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Société Publié le samedi 4 mai 2013 | Le Nouveau Réveil

Commandant Abdoulaye Diarrassouba (directeur du Parc national de Taï) : «Le Parc de Taï n’a jamais été habité par les rebelles»

Commandant, veuillez-vous présenter à nos lecteurs.

Je suis le commandant Abdoulaye Diarrassouba, directeur de zone sud-ouest de l’Office ivoirien des parcs et réserves, en charge de la gestion du parc national de Taï.

Pouvez-nous nous présenter le parc national de Taï ?
Le Parc national de Taï a une superficie de 5460 km2. C’est le plus grand parc sous statut de protection en Afrique de l’ouest. Il représente plus de 50% de la couverture forestière de la Côte d’Ivoire. Il regorge d’une multitude d’espèces endémiques notamment les hippopotames pygmées. Et cette espèce endémique ne se trouve que dans les 4 pays de l’Union du fleuve Mano. Et la plus grande population se trouve dans le parc national de Taï. Il y a des espèces de bovité, des cépholophes de zintinc, des cépholophes sébrés. Je pourrais citer l’espèce phare aujourd’hui pour nous qui est valorisée sur le plan touristique, les chimpanzés qui sont réputés être les plus intelligents du monde. On ne saurait oublier nos éléphants. Le Parc national de Taï regorge beaucoup d’éléphants. C’est la seule zone de la Côte d’Ivoire où on peut trouver de grandes populations d’éléphants. Il y a 12 espèces de singes au total qui font aussi la fierté du parc avec beaucoup d’espèces endémiques. Nous avons plus de 1800 espèces végétales qui ont été découvertes dans le Parc de Taï. Il faut dire qu’à ce niveau, beaucoup reste à faire. C’est un laboratoire de recherche scientifique. Nous avons un site de recherche qui est situé à dix kilomètres à l’intérieur du parc. Là, il y a l’habituation (Suivi) des chimpanzés et des groupes de chimpanzés depuis plus de 30 ans. Il y a aussi d’autres primates. La recherche scientifique commence à s’intéresser énormément à l’hippopotame pygmée. Au moment où nous parlons, il y a un tournage de film sur l’hippopotame pygmée.

Quel rôle joue le parc dans la régulation du climat et la pluviométrie dans la région ?
Vu cette richesse, le parc joue un rôle très important dans la régulation du climat de la région ainsi qu’au plan écologique. Il a été inscrit sur la liste de la réserve de biosphère en 1978. Cela fait longtemps que la communauté internationale a vu l’importance. En 1982, il a été inscrit sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’Unesco. Quand on parle de réserve de biosphère, c’est-à-dire l’homme et la nature, on ne saurait gérer le parc national de Taï par seulement les agents des eaux et forêts. On emmène toute la population vivant autour du parc à être impliquée dans sa gestion. C’est ce que nous faisons et c’est ce que vous avez remarqué lorsque nous sommes arrivés. Nous avons laissé la latitude aux populations riveraines de continuer leurs activités pour qu’elles vous montrent ce quelles font concrètement avec nous.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de vos fonctions ?
Il y a beaucoup de difficultés dont principalement les voies d’accès au parc. Les routes sont difficiles à pratiquer. Ce qui fait que même les nouveaux véhicules qui ont moins de six mois, quand vous les voyez, vous ne pouvez pas vous imaginez que ce sont des véhicules qui viennent d’être achetés. L’autre difficulté, c’est l’effectif des agents de surveillance. Quoi qu’on dise, n’eût été la surveillance, le parc ne serait pas conservé. Nous sommes à plus de 99% du parc qui est bien conservé. C’est-à-dire que l’intégrité du parc est conservée. Il faut mettre cela au compte de l’efficacité de gestion, et d’appui des populations qui ont bien voulu accepter l’existence de ce parc. Le nombre d’agents est limité. Nous avons une quarantaine d’agents valides qui s’occupent de la surveillance du parc national de Taï. Avec deux sites sensibles, or il faut une présence permanente pour nécessité de tourisme. Avec les coups de feu de braconniers à côté, je ne pense pas que cela soit bon. Donc, il faut également une surveillance permanente de recherches. Ce sont des animaux qui sont habitués aux hommes présents depuis trente ans. Lorsque le braconnier rentre en forêt, il va dans les zones où il est plus facile d’avoir de la protéine. Donc, il ne s’emmerde pas. Il va dans les zones où il fournit moins d’effort pour avoir le maximum de gibiers. Là aussi, il faut la il présence permanente. Quand déjà on immobilise une dizaine de personnes par site. Il reste une vingtaine d’éléments valides qui doivent s’occuper du reste du Parc national de Taï, lutter contre les infiltrations paysannes, contre l’extraction artisanale d’or, ce qu’on appelle communément chez nous l’orpaillage. Là, y en a aussi. Donc vous voyez que les agents sont utilisés à plein temps. Il est prévu pour certains 15 jours de présence en forêt, pour d’autres 10 jours. Mais on se retrouve parfois avec 22 jours de présence en forêt. Le concerné a combien se jours pour se reposer. Si nous devons rentrer en forêt, on prend nos bagages sur le dos. Et si on doit aussi sortir à Soubré, c’est 8 à 9 jours de marche. Et c’est comme cela. Nous venons avec un véhicule qu’on stationne au campement pour faire le reste à pied. Un élément qui fait 5 ans d’activités physiques, il est esquinté. Il faut penser à son remplacement pour la motivation des agents. Ce sont les principales difficultés,

