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Afrique Publié le mardi 23 avril 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / MC Claver, Directeur général de Radio Jam Ouaga : ‘‘Moi, espion à la solde du gouvernement ivoirien ?’’

Installé à Ouagadougou depuis janvier 2005, après sa démission, un an auparavant de Fréquence 2 à Abidjan, l’ex-animateur, faiseur de Hip Hop, MC Claver œuvre pour Jésus Christ. Cette autre passion ne l’a pas éloigné de la communication, sa première passion. Etre aujourd’hui patron d’une radio est pour MC Claver un rêve atteint. Au moment où nous le rencontrions au siège de la radio, MC Claver prépare une émission sur le Hip Life, le Hip Hop ghanéen. Son bureau lui sert de salle de mixage et MC Claver nous fait écouter son travail qui, une fois terminé sera confié à la diffusion. Le rappeur n’a pas décroché. Même s’il dit n’avoir le temps de faire la radio comme il le faisait avant, MC Claver s’amuse à faire des sélections, capsules (Pad) pour ses auditeurs. Nul ne saura que le directeur général a été aux platines. Bishop, le ‘’mouvement’’ a laissé sur lui des faits et gestes propres au Hip Hop. Rencontre avec un passionné de radio… et de Hip Hop.

L’on vous connaît MC Claver, qui est devenu Bishop Claver Yaméogo derrière qui se cache le directeur général de la Radio Jam Ouaga. Comment vous appelle-t-on désormais ?

C’est selon la personne en face de moi. Ceux qui viennent à la radio dans le cadre du travail, diront Monsieur le directeur. Sur le plan spirituel, on verra l’homme de Dieu et on m’appellera soit Papa Claver soit Pasteur quand d’autres diront Bishop. Pour moi, le titre n’a pas une grande importance pourvu qu’ils respectent la fonction de directeur de radio et celle de président du ministère évangélique de puissance dont je suis le fondateur.

Après votre démission de Fréquence 2 à Abidjan en 2004, qu’est-ce vous a motivé à vous installer à Ouagadougou, alors que tout y est à refaire où presque pour vous ?

C’est le Seigneur qui m’a motivé. Parce qu’il aurait été difficile pour moi de quitter Abidjan pour ce que je faisais. C’est très controversé. D’un côté, j’obéissais à la voix du Seigneur parce qu’il a dit : «Retourne chez tes parents, dans ta famille et va leur dire comment moi, Jésus, je t’ai fait du bien ; comment j’ai eu pitié de toi». Quand je suis venu (à Ouagadougou), c’était avec beaucoup d’idées nouvelles et révolutionnaires qui ont bouleversé les habitudes et les tendances du monde évangélique. Je ne voudrais pas rentrer dans les détails. A la RTI, j’étais arrivé à un point où je stagnais. Je ne voulais pas me retrouver à 65 ans à la radio à faire du Hip Hop. Si j’avais un profil de carrière qui se dessinait, peut-être cela aurait changé la donne. D’autres venus avant nous faisaient la télé, certains étaient nommés quand nous, malgré tout ce qu’on faisait pour être accepté au niveau de la télé, étions bloqués. Quand j’ai voulu avoir une émission télé, j’ai été rabroué. C’était une de mes plus grosses déceptions de n’avoir pu faire à la télévision ce que je faisais à la radio pour contribuer au développement du mouvement Hip Hop. Je pensais qu’un jour, avec l’avènement des télévisions privées, j’aurais pu le faire. Mais, tout ce temps, Dieu avait une mission pour moi. Il a voulu que les choses soient ainsi pour pouvoir mieux me diriger sur le chemin qu’il avait tracé.

Il y a eu des émissions Hip Hop pour valoriser le mouvement, était-ce la personne de MC Claver qui posait problème ?

Oui. Quand je suis venu à la RTI, je ne voulais pas qu’on sache véritablement qui j’étais. C’est-à-dire le fils du Président Maurice Yaméogo (ex-chef d’Etat du Burkina Faso). A l’époque, le Président Houphouët (Ndlr ; Félix Houphouët-Boingy) était au pouvoir. Fologo, un ami à mon père, était le ministre de l’Information et Danielle Boni Claverie, directrice de la RTI. Je voulais rentrer à la RTI non pas par piston, mais selon mes capacités. Malgré le fait que je ne me dévoile pas, cela s’est su. Je ne m’en suis pas caché. Je suis Burkinabè. La jeunesse a continué à m’aimer et n’a pas trouvé en cela un problème. Mais, les patrons (Ndlr ; de la RTI) y ont trouvé un problème. J’avais tous mes documents ivoiriens mais le seul fait que je porte le nom Yaméogo – je ne dirai pas de noms – dérangeait certaines personnes. Cela a été un frein à ce que j’accède à la télévision.

A Ouagadougou, vous devenez directeur général de la Radio Jam. Comment va naître cette radio ?

