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Politique Publié le lundi 11 février 2013 | Le Nouveau Réveil

Sem Jean Vincent Zinsou, ambassadeur de la Côte d’Ivoire auprès de l’Ue, croque l’actualité internationale : « Le président Obama adepte du consensus peut-il se permettre d’être impopulaire ? »

© Le Nouveau Réveil Par DR
Diplomatie : SEM Jean-Vincent Zinsou Ambassadeur de Côte d`iIvoire
SE Jean Vincent Zinsou sollicite le Groupe Acp à Bruxelles a travers une cérémonie dite de présentation officielle au comité des Ambassadeurs Acp, ledit Groupe a été la première institution à l’accueillir.
L’année 2011 a été une année horrible, celle de l’indignation et la colère de peuples arabes qui, aspirant à plus de liberté, ont renversé la majorité de leurs dirigeants. L’année 2012 a été celle des grands rendez-vous électoraux. Rares sont, en effet, les années où les citoyens de tant de pays ont été appelés aux urnes, avec parmi eux, outre la France, les grandes puissances que sont les Etats-Unis d’Amérique et la Russie. Dans les trois cas, c’est en France que le Président sortant Nicolas Sarkozy, victime d’un anti-Sarkozisme féroce, a perdu d’une courte tête. L’Europe, dans sa grande majorité, a connu aussi la malédiction des pouvoirs sortants. 16 pays sur 27 de l’Union européenne ont connu une alternance liée à la crise. L’austérité n’est pas le meilleur programme électoral dans le monde. Depuis le déclenchement de la crise financière, puis économique en 2008, nombre de gouvernements confrontés aux élections en ont fait l’expérience : ils ont été battus. Cela a été le cas des exécutifs des pays placés sous assistance internationale ou menacés de l’être. Ont été chassés du pouvoir : Brian Cowen en Irlande, Georges Papandreou en Grèce, José Socrates au Portugal et José Luis Rodriguez Zapatero en Espagne. A noter que les trois derniers étaient socialistes ; avant eux, les travaillistes britanniques avaient bu la tasse face aux conservateurs de David Cameron.
D’autres gouvernements ont dû céder leur place même en l’absence d’élection. En Italie, la pression européenne a eu raison de Silvio BERLUSCONI, lâché par sa majorité au profit de MARIO MONTI. La sanction des exécutifs sortants n’est cependant pas systématique. Les exceptions concernent tous les chefs de gouvernements conservateurs. C’est le cas d’Angela MERKEL en Allemagne, reconduite en septembre 2009. Mais la reine des élections de l’année 2012 fut incontestablement la réélection de Barack OBAMA.

