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Afrique Publié le vendredi 22 mars 2013 | L’Hebdo Ivoirien

Terrorisme : Dans le secret de Boko Haram

Souvent qualifié de « democrazy » (démocratie folle) en raison de l’agitation sociale et culturelle qui le caractérise, le Nigeria s’est fabriqué un monstre : Boko Haram. A ses débuts, il y a douze ans, celui-ci n’était encore qu’un mouvement religieux contestataire qui tentait de combler le vide créé par l’incurie des partis progressistes. Mais les gouvernements successifs ont fini par transformer cette secte en un enjeu géopolitique, principe actif d’un cycle attaques-représailles aussi spectaculaire que meurtrier. Férocement réprimée, la Jama’atu Ahlul Sunna Lidda’awati Wal Jihad (communauté des disciples pour la propagation de la guerre sainte et de l’Islam), est dorénavant connue par deux initiales : BH pour Boko Haram. « Le livre interdit », en arabe ou encore, le rejet d’un enseignement perverti par l’occidentalisation. Entre juillet 2009 et début février 2011, elle a revendiqué 164 attaques, attentats-suicides, exécutions et braquages perpétrés jusqu’au cœur de la capitale fédérale, Abuja; 935 personnes ont été tuées, dont une très large majorité de Nigérians de confession musulmane.
Boko Haram ou ‘’le Livre interdit’’
La notoriété de Boko Haram n’échappe ni aux membres d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) ni aux Shebab (combattants islamistes) de Somalie. Prise de court, la presse internationale se demande, au prix parfois de raccourcis, si le géant nigérian aux 160 millions d’habitants ne se dirige pas vers une partition entre le Nord musulman et le Sud chrétien. Dans l’Etat de Borno, où les yusufiyas de Boko Haram (du nom de son défunt chef spirituel, Ustaz Muhammad Yusuf), ont entamé leur dérive sanglante, les trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Yusuf commence à se faire connaître au début des années 2000. Il a alors 30 ans et prêche au village, dans son Etat natal de Yobe, voisin de celui de Borno. Il se démarque des dizaines de milliers de prédicateurs itinérants, prônant une attitude de réserve, qui haranguent les foules sur les marchés des grandes villes.
Exactions policières
Yusuf, qui a étudié la théologie à l’université de Médine, en Arabie saoudite. Pour lui, l’application stricte de la loi islamique exprime un idéal de justice conforme aux préceptes du Prophète. En 2003, la « cité céleste » de Yusuf, implantée à Kannamma, dans le Yobe profond, est attaquée par la police de l’Etat. Plusieurs fidèles sont tués. Le 22 décembre 2003, Boko Haram lance ses premières offensives contre les forces de sécurité, puis se replie sur Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno. En octobre 2004, des membres de Boko Haram attaquent un convoi de soixante policiers près de Kala Balge, à la frontière du Tchad. Pris en otage, douze agents y perdent la vie. A Abuja, le service de renseignement du Nigeria (State Security Service, SSS) commence à s’inquiéter. En avril 2007, le musulman Umaru Yar’Adua succède à Obasanjo à la tête du Nigeria. A Maiduguri, Boko Haram roule désormais pour le candidat de la majorité, Kashim Ibrahim Imam. Mais, à l’issue d’une campagne marquée par plusieurs assassinats politiques, Sheriff est réélu. Quatre ans après avoir utilisé la secte pour s’emparer du pouvoir, il lui déclare la guerre. En juin 2009, quinze fidèles sont assassinés par la police de l’Etat qui leur reprochait de ne pas porter de casque sur leurs motos. Les victimes suivaient l’enterrement d’un proche, abattu par ces mêmes forces de l’ordre. Yusuf annonce qu’il se vengera. Le 26 juillet, Boko Haram lance une vaste offensive dans quatre Etats du Nord, s’en prenant aux banques et aux commissariats. La police et l’armée fédérales répliquent : plus de 800 morts et sans doute, des centaines d’exécutions extrajudiciaires, dont celle de Yusuf lui-même. Les images de son élimination font le tour du monde et radicalisent la secte.
Abubakar Shekau, un chef sanguinaire
Un an plus tard, à Bauchi, Boko Haram s’attaque à une prison, libérant plus de 700 hommes, dont une centaine de ses fidèles. La secte rayonne désormais jusqu’aux braises couvant à Jos, au centre du pays: depuis le début de l’an 2000, la ville constitue l’épicentre de violents affrontements confessionnels sur fond de batailles politiques destinées à s’emparer des commandes de l’Etat du Plateau. Boko Haram n’a plus de commandement central, mais une shura (un conseil), comptant sans doute une dizaine d’hommes. Celle-ci repose sur deux principales cellules. Dirigé par l’adjoint de Yusuf, Abubakar Shekau, le « canal historique » concentre ses opérations sur des policiers, des dirigeants politiques et des imams qui « mentent et se cachent derrière le manteau de la religion » ; il se finance en attaquant des banques qui pratiquent l’usure, et vraisemblablement en monnayant des trêves. Quant à la cellule internationaliste, qui regroupe des cadres réfugiés à l’étranger après la répression de juillet 2009, elle serait dirigée par Mamman Nur, lié au djihadisme mondial. On lui doit le changement des modes opératoires et des cibles de la secte : l’attentat-suicide contre un bâtiment des Nations unies, le 23 août 2011 à Abuja, était une première dans l’histoire du Nigeria. Les hommes de Nur seraient également à l’origine des attentats visant des lieux de cultes chrétiens, dont celui du 25 décembre 2011 à Madalla, une banlieue d’Abuja. Le 20 janvier 2012, Boko Haram attaque Kano, capitale de l’Etat du même nom, dans le nord du pays. Huit assauts sont lancés contre des postes de police et des bureaux des services fédéraux de renseignements. Voitures piégées et tueurs déguisés en policiers font plus de 180 morts.
Réalisé par Guy Antoine Mohamed
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