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Politique Publié le vendredi 15 février 2013 | Le Patriote

Me Soungalo Coulibaly (Avocat à la Cour d’Abidjan) : “Laurent Gbagbo ne peut s’en sortir” Sauf changement de dernière minute

© Le Patriote
La Haye : Laurent Gbagbo comparaît en direct a la CPI
Lundi 5 décembre 2011. La Haye, CPI (Pays-Bas)
L’audience de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo se tiendra le 19 février prochain. A l’occasion de cette échéance,

Le Patriote a rencontré Me Soungalo Coulibaly, avocat à la Cour d’Abidjan. Dans cet entretien, celui qui a suivi les victimes et les enquêteurs de la CPI sur le terrain revient sur le procès et explique pourquoi l’ex-chef de l’Etat ne peut pas s’en sortir. Interview.

Le Patriote : Le 19 février 2013, l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, sera devant la Cour Pénale Internationale pour la confirmation des charges retenues contre lui. A quoi devons-nous nous attendre ?

Soungalo Coulibaly : En effet, la Chambre Préliminaire de la Cour Pénale Internationale va ouvrir l’audience de confirmation des charges retenues par le Procureur de ladite Cour à l’encontre de Monsieur Laurent Gbagbo.
Vous savez que Monsieur Laurent Gbagbo est présumé avoir commis les faits suivants en qualité de co-auteur direct : génocide, qui est un crime commis dans l’intention de détruire, tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Quant au crime contre l’humanité, c’est un acte commis contre toute population civile et en connaissance de cause. Cela peut se faire au cours d’une attaque. L’exemple dans cette hypothèse est l’attaque des populations civiles d’Abobo. Dans le cadre de ce crime, il y a la persécution d’un groupe identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, ethnique, religieux et j’en passe. A ce titre, il peut être cité le massacre des Imams dans les mosquées, la persécution des militants du RDR accompagnée d’enlèvement et de disparition. Pour ce qui concerne le crime de guerre, c’est par exemple le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile, les meurtres, etc. L’audience de confirmation des charges va mettre aux prises l’accusation, qui est le Procureur de la CPI ayant l’opportunité des poursuites et la partie défenderesse qui est Monsieur Laurent Gbagbo assisté de ses Avocats.

LP : Laurent Gbagbo a-t-il des chances de s’en sortir ?

SC : Pour que Monsieur Laurent Gbagbo puisse s’en sortir, il lui faudra apporter la preuve contraire de tous les faits mis à sa charge. Je pense qu’il s’agit là d’un exercice difficile en ce que les preuves contre lui sont incontestables. Je pense que le Procureur de la CPI ne peut pas s’amuser à retenir contre Monsieur Laurent Gbagbo des charges s’il ne détient pas des preuves irréfutables que ces crimes ont été commis. Tout le monde entier sait que Monsieur Laurent Gbagbo a refusé de reconnaitre les résultats de l’élection présidentielle qu’il a perdue. Il a voulu se maintenir au pouvoir par tous les moyens. Son entêtement a entraîné des massacres de population civile, des massacres de responsables religieux, des massacres des militants d’un parti politique, j’ai nommé le RDR, des massacres de femmes, etc. De mon point de vue, il sera très difficile que Monsieur Laurent Gbagbo s’en sorte.

LP : Vous qui avez suivi les victimes et les enquêteurs de la CPI depuis le début de la crise jusqu’à ce jour, sur le terrain, pensez-vous qu’il y a suffisamment de preuves pour permettre à la CPI de confirmer les charges retenues contre Monsieur Laurent Gbagbo ?

SC : Par la position que j’occupe à la Direction du RDR, je sais ce que les populations civiles ont subi. Je sais quel préjudice le RDR a subi. Nous avons perdu beaucoup de nos militants et sympathisants. Le collectif des Avocats a acheminé à la Haye des preuves matérielles des exactions des pro-Gbagbo après avoir parcouru toute la Côte d'Ivoire pour les recueillir. Nous détenons des enregistrements, des supports vidéo, des déclarations du camp Gbagbo, etc. Les enquêteurs de la CPI ont également sillonné la Côte d'Ivoire en échangeant avec les victimes. D’ailleurs, c’est à l’issue de toutes ces recherches, que le Procureur a été convaincu des crimes commis par Monsieur Laurent Gbagbo et a décidé de son inculpation. Au regard de ce qui précède, il y a de forte chances que la CPI confirme les charges retenues contre Monsieur Laurent Gbagbo.

LP : Que répondez-vous à tous ceux qui se battent en ce moment pour faire passer l’ancien chef de l’Etat pour une victime ?

SC : C’est une stratégie connue chez les refondateurs. Souvenez-vous quand ils étaient au pouvoir, ils voyaient partout des complots contre leur régime alors que le RDR privilégiait les élections libres et démocratiques pour parvenir au pouvoir. Considérez que Monsieur Laurent Gbagbo est une victime d’un complot ourdi contre lui par l’Occident et particulièrement la France, c’est faire preuve de mauvaise foi quand on a vécu et vu tous ces crimes odieux pendant la crise post-électorale. Je pense que ce sont des illusionnistes qui feraient mieux de s’inscrire dans le processus de la réconciliation nationale.

LP : Demain, samedi, la JFPI prévoit d’organiser un meeting à la place CP1 pour réclamer la libération de leur mentor Laurent Gbagbo. Les mêmes manifestations sont prévues à la Haye. Ces manifestations peuvent-elles avoir une influence sur les juges de la CPI ?