OBAMA 2

Après une rude campagne électorale, le poids de ce qu’on qualifiait de "minorités" a joué un rôle majeur dans la vie politique américaine. En 2008, Latinos, Noirs et Asiatiques ont pesé dans l’élection de Barack Obama. En 2012, les Latinos ont, à eux seuls, arbitré la présidentielle. Leurs préoccupations ont inspiré de plus en plus les discours des responsables politiques, orienté les stratégies électorales, voire façonné l’avenir du système bipartite américain. Barack Obama est de nouveau installé à la Maison Blanche. N’ayant plus rien à perdre, il ne peut pas être candidat en 2016, Barack Obama est également rassuré sur lui-même. Ni la couleur de sa peau ni le taux élevé de chômage n’ont constitué d’obstacles à sa réélection. Acceptera-t-il d’être impopulaire ? Son ambition désormais devrait être d’une autre nature : entrer dans l’histoire non pas seulement pour son apparence mais pour ses performances, démontrer à ses soutiens comme à ses détracteurs qu’il peut être un grand président de la lignée de Lincoln, son modèle, ou plus près de Franklin D. Roosevelt. Mais les défis du second mandat du Président américain sont énormes, plombés par les balbutiements internationaux du premier mandat. Barack Obama n’avait pas de baguette magique, et il allait avant tout défendre l’intérêt national américain. Il ne fallait donc pas attendre qu’il résolve tous les problèmes auxquels le monde était confronté. Mais force est de constater qu’au cours de son premier mandat, le président américain a été, sur le plan international, en deçà de ce qu’on aurait pu raisonnablement attendre de lui. Certes, il devait composer avec un Congrès qui, depuis deux ans, lui est hostile. Mais outre le fait que ce n’est pas la première fois qu’un Président américain se retrouve devant ce cas de figure, cela ne doit pas faire oublier qu’il n’a pas été jusqu’au bout de ses marges d’action au cours des premières années de son mandat, lorsque le Congrès lui était favorable. Les élections de novembre ont laissé les rapports de force quasi inchangés à Washington. Le démocrate Obama réélu pour quatre ans, ses pouvoirs exécutifs sont étroitement limités par le Congrès qui doit approuver les décisions budgétaires. Les Républicains conservent leur majorité à la Chambre des représentants jusqu’aux élections de « mi-mandat » en 2014. Au sénat, les démocrates sont majoritaires mais les républicains détiennent une minorité de blocage. Scénario récent à propos de la fameuse falaise fiscale. Et qui nous remet de plain-pied dans ce que disait Alexis de Tocqueville «une nation fatiguée de longs débats consent qu’on la dupe, pourvu qu’on la repose».
Autre défi de Barack Obama, la fermeture de Guantanamo vue comme un symbole fort d’un changement d’époque où les Etats-Unis foulaient aux pieds les principes moraux qu’ils revendiquaient. Si le nombre de détenus a été réduit, Guantanamo reste ouvert et constitue à la fois une tache sur le discours américain à propos des valeurs et un ferment de la dénonciation des Etats-Unis et de l’Occident. Heureusement le recours à la torture rendue légale par George W. Bush a pris fin. C’est sur le Proche-Orient que le Président américain a le plus déçu et plus particulièrement son cœur émotionnel, le conflit Israël-Palestine. Vingt ans d’échecs, d’Oslo (1993) à Annapolis (2007) en passant par «la feuille de route» (2003) ont montré que la piste des fameuses «négociations directes» réclamée par Netanyahou était vaine.
Et pourtant, son discours du Caire avait ouvert une autre voie dans la réconciliation entre les Etats-Unis d’Amérique et le monde musulman. Mais, il a dû mettre sous le boisseau ses demandes d’arrêt de la colonisation dans les territoires palestiniens, par Israël sous la pression du Lobby juif (Aipac en particulier). La paix entre les Palestiniens et Israël n’a pas avancé d’un pas. Benyamin Netanyahou, vainqueur des futures élections israéliennes, qui a gagné une épreuve de force contre le président américain, continue au quotidien sa politique de fait accompli dont de nombreux observateurs estiment qu’elle rend désormais impossibles les perspectives matérielles d’une paix basée sur la solution de deux Etats. Les Etats-Unis d’Amérique moins impopulaires dans le monde musulman que sous George W. Bush, ont toutefois été pragmatiques pour ne pas couper les ponts avec les nouveaux régimes issus du «printemps arabe». Le retrait d’Irak, qui laisse le pays exsangue, en proie au retour des vieux démons entre Sunnites et Chiites, s’est poursuivi et celui d’Afghanistan a été entrepris. Mais sur ces deux dossiers, il est difficile de voir une différence entre George W. Bush dans son deuxième mandat et Barack Obama dans son premier. Accusé d'être trop cérébral et de vouloir