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Art et Culture Publié le mercredi 13 mars 2013 | Le Patriote

Interview / Dorothée Méfo (Ecrivain) “Pourquoi je me bats contre l’illettrisme”

Son parcours est assez singulier. Des plateaux télé, elle a décidé de se reconvertir dans la littérature, après une escale dans la restauration. Auteur de livres, pour la plupart, prometteurs, Dorothée Méfo, Française d’origine camerounaise, se confie au Patriote. Avec simplicité et humilité, elle parle sans détours de ses oeuvres, et aussi de son combat contre l’illettrisme en Afrique, particulièrement au Nigeria. Entretien.

Le Patriote : Pourquoi avez-vous choisi de quitter les plateaux télé pour prendre la plume?

Dorothée Méfo : Vous savez, quoiqu'il arrive dans la vie, et quelques soient les choix qu'on décide ou qu'on est amené à faire, nous sommes tous prédestinés à un destin, qui, forcément un jour ou l'autre, nous amène sur notre voie véritable. Dans mon cas, j'étais sûrement vouée à devenir écrivain illustratrice et créatrice de projets artistiques par la suite. Ayant fait des études littéraires classiques, je me suis passionnée pour la grande Littérature Française et tous ces auteurs classiques, comme Molière, La Fontaine, Victor Hugo, Prévert, Lamartine et bien d'autres. Ayant passé quelques années à TF1,la première chaîne de télévision française, en tant que Hôtesse d'accueil bilingue, puis Assistante planning au Département Reportages, j'ai fait un autre choix, tout en conscience, de quitter les plateaux télé, pour m'installer dans la région du Loir et Cher, en France, où siègent les plus beaux châteaux de la Loire, afin d'évaluer d'autres possibilités de carrière et envisager un autre parcours professionnel, qui finalement ne me correspondait plus du tout. En 2003, j'ai monté ma propre société de restauration, qui, vous me direz, n'a rien à voir avec mon cursus, cependant, il s'agissait là de satisfaire plus un rêve de mon ex-conjoint, que de satisfaire mes propres désirs, mais j'ai réalisé très vite en 2006, que mes aspirations étaient ailleurs... J'ai revendu ma société 3 ans après, et c'est là, que tout a commencé pour moi. Je ne suis pas étonnée de ce que je suis devenue au fil des années, car toute jeune, j'avais déjà une aptitude à dessiner, et plus tard, vers l'âge de 17 ans, je me suis découvert des talents d'écriture, vu la longueur des pages de cahier que j'écrivais ! Mais, c'est en 2006 assurément, que je me suis consacrée entièrement à ma passion, passion que je ne considérais plus comme une simple activité ou un hobby, mais comme une véritable destinée. C'est dans cette même année que j'ai écrit mon tout premier ouvrage de poésie, «35 Minutes de Bonheur» aux éditions PERSEE, qui fût certainement pour moi, le commencement d'une grande aventure. Je n'ai jamais cessé d'écrire depuis et j'en ai fait un métier à temps plein.

L.P : Vos écrits s'adressent pour la plupart aux tout-petits, qu'est-ce qui explique ce choix littéraire?

D.M : Oui et non, je dirai, c'est là que vous vous trompez, je suis un auteur tout public, écrivain et poétesse, en tout cas, je me qualifie comme tel. « Petits contes en l’air », aux éditions Publibook, un magnifique recueil de fables illustrées, est un ouvrage pour les adultes justement, il a été élaboré pour les adultes. Les 17 contes en vers qui y figurent sont exceptionnels, d'après ce que mes lecteurs me rapportent ou la critique dans la presse. « Comptines de 7 à 77 ans» Et «L'Enfance en herbe ou pousse la chansonnette»,tous les 2 aux éditions Publibook, s'adressent aux familles et pas forcément aux tout-petits, ce n'était pas ce genre de public que j'ai ciblé au départ pour ces 2 livres, car si vous voulez écrire pour les tout-petits, comme vous l'entendez, vous n'écririez pas autant et en vers, comme je le fais dans la plupart de mes livres, pour la complexité du style que je m'impose. En fait, certains de mes livres ciblent des enfants, qui sont en âge de lire et ayant déjà une certaine compréhension des textes qu'on leur soumet, je dirai les 6/12 ans, entrent plus dans la tranche d'âge que je vise, selon les livres d'enfants. Et comme je vous l'ai laissé entendre, j'écris aussi pour les familles, pour ces enfants-là aussi, voire plus âgés, afin que les parents ou l'entourage puissent partager mes textes avec leur progéniture, c'est un vrai échange, un vrai partage, une complicité retrouvée. C'est aussi le but de ma mission, rassembler autour du livre. Mon tout dernier livre, qui justement est à la recherche d'un éditeur actuellement, et qui s'intitule «Si je ne me trompe» et également écrit en anglais sous le titre «If I am not mistaken», et là, c'est un scoop que je vous donne, car c'est mon petit dernier, ce livre-là a été écrit pour les adultes, mais aussi pour tous ceux qui sont scolarisés en second cycle, je dirai de la 6ème à la terminale et plus...