SC : Je ne pense pas que les manifestations de rue puissent influer sur les juges de la CPI, sinon ce serait trop facile. En l’espèce, il s’agit de savoir si oui ou non Monsieur Laurent Gbagbo a commis les faits pour lesquels le Procureur de la CPI le poursuit. Si les juges sont convaincus de la culpabilité de Monsieur Laurent Gbagbo, ils n’hésiteront pas un seul instant à confirmer les charges retenues contre lui malgré les manifestations de rue. Dans cette affaire, il s’agit de la vie de nombreuses personnes qui leur a été ôtée. La CPI a une grande responsabilité et je ne vois pas ces Magistrats, de qualité et de conscience irréprochable, se laisser influencer par les manifestations de rue.

LP : Dans le cadre du dialogue gouvernement-FPI, le dernier cité demande au Chef de l’Etat d’adresser une correspondance à la CPI par laquelle il plaiderait la mise en liberté de l’ex-chef de l’Etat au nom de la réconciliation nationale. Si oui, quelles sont les chances de succès d’une telle démarche ?

SC : Le Président de la République n’est pas partie au procès devant la CPI, alors que pour plaider en faveur de la mise en liberté de Monsieur Laurent Gbagbo, il faut être partie au procès. La Côte d'Ivoire, par l’intermédiaire d’abord de l’ex-Chef de l’Etat, Monsieur Laurent Gbagbo et ensuite le Président de la République actuel, a reconnu la compétence de la CPI, mais cela ne donne pas droit au Chef de l’Etat de s’immiscer dans une procédure initiée par le Procureur de la CPI qui a l’opportunité des poursuites. M. Laurent Gbagbo est poursuivi par le Procureur de la CPI qui, à la suite de ses investigations en Côte d'Ivoire à la faveur de la crise postélectorale, a été convaincu de la responsabilité de Monsieur Laurent Gbagbo dans la commission des faits qui lui sont reprochés. Par ailleurs, les parents des nombreuses victimes de la crise postélectorale représentent la partie civile au procès. En définitive, l’Etat de Côte d'Ivoire n’est pas concerné par le procès, même si la majorité des victimes sont ses ressortissants. Le Président de la République ne peut donc pas demander, par une correspondance, à la CPI de relaxer Monsieur Laurent Gbagbo au nom de la réconciliation nationale.

LP : Le FPI réclame toujours au nom de la réconciliation nationale, l’amnistie générale. Cette formule est-elle appropriée ?

SC : De mon opinion, je pense que pour que la réconciliation ait un sens, il faut poursuivre et juger tous ceux qui ont commis les exactions graves pendant la crise postélectorale. Prendre une loi d’amnistie générale reviendrait à mépriser le droit des nombreuses victimes. Souvenez-vous de ces personnes qu’on brûlait en chantant des chants de gloire. Pensez-vous un seul instant que les parents de ces victimes pourraient accepter qu’on ignore leur droit de poursuivre les auteurs de ces crimes odieux ? Il convient très sincèrement de poursuivre, de juger et de condamner les auteurs de crimes pour que les victimes aient une satisfaction avant d’envisager toute autre mesure allant dans le sens de la réconciliation nationale.

LP : Quel objectif poursuit le RDR dans son combat pour la condamnation de Laurent Gbagbo ? SC : La vérité, rien que la vérité, la satisfaction morale, l’atténuation de la souffrance des victimes et surtout la réparation des préjudices subis. Le Président de la République, son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, a toujours soutenu qu’il faut mettre fin à l’impunité. C’est l’objectif recherché par le RDR.

LP : En voulant coûte que coûte que Laurent Gbagbo soit condamné, n’y a-t-il pas un danger pour la réconciliation nationale ? SC : Le RDR ne veut pas que Laurent Gbagbo soit condamné coûte que coûte. Ce sont les actes posés par celui-ci qui conduiront à sa condamnation. Où est le danger en cela ? La condamnation de Laurent Gbagbo n’aura aucune incidence sur la réconciliation nationale. Au contraire, s’il n’est pas condamné, les victimes auront le sentiment d’être abandonnées et de se faire justice elles-mêmes. Ce qui justement mettra à mal la réconciliation nationale. La condamnation de Laurent Gbagbo est une condition pour la réconciliation nationale puisqu’il est à la base du désordre social créé.

LP : Laurent Gbagbo sera-t-il le seul à être extradé à la CPI ?

SC : Je ne suis pas le Procureur de la CPI pour répondre à cette question. Je vous l’ai dit plus haut que c’est le Procureur qui a l’opportunité des poursuites. Donc, il lui appartient, sur la base des éléments de preuves qu’il détient, de décider de l’extradition de telle ou telle personne qu’elle soit d’un côté ou de l’autre.

LP : Pourquoi toutes les personnes qui ont été, en ce moment, inculpées sont seulement celles proches de l’ancien chef de l’Etat?

SC : Ce sont des Magistrats qui mènent les enquêtes. Pour le moment, ce sont ces personnes là qu’ils ont inculpées. Comme les enquêtes continuent, attendons de voir la suite. D’ailleurs, c’est le pouvoir Gbagbo qui est à l’origine de la crise post-électorale. Il a refusé de céder le pouvoir au vainqueur de l’élection présidentielle et a commencé à réprimer toute forme de contestation. Il a acquis une profusion d’armes de guerre qu’il a distribuée à ses partisans, miliciens et mercenaires pour tuer des personnes bien ciblées. Donc c’est normal que ce soit les partisans de ce régime qui soient les premiers à répondre des actes qu’ils ont posés.
Réalisée par Jean-Claude Coulibaly
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