rechercher à tout prix le consensus, Barack Obama peut se targuer d’avoir mis hors d’état de nuire Oussama Ben Laden. Il a, par ailleurs, eu un recours intensif aux exécutions ciblées, grâce à des drones, dont il faut encore déterminer si elles sont payantes stratégiquement. La politique de la main tendue du Président des Etats-Unis d’Amérique à l’Iran n’a pas porté ses fruits, même si le régime des Mollahs a été certainement déstabilisé. En 2013, on célébrera le piteux 10ème anniversaire d’un dialogue stérile. Les rapports de l’Aiea n’en finissent plus de se répéter. Les délais deviennent inexorables non pas tant à cause de la croissance du risque nucléaire iranien, qui reste maîtrisé, mais plutôt parce que, avec l’usure du temps, un dénouement s’impose. Que recherchera le Guide suprême iranien, après les prochaines élections présidentielles, tirant les dures leçons de son échec en Syrie. Pour sortir de l’impasse, un ajustement des positions des uns et des autres s’impose. Sans clarification, point de confiance, sans confiance, point d’accord. La Syrie s’abîme depuis deux ans dans la guerre civile avec un président Alaouite enchaîné dans un déni de réalité. Plus de 60 000 morts selon les sources onusiennes. Bien sûr qu’en Syrie comme dans les conflits de ce genre, c’est la banalisation du crime, c’est l’ingérence humanitaire qui réussit tant bien que mal, mais c’est surtout l’ingérence militaire qui boostera les rapports de force sur le terrain. Mais le problème est là ; il faut passer par le Conseil de sécurité, véritable gendarme du monde, et là le droit de veto des Russes et des Chinois risque de coincer. Les Russes ne voulant pas perdre la base navale de Tartous, leur seul débouché sur la méditerranée. Les occidentaux surtout la France, ont reconnu la coalition syrienne, mais sans une aide militaire significative pour créer une zone d’exclusion aérienne, le calvaire des Syriens n’est pas près de se terminer. La paix doit être forcée, imposée, ou elle ne le sera pas. Et Assad continuera de tenir un discours d'une citadelle assiégée. Autre défi du Président Obama 2 : le rééquilibrage stratégique. La puissance américaine pivote de l’Europe vers l’Asie, passant par-dessus le Moyen-Orient, dont l’intérêt énergétique diminue à mesure que les Etats-Unis d’Amérique s’engagent dans l’exploitation du gaz de schiste. On voit cependant se creuser un dangereux écart entre la Russie qui réarme et les Etats européens dont les budgets de défense sont en chute libre, ce qui rend difficile la création d’une Politique européenne de sécurité et de défense (Pesd). L’Administration Obama a échoué avec Moscou dans la politique du «Reset» (redémarrage). En grande partie parce que Obama, après avoir annoncé qu’il fallait mettre fin au programme de défense antimissile, a, probablement, en cédant au complexe militaro-industriel, décidé de le poursuivre. Les contraintes budgétaires n’ont guère fait souffrir ce complexe militaro-industriel bien plus puissant qu’au moment où Eisenhower en dénonçait le poids en 1960, en pleine guerre froide. Le prix Nobel de la Paix n’était-il pas manifestement prématuré. Bien plus, Barack Obama, à peine réélu, s’envolait pour la Birmanie, la Thaïlande et le Cambodge. Concrétisant ainsi une nouvelle vision géostratégique ambitieuse. La Chine ne voyant dans les actions américaines ambitieuses, qu’une manœuvre d’endiguement qui rappelle l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud (Otase) de 1954. Par tous les moyens, la Chine entraînant dans la foulée les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s’opposera. Barack Obama a déçu, il a guéri peu de plaies, mais n’a pas aggravé le mal. Heureusement pour le monde parce que si Mitt Romney, son adversaire, nostalgique d’une époque où les Etats-Unis d’Amérique dominaient le monde et pouvaient fixer l’agenda international, avait gagné, la confrontation avec la Russie, la Chine, les pays musulmans et l’Iran était assurée et les souffrances mondiales augmentées. L’Administration américaine est confrontée aujourd’hui au défi d’admettre que son leadership mondial n’est plus que relatif et que l’exercice de la puissance doit être différent. Une partie de l’Amérique s’y refuse. Barack Obama le comprend. Par ailleurs, même si son pays n'a d'yeux que pour le Pacifique et l'Asie, Barack Obama ne peut ni ne doit oublier qu'il est un fils de l'Afrique, que son élection à la tête des Usa signifie la défaite de la fatalité. Pendant son second mandat, il devrait prendre l'initiative d'une conférence panafricaine, qui discuterait directement de leur avenir et de leur gouvernance de toutes les Afriques, aidé par l'Europe qui domina le passé, l'Amérique qui administre le présent et l'Asie qui a la main sur l'avenir.

