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Société Publié le samedi 16 février 2013 | Le Patriote

Attaque de la mosquée de Yopougon Camp Militaire : comment des fidèles ont subi «l’article 125»

Dans quatre jours, Laurent Gbagbo sera une fois de plus devant les juges de la Cour pénale internationale pour l’audience de confirmation des charges retenues contre lui. En attendant le 19 février, jour de l’audience, Le Patriote a décidé de rediffuser deux de ses articles qui relatent les atrocités et inhumanités commises par les partisans de Laurent Gbagbo à Yopougon et à Abobo sur instrusions du chef et sa cotérie. Ici le votre quotidien préféré revient sur le massacre de la mosquée de Yopougon Camp militaire.Devoir de mémoire.
Au cours de la crise postélectorale, s’il y a eu une attaque qui a ému l’opinion, c’est bel et bien celle de la mosquée de Yopougon Camp Militaire. Dans la nuit du 4 au 5 avril 2011, des miliciens pro-Gbagbo ont investi la mosquée pour massacrer des fidèles. Après avoir criblé de balles les malheureux, les miliciens ont aspergé leur corps de pétrole et y ont mis le feu. A Yopougon, les partisans de Laurent Gbagbo appelaient ce supplice du feu «l’article 125». Parce que, pour brûler les victimes vives, ces jeune sans c?ur, avaient simplement besoin d’acheter du pétrole à 100 FCFA et une boite d’allumettes à 25 FCFA. En attendant le procès du 13 août prochain, Le Patriote revient sur ce crime crapuleux.

Dans la nuit du 4 au 5 avril 2011, les premiers bombardements sur le Palais présidentiel et la résidence de Laurent Gbagbo font rage. Dans le camp Gbagbo, c’est la panique générale. Comme devenus fous, les miliciens pro-Gbagbo descendent dans les quartiers d’Abidjan et s’en prennent aux populations considérées comme proches de son rival, le président Alassane Ouattara. A Yopougon Camp Militaire, la grande mosquée du quartier est dans la ligne de mire des partisans de Laurent Gbagbo. La veille déjà, les miliciens menaçaient de brûler la mosquée. Parce que, selon eux, les fidèles musulmans y cachaient des armes et avaient recueilli des «rebelles». Pour préserver la mosquée d’éventuelles attaques, quelques jeunes fidèles de la mosquée décident de constituer un comité d’auto-défense. Cette nuit, le quartier est en ébullition. Des tirs se font partout entendre. La dizaine de jeunes qui veillent sur la mosquée est inquiète. Trois d’entre les jeunes fidèles décident d’entrer chez eux par mesure de prudence. Doumbia Adama, Alabi Azeem Aluwolé, Loué Ve Corentin dit «Ismaël», Diomandé Allassane, Koffi Koko N’Guessan dit «Ali», Traoré Hamed et Traoré Bakary, le muezzin qui habite au sein de la mosquée. Aux alentours de 22 heures, une pluie diluvienne s’abat sur le quartier. Mais les tirs ne cessent pas pour autant. Au contraire, ils semblent se rapprocher de la mosquée.

Les sept compagnons se réfugient chez le muezzin. Après le repas, Loué Veh Corentin dit «Ali», Koffi Koko N’Guessan dit «Ismaël», Traoré Hamed et Azeem Oluwolé Alabi, un garçon de 17 ans, s’entassent dans l’une des pièces, qui faisait office de bureau de la mosquée. Entre 2 heures et 3 heures du matin, une décharge de plomb s’abat sur la porte du bureau. «Ouvrez, sinon si on rentre, on vous tue tous», tonne une voix à l’extérieur. Diomandé Allassane veut s’exécuter. Traoré Hamed l’en dissuade. Une autre rafale déchiquette une partie de la porte. « Sortez », gronde la même voix. Mais dans le bureau, personne ne veut prendre le risque de se faire tuer. Des rafales continuent de plus belle. Au bout d’un quart d’heure, elles s’arrêtent. Puis un silence règne. Traoré Hamed ouvre la porte. Il est ‘’cueilli’’ sur le champ par les assaillants qui lui demandent: «Tu es un rebelle! Où sont tes complices?». «Je ne suis pas un rebelle. Je ne suis pas dedans», pleure-t-il. Mais, le malheureux est traîné dehors par ses bourreaux et abattu. Diomandé Allassane profite de la pénombre pour se faufiler sous une table hors de la chambre et se mettre sous une natte. De sa cachette, il observe tout.

