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Société Publié le jeudi 27 juin 2013 | Nord-Sud

Débat sur la nationalité : Martial Ahipeaud répond à Cissé Ibrahim Bacongo

© Nord-Sud Par DR
Violence en milieu universitaire : le Ministre Cissé Bacongo reçoit les recommandations de l`atelier sur la mise en place de l`observatoire de la charte universitaire ivoirienne de la non-violence
Lundi 3 juin 2013. Abidjan. Plateau. Le Ministre Cissé Bacongo a reçu les recommandations de l`atelier sur la mise en place de l`observatoire de la charte universitaire ivoirienne de la non-violence. Ph: Cissé Bacongo, ministre de l`enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Dans une contribution que nous publions mardi dernier, Cissé Ibrahim Bacongo, en tant que secrétaire national aux affaires juridiques et institutionnelles du Rdr, exprimait ses inquiétudes, face à une certaine résurgence de la pensée ‘’ivoiritaire’’, et proposait entre autres que le nouveau code de la nationalité prenne en compte la réparation de l’injustice recommandée par l’accord politique de Linas-Marcoussis. Deux jours après, Martial Ahipeaud, premier secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire (Fesci) et président, depuis 2006, de l’ Union pour le Développement et les Libertés (Udl), un parti politique, prend le contrepied de cette position. Nous vous proposons de larges extraits de la réflexion développée par ce consultant en relations et intermédiations internationales . ai lu avec intérêt la contribution du camarade secrétaire national aux affaires juridiques et institutionnelles du RDR, Dr Cissé Ibrahim Bacongo, sur la crise de la nationalité et ses propositions de thérapie. Il est heureux qu’enfin, au plus haut niveau de la république, le débat soit engagé. Il est, pour notre pays, crucial que celui-ci se fasse sur des bases objectives et non avec des soubassements idéologiques. En cela, l’analyse du Secrétaire national, parce que c’est la référence choisie par le frère, est politique et idéologique. C’est ce qui explique le choix de la méthodologie qui reste strictement juridique. En limitant son analyse au champ du droit, le camarade choisit ici de légitimer une vision politique en ignorant les autres dimensions de la question, notamment anthropologique, politique et sociologique. Mais nous ne devons pas quitter son domaine pour ne pas lui donner un argument qui n’en serait pas justifié. Alors notre analyse s’appuiera aussi sur le droit avant d’en revenir aux autres aspects.

1- L’Etat, fondement juridique de la Nationalité au plan juridique

Les sources du Droit sont d’une part les Lois et Coutumes mais aussi et surtout la Praxis. Ainsi, tout étudiant en Droit apprend l’importance de l’analyse des Lois, Coutumes et autres textes écrits. Mais la valeur d’un juriste ne saurait se limiter à la connaissance stricte des lois et écrits issus du législateur. La jurisprudence est une source énorme du droit que nos amis juristes ne doivent pas ignorer. Ici, la jurisprudence est l’ensemble des décisions prises par les juges dans leurs interprétations variées des lois.

Ainsi, nous pouvons citer la Praxis des Etats et des personnes comme pouvant être aussi une source d’analyse. Par rapport à la soi-disant crise de la nationalité, il est important de revenir sur la pratique de l’Etat Français dont il est question. Dans le cas d’espèce, le changement de la constitution en 1946, sous la pression des communistes, n’a pas mis fin à la classification ethnique des populations des colonies. Cette classification aussi tenait compte de leur origine "territoriale" et « ethnique ». Par exemple, les recensements des populations dans les colonies intégraient les origines anthropologiques et territoriales. Les ressortissants étrangers étaient aussi classés selon leurs nations d’origine comme les Syriens, les Libanais, les Alaouites, etc. Ainsi, comme on s’en rend compte, la définition de la nationalité n’excluait pas le référencement anthropologique et territorial, voire national. Même après 1946, les autorités métropolitaines ont toujours fait la différence entre les citoyens français de France et les citoyens/sujets (avant 1946) des territoires d’Outre-mer. La preuve reste que ces populations n’avaient pas la même représentation dans le parlement français, même s’ils avaient "juridiquement" les mêmes droits. C’est pour cela que leurs représentants étaient toujours en nombre inférieur que les représentants des régions de l’Hexagone.  C’est justement pour éviter que « les citoyens » d’Outre-mer, sous la tactique rude d’Houphouët-Boigny, ne deviennent majoritaires dans le Parlement Métropolitain que la France a été forcée de donner la personnalité juridique aux territoires coloniaux puisque la « France ne devrait pas devenir la Colonie de ses colonies » pour les députés de droite qui dénonçaient ainsi le machiavélisme du leader du RDA. Car en demandant aux colonies de choisir l’ensemble Franco-africain, Houphouët-Boigny savait très bien qu’à terme, les élites françaises n’accepteraient pas une représentation égale entre les territoires d’Outre-mer et les Régions de France Métropolitaine. En réalité, la tactique gaulliste qui cherchait des arguments pour justifier la destruction des infrastructures dans les colonies, comme ce fut le cas lorsque Sékou Touré et la Guinée votèrent «Non» au référendum, était ainsi battue en brèche par Houphouët-Boigny. Cette pratique dure à ce jour et personne ne peut le nier.