LP : Est-ce, parce que la Littérature pour adultes, qui est plus exigeante, vous effraie-t-elle?

D.M : En général, je ne fais pas de choix littéraires pour une cible de lecteurs précis, j'écris, je donne tout ce qui me passe à l'esprit et ensuite, je fais entrer dans telle ou telle catégorie de lecteurs correspondants, avec les conseils professionnels de mes éditeurs. C'est pourquoi, quand on me pose la question, je suis amenée à faire comprendre à mon interlocuteur, que je suis un écrivain libre sans contraintes de choix littéraire, qui me feraient me sentir mal à l'aise ou prisonnière dans la façon et la manière dont j'ai envie de m'exprimer. Il n'y a pas de littérature qui effraie, un écrivain ne doit pas avoir peur de ce qu'il exprime ou de ce qu'il a à dire à son lecteur, adulte ou enfant d'ailleurs. Comme je suis face parfois à un public éclectique, je suis toujours très confiante et attend le plus souvent impatiemment les critiques ou les éloges de mes lecteurs. Donc, je dirai que la façon dont on utilise les mots, et peu importe à qui on s'adresse, jeune public ou plus âgé, l'écrivain ne devrait pas craindre de s'exprimer, qu'il heurte ou qu'il séduise tel ou tel public. Je pense que c'est une question d'assurance de la part de l'écrivain, de prise de position, et non d'exigence à laquelle l'écrivain se voit confronté et qui lui est imposée d'ailleurs par une certaine catégorie de lecteurs. Soit le lecteur adhère ou pas, petit ou grand. Il n'y a pas de demi-mesure. Dans cette optique-là, je me sens tout à fait capable de traiter tous les sujets avec subtilité et finesse, sans avoir peur, au préalable de la réaction de mon lecteur, cependant, je procède toujours à une certaine "adaptation" d'expression, afin de ne pas trop m'éloigner de la tranche d'âge de ce dernier.

L.P : Selon vous, quelle est la différence notable entre écrire pour un public jeune et écrire pour un public adulte?

D.M : La différence est grande et l'exercice n'est pas le même. Je m'explique, écrire pour un public jeune, peut-être aussi complexe que d'écrire pour un public adulte. On pense qu'écrire pour les jeunes est plus simple mais c'est faux, cela demande beaucoup d'habilité dans l'art et la manière de s'exprimer. Le public jeune demande autant d'exigences au niveau de l'écriture. On doit toujours faire en sorte de s'adapter à la société dans lequel vit le jeune, ou employer certains termes d'actualité, afin que tout cela soit en harmonie et qu'il y ait ainsi, une bonne cohérence, compréhension et adaptation entre ce que dit l'auteur et comment sera perçu les propos. Les jeunes critiquent aisément et quelque part, on a pas trop le choix que de leur plaire, donc de les séduire, même sur des sujets plus sensibles. Avec les adultes, qui contrairement, n'ont pas la même hauteur d'esprit, si ils ont des idées préconçues et bien établies, on a assez de mal, nous, en tant qu'écrivains, à les rediriger vers de nouvelles idées, un nouvel état d'esprit, et puis, en fait, ce n'est pas le but. Chacun est libre de penser, de s'exprimer, de critiquer. Le public adulte vit dans un monde, une société dans laquelle, aujourd'hui, tout est plus ou moins, "déjà pensé", avec tous les préjugés que cela engendre, les médias et la diversité des influences, en sont sûrement responsables, donc, quand on traite de différents sujets avec les adultes, il est certes plus ouvert de s'exprimer sans qu'aucune barrière d'expression vienne vous freiner, car après tout, la Démocratie, c'est de pouvoir s'exprimer en toute liberté, et cette liberté nous est permise, en tant qu'écrivains, tout en sachant que le public adulte va se manifester dans tous les cas de figure, soient par des critiques sèches et dures, soient par des approbations. L'approche entre un public adultes et un public enfants, n'est pas la même, en tout cas, c'est comme cela que je la perçois.

L.P : D'où tirez-vous vos inspirations? Est-ce des histoires vécues par vous-même ou vos connaissances?

D.M : Le sujet est vaste, l'Inspiration... Sans inspiration, pas d'histoires. Ce n'est un secret pour personne, tout écrivain de ce nom, s'inspire forcément d'histoires vécues ou inventées. Je m'inspire des deux en ce qui me concerne, tout dépend de l'humeur, de la situation dans laquelle je me trouve et mes états d'âme. «35 Minutes de bonheur» est très autobiographique, « L'Enfance en herbe », aussi, beaucoup de souvenirs d'enfants qui sont les miens. « Petits contes en l’air » et « Si je ne me trompe » comportent beaucoup d'histoires vécues avec des connaissances, où j'utilise les animaux et ou les expressions françaises animalières des plus connues, pour ironiser sur le comportement humain. Il est vrai que le passé m'inspire plus que le présent, car étant donné, que j'ai appris beaucoup de mes expériences, il est plus aisé pour moi de m'en inspirer, que de me projeter sur une actualité du moment. Nostalgique ? Peut-être, en tous cas, très consciente du temps qui passe...

L.P : Avez-vous obtenu des prix?