Depuis 92, j’ai commencé à établir les premiers documents pour une radio privée. Quand je suis venu à Ouaga, une première radio du nom de Pulsar s’est créée avec des partenaires. Avec les associés de ladite radio, j’ai eu des problèmes. Après, l’Etat burkinabè qui a vu que j’avais été lésé par mes partenaires m’a donné, sans condition, une fréquence. C’est ainsi qu’est née Radio Ouaga. Mais, je suis toujours un partenaire de la radio Pulsar. De la même manière que je voulais créer cette radio ici (Ouaga), je voulais développer, à ma manière, le mouvement Hip Hop en Côte d’Ivoire. Je n’avais personne pour me donner les moyens de le faire. A un moment, il a bien fallu que je fasse le choix !

La radio se positionne-t-elle comme vous le souhaitez ?

La radio Jam Ouaga se positionne parmi les meilleurs. Les derniers sondages (l’interview a eu lieu début mMars) classent la radio en première position. Il y a quelques mois, nous étions deuxième. Sur le plan musical, il n’y a rien à dire ! Nous sommes la première radio écoutée. Là où nous avons quelques faiblesses, c’est dans l’information parce que nous ne faisons pas de politique. Dans ce domaine, beaucoup de radios nous devancent. Dans l’ensemble, nous sommes parmi les trois radios les plus écoutées.
La force de la radio c’est sa diversité musicale. Je suis une des radios les plus fournies en musique et dans tous les genres. Tous les six mois, je donne aux auditeurs des nouveautés que je reçois six à un an avant les autres. Je reste à l’écoute de tout ce qui se passe à Abidjan.

François Konian qui est le fondateur en Côte d’Ivoire de radio Jam a-t-il des actions à radio Jam Ouaga ?

Non. C’est juste le nom que porte la radio à Ouaga. Je suis indépendant, je dirige ma radio (Jam Ouaga) comme je l’entends. Je fais ce qui me passe par la tête. De temps en temps, il m’envoie des singles, des gadgets pour récompenser les meilleurs auditeurs.

Pourquoi avoir baptisé votre radio du nom de Jam ?

Je me suis toujours dit que lorsque j’aurai une radio, elle sera dans le même style que la radio Jam. A l’époque, quand Jam a commencé à émettre à Abidjan, c’était fort. J’en ai parlé à mon père spirituel, le Bishop Kodja Guy Vincent qui m’a permis de voir François Konian. Le Bishop m’a dit qu’il (François Konian) pourrait être mon parrain car je voulais lancer un mouvement. C’est-à-dire avoir des relais Jam un peu partout dans d’autres pays. Mon rêve était qu’en le faisant quelqu’un au Mali, au Sénégal, au Niger puisse avoir la même vision de sorte à former une chaîne de radio en Afrique qui a un style. Ainsi on pourrait avoir Jam Niger, Jam Cotonou, Jam Lomé, etc. En le faisant, je voulais encourager certains promoteurs africains à suivre mon exemple. C’est sans oublier un clin d’œil à François Konian, un Grand du show-biz.

MC Claver, fils de président, a-t-il une fois voulu comme Herman le grand frère occuper la scène politique une fois rentré au pays ?

Au départ, les gens ont pensé que je venais pour y faire de la politique et que j’étais un espion à la solde du gouvernement ivoirien. Je suis venu à Ouagadougou pour faire de la radio et servir mon Dieu. Quelques années après, ils ont compris. Mais, tous, nous sommes des politiciens d’une manière où d’une autre. Etant homme de Dieu, la religion joue un rôle important dans la politique parce que les fidèles qui viennent à nous ont besoin d’être aidés. Cependant, il ne faut pas prendre parti. Chacun doit se sentir responsable parce que voter est primordial. Pour avoir le changement, il faut pouvoir aller aux urnes. Maintenant, il faut faire attention à la façon de diriger les gens. Quand on est un homme de Dieu ou un homme de media, tout le monde vous écoute. Parfois, en prenant position, vous pouvez vous mettre les gens à dos. Dieu n’aime pas la violence. Il faut véhiculer sa parole et laisser chacun faire le choix politique voulu.

Avec vous et vos amis Almighty et Stezo (…) la scène Hip Hop à l’époque a connu une animation particulière avec des querelles de clan. Ce marketing mal compris n’a-t-il pas contribué à tuer le mouvement en Côte d’Ivoire ?

