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Art et Culture Publié le mardi 6 novembre 2012 | Nord-Sud

Alpha Blondy  : “Je n’ai pas été compris”

© Nord-Sud Par Emma
Caravane de la réconciliation : Alpha Blondy reçu par le premier ministre Guillaume Soro
Jeudi 11 Août 2011. Abidjan. Primature, au Plateau. Le premier ministre Guillaume Soro accorde une audience a la star internationale de la musique reggae, Alpha Blondy, dans le cadre des préparatifs de la "Caravane de la réconciliation" qui sillonnera les principales villes du pays
Pendant deux semaines, près de 200 artistes ont sillonné six villes de la Côte d’Ivoire pour prôner la réconciliation et la paix. Consciente de son influence sur les politiques et les populations, la méga-star du reggae ivoirien, Alpha Blondy, donne dans cet entretien accordé à la presse présente à Abengourou, jeudi dernier, les raisons de son appel à la libération de prisonniers pro-Gbagbo.

Quelles sont vos impressions sur la caravane de sensibilisation, de réconciliation et de la paix ?

La caravane a démarré avec du retard. C’est un projet lourd à mettre en mar­che. Il a fallu qu’à un moment donné on décide de la démarrer. Parce ce que si on voulait tout ajuster et réajuster, elle n’aurait jamais débuté. Au début, il y a eu des hésitations. Mais, nous avons eu le temps de faire des corrections. L’essentiel était que cette caravane puisse se faire. Je ne suis pas triste.

Pensez-vous que cette caravane est de trop ?

Non. Vu l’acuité du problème qui nous a amenés à cela, elle n’est pas de trop. Parce que le traumatisme des dix ans de crise se voit, se sent. Il suffit juste de parler avec les gens, de regarder autour de nous. Cette épidémie de mendicité. Les policiers, les gendarmes, les militaires, les populations font de la mendicité. Avant, on parlait de racket. Mais, ce seuil est dépassé. Depuis la mort d’Houphouet-Boigny, on dirait que la Côte d’Ivoire s’est figée. A chaque fois qu’on allait sortir la tête de l’eau, il y a eu quelque chose qui a tout fait échouer. Et d’espoir en espoir de tout recoller, on est arrivés à cette crise violente. Quelque part, il fallait un choc thérapeutique pour sensibiliser les gens de la gravité de ce qu’on a vécu et de la nécessité de ressouder les morceaux afin de conjuguer ce vivre ensemble indispensable, voire obligatoire.

Quel bilan faites-vous de cette tournée ?

J’ai beaucoup aimé la réaction du public. A San Pedro, on a eu des lacunes parce qu’il n’y a pas eu de publicité. La communication faisait défaut. Mais, Fabrice Sawegnon et son équipe (Ndlr : Voodoo communication), ont rectifié le tir. Ça s’est ressenti à Gagnoa. Les gens sont sortis. On a senti que les gens étaient crispés au début. Mais ils étaient con­tents d’être là. Il y a des sujets qui lorsqu’on les abordait, ils applaudissaient à retardement. Il y a ce traumatisme qui est palpable. Parce que les Ivoiriens ont peut-être la grande gueule, mais ne sont pas un peuple méchant. Encore moins un peuple de tueurs.

A qui revient la paternité de cette caravane ?

En vérité, c’est une initiative que j’ai proposée au président Alassane Ouattara. Je lui ai expliqué le bien-fondé de ce que nous les artistes on pouvait faire. Il a souscrit à cette démarche. Mais, il avait déjà parlé au petit frère Tiken Jah, à Magic System, à Meiway. Il m’a même demandé de faire la paix avec mon frère Tiken. A la sortie de cette rencontre, ça nous a permis, Tiken et moi, de comprendre que le pays avait besoin que nous donnions l’exemple. Parce que nos petites querelles étaient insignifiantes par rapport à l’enjeu que représentait la population ivoirienne. Et qu’on pouvait mettre de côté notre vanité pour mener à bien cette mission. On a commencé par faire la chanson ‘’Réconciliation’’. Ensuite j’ai eu Meiway, A’Salfo, Waïper Saberty, Monique Séka, Ismaël Isaac… On a fait cette chanson ensemble. J’ai associé Mediacom, gérée par Michel avec qui je tourne à travers le monde. C’est donc Mediacom, Canta production (structure de Tiken Jah Fakoly) et Voodoo communication qui ont rendu cette caravane faisable au plan technique et logistique.

