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Société Publié le samedi 8 décembre 2012 | LG Infos

Universités publiques de Côte d’Ivoire : 3 mois après la rentrée, la galère des étudiants se poursuit

Université Félix Houphouët Boigny. Lundi 3 septembre 2012. Il est 10 h 30 mn. Dans une ambiance de fête, le chef de l’Etat est présent, pour remettre les clefs des universités publiques. Un geste symbolique qui marque «Le départ nouveau» dans les universités publiques. Dommage ! Nous ne pouvons avoir accès au lieu de la cérémonie à cause du dispositif sécuritaire. Mais l’enthousiasme des étudiants et des curieux est perceptible. Heureux qu’ils sont de voir à nouveau les universités ouvertes après plus de 17 mois de fermeture. «Nous allons enfin reprendre les cours. Je ne sais pas encore comment cela va se passer mais je suis déjà heureuse». Soutient Rosalie, jeune étudiante en 2e année de lettre moderne. Elle poursuit pour dire «5 universités en Côte d’Ivoire, c’est génial. L’Etat pourra désormais absorber tous les bacheliers». Pour insuffler une dynamique nouvelle à l’école, suite au Conseil des ministres du mercredi 8 août 2012, les autorités décident de rebaptiser les universités publiques. Ainsi, l’université d’Abidjan-Cocody s’appelle désormais «Université Félix Houphouët Boigny». Celle «d’Abobo-Adjamé» porte le nom de Nangui Abrogoua. L’université de Bouaké se nomme «Université Alassane Ouattara». Celles de Daloa et de Korhogo portent respectivement les noms de Jean Lorougnon Guédé et Péléforo Gbon Coulibaly. 3 mois après la réouverture des amphithéâtres, la rentrée est encore tâtonnante. De nombreux étudiants sont toujours à la maison. Rosalie que nous avions rencontrée lors de la rentrée officielle a perdue tout optimisme. «Jusque-là, on n’a commencé aucun cours. Tous les jours, je me rends à l’école pour prendre des nouvelles. Nous n’avons même pas les emplois du temps. Et personne ne nous renseigne. C’est seulement lundi 3 novembre que les résultats de 2009-2010 sont tombés», explique-t-elle, la voix nouée le mercredi 5 novembre, au téléphone. En réalité, de nombreuses unités de formations et de recherches (Ufr) n’ont pas repris les cours. Pourtant, que ne fut la souffrance des étudiants avant l’acquisition du billet d’inscription ? La première, c’est l’annonce de la hausse des frais d’inscription. Après concertation, les présidents des universités annoncent que désormais, les nouveaux bacheliers devront débourser 100.000 Fcfa, ceux de la maitrise 200.000 Fcfa et les doctorants 300.000 Fcfa pour s’inscrire. La grogne et les récriminations font reculer le gouvernement qui concède un rabattement de 70%. Mais se réserve le droit de revenir aux propositions des présidents des universités l’année universitaire prochaine. Au lieu de payer 6000 Fcfa (c’est le montant que les nouveaux bacheliers ont toujours payé à l’inscription), les étudiants en licence, master et doctorat payent respectivement 30.000 Fcfa, 60.000 Fcfa et 90.000 Fcfa. La seconde difficulté, c’est l’intégration de ceux-ci dans les fichiers des différentes universités. Les démarches sont toutes aussi surprenantes que confuses. Les inscriptions en ligne qui nécessitent l’identification sur Internet puis l’identification physique est un parcours du combattant. Pendant plusieurs jours, le Cires est envahi avant que les étudiants ne soient sommés de rejoindre leurs différentes universités pour la poursuite de l’opération. Ce sont plus de 6.000 d’entre eux qui sont restés sur le carreau pour diverses raisons. «Pour l’heure, à Cocody, sur 13 Unités de formations et de recherches (Ufr), il n’y a que 5 qui ont véritablement débuté les cours». S’indigne Marc Olivier, en 1ère année de criminologie. Avant d’assener : «les étudiants en Histoire, en Géographie, en Musique, en Philosophie en Sociologie… attendent toujours leur date de début des cours». A l’université Lorougnon Guédé de Daloa, le constat est tout aussi triste. Sur les 3 facultés annoncées, seule celle des Sciences de la nature est opérationnelle. La faculté des Sciences juridiques et celle des Sciences économiques restent désespérément fermées.
Manque de matériels didactiques
«C’est avec beaucoup d’entrain et d’espoir que nous avons pris part à une conférence animée par Ly Ramata Bakayoko, le 15 octobre dernier. Nous sommes venus l’écouter. Ce jour-là, elle s’est largement prononcée sur le système Lmd dans l’Enseignement supérieur à compter de la rentrée académique 2012-2013. Elle a démontré que dans son application, le système Lmd exige une plus grande implication de l’apprenant dans sa formation à travers une recherche documentaire permanente et une bonne pratique de l’outil informatique. Malheureusement, jusqu’à ce jour, aucune bibliothèque (virtuelle ou physique) n’est fonctionnelle». Dixit Jean Frédérique, en 2e année de philosophie, à l’université Félix Houphouët Boigny. Il ne croyait pas si bien dire. Pour ce qui est de l’acquisition de l’outil informatique par les étudiants, un équipement de salles informatiques avait été annoncé, de même qu’un ensemble de mesures d’accompagnement pour des acquisitions personnelles de micro-ordinateurs.