D.M : Pour en obtenir, il faut faire ses preuves sur le long terme. Pour ma part, j'ai été publiée chez Hachette, une des maisons d'éditions les plus anciennes et des plus réputées de France. Et c'est pour moi, déjà le début d'une reconnaissance dans le métier.

L.P : Vos livres ne sont édités en Côte d'Ivoire, où la littérature de jeunesse a un public captif dans les écoles. Pourquoi ?

D.M : Il est exact que tous mes éditeurs sont des éditeurs français, et sur les 4 livres déjà édités, sans parler du 5ème en attente de publication, deux ouvrages sont réellement destinés aux enfants: «Comptines de 7 à 77 ans» et «L’enfance en herbe». Je n'ai pas eu la chance ou l'opportunité de rencontrer des éditeurs étrangers pour l'heure, mais je suis ouverte à cela bien-sûr. Pour mon dernier livre «Si je ne me trompe/ If I am not mistaken», ouvrage qui est bilingue, je recherche justement un éditeur qui serait intéressé à découvrir mon oeuvre. Pourquoi, ne serait-il pas ivoirien? S’il y a des intéressés, qu'ils me contactent par l'intermédiaire de votre journal. J'aimerai beaucoup qu'on me lise en Côte d'Ivoire, comme on me lit déjà au Nigeria, où j'ai mené une opération : “l'Opération Nigeria / Je sais lire et écrire”, dont une organisation du même nom, est sur le point de se monter dans ma ville et dont je serai la Présidente. Mon opération a pour but de mobiliser et de soutenir l'enseignement dans les établissements scolaires de l'Afrique et de proposer tous mes ouvrages aux responsables, qui sont en charge des programmes d'études scolaires dans les différents états du pays. D'ailleurs, je recherche ces personnes qui pourraient me diriger pour ce faire. Je serai ravie de faire partager mes ouvrages avec les jeunes de la Côte d'Ivoire, c'est pourquoi, n'hésitez pas à me contacter.

L.P : Quelles sont vos ambitions pour 2013?

D.M : J'ai de grandes ambitions et de beaux espoirs pour l'Organisation que je vais monter dans quelques mois, qui se nomme comme je vous l'ai dit: “Je sais lire et écrire / Beyong Reading and Writing”. L'idée est partie d'un voyage que j'ai fait au Lagos au Nigéria en mai dernier de l'année 2012. L'idée a tellement germé que j'en suis arrivée à réaliser d'autres ambitions d'un écrivain engagé que je suis aussi, pour défendre des causes qui me tiennent à coeur. Je suis allée au Lagos pour plusieurs raisons. La première, parce que j’avais dans l’esprit de soutenir et de me mobiliser pour une cause culturelle qui me préoccupe. Comme écrivain engagé, mais ne faisant pas de politique, il était important pour moi, d’apporter toute mon aide et mon soutien aux enfants du Nigeria, qui parfois, n’ont pas droit à l’éducation, sont défavorisés scolairement parlant et aussi, manquent d’encouragement pour apprendre ou même aller à l’école. Ces problèmes sont connus au Nigeria, c’est pourquoi le gouvernement de M. Jonathan Goodluck, a signé un accord important de plusieurs millions de dollars avec l’aide de l’UNESCO, pour favoriser l’Enseignement ou tous les projets liés à l’Enseignement. Je cautionne cette initiative à 100% et me suis engagée à aller dans le même sens. C’est pourquoi, en mai 2012, je me suis rendue à Lagos et visité plusieurs écoles environnantes, pour apporter ce soutien et par la même occasion, apporter 10kgs de matériel scolaire, que m’avait généreusement remis mes lecteurs français, lors de mes dédicaces de livres en février 2012. Ça a été pour moi, une vraie implication personnelle, qui m’a amenée tout simplement à côtoyer divers ONG à Lagos et à Port Harcourt, qui, sont impliquées en parallèle, dans l’aide sociale au sens large du terme, aux enfants démunis de tout. Je souhaite dans les années à venir, faire de même dans toute l'Afrique où les problèmes de scolarisation et d'illétrisme sont fréquents. De fil en aiguille, j’ai lancé en France, “l'Opération Nigeria / Je sais lire et écrire”, dans le but de monter une Fondation, dans le sens de ces initiatives. Cette association sera reliée avec le Lagos, les NGO, voir les Alliances françaises au Nigeria et les diverses structures d’Enseignement, déjà en place au Nigeria, les écoles, les Ministères comme le Ministère Fédéral de l’Education, et avec toutes les personnes clés, dont j’ai pu me lier professionnellement, quand j’étais à Lagos. Cependant, mon opération ne se limitera pas qu’au Nigeria, mon but, c’est qu’elle porte ses actions dans toute l’Afrique, en Côte d'Ivoire aussi bien sûr, et vous pensez bien, que tous les soutiens de ce pays, seront les bienvenus pour moi. Grâce à cette fondation, je vais pouvoir aussi, en relation avec mon métier d’écrivain, propulser mes livres à travers le pays, afin de répondre directement à des besoins et être reconnue comme étant d’utilité publique.

Réalisée par Y. Sangaré via internet
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