Au-delà de la question des tactiques, le référendum de septembre 1958 a fondé une double rupture juridique. Il a donné une existence juridique, la souveraineté, aux territoires tout en conduisant les habitants et les populations originaires de ceux-ci à se prononcer sur la question de leur nationalité. En effet, les territoires ont accepté ou refusé l’ensemble Franco-africain. La Guinée, en refusant, a eu son indépendance dans l’immédiat. Dès lors, tous les Guinéens, vivant dans leur pays ou à l’étranger, dans les autres territoires coloniaux tout comme en France, ont choisi de devenir Guinéens et non Français. Qui plus est, les Guinéens, en votant massivement, surtout pour ceux de la diaspora qui, au travers des étudiants surtout de la FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Francophone) et de leur branche guinéenne, ont été le fer de lance de la campagne du NON, ont choisi de devenir Guinéens. Ceux de Côte-d’Ivoire. Comme ceux de France. Par conséquent, les Guinéens de Côte d’Ivoire, après le 28 Septembre 1958, ne sont plus citoyens français, mais bien citoyens guinéens. Pourquoi deviendraient-ils ivoiriens entre 1960 et 1972?

Car avec l’indépendance de la Guinée et par la suite des autres territoires, chaque ressortissant de ces colonies devenait de fait citoyen de son état d’origine et non plus citoyen français, encore moins citoyen du territoire dans lequel il habitait. C’est pour cela que les populations originaires du territoire Côte d’Ivoire, après les indépendances, sont ivoiriennes immédiatement tout comme celles originaires des autres territoires prennent automatiquement la nationalité de leur territoire d’origine. Le concept de citoyens d’origine ici signifie les populations présentes sur le territoire lorsque celui-ci fut créé par décret par le colonisateur. C’est ce qui explique que les Ivoiriens qui vivraient ailleurs ne seraient pas des nationaux des autres pays mais bien de la Côte d’Ivoire dans ces pays. C’est là une conséquence majeure de l’accession à la personnalité juridique d’un pays. Séparés de la France, nous ne sommes plus Français depuis l’accession de notre pays à la souveraineté. C’est cette vérité juridique qui s’applique pour la France et pour l’ensemble des Etats du monde. Pourquoi cela ne serait pas le cas en Côte d’Ivoire ? Si tant il est vrai que M. Cissé Bacongo a raison, les populations résidant en Côte d’Ivoire, ou dans toutes les colonies françaises, avant 1960, doivent s’adresser à la France pour devenir Français. Tout comme les colons français devraient être des nationaux de ces colonies. Et les populations des autres territoires aussi pour les colonies dans lesquelles ils habitaient. Et tout cela n’est pas vrai, ni possible. Et cela, toute la planète juridique l’admet. D’où vient donc que la définition juridique de la nationalité donne droit à la nationalité à un individu en dehors des lois qui régissent les Etats, justement à partir de la reconnaissance juridique du territoire comme Etat à part entière par la communauté internationale ?

2- La Loi régit la nationalité mais la politique fonde la nation

Au total, sur le plan strict du droit, ce sont les Etats qui donnent leur nationalité aux citoyens et non les citoyens qui vivent sur les territoires qui s’octroient la nationalité d’un pays, tout simplement parce qu’ils y habitent ou quoi que ce soit. C’est la Loi qui définit le cadre des conditions d’acquisition de la nationalité au travers de leur code de nationalité. Et c’est justement là que la confusion vient et que le doyen du PDCI, selon notre ami, n’aurait pas pu répondre à son interpellation. Nous laisserons le soin aux historiens de l’assise de Marcoussis de vérifier son assertion en relisant les scripts. Ici, nous allons y apporter une réponse claire et simple sur la base de l’histoire des Etats post-coloniaux en nous appuyant sur le cas de la monnaie à titre indicatif.

En effet, l’accession à l’indépendance a imposé un changement des régimes juridiques dans tous les secteurs. La Côte d’Ivoire a ainsi conçu des codes d’investissements qui donnaient la possibilité au capital métropolitain de pouvoir rapatrier leurs bénéfices. La législation sur la monnaie prit assez de temps en raison des négociations diverses. C’est comme cela que la période de transition dura jusqu’à la nomination de Fadiga Abdoulaye, premier gouverneur noir de la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), en 1973. Fadiga était le président du MIL (Mouvement Ivoirien de Libération), parti clandestin anti-Houphouëtiste et anticolonialiste, qui fut réprimé entre 1963 et 1966 par le Président Houphouët-Boigny, dans le cadre des « complots » de cette période. (Voir ma thèse de PhD, SOAS, Université de Londres)

Tout comme pour la monnaie, les codes de nationalités et autres arsenaux juridiques ont été vite pris mais aussi souvent révisés. C’est le 14/12/61 que la loi sur la nationalité est votée mais elle sera changée le 21/12/72. Deux raisons expliquent ce changement. D’abord, le principe de la réciprocité qui impose à la Côte d’Ivoire d’adopter un régime juridique qui soit aussi existant dans les autres pays, notamment ceux de la sous-région. Or, dans la plupart des pays africains, c’est le droit de sang qui codifie l’accès à la nationalité. Et cela est connu de tous. Ensuite, le contexte politique mouvant du pays a conduit une montée, après celle de 1958, de ressentiments politiques. En lieu et place de les diriger sur le régime alors tout puissant du Président Houphouët-Boigny, les populations vont exiger de lui un changement de sa politique sur la nationalité, au travers des institutions du parti unique instrumentalisé par un Houphouëtisme rayonnant. La crise dans le Guébié en 1970, la répression des enseignants en 1971, tout comme la répression des élites politiques clandestines ou internes au PDCI en 1963-66, étaient encore vivaces dans les esprits. La tactique d’exutoire du Président Houphouët-Boigny va lui permettre de faire évacuer les charges émotionnelles des populations au travers de ce code modifié qui prouve que le « Capitaine reste toujours dans le peuple », voire, même que le capitaine est toujours à l’écoute de son peuple.
Cela s’appelle la tactique.
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