difficile, il était PCA du Burida (Bureau ivoirien des droits d’auteur). Johnny Halliday a soutenu Nicolas Sarkozy, mais cela ne l’a pas empêché de faire des concerts dans toute la France après la défaite de ce dernier à la présidentielle française de 2012. A un moment donné, il faut évoluer. Il faut que nos hommes politiques aient de la hauteur. Nous sommes tous des Ivoiriens, donc des frères. Lorsque ça chauffe en France, François Hollande est obligé d’appeler Nicolas Sarkozy. Dernièrement, il y a eu des militaires français qui sont décédés, le président François Hollande a fait recours à tous les anciens présidents français et tous les anciens Premiers ministres pour leur demander la conduite à tenir. Et ils assistent tous à leurs enterrements. Mais pourquoi les autorités ivoiriennes qui ont grandi à l’extérieur, n’essaient pas de se mettre à ce niveau. C’est quand c’est chaud qu’on a besoin de la France. Nous devons épouser le modèle français dans ce cas.

Le ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie s’est étonné que des politiques qui ont provoqué la crise vivent encore à Abidjan. Des dirigeants du FPI sont présents en Côte d’Ivoire. Certains exilés ont commencé à rentrer au pays. Pourquoi pas les artistes. Est-ce que certains artistes ne se mettent pas eux-mêmes en exil ?

Non ! Ce ne sont pas les artistes eux-mêmes qui se mettent en exil. Quand on suit de près, la maison de Gadji Céli a été pillée et c’est regrettable ! Il est une illustre personnalité de la Côte d’Ivoire. Des individus agressent ou pillent chez lui et pris de peur, il part au Ghana d’où il m’appelle pour m’informer de sa volonté de venir en France. Pendant ce temps, il n’a pas d’argent et il est démis de ses fonctions de PCA du Burida. De quoi va-t-il vivre ? Arrivé en France, on profite de son album pour faire des tournées européennes. Il faut qu’il se refasse une santé financière. Il faut lever l’équivoque et tout clarifier. Il y a beaucoup de rumeurs faisant état de ce que Gadji Céli a détourné de l’argent au Burida. Il y a un audit qui a été fait. Par la suite, le ministre de la Culture et de la Francophonie a lui-même dit que Gadji Céli n’est pas coupable. C’est ce qui fait peur à ces artistes qui sont en dehors.
Mais il faut une grande réforme du Burida pour que les artistes soient à l’aise financièrement. En France, Jack Lang, ministre de la Culture du président François Mitterrand a créé la fête de la musique et mis en place une réforme de la SACEM. Aujourd’hui, un artiste comme A’Salfo de Magic System qui a créé la chanson ‘’1er Gaou’’ ne peut plus être pauvre. Parce que tous les mois, il touchera de l’argent avec cette chanson. Je ne parle pas des autres titres ! Jusqu’aujourd’hui, cela est presqu’entré dans le patrimoine de la musique francophone. A’Salfo aura de l’argent jusqu’à plusieurs générations.

Le Burida a décidé de récolter en plusieurs endroits des droits d’auteurs. Est-ce que les boîtes de nuit en France paient plus les droits d’auteur qu`en Côte d`Ivoire? Que pensez-vous de la redevance musique dans les véhicules en Côte d’Ivoire ?

Les responsables des boîtes de nuit en Europe dressent la liste des titres qui ont été joués et ils paient au prorata numérique. Cela lui est reversé ainsi que pour les éditeurs. Voilà l’une des grandes réformes pour le Burida. En France, on ne nous demande pas de payer parce qu’on écoute la musique dans les véhicules. Les radios communautaires doivent payer des droits d’auteurs. Aussi, tout Ivoirien qui possède une télé doit payer une redevance. Pour ne pas que les individus se débinent, il est prélevé une redevance sur les factures de téléphone et l’électricité. La question est : comment est reparti toutes ces recettes!

Pensez-vous que le Burida ne joue pas suffisamment son rôle?

Les agents ne savent pas comment se font les répartitions. Ils ne savent pas à quels problèmes ils sont confrontés. Le Burida n’emploie pas des professionnels qui sont formés à ces différentes tâches. Il faut des stages de formation sur les répartitions pour les agents. Il faut une grande réforme du Burida. Aujourd’hui, le pays redémarre et il faut des professionnels pour accompagner le développement.

David Monsoh est présent en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’émission ‘’Castel Live Opera’’. Comment est né ce projet?

