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Politique Publié le samedi 27 octobre 2012 | Ivoire-Presse

Opinion: Lettre ouverte à son Excellence Alassane Ouattara, Président de la République de Côte-d`Ivoire

© Ivoire-Presse Par DR
Autoroute Abidjan-Bassam : le Président Alassane Ouattara done le coup d`envoi des travaux
Vendredi 3 août 2012. Grand-Bassam. Lancement des travaux de l`autoroute Abidjan-Bassam par le Président Alassane Ouattara en présence de plusieurs personnalités dont l`Ambassadeur de Chine en Côte d’Ivoire, SEM Zhang Guoqing
Excellence, je vous écris cette lettre pour plusieurs raisons que j'expose ci-dessous. Elles sont bien fondées et je souhaite qu'elles ne soient pas ignorées. Les meilleurs conseillers ne sont pas souvent ceux qui en la fonction officielle. Vous êtes économiste, mais, sans doute, le goût de l'aventure politique vous aura permis de connaître celui qui fut l'auteur du plus parfait livre de psychologie politique, Nicolas Machiavel. Lorsqu'il écrivit « Le Prince », il donnait de très précieux conseils sans en avoir la fonction officielle. Bref !

Ado solutions

Excellence, objectivement, tout le monde sait que les conditions dans lesquelles vous êtes arrivé au pouvoir ne vous aurait point facilité la tâche. Malgré cela, vous vous débattez tant bien que mal pour vous en sortir. Et il est très encourageant que l'on ne vous ait jamais entendu faire allusion à ce contexte pourtant défavorable. Le souhait le plus ardent de ceux qui aiment ce pays, est de vous voir réussir. Mais il faut aussi reconnaître qu'ils sont nombreux, ceux qui prient pour que chaque jour vous apporte échecs et faillites. Ils ont leurs raisons, mais disons tout court qu'ils adorent un dieu qui n'est ni amour ni celui de la république, c'est pourquoi ils sont incapables de pardonner et d'oublier ; voilà qui est un autre problème qui n'entre pas dans l'objet de cette lettre.

Excellence, beaucoup d'Ivoiriens vous ont soutenu et rêvé de vous voir à la magistrature suprême de ce pays. Non seulement parce qu'ils attendaient un changement radical, mais surtout pour voir se réaliser concrètement ce que cela comporte d'avoir un Président de votre nature. Cet aspect de l'adhésion à votre candidature et à votre personnalité n'a point exigé que tous fussent des inscrits du R.D.R votre parti. Il était encore moins nécessaire qu'ils provinssent de la même extraction sociale et géographique que vous. Mais une seule chose a prévalu sur tout : l'amour pour la Côte-d'Ivoire, notre cher pays. Peu importe l'origine du serviteur, pourvu qu'il soit compétent, intègre et qu'il veuille servir la Côte-d'Ivoire. N'était-ce là la subsistance de la politique du père fondateur de ce pays, feu Félix Houphouët-Boigny ?

Attention aux faits et cultures confligènes

Excellence, le succès de toute option politique se mesure à la longévité de la culture qu'elle engendre et de l'adhésion populaire à cette culture. Les faits injustes peuvent se réparer par d'autres faits plus justes et réparateurs. Si les faits annulent les faits, c'est une culture qui annule une autre culture. C'est pourquoi ce qui compte vraiment dans le gouvernement de la chose publique et surtout des hommes, c'est de s'efforcer d'éviter de pérenniser des faits qui ne produisent que conflits et règlements de compte.

Excellence, cela, feu Houphouët-Boigny l'avait bien compris, et c'est pourquoi il affirmait toujours qu'il préférait l'injustice au désordre. La première est réparable, le second l'est difficilement.

Excellence, pendant la campagne pour l'élection présidentielle, vous disiez souvent : « Donnez-moi seulement cinq ans ! » Déjà au bout d'un an, vous avez ouvert plusieurs grands chantiers. Ceux qui ont cru en vous peuvent déjà s'enorgueillir. Mais entre-temps vous avez parlé de « rattrapage ». Veillez à ne point en faire une culture qui pourrait décourager ceux qui croient en vous. Si vous ne le faites pas, une autre culture « réparatrice » pourrait sortir du maquis pour déboulonner la vôtre. Car c'est toujours et seulement du maquis que sort une culture alternative pour chasser une devenue impopulaire.

Excellence, si cette alternance n'est pas bénéfique au pays et à la nation, la responsabilité sera aussi vôtre. Vous aurez suscité un engrenage déstabilisateur. Notre pays est à un carrefour délicat et votre responsabilité est très grande. Aucun pays ayant connu la même situation ne s'en est sorti de sitôt. Et l'Afrique est couverte d'exemples illustratifs, du nord au sud du continent.

Il n'y a pas que les pro..la priorité c'est l'autorité de l'État.