Aujourd’hui, cela reste encore un vœu pieux tant à l’université Félix Houphouët Boigny qu’à l’université Nangui Abrogoua. Au dire de certains étudiants, le système Lmd ne comporterait aucune différence avec celui des Unités des valeurs (Uv) puisque, disent-ils, ce sont les mêmes manières de donner et de recevoir les cours. «Dans nos universités, on ne ressent véritablement pas la mise en œuvre du nouveau système que par le changement de langage et les affiches d`information collées sur les murs. Des regroupements ont été effectués. Du Deug1 à la licence, on parle respectivement de la licence 1, 2 et 3. Puis pour ceux de la maitrise et du Dea, on précise master 1 et 2. Et enfin vient le doctorat qui demeure le doctorat». Précise Jean Frédérique, encore perturbé par ce changement. Le Pr Essané Séraphin, recteur de l’université Hampaté Ba, avait, lors de la rentrée académique de son établissement, planté le décor. «Les enseignants n’ont pas été suffisamment préparés pour accueillir le système Lmd. Dès lors, chacun l`applique comme il le conçoit». Sans commentaire. Si les temples du savoir de la capitale économique sont sous équipés, inutile de dire que ceux de l’intérieur du pays le seront encore moins. La preuve, les universités de Daloa, Bouaké et Korhogo, souffrent d’un manque criant de matériels didactiques. Difficile, apprend-on, d’y réaliser des travaux dirigés (Td). Leurs administrations après la crise post-électorale ont encore du mal à retrouver leurs marques. A Cocody et à Abobo-Adjamé par exemple, les administrations ont dû suspendre jusqu’à nouvel ordre, l’établissement des relevés de notes et des diplômes. Parce qu’incapables de ressortir les notes des étudiants pour le règlement des contentieux.
Résidences, restaurants, bourses… aux oubliettes
Plus de 20.000 étudiants végètent encore à Abidjan. A part le campus de Cocody, aucune autre résidence universitaire n’est encore disponible. Si elles ne sont pas occupées par des éléments des Frci, elles servent de chambre de passe ou sont en réhabilitation. C’est le cas des résidences universitaires de la Riviera 2, en plein travaux de réhabilitation. Les restaurants universitaires ? N’en parlez plus ! «Les petits commerces qui pouvaient les remplacer en attendant leurs réhabilitations ont été détruits. Pour avoir un sachet d’eau à boire quand vous êtes à l’université Félix Houphouët Boigny, rendez-vous dans les environs du Chu. Surtout, ne pas avoir un besoin biologique. Vous risquez d’être humilié car le «départ nouveau» n’y a pas prévu de toilettes». S’offusque Koné S., étudiant en 2e année d’Anglais. La bourse, cette nébuleuse, reste l’un des combats majeurs des étudiants. On enregistre jusque-là, des arriérés de bourses et d’aides financières datant des années 2008-2009 et 2009-2010. En attendant que les listes de 2010-2011 et 2011-2012 soient effectives. Le flou entretenu sur ce chapitre crée au sein de la communauté d’estudiantine un sentiment de frustration. En effet, les arriérés des bourses des étudiants de Bouaké auraient été réglés contrairement à ceux d’Abidjan qui s’expliquent difficilement les raisons du retard de leur «Koidjo». Le drame, c’est que malgré ces difficultés, il se susurre que le ministre Cissé Bacongo, en charge de l’enseignement technique s’apprêterait à imposer par an à chacun des étudiants une assurance à hauteur de 48000 Fcfa.
Présence de police universitaire, absence de professeurs
L’une des anomalies du «départ nouveau», c’est la volonté des autorités de construire un commissariat dans le campus. Selon des sources proches du dossier, cette police sera dirigée par Souleymane Dago, un ex-commandant Frci de la commune de Koumassi. Elle aurait pour principal objectif de «dompter» les étudiants. Une attention particulière y est accordée comme cela relève d’une priorité. Pourtant dans les universités de l’intérieur comme dans celles du district d’Abidjan, le constat est le même. Il n’y a pas de professeurs pour dispenser les cours. Pour palier ce déficit, l’Etat a proposé des cours par vidéo conférence avant de revoir ses ambitions à la baisse. C’est-à-dire, lancer un recrutement de plus de 200 enseignants pour «sauver» l’année. Jusque-là, le manque d’enseignants demeure un casse-tête chinois. Conséquence, on a par niveau d’études, dans toutes les Ufr, au moins 2 à 3 professeurs qui ne répondent pas présents aux heures de cours. A cette situation, s’ajoute la grève observée par certains enseignants. Ainsi du 21 au 29 novembre dernier, la Coalition nationale des enseignants et chercheurs (Cnec) a posé sur la table du gouvernement des revendications corporatistes. Durant près d’une semaine, les étudiants ont été privés de cours.
Le problème de transport au goût du jour
«Le «départ nouveau» a certainement tout pris en compte sauf le transport des étudiants». A déploré un étudiant de Cocody qui a voulu garder l’anonymat. Les bus affectés au transport des étudiants se font de plus en plus rares. A l’université Félix Houphouët Boigny, les étudiants restent encore sous le choc de la mort de Paré Moussa, élève en classe de terminale F2 dans une école de la place. Il a été écrasé par un bus le 13 novembre dernier au terminus des bus, devant le Chu de Cocody. L’accident est survenu parce que le quai n’a ni abribus, ni système de sécurisation pour l’accès des autobus. En effet, les bus étant interdits d’accès sur le campus, les étudiants sont bien obligés de parcourir une longue distance, pour ensuite s’exposer à toutes sortes d’intempéries dans une bousculade indescriptible.
Dans une telle ambiance, l’on ne saurait décrire comment les étudiants handicapés s’y prennent. Ceux-là même qui ont vu leurs pistes et passages considérablement réduits au sein des universités. Toutes choses qui poussent à dire, la rentrée des classes dans universités, restent pour l’heure une affaire de croix et de bannière.

Paterne Ougueye Yves
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