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Politique Publié le mercredi 5 décembre 2012 | AFP

Obéir ou pas, le dilemme du soldat posé au procès Mahé

© AFP Par DR
L`ancien adjudant-chef Guy Raugel (à g.) arrive à la cour d`assises de Paris en compagnie de son avocat, le 27 novembre 2012.
PARIS - Un soldat n`est pas censé réfléchir, mais il doit pourtant désobéir à un ordre illégal. La contradiction a été soulignée mercredi au procès des quatre militaires français accusés du meurtre en 2005 d`un présumé criminel ivoirien.

"A l`armée, on dit que réfléchir, pour un subordonné, c`est commencer à désobéir", a rappelé Geneviève Fassin, experte psychologue, qui a rendu compte à la cour d`assises de Paris de ses conclusions concernant trois des accusés, l`adjudant-chef Guy Raugel, le brigadier-chef Johannes Schnier et le brigadier Lianrifou Ben Youssouf.

Elle a insisté sur Guy Raugel, qui a reconnu avoir, sur ordre, étouffé avec un sac plastique Firmin Mahé, considéré par les militaires français comme un "coupeur de route" qui terrorisait les populations dans la région qu`ils étaient chargés de surveiller.

La victime, blessée par balle, se trouvait alors dans un blindé de la force française Licorne, déployée en soutien de l`ONU en Côte d`Ivoire.
Le colonel Eric Burgaud, jugé aux côtés de ses trois anciens subordonnés, a reconnu avoir transmis l`ordre que Mahé n`arrive pas vivant à destination. Il affirme avoir tenu cet ordre implicite --"Roulez doucement... vous m`avez compris"-- du général Henri Poncet, alors commandant de Licorne, qui a nié et bénéficié d`un non-lieu.

Guy Raugel assume son acte, même s`il est "en conflit avec sa conscience", a relevé Mme Fassin. Mais il ressent aussi un "sentiment de trahison" à l`égard des chefs qui "l`ont abandonné", lui et "les deux hommes qu`il a entraînés dans cette affaire".

Pour lui, a ajouté la psychologue, l`armée fonctionne "sur une relation de confiance", sur "une obéissance absolue au chef, sinon ça ne marche pas. Le chef ordonne, on exécute".
C`est tout ce fonctionnement qui est remis en question, a-t-elle jugé, estimant par ailleurs que ce serait "un non-sens" de le renvoyer en prison, tant "il s`est déjà condamné lui-même". Il avait fait 6 mois de détention provisoire en 2005-2006, le brigadier-chef Schnier 5 mois.

"pas une expérience de laboratoire"

Au cours des débats, il a été répété que Johannes Schnier, qui maintenait la victime, et Lianrifou Ben Youssouf, qui conduisait le véhicule, n`avaient d`autre choix que de s`exécuter, ayant eux aussi une confiance absolue dans leur chef. Eux-mêmes se sont dit "formatés pour obéir".

L`avocate générale a de son côté évoqué une étude sur la "soumission à l`autorité" menée après la Seconde Guerre mondiale par le psychologue américain Stanley Milgram. Si les deux tiers des sujets étudiés allaient au bout d`un ordre, même aberrant, un tiers s`arrêtait.
"On peut dire non à un ordre", en a conclu la représentante de l`accusation.

Au fil du procès, entamé le 27 novembre, des gradés ont souligné qu`"un militaire a le devoir de refuser un ordre qu`il juge illégal". Et "s`il a un doute, il doit l`exécuter et ensuite en référer aux supérieurs", a ajouté l`un d`eux.

"Il y a le règlement qui interdit d`exécuter un ordre illégal, il y a la loi, l`éthique...", a confirmé le général Jean-Louis Sublet, un ancien supérieur du colonel Burgaud. Cela étant, si l`ordre est illégal, "il faut être en mesure d`en juger", a-t-il relevé.

Les accusés, ainsi que d`autres militaires venus témoigner en leur faveur, ont estimé qu`il était aisé de raisonner dans le confort d`un bureau, et nettement moins facile de le faire sur le terrain, alors qu`ils étaient confrontés quotidiennement aux exactions des "coupeurs de route".

"Ce qu`ils vivaient en Côte d`Ivoire, ce n`était pas une expérience de laboratoire...", a résumé la psychologue.

Le réquisitoire est prévu jeudi, le verdict attendu vendredi.
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