Excellence, d'entrée, vous avez judicieusement institué une commission autonome qui s'occupe de la réconciliation. Ce qui vous laisse totalement libre de travailler à la réalisation de votre programme de gouvernement, et surtout à la reconstruction du pays. Car il est vrai que tout est important, mais il faut savoir établir des priorités. Contre vents et marées, qu'on le veuille ou pas, en Côte-d'Ivoire, il n'y a pas que les pro Gbagbo et les pro Ouattara. Il y a aussi des millions d'êtres humains, ivoiriens et non qui ne doivent pas regretter d'être nés sur cette terre. Et comme Président de la République, vous avez aussi la charge du destin de ceux-là.

Excellence, votre prédécesseur, le Président L. Gbagbo, affirma une fois, au sortir d'un sommet africain sur la Côte-d'Ivoire, sur un ton pathétique, que « l'autorité de l'État n'était plus perçue sur la totalité du territoire national ». C'était écoeurant, mais c'était l'aveu objectif d'une impuissance déplorable. Excellence, vous avez la responsabilité de rétablir l'autorité de l'État.
Vous n'êtes pas Houphouët, construisez votre légitimité et un État fort.

Excellence, vous savez, l'histoire est en marche et vous n'avez point besoin d'avoir la même légitimité que le père fondateur que fut feu Houphouët. Construisez-vous la vôtre, et qu'elle soit le « génie invisible » grâce auquel vos compatriotes vous suivent volontairement et soient libres et heureux d'adhérer à votre politique. Et qu'en retour, vous soyez libre et heureux de leur consacrer votre vie.

Excellence, cela exige qu'en dehors du charme que vous vous serez construit chemin faisant, que l'État soit un État de droit, c'est-à-dire un État fort. Un État dont les raisons ne sont subordonnées à rien. Cela le Président Houphouët l'avait fort bien compris. Car, de toute façon, juridiquement, seul l'État a le monopole de la force..matérielle aussi s'entend.
Autrement, comment un État faible éviterait-il le risque d'anarchie que beaucoup choisissent comme refuge, au nom de la liberté et de l'État de droit ? Ce même risque qui pèse aujourd'hui lourdement sur notre pays ! Mais attention ! Excellence, un État de droit qui ne soit pas vous.
Vous êtes en position, osez et réformez.

Oui, Excellence cela n'est point impossible. Vous aviez au programme, d'importantes réformes institutionnelles. Que les circonstances et les ennemis du pays ne vous empêchent pas de les réaliser. Vous aviez projeté, en cas de victoire, l'instauration d'un régime parlementaire ou semi-présidentiel. L'épreuve ne sera point facile. Car en réalité et dans leur for intérieur, tous les autres leaders politiques ivoiriens sont abonnés au pouvoir personnel et n'accepteraient pas de réformes qui leur en imposent un partage. Mais soyez courageux, pour l'instant que vous êtes en position de force, osez davantage. L'histoire vous en sera reconnaissante.

L'exercice du pouvoir qui corrompt la culture civique et la République.

Excellence, c'est comment le pouvoir exécutif est exercé qui façonne la culture civique de masse. Toute une vie de pouvoir personnel a corrompu la République ; et les Ivoiriens sont plus attachés à leurs leaders qu'à la République. Voulez-vous quelques exemples ? En voici :

Lorsqu'on n'adhère pas à la politique du détenteur du pouvoir, on est automatiquement considéré comme sorti de la République.

- Lorsqu'on est mécontent et qu'on le manifeste, on détruit le patrimoine de l'État alors qu'on a un respect quasi sacré des portraits et symboles du Chef.

- Lorsqu'on a la garantie de l'amitié et de l'alliance avec le pouvoir, on est considéré comme au-dessus de la loi de la République. On prend pour soi, les avantages, les ressources et les privilèges du patrimoine de l'État.

- Lorsqu'une région reçoit un investissement, au lieu de renforcer son attachement à l'État, c'est le Chef de l'État qu'elle encense, bref. Et tout le monde s'atèle à cultiver ce rapport.
Excellence, c'est ainsi que la culture civique se corrompe, que la république se meurt, et que le vivre ensemble se désagrège.

Fixez bien vos boulons.

Excellence, je pourrais continuer à énumérer tout ce qui pourrait constituer les écrous que vous avez besoin de visser pour fixer stablement vos boulons. Mais il faudrait un espace comme celui d'un livre. Je souhaite que le peu, dit dans ces lignes, contribue à vous convaincre qu'en ce moment historique de notre pays, vous êtes la personne juste ; par conséquent, vous n'aurez point d'atténuante, si ceux qui ont juré par votre nom jusqu'ici, n'auraient plus en 2015, le courage de vous défendre encore. Et cela voudra dire qu'en réalité vous n'aurez rien fait pour être indéboulonnable.

Christian Félix Tapé
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