Alors qui gouverne le monde ?

Le constat de l’ancien ministre des Affaires étrangères français Hubert Vedrine est cinglant : « vingt ans après la fin de l’Urss, il n’y a pas d’ordre mondial en constitution, mais en compétition au sein de l’économie mondiale dérégulée et pas encore assez régulée ; une mêlée entre Etats, entreprises, acteurs financiers, groupes d’intérêts divers, légaux ou illégaux. Les alliances sont de circonstance entre pôles ascendants ou descendants : Et cela va continuer en 2013 ». On ne s’étonne même plus de constater à quel point la plupart des dossiers traités par la diplomatie mondiale est aujourd’hui bloquée. Qu’on en juge : Iran, Syrie, Israël-Palestine, Sahel, Somalie, mais aussi réforme des Nations unies, Cycle de Doha, réchauffement climatique et encore, encore. La fin du Monde bipolaire n’a fait que compliquer les choses, là où on pensait naïvement qu’elle aurait dû les faciliter. Est-ce au total l’effet d’une fatalité, écrivant par avance une nouvelle séquence longuement négative des relations internationales ? Après la chute du mur de Berlin, on avait pronostiqué l’entrée dans une ère de raison où mieux, même « la fin de l’histoire aurait aboli les débats intolérants et les combats fanatiques. Il n’en fut rien. Nous pataugeons dans l’exact contraire. La guerre froide est terminée, mais les guerriers et les criminels sont toujours là. Leurs pulsions totalitaires et manichéennes n’ont pas disparu comme par enchantement. Les relations entre peuples et nations paraissent souvent plus hostiles que consensuelles et les rapports de force, qui fixaient des équilibres déjà précaires, jouent de moins en moins. Peu importe l’extrême supériorité industrielle et militaire occidentale, l’Iran théocratique, les jihadistes et leur infinité de clones, les narcomarxistes d’Amérique latine paralysent Washington, non par leur puissance matérielle, mais par leur capacité de nuire. On ne s’étonne même plus de constater à quel point la plupart des dossiers traités par la diplomatie mondiale sont aujourd’hui au point mort. On vit même, en l’espèce, une sorte de record. Perdant ses règles implicites de fonctionnement, la diplomatie mondiale semble trouver les bases de sa paralysie dans un défaut de régulation qui conduit à accumuler les conflits. La diplomatie est figée. Sur le plan international, excusez du peu, il n’y a pas moins de 35 organisations multilatérales qui s’occupent de près ou de loin de l’accès à l’eau dans le monde. Au dernier sommet de Rio+20 sur le développement durable en juin 2012, des milliers de participants étaient invités à négocier, plus ou moins directement, les termes d’un accord sur l’avenir de notre planète et notamment la création d’une organisation mondiale de l’environnement, dans une sorte de démocratie participative à grande échelle. Au G5 transformé en G7 puis en G8 s’ajoute depuis 1999, le G20, sorte de gouvernance informelle des affaires du monde qui dispute à l’Organisation des Nations unies son leadership passé, sans que l’on sache véritablement où se trouvent l’initiative et la responsabilité. Plutôt que de décider, de trancher, d’assurer un choix politique, la création d’institutions nouvelles est devenue une réponse politique à minima qui masque parfois l’absence de courage politique à agir. Devant ce mille-feuille mondiale, on souhaite d’un côté l’association du plus grand monde au processus de décision, que le consensus s’établisse et soit le plus large possible. De l’autre, on se plaint de l’absence de leadership pour faire avancer les affaires du monde sur le plan écologique (Rio+20), de la sécurité (Syrie) ou du partage nécessaire et équitable des ressources entre le Nord et le Sud et les pays émergents. Et quand on souhaite éclaircir les responsabilités de chacun, la défausse est généralisée. On peut alors entendre l’antienne suivante et facilement recyclable quelle que soit la question posée « Seul, un pays occidental ne peut rien, car il n’a pas la taille suffisante. L’Europe ne peut rien parce qu’elle n’est pas assez fédérale. L’ONU ne peut rien car les droits de veto des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité bloquent sa capacité d’agir ». Pendant ce temps-là, la planète brûle, le sang coule, les inégalités se creusent.