Cette incompréhensions a des répercutions assez négatives sur le Hip Hop. Je pense que nous n’étions pas assez mâtures. Parce qu’à l’époque, tous les problèmes que j’ai eus, c’était peut-être que des personnes ne voulaient pas de moi comme chef de fil du mouvement Hip Hop. Donc, j’ai été combattu et j’en suis parti. Mais, ce qu’on n’a pas encore retrouvé, c’est quelqu’un qui a la même vision que moi. Ce n’est pas qu’il n’y a pas en Côte d’Ivoire d’animateurs de radio ou de producteurs qui valorisent le Hip Hop ! Un passionné comme je l’étais, cela ne s’est pas trouvé. Voilà ce qui a fait la différence. Toute ma vie, j’ai investi mes ressources financières pour le développement du Hip Hop. Cet engagement ne se fait plus à 100%. C’est pourquoi, il n’y a jusque là pas eu quelqu’un pour fédérer les jeunes comme j’avais pu le faire à l’époque. Sur le plan de l’animation, il y a beaucoup de talents. Il y a même eu beaucoup de volontés et des groupes ont émergé. En l’occurrence Mon Ton Son, Garba 50, Billy Billy, Nash. Malheureusement, on n’a pas encore eu ce Claver numéro deux. Si j’avais eu les moyens d’aller loin avec le mouvement Hip Hop, comme je l’avais voulu, ce que vous voyez ici (Jam Ouaga), aurait été à Abidjan et grand. C’est-à-dire qu’on aurait eu notre radio Hip Hop, une télé satellitaire Hip Hop, un studio d’enregistrement, une maison de distribution, un magazine Hip Hop, etc. Malheureusement, comme on le dit, Dieu donne la viande à ceux qui n’ont pas de dents (il rit).

Comment expliquez-vous que la Côte d’Ivoire qui a inspiré la sous- région avec son Hip Hop n’a pu maintenir le flambeau comme vous l’auriez rêvé ?

Je ne veux pas retourner le couteau dans la plaie. Les choses ont évolué. Nous avons pris de l’âge et regardons les choses avec du recul. C’est dommage ! Le Hip Hop est une culture et continue de vivre aujourd’hui. Au-delà des frontières, les jeunes continuent d’aller de l’avant. On ne sait jamais, peut-être que bientôt la libéralisation de l’espace audiovisuelle se fera ! Vous verrez peut-être des émissions Hip Hop venant du Burkina. Vous voyez (il montre sa collection de CD qui meuble son bureau), je continue de recevoir des CD, des DVD, des clips. Je reste toujours branché et ce n’est pas tout (il sort un sac remplis de CD, DVD). Nous avons de la matière pour développer le mouvement, malheureusement, les moyens font défaut et la télé coûte chère.

MC Claver est parti de la Côte d’Ivoire incompris, est-ce que les choses ont été pareilles au Burkina Faso ?

Pareille. Quand je suis venu, il s’est dit que je venais avec un esprit d’Ivoirien. En Côte d’Ivoire, j’étais le Burkinabè. C’est la même chose. Les jeunes ici pensent que je suis venu pour leur prendre le mouvement. Au début, j’allais vers eux pour tendre la main et développer des festivals.

Avez-vous réellement réussi à vous intégrer ?

Non. Nous avons essayé de faire des ‘’Sound system’’. Il n’y a véritablement pas eu une adhésion ni un engouement. Ceux qui étaient les leaders du Hip Hop n’ont véritablement pas apporté leur soutien. J’ai laissé tomber ! Les gens préfèrent écouter le Hip Hop à la radio. Je n’ai plus la même force qu’il y a 20 ans pour persévérer dans ce domaine. Je vous le dis, véritablement ce domaine n’amène pas au ciel. Ce qui amène au ciel, c’est Jésus Christ. Je préfère mettre toute mes forces vers l’église. Je me sers de la radio pour donner du bon son. Maintenant qu’il y a beaucoup d’auditeurs, j’en profite pour évangéliser, parler de Jésus. C’est le verre que je mets à l’hameçon pour attraper le poisson. C’est plus une stratégie de communication par rapport à l’évangile que toute autre chose. Je n’ai plus le temps comme en 90 de me battre. Je laisse les jeunes le faire.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le mouvement Hip Hop?

Aujourd’hui, le mouvement Hip Hop a chuté ici (Ndlr ; Burkina Faso). Au Burkina, on n’est pas prolifique en musique comme en Côte d’Ivoire où tous les mois il y a de nouvelles sonorités. Ici, dans l’année, il n’y a pas plus de six sorties dans l’année tout genre confondu. Avant la fin de l’année, vous ne trouverez pas plus de dix artistes qui vont sortir une nouveauté. On écoutera des albums d’il y a deux voire trois ans.

Que faut-il, selon vous, pour redynamiser le secteur ?

Il faut de l’argent. Mais, la vente de cassettes ne rapporte pas ici car il n’y a pas un marché comme en Côte d’Ivoire même si ce marché n’est pas comparable au marché américain ou européen. Cependant, dans la sous- région, le marché ivoirien existe. Ici, pour le moment, les producteurs ont du mal, quand ils investissent, à reprendre leur dû. La piraterie étant par ailleurs développée, cela décourage les producteurs.
Réalisée à Ouagadougou par Koné Saydoo
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