Castel est le nom du propriétaire du Groupe qui produit l’émission comme on dira ‘’David Monsoh’’. Monsieur Castel a 80 ans aujourd’hui et a célébré son anniversaire il ya peu (Ndlr : samedi 6 octobre 2012). Voulant rendre service, il a décidé de créer une émission, car il aime la musique pour aider des jeunes talents parce qu’il a été milliardaire à cause de l’Afrique. La production ‘’Castel Live Opera’’ est une manière pour lui de dire merci à l’Afrique. En disant ‘’Castel Live Opera’’, c’est comme si l’on disait ‘’David Monsoh Live Opera’’. C’est en Afrique qu’il il y a une assimilation entre le nom Castel et la bière, mais en France ce n’est pas le cas. Cette émission passe sur TV5 Monde et plusieurs chaînes de télé à travers le monde, c’est une belle initiative pour la découverte de nouveaux talents.

Plusieurs pays africains avaient voulu s’adjuger la tenue chez eux de la première édition. Comment avez-vous pu convaincre les organisateurs pour le choix de la Côte d’Ivoire?

Aux yeux de la communauté internationale et aussi aux yeux des Ivoiriens vivant en Europe, nous (Ivoiriens) qui vivons là-bas mais qui travaillons en Afrique, nous attirions les investisseurs étrangers vers la destination Côte d’Ivoire. Il faut leur montrer que tout va plus ou moins pour le mieux. Donc, il fallait se battre et insister. En ma qualité de membre du jury et vu que j’avais un poids, j’ai fait peu de chantage. Je leur ai dit qu’il faut que cela se passe en Côte d’Ivoire et j’ai menacé de quitter le jury si ce n’était pas le cas et n’étant pas jury, l’émission allait perdre de sa crédibilité. Raison pour laquelle, ils m’ont écouté.

Le défi a-t-il été relevé ou avez-vous ressenti une déception?
Il n’y a pas eu de déception. C’était une belle expérience. C’est un défi qu’on a relevé. Aujourd’hui, je suis fier parce qu’une bonne partie de ce matériel restera en Côte d’Ivoire pendant quelques mois. Afin que certains producteurs puissent profiter de ce matériel haut de gamme pour produire de belles émissions et donner de la qualité aux Ivoiriens. J’ai gagné mon défi parce que ce matériel coûte environ dix millions d’Euros, soit soixante cinq milliards de FCFA. J’ai convaincu les organisateurs qui ont décidé de laisser le matériel en Côte d’Ivoire. Par exemple pour Miss Côte d’Ivoire et Miss CEDEAO, je suis en train de me battre pour que ce soit eux qui viennent filmer pour donner une certaine qualité à la RTI.

Est-ce que ‘’Castel Live Opera’’ est une émission similaire à celle de ’’Africa Star de Claudy Siar’’?

‘’Africa Star’’ était une émission sponsorisée par Castel. Mais, ce n’est pas pareil. Pour cette émission, il n’y a eu que huit (8) pays africains. C’est une grande émission, et c’est un vrai programme de télé.

Que faut-il pour perpétuer cette émission ?

Il faut des annonceurs. Mais s’ils ne suivent pas le projet, ce sera difficile. On ne va pas nous-mêmes organiser cette émission, dépenser des millions et ne pas avoir de retour. Le public qui regarde cette émission a le droit de payer pour voir une émission de qualité. S’il y a des annonceurs, le fait que le public les voit, c’est important pour nous.

Pour la finale de l’émission, qu’est-ce qui a fait la différence entre Dilène de Madagascar et Marie-Josée de Côte d’Ivoire?
C’était la prestance de Dilène qui était constante depuis le 1er Prime. Marie-Josée qui a une superbe voix avait peur de se mouvoir pour mettre en évidence cette belle voix. Du coup, elle était un peu perturbée. Et comme ce sont des choses qui se fondent sur des notes, il fallait juger sur le moment. Dilène a pris le dessus à quelques points d’écart. Marie-Josée est une grande voix qui fait partie de la nouvelle crème des chanteuses ivoiriennes. Si la production le permet, je lui donnerai volontiers un coup de main.

Votre mot de fin en ce qui concerne la politique en Côte d’Ivoire…
On peut être en contraction d’idées, mais pas des ennemis, mais plutôt des frères. Il faut l’enseigner à la population. Je suis sûr qu`avec cela, on saura se pardonner, se réconcilier et qu’on vivra mieux et en paix en Côte d’Ivoire.

Réalisée par Charles Kouassi, Koné Seydou et Patrick Kro
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