Ses trois autres camarades encore en vie n’ont pas cette chance. Loué Ve Corentin dit «Ali» et Koffi Koko N’Guessan dit «Ismaël» sont également trainés hors du bureau et froidement abattus par les miliciens. Quant au petit Azeem Oluwolé Alabi, déjà touché au cours des tirs, il est suivi par un des bourreaux et « achevé » d’une balle dans le bureau, non loin duquel, un groupe de miliciens attaquent la maison de Traoré Bakary, le muezzin. Depuis le début des tirs, l’infortuné est terré sous son lit. Par des cris de détresse, ces amis lui conseillent de ne pas sortir. Depuis quelques secondes, ils n’entendent plus les pleurs de ses frères dans la foi. Un grand fracas attire son attention. C’est la porte de sa maison qui vient de voler en éclats. Les miliciens y pénètrent et commencent à tirer dans tous les sens. Traoré Bakary, sous son lit, récite les sourates qui lui viennent à l’esprit. Les rafales de kalachnikovs se font entendre de plus belle. Cette fois, il entend les balles siffler plus près de son oreille. Mais ne bronche ni ne bouge. Les miliciens tirent sur le lit pendant plusieurs secondes. Puis décident de se retirer avec le sentiment du devoir accompli. «Poisson , on s’en va», aboie l’un d’entre eux.

Le muezzin entend leurs pas s’éloigner. Mais n’ose pas sortir. Doumbia Adama, plus courageux, quant à lui, décide de quitter sa cachette pour se réfugier sur l’un des arbres qui se trouve dans la cour de la mosquée. Il y reste toute la nuit. Traoré Bakary également. Aux environs de 6 heures du matin, les deux rescapés du massacre sortent de leur cachette. Traoré Bakary, le muezzin, a le temps de voir un groupe de jeunes se diriger dans la cour de la mosquée. Doumbia Adama qui est entre temps, descendu de son refuge, également. Ce sont les jeunes miliciens et autres adeptes du «parlement» du quartier. Ils commencent à piller la mosquée. Les affaires du muezzin, le matériel électronique du bureau, de la mosquée et les véhicules stationnés dans la cour subissent le courroux des assaillants. Même les animaux domestiques ne sont pas épargnés. Moutons, cabris et poulets sont pourchassés et emportés. Les corps de Loué Veh Corentin, Koffi Koko N’Guessan, Traoré Hamed et Azeem Oluwolé Alabi sont entassés dans la cour, puis brûlés. La foule devenue de plus en plus compacte, semble s’extasier devant le spectacle macabre qui s’offre à ses yeux. L’odeur de corps calciné se répand dans toute la cour du lieu de prières censé être la maison de Dieu. Le bureau, la maison du muezzin et la mosquée sont incendiés. Après leur forfait, les miliciens et les habitués du «parlement» du quartier se retirent. Heureux d’avoir éliminé des «rebelles» et d’avoir détruit leur repaire. Pendant deux jours, les corps calcinés sont abandonnés à la pluie et au soleil.

Le troisième jour, le lieutenant Moussa Traoré, officier de police à la retraite et les fidèles encore courageux, décident d’ensevelir les corps. Surtout que le corps du petit Azeem qui n’avait pas été bien entamé par le feu commençait à dégager une odeur fétide. Les corps des malheureux sont ensevelis au sein même de la mosquée où ils se trouvent encore. Aujourd’hui, même si la mosquée a été en partie rénovée, cette terrible nuit continue d’obséder les esprits dans la communauté musulmane de Yopougon Camp Militaire. L’émotion est encore grande. Malgré le temps, les fidèles de la mosquée n’ont pas encore ‘’digéré’’ cet horrible massacre. L’évocation de cette nuit funeste provoque des pleurs et des larmes. Dame Fati Alabi, mère du jeune Azeem, au cours de notre visite n’a pas pu aller jusqu’au bout de son témoignage. Son fils de 17 ans a été brutalement arraché cette nuit-là à son affection. «Je m’en remets à Dieu», se contente-t-elle de répéter lorsqu’on lui demande de revenir sur ce douloureux épisode. Quant au lieutenant Moussa Traoré, même s’il s’efforce d’expliquer les circonstances de la mort de son fils, l’on peut lire dans son regard, un homme meurtri, qui n’a pas encore véritablement fait le deuil d’un fils à qui il avait conseillé de ne pas se rendre cette nuit-là à la mosquée. En ce qui concerne les deux rescapés, leur témoignage édifiant montre combien de fois ils ont souffert et continuent de souffrir de la mort de leurs frères dans la foi. Ceux avec qui ils partageaient chaque soir un repas après la prière du soir.

JCC
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