Que fait l’Organisation mondiale (Onu) ?
Quelle attitude de l’Onu devant la diplomatie internationale bloquée ? L’histoire avait pourtant bien commencé en 1945, lorsque la Charte des nouvelles Nations unies avait arrêté, notamment par son chapitre 7, les conditions d’une police internationale, prévoyant le recours à la force en cas de menace contre la paix. Les rédacteurs de la charte, vainqueurs de la seconde guerre mondiale, pensaient aux menaces dont ils avaient été témoins, c'est-à-dire les conflits inter-étatiques disparus depuis longtemps en Europe, car les démocraties ne se faisant pas la guerre, ils ne pouvaient pas imaginer alors que les dangers allaient naître des décompositions, de la faiblesse des Etats, des souverainetés limitées, des conflits opposant les dirigeants à leur peuple. On a abandonné hélas l’idée de doter la Communauté internationale d’une armée. Dans un monde avec un semblant de multilatéralisme, un tel choix qui aurait pu être revu, a été oublié, préféré avec la mise place des fameuses « coalitions of the willing ». On a vite oublié le principe de l’ingérence humanitaire reconnu dès décembre 1988, la thèse de la responsabilité de protéger reprise à l’occasion du soixantième anniversaire de l’Onu. Devant tous ces conflits qui endeuillent la planète, (Syrie, Rdc, Mali, Somalie) les velléités d’interventions armées des pays européens, de la plupart des pays arabes et des Etats-Unis d’Amérique ont été bloquées sur le cas syrien au Conseil de Sécurité, par la Chine et la Russie qui ont opposé leur veto à trois reprises. Or, il est très difficile de s’affranchir de la légitimité onusienne. Dans un monde où même les Etats-Unis d’Amérique n’osent pas se lancer seuls dans une guerre, le soutien du Conseil de Sécurité garantit un minimum de consensus. Il permet d’élargir les coalitions et de circonscrire les oppositions. C’est ce que la France a entrepris au sujet du Mali, où sévissent des milices jihadistes et mafieuses. C’est ce que Paris, Londres et Washington ont échoué à faire en Syrie. De plus en plus, l’action internationale combine trois niveaux : les Etats, des organisations régionales ou des groupes ad hoc, et les Nations unies. La gestion des crises et parfois leur solution se construisent dans un va-et-vient entre ces différents échelons. Ce processus fastidieux peut être efficace. C’est ainsi que la crise surgie après l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire fin 2010 a pu être résolue. C’est également de cette façon que l’ouverture politique depuis deux ans en Birmanie a été encouragée et accompagnée. Lorsqu’il s’agit de rétablir la Paix ou de prévenir la guerre, l’Onu n’a, en fait, que les pouvoirs que les Etats membres du Conseil de Sécurité veulent bien lui conférer. En revanche, pour empêcher les famines, venir en aide aux réfugiés, lutter contre le sida, développer l’éducation des enfants, favoriser l’échange entre les cultures, les différentes agences et organisations sont souvent présentes sur le terrain.

Et l’Afrique ?
Jamais le continent africain s’est aussi bien porté sur le plan macroéconomique avec un taux de croissance avoisinant les 5%. Espérons tout simplement que ce taux de croissance ne soit pas seulement quantitatif mais qualitatif. Mais le paradoxe de l’Afrique, c’est que le continent n’a jamais connu autant de médiations, conséquence des conflits en Centrafrique avec la Séléka et la médiation de la communauté économique des Etats d’Afrique centrale, le conflit entre le Nord Soudan et le Sud en Ethiopie, le M23 en République Démocratique du Congo avec la médiation de l’Ouganda, et plus près de nous, le Mali avec la médiation de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest sous la présidence du président Alassane Ouattara. Attardons-nous sur la chronologie de la crise au Mali, notre voisin de la région. Un pays porteur d’une grande civilisation et d’une longue histoire de l’Etat. Il est trop tôt de faire des analyses lucides dans ce dédale des événements qui s'accélèrent.

•22 mars 2012. Des militaires renversent le Président Amadou Toumani Touré (Att), l’accusant d’incompétence dans la lutte contre la rébellion touarègue et les groupes islamistes dans le nord.

•30 mars. Le groupe islamiste Ansar dine, (défenseur de l'Islam) appuyé par le mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) groupe rebelle touarègue et Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), s’empare de Kidal. Le 31 mars, les rebelles prennent Gao.

•1er avril. Le Mnla prend Tombouctou, mais en est chassé le 02 avril par Ansar Dine et Aqmi.

•6 avril. Accord-cadre junte militaire-Cedeao prévoyant le transfert du pouvoir aux civils, avec un président Dioncounda Traoré et un premier ministre Cheick Modibo Diarra, de transition.

•21 mai. Le président Traoré, agressé, part à Paris pour être soigné.

•27 juin. Le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest) prend le contrôle de Gao.

•30 juin. Des islamistes détruisent des mausolées de Saints musulmans de Tombouctou, après la décision de l’Unesco de classer la ville patrimoine en péril.

•8 août. Les islamistes amputent d’une main un voleur à Ansongo, fin juillet, ils avaient lapidé à mort, à Anguelhoc, un homme et une femme parents d’enfants sans être mariés.

•1er septembre. Le Mujao prend le contrôle de Douentza, dans la région de Mopti.
•4 septembre. Le président Traoré demande une intervention des forces militaires d’Afrique de l’Ouest pour reconquérir le Nord. Plusieurs réunions de la Cedeao se tiennent pour la préparer.

•20 décembre. Le Conseil de Sécurité de l’Onu approuve la résolution 2085, qui autorise le déploiement par étapes de la Misma (Force internationale de soutien au Mali), réclamée par le Mali et approuvée par la Cedeao.

•10 janvier 2013. Quelques milliers de combattants islamistes s’emparent de Konna, menaçant de continuer leur offensive vers le Sud. Le président Traoré sollicite l’aide militaire de la France. L’Onu demande un «déploiement rapide» de la force internationale devant la «grave détérioration de la situation».