Pourquoi n’avez-vous pas chanté ensemble la chanson ‘’Réconciliation’’ ?

Il y a eu du retard quant au temps de démarrage de la caravane. Nous avons fait la chanson, tout était prêt. On a attendu qu’on nous donne le ok pour la lancer sur les antennes télés et les radios. On devait faire des CD pour les radios plus les DVD du clip de la chanson que nous devrions distribuer tout le long de notre passage. Nous avons fait des copies pour la Cdvr. Il y a 67 ethnies présentes sur le DVD. Il y a la version chantée, la version ‘’wôyô’’ et une autre où dans chaque langue, on lançait le message de paix et de réconciliation. Quand la caravane a démarré, rien de ce que nous voulions n’était prêt. On a dit que pour éteindre le feu dans la maison, on n’a pas besoin d’eau filtrée. C’est pourquoi, il y a eu de petits travers. Je voudrais que les Ivoiriens prennent cons­cience de l’impétuosité d’une réconciliation vraie. C’est-à-dire de ne pas faire semblant. Ensemble nous devons rebâtir cette Côte d’Ivoire, nous devons la réparer. Et comme le temps passe très vite, depuis la mort d’Houphouet-Boigny, j’ai fait ce triste constat. Tout ce qui est debout, c’est ce que Houphouet et son équipe ont réalisé. Tout ce qui fume, qui brûle, qui est cassé, c’est ce que les héritiers ont fait. L’erreur est humaine, c’est persévérer qui est diabolique.

La Cdvr était associée à la caravane. Pourquoi n’était-elle pas présente ?

Je n’ai rien à dire. Peut-être qu’il y a eu un empêchement. Les responsables de la Cdvr répondront à cette question. Je ne connais pas les raisons.

Croyez-vous à une réconciliation vraie sans l’implication des politiciens ?

Non. Et, tous les artistes ont interpellé les politiciens. On nous demande de faire une caravane de réconciliation, mais nous ne sommes pas des clowns à venir nous donner en spectacle et dire au revoir. C’est pourquoi j’ai lancé le message dans lequel je demande au président Ouattara de poser un acte symbolique. J’ai dit pour apaiser les cœurs, pour permettre à tous les Ivoiriens d’adhérer à cette caravane et souscrire à l’effort de paix, que lui en tant que premier juge, il libère les pro-Gbagbo non coupables de crime de sang. D’autres n’ont pas compris crime de sang. Je veux dire qui n’ont pas tué. Cela n’empêche pas que la justice suive son cours. Et quand cela est fait, je me sens fort pour demander aux pro-Gbagbo d’arrêter les attaques. Que les politiques utilisent l’arme des forts, le dialogue pour trouver des solutions politiques, à ce problème politique. J’ai demandé cet acte fort pour désarmer les esprits, pour apaiser les cœurs. Ce n’est pas une entrave à la justice. J’ai dit au Rhdp (Ndlr : Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), qu’Houphouet-Boigny disait qu’il préfère l’injustice au désordre. Je leur demande de s’inspirer d’Houphouet-Boigny pour poser cet acte.

N’est-ce pas un appel à l’impunité ?

C’est vrai qu’il y a des impunités, mais si une légère injustice peut permettre d’avancer dans le sens positif et limiter les larmes et le sang versé, qu’on le fasse. En 2002, on disait, les assaillants arrivaient, en 2003, c’était pareil. En 2012 encore, on parle d’assaillants. Ce n’est pas la République des assaillants. Il faudrait qu’on trouve les solutions. Ce n’est pas le Rhdp ou Lmp qui sont sur le banc des accusés, c’est nous tous. Qu’est-ce que nous pouvons faire pour sortir de la politique des assaillants assaillis et des assaillis assaillants ?