De quels moyens disposez-vous pour la surveillance du parc ?
Nous avons quand même des moyens. L’Etat de Côte d’Ivoire, déjà en plus de nos salaires, nous attribue des primes de patrouille ; les agents ont des primes d’alimentation. C’est-à-dire lorsqu’ils vont en forêt, ils ont des repas froids. Parce qu’ils quittent leur domicile, ils rentrent en forêt pour 10 à 15 jours. Donc il faut leur donner les moyens nécessaires pour être en forme. Pendant la crise, tous nos véhicules ont été emportés. Mon véhicule de commandement était utilisé pour déposer les agents lors des patrouilles. Maintenant, grâce au financement de la Coopération allemande, la Kfw notamment, nous avons pu acheter des véhicules. Et nous avons des moyens de fonctionnement acquis sur les fonds de la Kfw. Nous sommes en train d’acquérir progressivement les équipements. Par rapport aux autres parcs, celui de Taï est le mieux logé des parcs et réserves de Côte d’Ivoire.

Pour revenir aux questions sécuritaires, nous avons lu dans la presse que les rebelles libériens entraient dans la réserve de Taï, commettaient des exactions et retournaient chez eux. Vous qui êtes dans cette forêt, qui y vivez et y travaillez, quelle est la vérité ?
Quand nous apprenons ces genres d’informations dans la presse, cela nous fait sourire. Le Parc de Taï n’a jamais été habité par les rebelles. Depuis la crise de 2002 jusqu’à aujourd’hui, aucun rebelle n’a séjourné dans le Parc national de Taï. Quand on est célèbre, il faut s’attendre aussi à ce genre d’informations. Le parc est vaste. Il part de San Pedro jusqu’à Guiglo. 6360 km2, c’est en quelque sorte un petit Etat. Et il faut préciser qu’il y a la forêt de Taï et le Parc national de Taï. Les forêts de Taï en général, c’est la forêt du Cavally, c’est la forêt de Gouindébé. Cette aire jouxte le Libéria et il y a des habitations dedans. Le parc a l’avantage, avec ses 5360 Km2, de ne pas avoir une seule cabane là dedans. Donc nous mêmes qui rentrons, si nous ne le faisons pas avec les Gps et des boussoles, à plus forte raison, quelqu’un qui ne connaît pas la zone qui rentre. Quand vous êtes fatigués, tout se ressemble. Pendant la crise, même au moment où on attaquait les forces Onusiennes, nos hommes étaient dans le parc. Donc il n’y a jamais cela, je le dis à tout le monde depuis que la crise a commencé quand j’étais en exercice ici. Il n’y a jamais eu de rebelles dans le Parc de Taï. Il n’y a jamais eu d’exploitation forestière. Nous avons toujours continué de travailler. Et s’il y avait des rebelles, nous allions nous dégager et les exploitants aiment bien ce genre de choses. Mais il n’y a jamais eu d’exploitation forestière. Donc je voudrais vous rassurer qu’il n’y a jamais eu de rebelles à l’intérieur du Parc national de Taï.

Comment gérez-vous les situations liées au braconnage dans le parc national de Taï ?
Il y a toujours eu du braconnage. Il y a du braconnage dans tous les parcs du monde. Mais le Parc de Taï reste encore une zone giboyeuse du sud ouest de la Côte d’Ivoire. Il y une équipe qui est formée. Ce sont les commandos forestiers. Le coordonnateur est le capitaine forestier Benoit Amon, il est avec moi ici. Il se charge de la sécurisation, de la surveillance du parc de Taï. Il se fait appuyer par des agents secteur. Il y a deux sous groupes de la brigade. Il y a un groupe à Zagné, dans la zone ouest, qui s’occupe du ratissage de toute la zone centre ouest et un autre groupe à l’Ouest basé à Soubré qui s’occupe de la bande Est. Ils ont 3 à 4 mois de formation après la formation commune de base, 3 mois de formation commando réalisée par des experts de la gendarmerie nationale et un expert belge. Grâce à leur puissance de travail, nous arrivons quand même à patrouiller sur toute la surface du parc et aller prendre les délinquants là où ils se trouvent. Toutes ces activités sont réalisées sur la base d’une stratégie bien définie, validée avec nos partenaires. Ce sont des informations de police. Tout ne se dit pas. Ils vont faire des patrouilles mais comment ils vont procéder, cela est laissé à l’appréciation du chef qui peut décider d’envoyer une équipe dans tel ou tel endroit. Avec le Gps, une carte, ils vont en forêt.

Combien de braconniers avez-vous appréhendés à ce jour ?
L’année dernière, nous avons effectué 130 arrestations.

Lorsque vous les appréhendez, que faites-vous ? Quelle est la procédure en la matière ?
Nous les présentons à la justice, pour qu’ils puissent répondre de leurs actes. Les animaux les plus prisés par les braconniers sont les céphalophes, les singes.

Interview réalisée par SERGE AMANY
Envoyé spécial
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