•11 janvier. L’armée malienne lance avec le soutien de la France, une contre-offensive pour repousser les islamistes. Bamako décrète l’état d’urgence. Le normal, fluctuant devient chef de guerre, la France entre en guerre seule, sans l’Europe de la défense, contre le Jihad au Sahel. Ce n'est plus une mission civilisatrice, comme sous la IIIème République avec Jules Ferry
Cette fois, au Mali, pas de «leadership des USA from behind, comme en Libye, théorie chère à Barack Obama, qui consiste à «diriger depuis l’arrière». Le président français a eu raison d’intervenir pour enrayer la possible création d’un «Sahelistan» qui menaçait la stabilité de la région, pour assurer les responsabilités de son pays vis-à-vis de ses ex-colonies, pour revendiquer la volonté de puissance qui suppose à la fois une volonté et des capacités de projection des forces. Il fallait empêcher la «mise en place d’une zone franche terroriste au cœur de l’Afrique», selon les termes de l’envoyé spécial de l’Onu au Sahel, l’ancien Président de la Commission européenne Romano Prodi. Enfin, le Président Français a agi comme le général Faidherbe (1818-1889) qui poursuivait les bandes armées qui s’attaquaient aux forts du Sahel et qui professaient déjà un islam radical.

Dans cet Etat failli avec une armée en lambeaux dirigée par des chefs militaires aux rêves chimériques, le «donor darling» des bailleurs de fonds internationaux qu’était le Mali, on assiste à l'installation d'un triumvirat des temps anciens. Un pays où les pères fondateurs valorisaient les grands empires de l’histoire malienne, comme autant de creusets pour la cohabitation des ethnies. L’heure est aujourd'hui au repli identitaire. Or quand une rivière n'a plus de source, elle devient un lac boueux. Que feront les dirigeants maliens de leur pays, après cette funeste séquence guerrière où les tambours de guerre résonnent ? Il faudra, à coup sûr, une grande politique, celle qui met l’homme au centre de tout. Procéder à la redistribution des richesses, en prenant à bras-le-corps le problème des Touaregs, véritables kurdes du Sahel, dispersés entre le Mali, l’Algérie et le Niger. Les Touaregs rêvent d’un Etat national, mais aucun de ses trois pays ne veut rien concéder de peur que cela n’ampute leurs territoires de zones dont le sous-sol est, dit-on, extrêmement riche. C’est toute la question de la pérennité des frontières coloniales qui est posée. Bien sûr, il faudra passer par la case des élections présidentielles où, cette fois-ci, il ne faudra pas faire la poésie pendant la campagne et gouverner avec la prose. Car la vérité en politique, ce n'est pas la conquête du pouvoir, mais l'exercice du pourvoir. Le plus dur commence pour le Mali, après la guerre car celle-ci déclarée est toujours plus incontrôlable, imprévisible et douloureuse. Victor Hugo disait : «la guerre, c’est la guerre des hommes, la paix, c’est la guerre des idées»; Guerre asymétrique, faites d'embuscades, d'attaques éclair (hit and run), d'attentats, de prises d'otages, d'infiltrés et de règlements de compte. La finalisation de la guerre étant l'établissement d'un Etat de paix, meilleur que le précédent. Au Mali, cela passera par une solution à l’irrédentisme touareg, le rétablissement d'un dialogue inclusif intermalien et la normalisation de la situation politique à Bamako. Mais n'oublions pas que les Touaregs ne sont pas majoritaires dans le Nord. Il ne faut pas aussi sacrifier les Peuls, les Arabes, les Sonraïs ou les Dogons. Enfin les futurs dirigeants du mali devraient méditer cette phrase pleine de sagesse du premier président post apartheid de la nation arc-en-ciel « Ce qui est terrible, ce n'est pas de tomber. Ce qui est terrible, c'est de ne pas pouvoir se relever ». Le pays de la djatiguiya (hospitalité) ne doit pas sombrer et devenir un conflit fortement médiatisé et oublié comme le Darfour et la Somalie. L’année 2012 va se nicher dans les archives de l’histoire au rayon du temps perdu, sur l’étalage des années molles. Elle s’est éteinte ni fleurs ni regrets. Pendant ce temps, les événements s'accélèrent à l’aube de 2013. Espérons tout simplement que 2013 soit une année de bonheur avec le chiffre 13.

S.E.M. Jean-Vincent ZINSOU
Abidjan
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