La caravane a pris fin samedi à Abidjan. Qu’est-ce qui va suivre ?

L’action sera du côté des politiques. Nous ne sommes pas des politiques. Ni Tiken Jah, ni Meiway, ni Alpha Blondy ne sont des politiciens. Je suis un chanteur engagé. C’est aux politiciens et à eux seuls de trouver des compromis. Nous avons fait notre part. Nous avons essayé d’atténuer le traumatisme des populations parce que ce sont ces populations qui ont fait de nous ce que nous sommes. Nous aussi, nous prions pour que les politiciens nous emboîtent le pas de façon honnête et sincère. Je ne veux pas dire des choses juste pour faire plaisir. Les blessures sont profondes. En commençant maintenant, dans 90 ans ça va aller. Nous les artistes avons fait ce que nous avons pu. On a demandé pardon.

Croyez-vous que c’est assez ?

A 60 ans, je suis un père de famille, un grand-père de famille. Il y a beaucoup parmi les politiciens qui ne sont pas plus âgés que moi. Je peux leur dire des vérités. Si je viens pour demander pardon, il faut que je le fasse en ayant des arguments vrais et solides. Que celui qui est en face de moi sache que je suis sincère. Je ne peux pas induire Alassane Ouattara en erreur en lui disant que tout va bien. Ce n’est pas vrai. Je lui demande de faire un pas et je demande aux pro-Gbagbo d’arrêter les attaques. S’ils arrêtent les attaques, nous pouvons, derrière le rideau, mener d’autres négociations avec les Lmp. En dioula, il y a un proverbe qui dit : celui qui tue le serpent a peur du serpent. Devant la gravité de ce que nous avons vécu, tout le monde a eu peur. Nous qui allons vers le pouvoir et l’opposition avons aussi peur d’être incompris. Le peu que j’ai vu me permet de dire avec véracité et sincérité que les Ivoiriens n’ont qu’un seul choix : recoller les morceaux, se réconcilier. Ce que nous avons vécu est grave mais ce n’est pas le pire.

824 millions. N’est-ce pas cher pour une caravane de la réconciliation ?

Il était même jugé insuffisant. C’est pourquoi il y a eu beaucoup de travers. Par moment, il n’y a pas eu de chambres pour certains. Je n’ai pas les chiffres, mais le budget initial qui avait été proposé a été revu à la baisse.

Vous avez fait cette tournée avec un Solar system relooké. Pourquoi ?

Quand on fait les tournées, les musiciens sont payés à 250 euros. Avec les charges, cela fait 500 euros soit 300.000 FCFA. Mais à chaque fois qu’on doit venir en Côte d’Ivoire, ils ont tendance à faire une augmentation. D’habitude j’acceptais. Mais cette fois, ce qui m’a énervé, c’est qu’ils ont demandé 600 euros (360.000 F) par personne et par concert. Avec les charges, cela fait 1.200 euros (720.000 F). Ils ont commencé ce chantage et m’ont parlé de la dangerosité du pays. Pendant longtemps, Michel, mon manager a discuté avec eux. Et à un certain moment, on ne se parlait plus que par avocats interposés. C’est pratiquement à une semaine de la caravane qu’on a commencé à appeler les nouveaux musiciens. Et Dieu merci, ils sont hyper talentueux. On leur a donné des CD et ils ont répété à la maison. Ma choriste a fait les voix à ma place parce que j’étais en studio à Abidjan en train de faire le mixage de mon album. Trois jours avant qu’on ne démarre, ils (Ndlr : musiciens du Solar System) ont appelé Michel pour lui dire qu’ils acceptaient les conditions. Je leur ai dit non. Parce que rien ne me prouve qu’ils allaient venir à Abidjan.

Allez-vous garder les nouveaux musiciens ?

Oui je les garde.

A quand le prochain album d’Alpha Blondy ?

Il sort en 2013. Il comportera 14 titres ou même 15. Il sera intitulé ‘’Mystic Power’’.



Interview réalisée par Sanou A
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